Par Benoit Blanc
Le 24 novembre prochain, le projet de financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS, selon son acronyme allemand) sera soumis au vote, suite au référendum lancé par le Syndicat des services publics (SSP).
EFAS est mis en scène comme un projet très technique et bénéficiant d’un très large soutien, des organisations professionnelles de la santé comme celles des médecins (FMH), des hôpitaux (H+), des établissements médico-sociaux-EMS (curaviva) ou des soins à domicile (aide et soins à domicile Suisse), aux cantons et en passant même par une association de consommateurs (Schweiz. Konsumentenforum kf). Bref, tout est fait pour décourager les questions, sans parler des oppositions.
EFAS est néanmoins contesté par le SSP, pour de bonnes raisons. EFAS a en effet pour principal objectif de renforcer le pouvoir des assurances maladie dans la politique de la santé, en particulier en les aidant à développer des modèles de soins intégrés limitant fortement l’accès aux soins des assurés, comme la liberté de pratique des médecins qui y adhéreraient. Cette emprise renforcée des assureurs s’étendra également aux soins à domicile comme à l’hébergement en établissement médico-social (EMS). Ce pouvoir accru des caisses maladies va de pair avec un renforcement du secteur privé et des mécanismes de marché dans la santé.
La décision en juin des principales caisses d’assurance maladie de se doter d’une nouvelle association pour représenter leurs intérêts, et de se débarrasser de SantéSuisse comme de Curafutura, incapables de dépasser leurs querelles de clocher, annonce une nouvelle période où la position des assureurs dans le système de santé sera plus forte. Combattre EFAS n’en acquiert que plus d’importance. Pour cela, il faut commencer par en saisir les enjeux.
Quelle est la situation de départ?
EFAS concerne les flux financiers participant au remboursement des soins fournis dans les trois grands secteurs des services de santé couverts par l’assurance maladie: 1) les soins «stationnaires» fournis lors d’une hospitalisation, 2) les soins fournis de manière «ambulatoire», par exemple lors d’une consultation en cabinet médical, d’un examen radiologique ou encore d’une intervention chirurgicale n’exigeant pas de passer une nuit à l’hôpital, 3) les soins de longue durée, fournis à domicile par un service de soins à domicile ou dans un établissement médico-social (EMS).
Actuellement, ces trois groupes de «prestations», pour reprendre le vocabulaire standard, sont couverts par l’assurance-maladie avec des modalités de financement différentes:
1) les prestations «stationnaires» sont financées à 55% par le canton de domicile du patient, les 45% restants étant à charge de l’assurance-maladie (sous réserve de la franchise et de la participation aux frais à charge de la personne assurée),
2) les prestations ambulatoires sont remboursées par l’assurance-maladie, sans participation cantonale et sous réserve également de la participation de la personne assurée (franchise et participation aux frais),
3) les soins de longue durée sont financés par: a) l’assurance maladie, à un niveau fixé en 2011 selon le principe de la «neutralité des coûts» par rapport à l’année précédente et qui n’a que très peu varié depuis lors, b) par les assurés, avec une contribution ne pouvant pas dépasser 20% de la contribution de l’assurance-maladie, c) par les cantons, qui assument le «financement résiduel» nécessaire pour couvrir les factures émises par les fournisseurs de prestations.
Ces différents modes de financement ont une origine historique. Ils reflètent en particulier le lien étroit que les pouvoirs publics (cantons et communes) ont entretenu, jusqu’au début des années 2000, avec les hôpitaux, les services de soins à domicile et les EMS.
En quoi consiste EFAS?
La proposition adoptée par le parlement veut remplacer par un financement uniforme ce système différencié selon le type de soins. Toutes les prestations à charge de l’assurance maladie, qu’elles soient fournies lors d’une hospitalisation, d’une consultation ambulatoire ou encore lors de soins à domicile ou en EMS, seraient financées à hauteur de 26,9% de leur coût net (franchise et participation déduite) par les cantons et de 73,1% par l’assurance maladie.
Cette clé de répartition est censée garantir que la part globale du financement assurée respectivement par les caisses maladie et par les cantons ne varie pas par rapport à la situation actuelle. Les personnes assurées continueront de leur côté de payer la franchise, comprise entre 300 et 2500 francs, la participation aux frais, de 10% jusqu’à un montant maximum de 700 francs par an, et la participation aux frais des soins de longue durée.
