Le 28 mars 2020, un processus de vote interne s’est achevé par lequel les membres d’Anticapitalistas ont décidé d’abandonner Podemos. Le taux de participation des membres fut de 79%; parmi eux, 89% se sont prononcés en faveur [de la proposition «d’abandon»], 3% contre et 7,5% se sont abstenus. Nous avons décidé d’attendre jusqu’à aujourd’hui [14 mai] pour rendre publique cette décision: notre priorité a été de prêter toute l’attention nécessaire à la pandémie Covid-19 qui frappe durement le pays et qui affecte fondamentalement les secteurs les plus vulnérables des classes populaires.
Nous avons été cofondateurs de cette organisation (Podemos), et sa constitution a été une expérience collective pleine d’intérêt et elle fera toujours partie de notre histoire, ainsi que de celle de Podemos. Pour tous et toutes, les objectifs qui nous ont amenés à participer à la fondation de cette organisation sont connus. Il était nécessaire de former un sujet politique large et radicalement démocratique, fortement lié aux luttes et aux mouvements sociaux, capable de remettre en cause le pouvoir économique, culturel et politique des élites, et d’inverser les effets d’un néolibéralisme agressif et incontrôlé. Avec l’objectif, bien sûr, de penser et de construire une alternative politique globale au capitalisme écocide et patriarcal.
Nous pensons que ces objectifs sont toujours valables, mais qu’à ce jour Podemos a cessé d’être l’espace à partir duquel les Anticapitalistas peuvent y contribuer. Nous avons souvent exposé nos positions et les avons confrontées fraternellement avec les autres courants de gauche. Malheureusement, Podemos n’est pas aujourd’hui l’organisation que nous aspirions à construire au départ: le modèle organisationnel et le régime interne basés sur la centralisation des pouvoirs et des décisions dans un petit groupe de personnes liées à des fonctions publiques et au secrétaire général laissent peu de place au travail collectif pluraliste. Bien sûr, c’est un modèle qui n’a pas du tout prouvé son efficacité pour avancer dans le domaine social: l’organisation militante et la force d’en bas que Podemos avait en son temps ont été diluées, désorganisées et se sont volatilisées, sans que cela se traduise, selon la justification que prétendaient donner les dirigeants, par une amélioration des résultats électoraux.
En outre, Podemos est né comme un mouvement politique contre les normes économiques et politiques du système. Il est évident que sa stratégie a changé. Pour Podemos, le «possible» a été progressivement réduit au fil des ans: à notre avis, la tâche reste de rendre possible le nécessaire.
Le point culminant de cette dérive est la stratégie de co-gouvernance avec le PSOE. Une fois de plus, un projet de gauche est subordonné à court terme à la logique du moindre mal, acceptant de renoncer à ses politiques en échange de peu ou pas d’influence décisive sur le Conseil des ministres. Malgré la propagande du gouvernement, les politiques de la coalition ne rompent pas avec le cadre économique orthodoxe, ne parient pas sur la redistribution des richesses, sur le renforcement radical de la sphère publique et sur la désobéissance face aux institutions néolibérales. Bien sûr, nous soutiendrons tous les acquis qui seraient obtenus dans ce cadre et nous lutterons ensemble contre l’extrême droite.
Mais dans un contexte de crise systémique profonde, nous pensons qu’un pari pour avancer en matière de démocratie et de justice sociale passe nécessairement par la construction d’une force sociale, de politiques ambitieuses et par la préparation d’un affrontement avec les élites.
Les mois et les années à venir seront le théâtre de grandes batailles entre les classes. La crise actuelle n’est pas temporaire: c’est une crise systémique, économique, écologique et de santé publique. Elle impliquera des réajustements politiques, culturels et sociaux majeurs. Rien de ce que nous croyons aujourd’hui n’est certain de rester pareil. Notre engagement à construire un mouvement anticapitaliste ouvert à toutes sortes de luttes et d’expériences nous permet d’envisager l’avenir de manière ouverte. Ainsi, il ne fait aucun doute que nous nous retrouverons dans de nombreuses luttes communes avec le «peuple de Podemos».
Dès que la situation sociale et sanitaire le permettra, nous organiserons une conférence politique d’Anticapitalistas, afin de discuter en profondeur de nos propositions pour la nouvelle étape. (14 mai 2020; traduction rédaction A l’Encontre)
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