Entretien avec Yuliya Yurchenko conduit par Ashley Smith
Ashley Smith: Jusqu’à présent, nous avons surtout parlé du rôle de l’impérialisme russe en Ukraine. Qu’en est-il de l’impérialisme occidental, en particulier de ses politiques économiques?
Yuliya Yurchenko: Nous avons enduré le régime dictatorial des Etats occidentaux et de leurs institutions financières internationales (IFI). Ils ont appliqué les prescriptions énoncées par Francis Fukuyama au début des années 1990, selon lesquelles le marché libre et sa logique de concurrence capitaliste devaient être libérés.
Les IFI ont accordé des prêts à condition que l’Etat se retire de la propriété de l’industrie et des services, déréglemente l’économie, affaiblisse les droits du travail et accorde un traitement préférentiel et une protection aux investisseurs, tout cela pour améliorer soi-disant la compétitivité de l’économie. Le nouveau rôle de l’Etat a été réduit au maintien de l’ordre social. Autrement dit, protéger les riches des pauvres. Ainsi, loin de démocratiser la société, la prescription du libre marché permet le tournant autoritaire auquel nous avons assisté en Europe de l’Est, en Russie et en Ukraine.
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), le FMI et la Banque mondiale n’ont autorisé que certains types de d’orientations économiques et de politiques. Les décrets néolibéraux étaient prétendument conçus pour améliorer la compétitivité et l’efficacité, des affirmations qui sont bien sûr discutables. En réalité, ils ont permis la montée en puissance des oligarques et leur bataille concurrentielle, semi-criminelle et, dans certains cas, ouvertement criminelle, pour le contrôle et la privatisation de la propriété de l’industrie, des services et des terres.
Ce qu’ils n’ont certainement pas accompli, c’est l’efficacité des services publics. Pourquoi? Parce que si les services sont soumis à la concurrence, ils excluent inévitablement des personnes en leur imposant des prix fixés par le marché. Cela mine l’offre de base de services universels dans tous les domaines, de l’éducation aux soins de santé, ce qui à son tour affaiblit la reproduction sociale de la force de travail. L’austérité découle du néolibéralisme. Loin de développer l’économie des pays, elle entrave leur croissance et engendre le sous-développement.
L’Ukraine est un exemple paradigmatique. Il s’agissait d’une économie industrialisée, dotée d’infrastructures, de soins de santé et de services publics développés, ainsi que d’une main-d’œuvre très instruite et qualifiée. L’imposition occidentale du néolibéralisme l’a détruite. En 1991, son économie était de la taille de la France; aujourd’hui, c’est le pays le plus pauvre d’Europe. Ce n’est pas un accident. C’est le résultat d’un projet.
Chaque série de prêts de la BERD et du FMI ne fait qu’aggraver ce dé-développement. Nous croulons littéralement sous les dettes, comme les pays d’Afrique, d’Amérique latine et le reste de la région post-soviétique. L’Ukraine doit 129 milliards de dollars à diverses institutions financières internationales et à des Etats, ce qui représente près de 80% de notre PIB.
Comment les interactions entre les impérialismes occidental et russe et les dirigeants ukrainiens ont-elles conduit à des divisions au sein du pays, notamment entre les ukrainophones et les russophones?
Elles ont amplifié ces divisions. Un exemple clé de la dynamique qui a conduit au soulèvement de Maïdan en 2013-14 et à ses suites. Le président de l’époque, Viktor Ianoukovitch, avait prévu de signer un accord d’association avec l’Union européenne, mais il a fait marche arrière à la dernière minute.
Bien qu’il soit un oligarque criminel, il avait raison. Dans certains cas, il a même mis le doigt sur le problème. L’accord n’étant pas favorable à l’Ukraine, il a officiellement refusé de le signer, à la grande surprise de tous. Cela a déclenché des protestations, que le gouvernement a brutalement réprimées, déclenchant le soulèvement de masse et toute la séquence d’événements que je viens de décrire.
Les gens furent tellement surpris parce que Viktor Ianoukovitch connaissait les termes de l’accord depuis le début. Il ne s’est donc pas retiré de l’accord par souci pour l’Ukraine. La véritable raison pour laquelle il ne l’a pas signé est que la Russie et les oligarques associés à la Russie ont fait pression sur lui pour qu’il fasse marche arrière.