Si EFAS est accepté en votation, l’entrée en vigueur de ces changements se ferait en deux temps. En 2028, le financement uniforme s’appliquerait aux soins stationnaires et ambulatoires. Il ne s’étendrait pas aux soins de longue durée avant 2032. D’ici là, un tarif national valable pour ces soins devrait être établi sous l’autorité d’une nouvelle structure tarifaire comprenant les assureurs, les prestataires de soins et les cantons. Quatre années après cette extension d’EFAS aux soins de longue durée, la participation des assurés aux frais pourra être augmentée par rapport au niveau actuel.
Comment est justifié ce changement?
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP), vecteur de la politique fédérale, présente ainsi les raisons d’EFAS: «Le principal but de cette réforme est d’améliorer la qualité des soins, tout en rendant ces derniers plus abordables pour les payeurs de primes et en éliminant diverses incitations inopportunes liées aux différences de financement.»En matière de langue de bois, difficile de faire mieux.
Mais plus concrètement? Voici, toujours selon l’OFSP, les trois manières dont ce «but principal» devrait se concrétiser:
1) «le financement uniforme devrait accélérer le transfert du stationnaire vers l’ambulatoire, et contribuer ainsi à contenir les coûts»,
2) «le financement uniforme [devrait mettre fin au] transfert de charges qui se fait au détriment des payeurs de primes»,
3) «avec le financement uniforme, la coordination des soins sera renforcée. Le potentiel d’économies en découlant pourrait atteindre jusqu’à 440 millions de francs par année.»
Reprenons ces arguments l’un après l’autre.
Transfert du stationnaire vers l’ambulatoire: pour qui et pour quoi?
Les partisans d’EFAS déroulent leur argumentaire en partant de deux postulats: a) le transfert des traitements d’un cadre stationnaire à un cadre ambulatoire doit être développé; b) le financement uniforme prévu par EFAS est la condition pour accélérer ce transfert.
Tout cela est des plus contestable et renvoie à une conception dangereuse de l’assurance maladie.
Quels sont les critères pour déterminer si un transfert vers l’ambulatoire est souhaitable? Pour les partisans d’EFAS, c’est qu’il contribue «à contenir les coûts». Du point de vue de la santé de la population, deux autres considérations devraient être prioritaires. D’une part, bien sûr, le développement de nouvelles prises en charge, validées par les spécialités médicales concernées, moins éprouvantes pour le patient, nécessitant une moins longue période de contrôle et permettant ainsi un retour à domicile le jour même sans risque médical accru. D’autre part, et c’est souvent oublié, un état général du patient ainsi qu’un environnement social rendant possible ce retour rapide à la maison, en disposant des ressources nécessaires pour être en sécurité et faire face sans difficulté à ses besoins de base. Car un transfert vers l’ambulatoire est toujours synonyme d’un transfert de charges, et de responsabilité, de l’institution hospitalière vers le patient et ses proches, avec les exigences pratiques et financières, comme les inquiétudes, que cela implique.
En principe, ces deux critères devraient être pris en compte par le praticien qui propose une prise en charge ambulatoire plutôt que stationnaire. EFAS, comme l’illustre l’argumentaire de l’OFSP, propose de les subordonner à un troisième critère, celui des coûts. C’est un premier défaut fondamental de ce projet.
Ce constat est renforcé par une seconde observation. Pour un hôpital ou un médecin, ce qui peut faire la différence entre une prise en charge ambulatoire et une prise en charge stationnaire du point de vue strictement financier, c’est le tarif auquel chacun de ces types de prise en charge est remboursé, et la mesure dans laquelle ce tarif couvre les coûts et permet de dégager un excédent. Par contre, savoir si une partie de ce tarif est financée, ou pas, par les cantons n’est d’aucune importance. Or, depuis des années, les hôpitaux dénoncent le fait que les tarifs ambulatoires sont totalement insuffisants pour couvrir les coûts. Selon la directrice de H+, ce sous-financement atteindrait 30% (Competence, 3/2024). EFAS ne va rien y changer.
Le seul changement induit par EFAS en matière de transfert du stationnaire vers l’ambulatoire concerne l’intervention des caisses maladie. Actuellement, elles n’ont qu’un intérêt modéré à ce transfert, puisqu’elles ne financent – avec nos cotisations! – que 45% des hospitalisations contre 100% des traitements ambulatoires. Dans certains cas, cela peut signifier qu’elles doivent davantage rembourser pour un traitement ambulatoire que pour une hospitalisation équivalente. Avec un financement uniforme, cet effet disparaîtrait. Les caisses pourraient alors pleinement peser sur les choix thérapeutiques, en refusant par exemple de rembourser des hospitalisations avec l’argument qu’une prise en charge ambulatoire est possible et meilleur marché.
