Par Samuel Farber
I. Introduction
Raul Castro a réalisé un grand nombre de changements qui touchent de nombreuses facettes de la société cubaine. Dans le domaine politique, ces changements partagent tous certaines caractéristiques: une libéralisation politique (et culturelle) significative et bienvenue, mais sans aucune démocratisation du système; assouplissement des règles administratives et des concessions aux exigences populaires, mais sans la reconnaissance de droits citoyens indépendants de la volonté du gouvernement.
La nouvelle réforme migratoire qui est entrée en vigueur en janvier 2013, est un exemple d’une libéralisation significative qui ignore le droit des citoyens à entrer et à sortir du pays à leur convenance. D’un côté, on ne confisque plus les biens aux émigrants et il n’est plus nécessaire d’avoir un permis spécial pour sortir du pays. Selon les nouvelles règles, il suffit de présenter un passeport à jour et le visa du pays de destination pour voyager à l’étranger. Mais, d’un autre côté, les citoyens cubains n’ont pas droit au passeport. L’article 23 du Décret-Loi N° 302 du 16 octobre 2012 qui établit la réforme migratoire précise explicitement que le gouvernement peut refuser le passeport à certaines catégories de citoyens. Parmi ces catégories il y a celle des Cubains qui font l’objet d’une «mesure de sécurité», celle des Cubains pour lesquels cette mesure s’applique «pour des raisons de Défense et de Sécurité nationale», celle des solliciteurs qui n’ont pas «l‘autorisation établie, en vertu des normes destinées à préserver les forces de travail qualifiées pour le développement économique et social et scientifico-technique du pays, ainsi que la sécurité et la protection de l’information officielle».
En même temps, l’article 24.1 interdit l’entrée du pays à plusieurs catégories de personnes, dont celles ayant «organisé, stimulé, réalisé ou participé à des actions hostiles contre les fondements politiques, économiques et sociaux de l’Etat cubain» ou «lorsque des raisons de Défense et de Sécurité nationale le recommandent». Autrement dit, le gouvernement cubain peut légalement refuser l’entrée sur l’île de tout Cubain résidant à l’extérieur du pays et qui est opposé au régime. C’est ainsi que la réforme a étendu à 24 mois le séjour légal à l’étranger des citoyens cubains qui voyagent pour des raisons particulières [1], les obligeant à obtenir la permission du gouvernement cubain pour légaliser ce séjour. Sinon ils pourraient être considérés légalement comme des «émigrés», ce qui implique, par exemple, la perte de leur droit à la retraite. Les Cubains qui obtiennent la permission du gouvernement pour séjourner à l’étranger, ne peuvent rester à Cuba que 180 jours lorsqu’ils visitent l’île (90 jours pour ceux légalement considérés comme des «émigrés»).
Par conséquent, même si la nouvelle réglementation libéralise la politique migratoire, elle pénalise à nouveau par la perte de droits ceux qui voyagent à l’étranger, qu’ils soient ou non des «émigrés» et elle ignore complètement le principe démocratique qui veut que le droit à la liberté de déplacement soit attaché à la citoyenneté et non pas à l’Etat. Il faut cependant reconnaître que jusqu’à maintenant la loi a été appliqué de manière plus libérale que ce à quoi s’attendaient beaucoup de personnes, dont l’auteur de cet article. C’est le cas notamment en ce qui concerne les médecins, qui ont actuellement beaucoup plus de possibilités de voyager pour leur propre compte.
Le gouvernement a également permis que des dissidents connus tels que Eliecer Davila, Berta Soler, la leader des Damas de Blanco (Dames en blanc), et surtout Yoani Sanchez (philologue, animatrice du blog Génération Y) – à laquelle on avait précédemment à d’innombrables occasions interdit de sortir du pays – puissent obtenir leurs passeports respectifs et voyager à l’étranger. Mais la dissidente Gisela Delgado Sablon a dénoncé le fait qu’on lui avait refusé le permis de sortir du pays avec le droit de retour parce que son nom apparaissait dans une “«liste de personnes appartenant à des groupuscules contre-révolutionnaires». [2]
Donc, même si la libéralisation due à ces changements – et d’autres dont notamment un meilleur traitement des gays – a été significative, on ne peut pas dire la même chose au sujet de la démocratisation du système politique. En suivant la tradition établie depuis plus de cinquante ans, le gouvernement de Raul Castro continue de prétendre que la manipulation depuis en haut peut passer pour de la démocratie. C’est ce qu’ont démontré les préparatifs et la réalisation du VIème Congrès du Parti communiste cubain d’avril 2011. Avant le congrès, Raul Castro a appelé à une «discussion ouverte» de trois mois, du 1er décembre 2010 au 28 février 2011 sur les esquisses initiales proposées par le PCC. Ces «discussions» prétendaient être démocratiques, mais ont été organisées de telle manière qu’elles ont nié et dénaturé l’essence démocratique.