Bon nombre des actifs économiques de ces oligarques sont basés dans le Donbass dans des industries à forte intensité énergétique qui dépendent du gaz et du pétrole russes abordables vu le prix pour leur appareil de production. Ces oligarques ont commencé à faire courir le bruit que si l’accord était signé, les prix de l’énergie augmenteraient – comme la Russie le menaçait effectivement –, que les industries fermeraient et que les gens perdraient leur emploi. Cette situation contraste avec la partie occidentale du pays, qui a été historiquement liée à l’Europe occidentale. Et les entreprises ont tendance à s’orienter davantage vers ce marché que vers la Russie.
Bien sûr, la situation est plus complexe sur le terrain. Les intérêts économiques ne s’alignent pas simplement sur ces divisions territoriales. Néanmoins, le conflit impérial a creusé les divisions entre les oligarques qui ont ensuite forgé des circonscriptions électorales basées sur les allégeances à l’Occident ou à la Russie, ce qui a mis en évidence les nouvelles divisions territoriales.
Une fois cette situation installée, les différents blocs oligarchiques et leurs politiciens ont utilisé des menaces de limitation des droits linguistiques pour masquer leurs mesures d’austérité en cours, détournant la colère des classes populaires en conflits linguistiques et culturels. Cela a conduit à une consolidation de l’extrême droite ukrainienne et des séparatistes russes, chaque camp déshumanisant de plus en plus l’autre.
C’est une politique vraiment dégoûtante. Les factions politiques oligarchiques ont présenté les choses comme un choix de civilisation entre l’Occident et la Russie. Les partisans de l’Ouest ont présenté l’UE – qui, rappelons-le, est à l’origine de tant d’austérité – comme un espoir de liberté et de démocratie au-delà du passé soviétique.
Les partisans de la Russie ont dépeint les Ukrainiens occidentaux comme des russophobes et des fascistes menaçant les droits linguistiques des russophones. Ils ont dépeint la Russie comme le dernier espoir pour les défendre contre ce raz-de-marée de réactions.
Jusqu’à présent, nous avons surtout parlé des puissances impérialistes et de la classe dirigeante ukrainienne. Qu’en est-il de la lutte des travailleurs et travailleuses et des opprimé·e·s contre les oligarques et les politiciens et les puissances impérialistes? Quels sont les obstacles politiques et organisationnels qu’ils ont rencontrés?
Dans les conditions du capitalisme oligarchique que je viens de décrire, nous avons assisté à une résistance civile croissante. Celle-ci s’est exprimée dans le soulèvement d’Euromaïdan, surtout après que la police a brutalisé les manifestants. Les gens en avaient finalement assez. La brutalité policière a fait ressortir des années de douleur et de frustration face à la corruption, la colère face à la collusion de la police avec les réseaux criminels des oligarques et face à sa capacité répétée à échapper à toute responsabilité pour ses abus.
Toute cette résistance était réactive; elle n’était pas guidée par un sens clair d’un programme alternatif et d’un ensemble de revendications. Cela a permis à la droite de détourner la révolte. Elle était organisée et avait des forces à injecter dans la lutte. Le conflit qui a suivi entre le gouvernement ukrainien et les séparatistes a partiellement atténué la mobilisation civile.
Mais au cours des dernières années, le mécontentement à l’égard des oligarques et des politiciens corrompus s’est accentuée. Les Ukrainiens ont écarté à plusieurs reprises un groupe d’entre eux pour voir un autre groupe tout aussi répugnant les remplacer. Il s’agit donc d’une véritable crise de la représentation. Il n’y a pas encore d’alternative claire capable de mettre en place un défi politique aux oligarques et à leurs politiciens. Et la gauche est malheureusement encore assez petite.
Dans le même temps, il existe une lutte populaire en dehors de la politique électorale, notamment parmi les syndicalistes. Elle a émergé en dehors des syndicats de l’ancienne URSS, qui étaient essentiellement des syndicats d’entreprise. De nouveaux syndicats indépendants se sont développés dans les principales industries (et même dans certaines petites et moyennes entreprises!). L’un de ces syndicats importants se trouve dans l’industrie ferroviaire, qui est le plus gros employeur du pays.
