Brésil. La droite se renforce, le PT s’effondre, le PSOL se profile

Marcelo Freixo (PSOL-MES de Rio de Janeiro)
Marcelo Freixo (PSOL-MES de Rio de Janeiro)

Par Luis Leiria

Un premier examen du résultat des élections municipales de dimanche 2 octobre 2016 au Brésil doit se baser sur trois faits: 1° il y a eu une importante victoire des partis de la droite qui ont appuyé l’impeachment (destitution) de la présidente Dilma Rousseff, principalement le PSDB et le PMDB; 2° il s’est produit l’écroulement attendu du PT, qui perd en faveur du PSDB, déjà au premier tour, la préfecture la plus importante du Brésil, celle de São Paulo; 3° s’est confirmé le renforcement politique du PSOL (Parti du socialisme et de la liberté), qui va être présent au second tour (le 30 octobre) dans les mairies de Rio de Janeiro, de Belém [Etat amazonien du Pará] et de Sorocaba [dans l’Etat de São Paulo]. Il prétend ainsi occuper, à moyen terme, l’espace à sa gauche que le PT a abandonné avec armes et bagages.

Marcel Freixo, du PSOL, affrontera le deuxième tour à Rio de Janeiro

Comme nous l’avions prévu dans un article précédent, Marcelo Freixo, du PSOL, a exclu du deuxième tour le candidat du PMDB et l’actuel maire [Eduardo Paes] et a obtenu un 18,26% de votes bien sonores, alors que le dernier sondage lui en prédisait à peine 11%. Marcelo Crivella, pasteur de l’Eglise universelle et sénateur du PRB [le Parti républicain brésilien], qui a gagné l’élection avec un résultat inférieur à celui qui lui était attribué par les sondages (27,78%), disputera donc avec Freixo le deuxième tour.

Remarquez que l’élection du deuxième tour, qui aura lieu le 30 octobre, est une élection d’un genre nouveau, en raison du fait que cette fois les candidats bénéficieront tous des mêmes conditions, notamment dans les débats et apparitions à la télévision où les temps d’antenne seront égaux. Au premier tour, Crivella avait 1 minute et 11 secondes quotidiennes de TV, alors que Freixo n’avait que 11 secondes. D’ailleurs, le candidat du PSOL avait été écarté du premier débat à la TV. Il n’avait participé aux débats suivants que grâce à la forte pression de la rue et des tribunaux.

«Nous ne pouvons plus quitter les rues et les places après cette victoire historique», a proclamé Freixo devant la foule qui s’est réunie près des Arches de Lapa [Arcos da Lapa au centre de Rio de Janeiro, pour fêter le résultat. «Deux projets très différents pour la ville sont maintenant en compétition, le nôtre, celui de la gauche, et celui de Crivella. Les autres partis devront choisir entre l’un et l’autre ou alors rester indifférents», a déclaré le candidat du PSOL qui a déjà reçu l’appui de la candidate du PCdoB [Parti communiste du Brésil], Jandira Feghali.

Une constatation s’impose: aucun des deux partis qui disputeront la préfecture de Rio le 30 octobre n’appartient aux principaux partis du système politique brésilien: le PMDB, qui perd la préfecture, a été relégué avec ses 16,12% à la troisième position; le candidat du PSDB est arrivé en 6e position avec 8,62%; quant à la candidate du PCdoB, qui était appuyée par le PT et a pu compter sur la participation de Lula à un événement de sa campagne, elle est arrivée en 7e position avec 3,34% des voix. A noter également les très préoccupants 14% du candidat de l’extrême-droite Flávio Bolsonaro, arrivé en 4e position.

Le PSOL dispute également le deuxième tour des élections à Belém: l’actuel maire Zenaldo Coutinho, du PSDB, va concourir face à Edmilson Rodrigues, du PSOL, qui a déjà été maire de la ville à l’époque où il appartenait encore au PT. Deux autres candidats du parti qui avaient des chances de rester dans la course se sont fait écarter du deuxième tour. A Porto Alegre [capitale de l’Etat du Rio Grande do Sul], Luciana Genro, qui figurait pourtant en tête des sondages, n’a obtenu qu’une quatrième place avec 12,06%, et à Cuiabá [capitale de l’Etat du Mato Grosso], le Procureur Mauro, du PSOL [qui avait quitté le PT en 2003], qui également figurait en tête dans presque tous les sondages, n’a fini que 3e avec 24,85% des voix. Quant à Raul Marcelo, du PSOL, il a obtenu 25% à Sorocaba, une ville (et non une capitale) importante de l’Etat de São Paulo, ce qui lui permettra de se battre au deuxième tour contre Crespo, du DEM [Démocrates, parti conservateur-libéral issu, en 2007, du Parti du Front Libéral], qui a recueilli 45% des suffrages.

Les résultats généraux du PSOL montrent que le parti s’achemine vers une nouvelle phase dans laquelle il commence à disputer au PT l’hégémonie de la gauche. Il est vrai que le parti a obtenu moins de votes pour la fonction de maire qu’en 2012 (2’097’623 maintenant contre 2’388’701 en 2012) et a élu moins de conseillers municipaux (29 maintenant, 49 auparavant). Il est cependant vrai aussi que les groupes du PSOL présents dans les Conseils municipaux de capitales importantes ont été renforcés: à Rio de Janeiro, ils sont passés de 4 à 6 conseillers; à São Paulo de 1 à 2; à Belo Horizonte [capitale de l’Etat du Minas Gerais] de 0 à 2; à Porto Alegre de 2 à 3. A l’inverse de cette tendance, le parti a perdu à Belém un conseiller municipal (de 4 à 3) et à Natal [capitale de l’Etat du Rio Grande do Norte] un autre (de 2 à 1). Un autre fait important est qu’à Belo Horizonte et à Porto Alegre, c’est la candidature de deux militantes féministes du PSOL au Conseil municipal qui a reçu le plus de voix de toute la ville.

