Québec: 13 juin 2012, journée nationale

Le Québec est en pleine ébullition. Entre les manifestations étudiantes, le tintamarre des casseroles, la répression policière et la loi spéciale, le printemps «érable» semble se diriger vers une protestation sociale à la grandeur du Québec. Si la grève était étudiante, le mécontentement, lui, est devenu populaire. Ce programme de mobilisation reflète l’imagination alliée à la détermination ainsi qu’à l’organisation des secteurs mobilisés depuis des mois. En «supplément», nous publions, après cet appel motivé, une réflexion sur le «compromis» dans une lutte sur des objectifs essentiels. En outre, nous proposons à nos lecteurs et lectrice une réflexion sur la dimension multiculturelle de la mobilisation sociale en cours. Enfin, il faut noter la répression exercée contre les manifestant·e·s à l’occasion du Grand Prix de Formule 1 à Montréal, le samedi 9 juin 2012. (Rédaction A l’Encontre)

*****

Une journée nationale d’actions le 13 juin prochain

L’Assemblée nationale du Québec [parlement] termine ses travaux le 15 juin 2012 et il faut donner un dernier grand coup avant la pause estivale. Ainsi, pour remettre nos revendications et nos alternatives fiscales à l’avant-plan et pour démontrer notre opposition à la loi spéciale [Loi 78 – voir article prédécent], la Coalition en appelle à une journée nationale d’actions le 13 juin 2012, à la grandeur du Québec, pour revendiquer :

• L’abolition des hausses de taxes et de tarifs (taxe santé, droits de scolarité et tarifs d’électricité)

• La mise en place d’alternatives progressistes (par ex., un 4e palier d’impôt pour aller chercher 1 milliard $ dans les poches des plus riches)

• Le retrait de la loi spéciale

Propositions d’actions régionales et locales le 13 juin 2012

Date des actions

• La session parlementaire prend fin la semaine du 11 au 15 juin ;

• La Conférence de Montréal se tient du 11 au 14 juin. Cette conférence est un rassemblement d’élite économiques et politiques qui se concertent pour s’assurer une «croissance durable» (http://forum-ameriques.org/montreal/2012 ).

• Le 13 juin à 12h, la Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics organise un rassemblement à Montréal devant l’hôtel Bonaventure où se tient la conférence.

• En conséquence, le comité suivi-action invite des groupes à tenir des actions le 13 juin

Objectifs des actions

• Réitérer les revendications prioritaires de la coalition : annulation de la hausse des frais de scolarité, abolition de la taxe santé, annulation de la hausse prévue des tarifs d’Hydro ;

• Faire connaître au grand public l’existence d’alternatives fiscales aux politiques néolibérales du gouvernement ;

• Permettre aux membres de témoigner de leur détermination à voir le gouvernement changer de trajectoire budgétaire ;

• Faire parler la presse régionale et locale des alternatives fiscales et des revendications de la coalition.

Suggestions de lieux

• Trouver un lieu significatif pour votre région de la destruction, de la tarification et/ou de la privatisation des services publics et du Bien Commun.

• Assurez-vous que ce lieu soit suffisamment passant/visible.

• Par exemple: une agence régionale de santé et services sociaux, une institution financière, un bureau d’Hydro, un collège d’enseignement général et professionnel (CEGEP) et/ou université, un bureau de député, compagnies minières, etc.

Suggestions d’actions (vous pouvez fusionner plusieurs suggestions)

• Faire du bruit, du piquetage, une distribution de tract.

• Un pique-nique militant ou une soupe populaire.

• Offrir aux membres des organismes un micro dans un lieu public afin qu’ils et elles puissent témoigner de l’impact dans leur vie des politiques de tarifications et de privatisations. La question posée pourrait être : «Quel impact les décisions du gouvernement ont eu sur vos conditions de vie?»

• Un bal masqué (Pour votre information : les masques sont illégaux uniquement à Québec et à Montréal – étant donné la Loi 78)

• Déguisez-vous en clown-police et demandez aux passantes leur itinéraire, trouvez une mascotte à votre région/localité

• Une chorale militante dans un lieu passant. Inventez des paroles sur des chansons connues ou si vous êtes sur FB visitez http://www.facebook.com/groups/chorale.du.peuple/doc/162172010558336/

• Mettre du rouge à la fenêtre de vos organismes ou maisons

• Drop de bannière (affichez une bannière avec un message politique dans un endroit public et passant)

• Freeze (arrêt sur image de plusieurs personnes dans un endroit public)

• Un débat public participatif (http://www.scoplepave.org/porteurs%20de%20paroles.htm ) Exemple de questions pour les «porteurs de parole»: «En quoi le règne de Jean Charest a changé votre vie?» ou «Qu’est-ce que vous aimeriez financer avec vos impôts?» ou «Où allons-nous? Où va le Québec?»