Ils ont été un élément clé de la résistance à l’invasion de la Russie. Ils ont apporté des provisions aux personnes âgées sous les tirs de l’artillerie. Les syndicats des mineurs ont été particulièrement importants, luttant contre la fermeture des mines et défendant les salaires et les avantages sociaux. Les travailleurs et travailleuses de la santé ont également commencé à s’organiser.
Les gens ont appris que si les politiciens ne réalisent pas des changements, ils doivent le faire eux-mêmes par la lutte collective sur leur lieu de travail. Ils ont même consulté les grands syndicats et les confédérations internationales sur la manière de s’organiser.
La résistance s’est vraiment développée, les gens se tournant les uns vers les autres en quête de solidarité et de soutien. Au cours des dernières semaines, les travailleurs et travailleuses de diverses entreprises ont pris l’initiative de distribuer des biens pour répondre aux besoins des gens au milieu de la guerre, beaucoup d’exemples anecdotiques de cela existent dans différentes villes. Par exemple, les travailleurs d’un entrepôt d’aliments local ont appris qu’il y avait des réfugiés qui avaient besoin de nourriture et la leur ont fournie ou les responsables d’un entrepôt de matériaux de construction ont donné des biens utiles pour les fortifications de la ville. Une sorte d’expropriation des expropriateurs!
Au milieu de cette guerre, la résistance affirme la capacité des gens à provoquer le changement. Cela sera important après la guerre, car la bataille sur la façon de reconstruire et dans l’intérêt de qui deviendra la question centrale. J’espère vraiment que cet esprit de solidarité collective pourra forger une nouvelle voie pour l’Ukraine, une fois cet enfer terminé.
Cela ouvrirait de nouvelles possibilités pour la gauche ukrainienne. Nous devrons adapter un peu notre langage pour que notre programme ait un sens pour les personnes qui ont de très mauvaises expériences marquées par le passé stalinien. Néanmoins, les gens cherchent des solutions sociales collectives aux problèmes profonds du capitalisme ukrainien.
Les socialistes doivent se fondre dans ces luttes pour des améliorations immédiates au sein des populations et démontrer que nous avons des idées cruciales sur la manière de reconstruire notre société. Si nous y parvenons, nous pourrons contribuer à surmonter la crise de représentation qui a frappé les vagues de résistance et offrir une véritable alternative aux oligarques et à la droite.
Un développement que Poutine et la gauche campiste ont exagéré à leurs propres fins politiques est la présence de l’extrême droite dans le pays. Quelle est la vérité sur l’extrême droite en Ukraine? Comment s’est-elle développée, quelles sont ses différentes forces, et quelle est leur influence sur le système politique et l’armée?
C’est une question très importante et, franchement, effrayante. Car la vérité est que la politique en Ukraine est sur le fil du rasoir, et qu’elle pourrait aller à droite, et évidemment pas seulement à gauche. Je suis d’accord avec vous pour dire que le rôle et l’importance de la droite ont été exagérés, mais c’est un facteur et une menace réels.
Son importance a, bien sûr, été exagérée par les séparatistes, Poutine et leurs étranges partisans en Occident. Ils ont montré du doigt des personnes portant des symboles nazis et dépeignent l’Ukraine comme un gouvernement et une nation de fascistes, ou du moins dirigée par eux. C’est totalement faux. Le soutien aux formations de l’éventail de la droite a diminué de façon spectaculaire.
Et la vérité est que la majorité des gens, même à l’intérieur du bataillon Azov, ne réalisent pas la signification nazie des symboles qu’ils portent. Ils ne connaissent pas l’histoire de Stepan Bandera [1909-1959]; ils le voient comme quelqu’un qui a combattu pour la liberté de l’Ukraine. Mais certains sont très conscients de ce passé nazi et sont des fascistes, notamment à la tête de certains partis de droite et du bataillon Azov. C’est pourquoi je suis très préoccupée par la menace qu’ils représentent. [Voir sur ce thème l’article informé d’Aris Roussinos publié sur ce site le 19 mars 2022.]