Au sujet du transfert du stationnaire vers l’ambulatoire, la signification d’EFAS est donc la suivante: le financement uniforme ne résout pas le problème de sous-financement des interventions ambulatoires et il ne contribue en rien à ce que les conditions médicales et sociales des prises en charge ambulatoires soient améliorées. Par contre, EFAS donne aux caisses maladies les moyens d’imposer davantage de traitements ambulatoires, au nom de la logique comptable.
Financement cantonal et «transfert de charges»: des alternatives existent
Passons au «transfert de charges qui se fait au détriment des payeurs de primes». Pour les cantons, le transfert vers l’ambulatoire diminue proportionnellement leur participation au financement des dépenses de santé. Ils doivent en effet payer 55% d’une hospitalisation, mais rien pour un traitement ambulatoire (par contre, ils participent au financement des éventuels soins à domicile pouvant en découler). A l’inverse, le 100% du traitement ambulatoire est à charge de l’assurance maladie, et donc des payeurs de prime.
Le développement actuel de l’ambulatoire, promu parce qu’il coûte globalement moins cher, se traduit par conséquent par une moindre participation financière des cantons aux dépenses de santé et une plus grande participation des assurés.
Cette manière des cantons d’économiser dans le domaine de la santé est d’autant plus contestable que le système des primes par tête de l’assurance maladie pèse lourdement sur les bas et moyens revenus, alors que l’impôt, qui finance les contributions cantonales aux hospitalisations, devrait en principe être progressif.
Il n’y a cependant pas besoin d’EFAS pour corriger cet effet fâcheux. Les cantons pourraient, par exemple, attribuer au subventionnement des primes maladie l’argent économisé grâce au transfert vers l’ambulatoire.
«Coordination des soins» ou «managed care» piloté par les assureurs?
On touche avec la «coordination des soins» au cœur d’EFAS et à une des raisons essentielles de sa conception et de sa promotion par quelques-unes des plus grandes caisses maladie réunies au sein de feu la faîtière curafutura (dont Ignazio Cassis a été président, avant d’être élu conseiller fédéral). De quoi s’agit-il?
Les caisses maladie ont développé, de manière accélérée cette dernière décennie, des modèles d’assurance maladie dits de «soins intégrés». Ces modèles sont le nouvel instrument qu’elles utilisent pour attirer des clients, depuis qu’une péréquation affinée des coûts entre caisses a eu pour effet que la multiplication des caisses à bas coûts et la sélection directe des assurés fonctionnent beaucoup moins bien.
Les modèles de «soins intégrés» proposent aux assurés un rabais de prime «en échange» d’un renoncement, plus ou moins important, à la liberté de choisir par qui ils vont être soignés. Les modèles les moins restrictifs, de «médecin de famille», demandent de toujours passer par un médecin généraliste, que l’on a choisi, avant de consulter un spécialiste, pour lequel le généraliste doit établir un bon de délégation. Les modèles les plus restrictifs, quant à eux, limitent le choix du médecin de famille dans une liste établie par la caisse, comme le choix du médecin spécialiste, également dans une liste déterminée par la caisse. Logiquement, un des critères pour figurer dans de telles listes est d’être «économique»…
De fait, ces modèles mettent en œuvre les deux changements fondamentaux revendiqués par les assureurs, et refusés très largement lors de la votation de 2012 sur le «managed care»: l’abolition, pour le patient, du libre choix de son médecin et l’introduction, pour les assureurs, de la liberté de choisir les médecins dont ils remboursent les prestations (la «liberté de contracter»). Les soins intégrés, c’est le retour masqué du «managed care».
Les modèles de «soins intégrés», surtout les plus restrictifs, sont souvent choisis par des personnes en bonne santé, qui estiment que les limitations prévues ne portent guère à conséquence pour elles (elles ne consultent presque pas), alors qu’elles leur permettent des économies bienvenues dans leurs dépenses de santé. Mais des personnes ayant davantage besoin de soins adoptent également ces modèles, parce qu’elles ne sont tout simplement pas en mesure de payer des primes plus élevées. Et plus ces modèles se diffusent, plus ils deviennent la référence de ce qui est «normal» en matière d’accès aux soins et de leur qualité.