Le PT se vide

Le Parti des travailleurs, qui était arrivé à être le troisième parti du pays en nombre de mairies, n’a réussi à garantir, dans les capitales, la victoire au premier tour qu’à Rio Branco, la capitale de l’Etat de l’Acre. Dans les autres capitales, le parti ne disputera le deuxième tour qu’à Recife [capitale de l’Etat de Pernambuco]. Quant à son allié, le PCdoB, il disputera le deuxième tour à Aracaju [capitale de l’Etat de Sergipe].

La plus grande défaite du PT s’est produite dans la ville de São Paulo où Fernando Haddad a perdu l’élection, bien qu’il se soit retrouvé en deuxième position avec 16,7%, cela parce que João Doria, du PSDB, a dépassé les 50% de votes valides (il a obtenu 53,28%) et que pour cette raison, il a été élu dès le premier tour. Le PT a perdu encore deux autres capitales, Goiânia [Etat de Goiás] et João Pessoa [Etat de Paraíba].

Dans les villes du Grand São Paulo, les candidats du PT ont été battus dans des villes considérées pourtant comme les berceaux du parti, notamment São Bernardo et Diadema, où les candidats du parti se sont retrouvés en 3e place alors que ces villes étaient gouvernées par le PT. A Osasco, le préfet Jorge Lapas avait été élu par le PT, mais il a passé dans les rangs du PDT [le Parti démocratique travailliste], et c’est au sein de ce parti qu’il disputera le second tour. Dans une autre ville du Grand São Paulo gouvernée par le PT, Guarulhos, le candidat du parti a également été écarté du second tour. Un autre cas de maire du PT qui a décidé de changer de parti s’est produit à Niterói, dans le Grand Rio de Janeiro, où cette personne a décidé d’abandonner la barque afin de ne pas couler avec elle, et c’est en tant que candidat du PV [le Partido Verde] qu’il ira disputer le deuxième tour. Des 642 mairies conquises en 2012, le PT en perd déjà 108 de la même façon dont les choses se sont produites à Niterói, là où le maire a quitté son parti pour en rejoindre un autre.

Le gouvernement Temer se renforce avec les résultats

Le PMDB de Michel Temer continuera malheureusement à être le parti tenant le plus grand nombre de mairies. Les victoires du PSDB (qui, après deux élections successives où il avait perdu sur le terrain municipal, s’est remis à croître et a conquis São Paulo dès le premier tour), celles du DEM, qui a vu son maire se faire réélire à Salvador directement au premier tour, ainsi que d’autres victoires d’autres partis appuyant le gouvernement, donnent également un confortable support au gouvernement de Michel Temer.

La grande victoire du PSDB de São Paulo a été organisée par le gouverneur Geraldo Alckmin, qui a décidé de lancer à la mairie de la capitale pauliste un homme extérieur à l’appareil politique, à savoir le chef d’entreprise et présentateur de talk-shows João Doria Jr., candidat dont l’ascension a été fulgurante.

En tant que millionnaire qui a déclaré au TSE [le Tribunal électoral supérieur] un patrimoine de 180 millions de reais [50 millions de CHF), Doria a fait une campagne dans laquelle il se présentait comme étant non un «politique», mais un administrateur se proposant de désétatiser São Paulo afin d’alléger cette machine qui, selon lui «est très lourde et ne marche pas».

Au total, ce sont 54 villes (sur lesquelles 18 sont des capitales d’Etats fédéraux) qui connaîtront un second tour le 30 octobre 2016. Il faut rappeler que ce n’est que dans les villes de plus de 200’000 électeurs qu’il y a un second tour. (Article publié sur le site Correio da Cidadania, le 3 octobre 2016; traduction A l’Encontre)

1 Commentaire

  1. Quelle terrible leçon politique que la perte du pouvoir par le PT du Brésil ! Sa conquête avait été saluée dans le monde entier comme l’espoir d’une possible victoire du monde du travail par les urnes. Mais c’était ignorer la grande leçon lancée depuis la  Révolution française, par Saint-Just : Une révolution ne doit pas s’arrêter. Et celle de Marx, après le défaite de 1848 : Révolution permanente ! Théorisée par Trotsky.  Lula fit le contraire ! Ses compromis avec le libéralismes furent immédiats. La bourgeoisie elle, ne fait pas d’erreur. Tout pas en arrière de son ennemi devra être suivi d’autres, jusqu’à sa perte. La chute fut lente, car les masses travailleuses sont patientes et fidèles à ceux en qui elles ont mis leur confiance. Mais l’issue était fatale.
    Le terrible est que la chute de la trahison est en même temps celle du peuple, entraînant un retour en arrière.

    Tout est à recommencer. Cela devrait au moins être un enseignement pour le pouvoir bolivien : Lui, qui n’est pas traître ne va pas non plus JUSQU’AU BOUT ! Et cela  risque de le conduire à la situation du VENEZUELA !
    Michel Lequenne

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