Ce serait donc une erreur d’écarter la menace de la droite. Les partis de droite extrême sont une force petite mais significative, tout comme le bataillon Azov, même s’il ne représente qu’une petite partie de l’ensemble de l’armée. Azov est assez fort. Il organise des camps d’été pour recruter des gens dans ses rangs. Et il peut obtenir du soutien car ses forces sont saluées comme des héros de la guerre pour la défense de Marioupol.
Ces forces de droite représentent une menace pour l’avenir d’une Ukraine multiethnique. Elles ont poussé à l’adoption de lois linguistiques terribles qui discriminent les russophones. Non seulement ces lois sont mauvaises, mais elles alimenteront le discours des séparatistes russes.
Bien sûr, l’Ukraine doit se décoloniser et se dé-russifier. Le russe reste la langue principale dans la plupart des cas. Et, pour être clair, les russophones ne sont pas en général opprimés. Mais les Ukrainiens le sont.
Par exemple, quand j’allais à l’école, j’étais malmenée parce que je parlais ukrainien. Mais la solution n’est pas d’imiter le colonisateur dans le processus de décolonisation et de réprimer le russe et les russophones. Il doit y avoir des droits linguistiques égaux, et non de nouvelles formes de discrimination. Ce sera une question urgente dans le processus de reconstruction du pays.
Je suis pour la victoire de l’Ukraine qui rétablira ses frontières et mettra fin à l’occupation russe. Mais cela ne peut déboucher que sur un processus de réconciliation du conflit culturel que les oligarques et leurs politiciens ont fabriqué et armé. Ce sera un défi, car l’invasion de la Russie a suscité un degré sain de nationalisme ukrainien, surtout lorsque le prétexte de Poutine pour la guerre était que votre pays n’était même pas un pays. Nous devons éviter que cela ne se transforme en xénophobie et en ethno-nationalisme.
Nous devons surmonter le désir de fouiller dans l’histoire et de remettre à neuf des symboles anciens et problématiques dans le but de prouver que nous sommes une nation. Au lieu de cela, nous devons saisir l’opportunité historique de reconstruire l’Ukraine en tant que pays multiethnique et multireligieux dans lequel toutes les minorités ont des droits égaux en termes de langue, d’éducation et de culture.
C’est la tâche de la gauche et des organisations de la classe ouvrière. Cela implique de contester le pouvoir des oligarques, de leurs politiciens et de la droite. La politique de solidarité doit triompher, sinon nous risquons de confirmer le mensonge obscène de Poutine selon lequel nous sommes une nation de bigots et de fascistes.
Cela soulève la question de savoir quelle sera l’issue de la guerre. Il semble que Poutine ait été contraint de renoncer à son objectif de changement de régime. Et qu’il tente désormais de dévaster la partie occidentale de l’Ukraine et de diviser le pays, en s’assurant le contrôle du Donbass comme un pont terrestre vers la Crimée. Quel impact cela aura-t-il sur l’Ukraine, la résistance et l’économie politique du pays?
Si vous m’aviez posé cette question il y a seulement trois semaines, j’aurais dit que si Poutine acceptait de se retirer et de s’accrocher à ces soi-disant républiques, les Ukrainiens pourraient l’accepter. Mais maintenant, après les horreurs de cette guerre, la destruction de Kharkiv et de Marioupol, les horreurs des faubourgs de Kiev, et le nombre énorme de vies perdues, de personnes brutalisées et déplacées, les Ukrainiens ne feront pas de compromis.
Le peuple ukrainien a tout essayé pour mettre fin à ce cauchemar. Nous avons essayé les pourparlers de paix dans le cadre du processus de Minsk. Nous nous sommes tenus à un cessez-le-feu, même sous le feu de l’ennemi, afin de priver Poutine de l’excuse pour lancer une guerre. Rien de tout cela n’a fonctionné. Le soi-disant processus de paix a fini par ouvrir la voie à Poutine pour envahir le pays dans une attaque totalement non provoquée. Ils ont planifié cela pendant des années, en utilisant le chantage, en mentant sur les événements et en envoyant des milliers d’agents dormants pour infiltrer le pays, identifier les cibles et leur envoyer des signaux radio.