Consignes pour l’organisation de l’action

• Contacter les groupes de votre région qui sont membres de la coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics ou qui sont mobilisés autour de cet enjeu et fixer une rencontre afin de préparer l’action;

• Déterminer une action et un lieu;

• Déterminer qui sera responsable:

– d’adapter et de diffuser le communiqué type qui sera envoyé par la coalition nationale;

– de la logistique (selon l’action choisie: animation, activité de visibilité à l’extérieur, point de presse, nourriture, pancartes, etc.) ;

– de la prise de photos pendant l’événement et de leur transmission à la coalition nationale afin que cela soit retransmis à tous les membres et diffusé sur les sites web de la coalition et des membres qui le souhaitent.

Matériel proposé par la coalition nationale

• Une affiche pour annoncer la journée d’action avec un espace pour faire connaître votre action régionale;

• Un tract à distribuer avant et pendant l’action;

• Un communiqué de presse type;

• Les propositions d’alternatives fiscales disponibles en ligne http://www.nonauxhausses.org/affiches/alternatives-fiscales-justes-et-equitables-pour-les-finances-publiques/

• Un feuillet de slogans;

• Des chansons aux paroles engagées parodiées par la chorale du peuple. (Vous devez vous connecter à FB http://www.facebook.com/groups/chorale.du.peuple/doc/162172010558336/ )

N’hésitez pas à adapter l’événement à votre réalité régionale ou locale! (8 juin 2012)

*****

Grève étudiante: des compromis, est-ce toujours indiqué?

Par Françoise Breault

Ces temps-ci, en relation avec la grève étudiante, on ne parle que de compromis…Chacun accuse l’autre de ne pas avoir fait suffisamment de compromis… Faire des compromis, est-ce toujours justifié ?

Comparons quelques situations.

Premier exemple: D’un côté, l’Institut économique de Montréal, avec Desmarais, en coulisse, prône la privatisation d’Hydro-Québec, en vue évidemment des profits faramineux à empocher. De l’autre, la majorité des citoyens considèrent que c’est une richesse qui appartient au peuple et doit rester au service du peuple pour le mieux-être de tous.

Serait-il indiqué que la population fasse des compromis et cède un % à Desmarais et sa clique ?

Deuxième exemple. D’un côté, Stephen Harper (Premier ministre du Canada depuis 2006) est de collusion avec les compagnies qui exploitent les sables bitumineux de l’Alberta peu importent les coûts environnementaux. De l’autre, la population, face aux menaces du dérèglement climatique et de la perte de la biodiversité, réclame l’arrêt de l’exploitation de cette énergie fossile extrêmement polluante.

Si on pense aux générations futures, un compromis est-il acceptable?

Troisième exemple. D’un côté, Charest (le premier ministre du Québec) choisit de baisser les impôts des nantis (dont le gang à Sagard – grand investisseur ayant donné son nom à la firme) et préfère augmenter l’endettement des étudiants. De l’autre, des citoyens bien informés croient que l’éducation est un droit pour tous et refuse que l’endettement soit un frein aux études. Une fiscalité progressive serait justice pour tous.

Y a-t-il de lieu de faire un compromis ?

Quatrième exemple: (sur un plan personnel cette fois). Un homme veut impérativement que sa femme reste à la maison. La femme désire finir ses études et poursuivre sa carrière… Y a-t-il lieu de faire un compromis ?

La femme qui sacrifierait sa carrière dans le but d’avoir la paix, de sauver son mariage, ferait-elle un compromis ou une compromission? Un compromis est indiqué quand chacun est prêt à sacrifier un avantage, un besoin, en vue d’un plus pour les deux… mais cela sans se trahir, sans trahir ses principes.

Dans le dictionnaire, compromission a comme synonyme lâcheté, accommodement, bassesse. [1]

Quand on demande à une personne ou à peuple de trahir ce qui lui est fondamental, son être en quelque sorte, ce n’est plus un compromis, mais une compromission. L’accès à l’éducation c’est fondamental pour un peuple.

S’il est contre-indiqué de faire des concessions quand il s’agit de l’environnement, du contrôle de nos richesses collectives, pourquoi faudrait-il céder quand il s’agit du domaine social, des humains et de leurs droits ?

Dans les trois premiers exemples, il s’agit de faire un choix de société, de décider dans quel pays nous voulons vivre et quel pays nous voulons offrir aux générations futures… «Qu’est-ce qu’on leur laisse?» chante (l’auteur-compositeur) Richard Séguin…

Les négociations actuelles ne sont pas le moyen approprié pour régler la situation. Pas étonnant qu’on soit dans une impasse. C’est comme si on utilisait des aspirines pour traiter un cancer. Or notre société est rongée par un cancer, le cancer néolibéral. Charest ne veut parler que de chiffres sans toucher le fond du problème, le mal-être actuel de notre société.

Dans ce cas, ce qui est indiqué, ce sont des États généraux. Pas un forum dirigé par Charest avec des paramètres néolibéraux; ce serait un piège de plus. De vrais Etats généraux où, pour une fois, nous tous, citoyens et citoyennes, serions en mesure de faire un débat authentique basé sur des faits et des aspirations collectives, et non sur des infos-poubelles biaisées qui, entre autres, répètent ad nauseam que les étudiants sont des bébés gâtés. Lorsque correctement informés, alors et uniquement alors, le choix de société que nous voulons en sera un éclairé.