C’est ici qu’intervient EFAS. En moyenne, les assurés adhérant à des modèles d’assurance «soins intégrés» sont moins souvent hospitalisés que ceux adhérant à des modèles sans restriction de choix, car ils sont en meilleure santé. Mais le fait qu’actuellement seuls 45% des frais d’hospitalisation sont à charge de l’assurance maladie, contre 100% des frais de traitement ambulatoire, a pour conséquence de réduire la différence de coûts entre ces deux modèles d’assurance. Par conséquence, le rabais sur les primes pouvant être «offert» aux assurés ayant choisi un modèle «soins intégrés» est limité. En passant avec EFAS à un financement uniforme, cet effet sera supprimé. Le rabais pour les modèles de soins intégrés les plus restrictifs pourra donc être augmenté, ce qui les rendra encore plus attractifs. Dans un spot publicitaire pour EFAS diffusé par curafutura, il est expliqué qu’il sera ainsi possible de faire passer le rabais de 20% à 30%.
Le rapport élaboré en 2022 par le bureau Polynomics, sur mandat de l’OFSP, confirme cette analyse. Selon Polynomics, la mise en place d’un financement uniforme «augmenterait l’attractivité des modèles contraignants [le mot est, pour une fois, bien choisi] de soins coordonnés. En effet, les assureurs-maladie pourraient répercuter sur leurs assurés une plus grande partie des économies associées à ces modèles, par le biais de baisses de primes. […].D’autre part, […] les assureurs seraient poussés à influer plus fortement sur le parcours thérapeutique, par le biais des garanties de prise en charge des coûts et par le contrôle des prestations et des factures.» (Polynomics (2023), Sparpotential einheitliche Finanzierung. Schlussbericht. Studie im Auftrag des Bundesamtes für Gesundheit BAG)
En d’autres termes, EFAS va donner un nouvel élan au développement d’une assurance maladie low cost, revendiquée par la droite et les milieux patronaux, liant des primes plus basses à un contrôle toujours plus prononcé des assureurs sur le choix des traitements («influer plus fortement sur le parcours thérapeutique», pour reprendre l’euphémisme de Polynomics).
Une des forces de l’offensive des assureurs pour des «soins intégrés» est qu’elle repose sur le détournement d’une bonne idée. Il est certain que les personnes souffrant de maladies chroniques, cumulant plusieurs affections ou devenues très fragiles, particulièrement avec l’âge, ont besoin de coordination des soins. Des parcours de soins ont ainsi été mis en place depuis des années pour les personnes souffrant du diabète. Mais on est loin du compte et les réponses des médecins à ce besoin ne sont de loin pas toujours à la hauteur. Les assureurs se sont emparés du problème pour se placer eux-mêmes au poste de pilotage, d’une part, et pour faire de la contrainte financière le critère numéro un des choix thérapeutiques, d’autre part. Avec EFAS, ils veulent accélérer le mouvement.
Qu’en est-il des soins de longue durée?
Le financement des soins de longue durée, à domicile ou en EMS, sera intégré au régime EFAS dans un second temps, au plus tôt en 2032. La condition posée pour que cette étape soit franchie est qu’un système tarifaire national réglant le financement de ces soins soit élaboré par ce qu’il est convenu d’appeler les «partenaires contractuels», à savoir les assureurs, les associations d’EMS et de soins à domicile et les cantons.
Depuis plus d’une décennie, le tarif auquel les assureurs remboursent les soins est plafonné. L’augmentation des coûts horaires intervenus durant cette période a donc essentiellement été à la charge des cantons, ou des assurés.
Avec EFAS, c’est le niveau de la participation cantonale qui sera fixe. Les hausses de coûts se répercuteront donc sur le financement par les assurances. Deux conséquences en découleront. D’une part, le désengagement relatif des cantons contribuera à accélérer la hausse des primes maladie. D’autre part, les assureurs, arguant de cette évolution des primes, pèseront de tout leur poids pour que le tarif national applicable aux soins de longue durée soit le plus «économique» possible. La décision des assureurs de se doter d’une seule nouvelle organisation faîtière accroîtra encore leur capacité de «tordre le bras» à leurs «partenaires». Les cantons, heureux de se débarrasser du financement résiduel, abonderont. C’est donc le personnel, avec des conditions de travail dégradées, et les patients, avec des gammes de prestations rabotées, qui paieront la note.
Quelles économies grâce à EFAS?
Comme chaque fois qu’il est question de l’assurance maladie, le «potentiel d’économies» est érigé en étalon pour mesurer la pertinence des mesures proposées. Que représente-t-il dans le cas d’EFAS?