Maintenant, nous avons des milliers de morts, des millions de personnes déplacées, et des centaines de millions de dollars d’infrastructures détruites. Après tout cela, rares sont ceux qui acceptent de céder des parties entières du pays aux envahisseurs. Les Ukrainiens réalisent que si nous ne gagnons pas cette guerre, il n’y aura pas d’Ukraine. Si des parties du pays sont occupées, il y aura une insurrection contre les forces russes qui prépareront une autre guerre. Il n’y aura pas de paix.
Poutine ne reconnaît pas le droit de l’Ukraine à exister indépendamment et nous devons donc riposter. Nous n’accepterons pas la partition du pays en quelque chose comme la Corée du Nord et la Corée du Sud. Cela signifie un long combat, mais les gens le mèneront à bien.
Il y a beaucoup de choses en suspens en ce moment. L’issue dépend de notre capacité à obtenir des armes pour nous défendre et reconquérir notre pays, de notre capacité à nous en tenir à nos exigences dans ces soi-disant négociations, et du possible effondrement du régime russe. Mais nous ne nous contenterons de rien de moins que la réunification et l’indépendance de l’Ukraine.
Il y a un débat important au sein de la gauche internationale sur la position à adopter face à la guerre et sur les revendications à formuler. Que pensez-vous que nous devrions faire?
Encore une fois, la gauche internationale doit mettre chausser ses lunettes décoloniales pour penser à l’Ukraine. Nous combattons la Russie, notre oppresseur impérial historique. Nous avons été dominés et colonisés politiquement, économiquement, culturellement et linguistiquement pendant très longtemps.
Je pense que certaines personnes ont encore la vision obscurcie par une opposition unidimensionnelle au seul impérialisme américain. Mais les Etats-Unis ne sont pas l’agresseur dans cette situation. C’est la Russie. Bien sûr, l’OTAN est un facteur, mais pas le facteur déterminant. L’OTAN devrait-elle exister? Bien sûr que non. Elle aurait dû être dissoute il y a longtemps. Nous sommes tous d’accord sur ce point.
Concentrons-nous sur la question centrale: l’impérialisme russe et la lutte pour la libération de l’Ukraine. Depuis des années, Poutine a clairement indiqué qu’il ne reconnaissait pas l’Ukraine comme une entité distincte, affirmant dans sa récente déclaration que le pays avait été créé par les bolcheviks. Il veut reconquérir l’Ukraine, la soumettre à la domination russe, et poursuit cet objectif militairement depuis 2014, en procédant à une partition violente, fabriquée et totalement illégale du pays.
La gauche internationale doit être solidaire de l’Ukraine en tant que nation opprimée et de notre lutte pour l’autodétermination. Cela inclut notre droit d’assurer des armes pour nos combattants et volontaires afin de gagner notre liberté.
Mais la gauche ne doit pas soutenir les appels à la fermeture du ciel, essentiellement une revendication de zone d’exclusion aérienne imposée par l’OTAN. Cela signifierait une guerre aérienne entre les chasseurs étatsuniens et européens et les chasseurs russes, avec le risque d’une guerre plus large entre les puissances nucléaires. Il suffit de voir les conséquences des interventions américaines dans d’autres régions du monde, comme l’Irak et l’Afghanistan.
Les chasseurs étatsuniens et de l’OTAN ne se soucieraient pas des dégâts que leur guerre aérienne causerait en Ukraine. Ils nous ordonneraient d’évacuer les villes afin qu’ils puissent conduire un assaut militaire de grande envergure contre les forces russes, en poursuivant le démantèlement de notre pays et en tuant inévitablement davantage d’Ukrainiens dans le processus.
Par la suite, nous aurons besoin d’une sorte de force de maintien de la paix, peut-être des Casques bleus de l’ONU. Mais c’est difficile, car l’ONU est une organisation fondamentalement antidémocratique dont les puissances dominantes, y compris la Russie au Conseil de sécurité, peuvent opposer leur veto à une telle force. Mais nous aurons besoin de forces internationales soumises à une certaine forme de contrôle pour éviter de nouveaux conflits. Une nouvelle architecture de sécurité internationale devrait être mise en place, avec une suspension automatique des agresseurs, sans droite de veto, sans membres permanents du Conseil de sécurité, avec de véritables garanties mutuelles afin d’éviter toute souffrance future dans un monde démilitarisé. (Entretien publié sur le site Spectre Journal, le 11 avril 2022; traduction rédaction A l’Encontre)
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