Quand Jean Lesage et René Lévesque [1922-1984, a créé le Parti Québecois –PQ – en 1968] ont proposé de nationaliser notre réseau électrique, un vrai débat a eu lieu basé sur des faits. Quand une population est adéquatement informée, comme ce fut le cas, elle est capable de faire les bons choix.

Le droit et l’accessibilité à l’éducation pour tous est-ce une question moins importante? Nos jeunes sont-ils moins importants que nos barrages?

Des États généraux seraient tout aussi urgents quand il s’agit de notre système public de santé, lequel est menacé par les mêmes prédateurs qui menacent notre système d’éducation.

États généraux = démocratie. Les ploutocrates n’en veulent pas. Ils l’ont répété à plusieurs reprises aux étudiants. Ce serait trop dangereux… si tout à coup les gens voyaient clair dans leur jeu ! (5 juin 2012)-

_____

Voici quelques définitions du terme compromis:

• Action de transiger avec sa conscience ou ses principes en acceptant certains accommodements avec d’autres personnes pour son intérêt personnel (son ambition, ses passions ou sa tranquillité). http://www.cnrtl.fr/definition/compromission

• Larousse: arrangement conclu par lâcheté ou par intérêt

*****

Conflit étudiant – La diversité dans la rue

Par Cathy Wong

La police était présente autour du circuit de Formule I le samedi 9 juin et, ici, sur les places prévues pour des «festivités» organisées par le mouvement

Depuis le début des mobilisations étudiantes, si la dimension intergénérationnelle du mouvement a été signalée à plusieurs reprises, son aspect interculturel l’a été beaucoup moins.

«Viens-tu manifester ce soir?», me texte [SMS] Rima, une jeune musulmane voilée de 23 ans qui se mobilise depuis plusieurs semaines pour dénoncer la Loi 78 [répressive]. Plus tard, Kim, québécoise d’origine vietnamienne, me demande d’apporter une casserole supplémentaire pour qu’elle puisse dénoncer la violence policière dont un de ses amis a été victime. A l’âge de 24 ans, Kim vit sa première manifestation à l’angle des rues Saint-Denis et Laurier, chaudron à la main et fierté dans les yeux.

Pendant la marche, je fais la connaissance de Daniel, un jeune homme d’origine haïtienne qui met à jour son statut sur Facebook chaque minute. Il me confie avec excitation qu’il sollicite ses réseaux d’amis tous les vendredis soir pour leur donner rendez-vous à la place Émilie-Gamelin plutôt que dans les bars habituels du boulevard Saint-Laurent. Carré rouge tatoué sur le cœur, Daniel craint les conséquences néfastes pour lui et sa famille d’une augmentation des droits de scolarité.

A 22 heures, en pleine manifestation, mon cellulaire sonne. Ma mère s’inquiète et me demande si je suis en sécurité. Contrairement aux parents qui ont enseigné l’art de l’indignation publique dès un jeune âge à leurs enfants, ma famille, d’origine chinoise, m’a transmis des valeurs de conformisme, de discipline et de respect de l’autorité. La revendication sociale n’a jamais été encouragée par mes proches, encore moins la participation à des manifestations. Je rassure alors ma mère, ris avec elle pour dédramatiser ses peurs et lui promets de faire attention.

Le nouveau «nous»

Je marche et passe à côté de trois jeunes filles dans la vingtaine, l’une au teint plus foncé, l’une au voile coloré et la dernière aux cheveux blonds, toutes criant ensemble : «La loi spéciale, on s’en câlisse!»

La traditionnelle division entre les différentes communautés est remplacée par le rythme des casseroles et le son des slogans rassembleurs. Voilà le nouveau « nous » québécois qu’il faudrait reconnaître et cultiver.

On reproche souvent aux personnes issues des minorités ethnoculturelles de briller par leur absence dans les débats sociaux et politiques au Québec et de ne s’intéresser qu’à la promotion des intérêts de leur propre communauté. Or, à travers le conflit étudiant, plusieurs jeunes issus des minorités se mouillent, quelques-uns pour la première fois, au sujet de décisions politiques québécoises. Rouges ou verts, ils s’impliquent dans des enjeux qui touchent non seulement leur communauté d’origine, mais l’ensemble de la société québécoise.

Il y a d’intéressantes leçons à tirer du conflit social actuel sur les rapports entre majorité et minorités. L’engagement des nouvelles générations issues des minorités démontre qu’elles ne s’intéressent pas qu’aux seuls enjeux de leurs communautés respectives. Plutôt, leur mobilisation contribue au renforcement de notre démocratie et illustre leur attachement profond au Québec.

Ainsi, il faut souhaiter que les mouvements citoyens continuent à rassembler au-delà des différences culturelles et linguistiques, et que ce dynamisme devienne une caractéristique permanente de la vie publique québécoise. (Le Devoir, 9 juin 2012)

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*