Elections en Saxe et en Thuringe: «La sécurité intérieure devient un substitut à la sécurité sociale»

Alice Weidel, présidente de l’AfD, au côté du dirigeant de la fraction parlementaire au Bundestag, Tino Chrupalla, présente le 30 août un t-shirt anticipant une victoire.

Par Moritz Maier

A l’occasion des élections régionales en Thuringe et en Saxe (1er septembre 2024) l’AfD (Alternative für Deutschland), le BSW (Bündnis Sahra Wagenknecht-Für Vernunft und Gerechtigkeit-Alliance Sahra Wagenknecht – Pour la raison et la justice), et souvent la CDU et Die Linke – à l’occasion des élections régionales en Thuringe et en Saxe de nombreux partis se sont focalisés sur des thèmes qui n’avaient pratiquement rien à voir avec la politique régionale. Les questions de politique fédérale et même mondiale ont eu le vent en poupe. En outre, les réponses simples à des questions compliquées ont eu la cote. Pour Silke van Dyk, professeure de sociologie à Iéna (Thuringe), ces élections montrent que «presque tous les partis démocratiques se laissent désormais entraîner par l’AfD» [Voir l’article publié sur ce site le samedi 31 août et traçant les contours du contexte propre à l’avancée de l’AFD.]

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Le fort score de l’AfD dans les deux Länder [voir le tableau des résultats en fin d’article] n’a pas surpris la professeure, qui fait des recherches sur les inégalités sociales et la politique sociale. En revanche l’ont surprise la rapidité et la radicalité avec lesquelles la BSW a pu couper l’herbe sous le pied de Die Linke, explique Silke van Dyk dans un entretien avec IPPEN.MEDIA. «D’autant plus que depuis la création du parti, les membres du BSW s’expriment de manière nettement plus radicale qu’à l’époque où Sahra Wagenknecht se situait dans Die Linke». Contre toute attente, cela n’a pas aidé Die Linke: «Beaucoup sont partis du calcul suivant: «Plus la BSW se déplace vers la droite [sur l’immigration], moins il nuit à Die Linke. Ce calcul n’a pas fonctionné.»

Mais la BSW n’a pas été le seul parti à marquer des points en Thuringe et en Saxe sur les grands thèmes de la politique sociale et étrangère: «Sur le thème de la Russie et de la question de la paix [Guerre Ukraine-Russie], il est apparu clairement que les partis ont mis l’accent, lors de ces élections, sur des questions qui n’ont vraiment rien à voir avec la politique régionale», explique la professeure Silke van Dyk. Elle poursuit: «Il faut se demander si, lors d’une telle élection régionale, les gens se préoccupent encore de ce que les hommes politiques d’un Land peuvent changer? Ou bien les élections régionales sont-elles tout simplement devenues une scène pour de tout autres thèmes»?

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Silke van Dyk observe, à travers cette forme de communication politique qui a dépassé les frontières «régionales» des partis, un déplacement des débats: «Les réactions à l’attentat de Solingen [attaque meurtrière au couteau commise par un réfugié syrien, lors d’un concert, le 25 août, dans cette ville de Rhénanie-du-Nord-Westphalie] ne sont pas les seules à montrer que presque tous les partis démocratiques se laissent désormais entraîner par l’AfD. Il est hautement populiste de voir comment la question de la sécurité intérieure supplante tout le reste, notamment la question des droits de l’homme et celle de la sécurité sociale. Cela ne veut pas dire que la sécurité intérieure n’est pas également importante. Mais dans le débat actuel, la sécurité intérieure devient un substitut à la sécurité sociale».

Dans ce contexte, Silke van Dyk critique également les débats qui ont été menés par les politiques et les médias après les élections: «A propos de la sécurité intérieure: quelqu’un a-t-il vraiment soulevé la question, lors de la longue soirée électorale, de savoir ce qu’il en est de la sécurité de ceux contre lesquels la haine de l’AfD est dirigée?»

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Ce sont surtout les partis classiquement orientés vers le dit Etat social comme le SPD, les Verts et Die Linke qui ont été sanctionnés lors des deux élections. Mais selon l’analyse de Silke van Dyk, aucun parti ne peut se passer de l’utilisation de récits «populistes», en particulier sur le thème de l’immigration. Dans les deux Länder, le paysage politique s’éloigne des partis traditionnels. L’AfD [d’extrême-droite] se renforce. En ce qui concerne la BSW, l’habituelle grille de lecture gauche-droite est en partie insuffisante.

La chercheuse, qui enseigne elle-même en Thuringe, observe dans les nouveaux Länder un attachement aux partis nettement plus faible que dans les Länder de l’ouest. «Au niveau communal, la disparition de nombreux partis établis a des conséquences particulièrement dramatiques: les candidats indépendants sont de plus en plus nombreux et promettent une politique locale pragmatique», explique Silke van Dyk. Elle y voit un danger potentiel. «Ils peuvent certes s’engager sur place pour un autre système d’évacuation des eaux usées ou un nouveau centre de jeunes, mais ils ne sont plus intégrés dans le dispositif de parti plus grand. Alors, souvent échappe à la transmission/présentation d’autres thèmes, par exemple l’antiracisme à côté des eaux usées»  […]. (Article publié par le quotidien Frankfurter Rundschau le 2 septembre 2024; traduction rédaction A l’Encontre)

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