Sur mandat de l’OFSP, Polynomics a évalué ce «potentiel d’économies» et il vaut la peine de citer le résumé en français du rapport: «Sans intégration des prestations de soins, le plus probable est un potentiel d’économies compris entre 0 franc (scénario pessimiste) et un peu plus de 300 millions de francs (scénario optimiste) par an. Les calculs présentent quelques incertitudes, et les effets n’ont pas tous pu être quantifiés. Le plus fort potentiel en matière d’économies réside dans les modèles contraignants de soins coordonnés [les restrictions d’accès aux soins imposées aux personnes ayant adhéré à un modèle d’assurance de soins intégrés]. Les économies profiteront aussi bien aux assureurs-maladie qu’aux cantons et aux patients. Elles ne seront cependant pas immédiates; étant donné qu’elles reposeront principalement sur des changements de comportement de la part des acteurs, elles se réaliseront uniquement après un certain temps.» «Avec un financement uniforme intégrant les prestations de soins, les économies possibles devraient être quelque peu supérieures dans le scénario optimiste. Dans ce cas, le plus probable est un potentiel d’économies compris entre 0 franc (scénario pessimiste) et 440 millions de francs (scénario optimiste) par an.» Polynomics déborde de prudence, mais, comme il se doit pour une information «objective», l’OFSP ne mentionne sur son site que la valeur supérieure du rapport…
Pour se faire une idée de ce que représentent ces chiffres, il faut les rapporter aux dépenses de santé financées par l’assurance-maladie, qui s’élevaient à 34,5 milliards de francs en 2022. L’estimation la plus optimiste de Polynomics correspond donc à 1,3% de cette somme… et cela pourrait tout aussi bien être 0%.
Tout ça… pour ça? Difficile à croire. L’argument «financier» n’est qu’un argument de vente, trompeur [le scandale des prévisions erronées au sujet des comptes de l’AVS rappelle que c’est là une pratique systémique du pouvoir politique en Suisse], pour faire adopter un projet dont les enjeux sont autres.
Quelle place pour EFAS dans la politique de la santé?
Alors, quels sont les vrais enjeux d’EFAS? L’accélération du développement des soins intégrés, déjà exposée, en est un. Et elle s’inscrit dans une perspective plus générale.
Pour en prendre la mesure, il est possible de se référer à un soutien résolu d’EFAS, le «Forum Santé pour tous». Constitué il y a presque 20 ans, présidé par le conseiller aux Etats radical lucernois Damian Müller, il «a vocation à introduire dans le débat des solutions relevant de l’économie de marché pour contribuer à trouver un consensus aussi large que possible sur une maîtrise efficace de la hausse des coûts dans le système de santé.» Le cap est donné!
Et voici ses «exigences»:
«- Mise en place systématique du financement des hôpitaux selon les critères de qualité et de rentabilité – aucune consigne cantonale ne doit aller à l’encontre de cette volonté du législateur fédéral. [= pas de soutien cantonal aux hôpitaux publics afin de ne pas «désavantager» les hôpitaux privés]
– La transparence dans la qualité et les bénéfices – grâce à un modèle suisse de HTA (Health Technology Assessment) qui évalue systématiquement les technologies médicales. [= possibilité de ne plus rembourser les traitements dont le rapport coûts/bénéfices serait estimé insuffisant]
– Une pluralité d’assureurs-maladie privés dans une situation de concurrence favorable à l’innovation au lieu d’une caisse unique étatique. [= difficile d’être plus clair]
– Des prestations efficaces dans le cadre de l’assurance de base. [=limiter le remboursement des prestations en arguant d’une «efficacité» non démontrée]
– L’introduction de la liberté de contracter entre les assureurs et les prestataires – dans le respect du principe de bonne foi. [=permettre aux assureurs de choisir les médecins qu’ils remboursent et ainsi, indirectement, d’influencer les pratiques thérapeutiques]
– Des incitations économiques en faveur de soins intégrés donnés aux malades chroniques et l’amélioration de la compensation des risques. [= EFAS]
– Des participations financières identiques pour toutes les prestations obligatoires de l’assurance de base – qu’il s’agisse de soins stationnaires ou ambulatoires.» [=EFAS]
Voilà donc la place et le sens d’EFAS. C’est une des pièces d’une politique globale visant à démanteler le pôle public dans la politique de la santé et à y renforcer le secteur privé, avec les mécanismes de marché et les assureurs privés au cœur du système.
Fondamentalement, le 24 novembre, c’est à cette question qu’il faudra donc répondre. Veut-on un système de santé de plus en plus piloté par les assurances maladie privées, où les entreprises privées occupent une position de plus en plus forte et où la santé est toujours plus une marchandise comme une autre? Ou veut-on donner un coup d’arrêt à cette évolution et remettre au centre du système de santé des services publics, développés pour répondre à une politique publique ayant fait l’objet de débats et de décisions démocratiques?
Voilà l’enjeu! Voilà le sens d’une bataille pour que le NON à EFAS l’emporte le 24 novembre prochain! (Août 2024)
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