La presse officielle avait le contrôle exclusif de ce qui pouvait être rapporté – et de quelle manière – sur ce qui se passait dans les bureaux, les usines et les centres collectifs du pays. Les participants à ces débats n’avaient pas d’organisation propre et ne pouvaient ni communiquer avec les participants aux débats qui se déroulaient ailleurs, ni s’organiser pour appuyer leurs revendications. Ainsi, ceux qui participaient à un débat dans un lieu donné affrontaient en tant que groupe isolé l’organisation à niveau national des gouvernants: le PCC (Parti communiste cubain). Il est significatif qu’entre le 15 et le 30 novembre 2010, c’est-à-dire pendant la période qui a précédé immédiatement la «discussion ouverte», le Parti a organisé des séminaires dans toutes les municipalités afin de préparer les cadres qui allaient participer aux réunions avec les membres de base du parti, les travailleurs et les structures locales. [3] Par conséquent le Parti disposait de cadres entraînés qui seraient présents dans chaque débat pour le «guider» et pour y transmettre les «orientations» venant d’en haut. Il est clair que ce processus de discussion n’a pas été un débat démocratique, mais un processus comparable aux casiers de plaintes et de suggestions au sein des entreprises capitalistes que les mangers utilisent pour apaiser leurs employé·e·s et, parfois, pour perfectionner l’administration de l’entreprise.
Tout processus authentique de réforme implique nécessairement l’ouverture des médias de masse. Par exemple, dans le processus de Glasnost de Gorbatchev il y avait des organes de presse très critiques comme Ogonyok et Argumenty-Fakty qui circulaient largement dans la population et n’étaient pas restreints à des groupes relativement petits. Mais dans le Cuba actuel, ces médias continuent d’ être contrôlés par le Département idéologique du Comité central du PCC dirigé par Rolando Alfonso Borges. Il n’y a qu’un nombre très limité de Cubains qui ont accès à des points de vue qui divergent de manière significative de la ligne gouvernementale, par l’intermédiaire d’Internet, qui est très peu implanté dans l’île, et des publications catholiques de circulation limitée telles que Espacio laical. L’immense majorité de la population de l’île dépend de la presse et de la télévision officielles pour s’informer de ce qui se passe à Cuba et dans le reste du monde. A part une petite concession qui permet aux Cubains l’accès à Telesur, la chaîne sponsorisée par le gouvernement vénézuélien, il n’y a pas eu de changements ou de réformes significatives qui auraient pu élargir les points de vue transmis par les médias de communication de masse.
II. Le caractère des changements et des réformes économiques
Lorsqu’il a pris les commandes de l’Etat cubain en 2006, Raul Castro s’est trouvé face une situation économique critique [4] qui exigeait des mesures drastiques, ce qui a conduit le gouvernement à se vouer principalement à tenter de revitaliser l’économie. Mais il a commis des erreurs et imposé des entraves qui, dans la pratique, ont sapé et même nié certains de ses objectifs supposés. Certaines de ces erreurs – comme le fait de ne pas anticiper les mesures nécessaires pour compléter les nouvelles réformes dans le domaine de l’emploi – pourraient être attribuées à l’inefficacité bureaucratique et sont, au moins en principe, réparables. Mais il y a des obstacles qui ont une origine plus profonde et structurelle, et qui sont le fruit de contradictions qui viennent principalement de la crainte qu’ont les chefs politiques et bureaucratiques de perdre leur pouvoir, leur contrôle et leurs privilèges, suite à une réorganisation de l’ordre existant.
Les réformes agricoles, essentielles pour l’économie cubaine pour pouvoir alimenter une population qui dépend en grande partie de produits importés, sont un exemple. Jusqu’en novembre 2012, le gouvernement a distribué 1,5 million d’hectares (58% du total des terres en friche de l’Etat) à 174’271 personnes [5] dont la grande majorité n’avait aucune expérience en matière d’agriculture. En accord avec le Décret-Loi 300 de 2012, qui a remplacé le Décret-Loi de 2008, on a accru l’étendue des terres distribuées aux usufruitiers privés à 67,10 hectares ou cinq caballerias. [6] Le gouvernement a également autorisé, après les avoir interdites, les «bienhechurias» telles que la construction et l’amélioration des logements paysans [7] et s’est engagé à compenser les paysans pour ces améliorations pour les cas où le contrat d’usufruit ne serait pas renouvelé. Par contre, le gouvernement n’a pas été d’accord de garantir le droit à l’usufruit au-delà de dix ans, malgré le fait qu’en principe celui-ci peut être périodiquement renouvelé à la fin du contrat pour une nouvelle période identique. Cela est en opposition avec la politique beaucoup plus libérale adoptée en Chine et au Vietnam. En limitant légalement la durée de l’usufruit de la terre décourage évidemment l’effort individuel des paysans et des paysannes et de leurs familles ainsi que l’investissement de capital. En outre, bien que la moitié des terres cédées soient couvertes de marabu, un genre de plante invasive commune à Cuba, le gouvernement ne procure pas de crédits pour aider à l’éradiquer [8]. Le détenteur de ce droit de jouissance est également obligé de s’associer à l’une des «coopératives» agraires officielles et de vendre à l’Etat la majeure partie de sa production à des prix établis par Acopio, l’agence étatique chargée de cette tâche. En Chine et au Vietnam, tout comme à Cuba, la propriété de la terre est restée en mains de l’Etat, mais contrairement aux détenteurs cubains de ce droit, ceux de Chine et du Vietnam peuvent décider de ce qu’ils vont planter, à qui ils vont vendre et à quel prix [9].
Etant donné ces limites et les difficultés qu’affrontent les paysans privés pour se procurer les outils et les matériaux de base pour débroussailler, préparer et cultiver la terre ainsi que pour transporter et distribuer l’excédent de leurs récoltes [10], il n’est pas étonnant que les résultats de la réforme agraire aient été médiocres. Les va-et-vient récents de la production agricole non sucrière, qui a diminué de 5% en 2010, augmenté de 5% en 2011 et de 1.7 en 2012 et diminué de 7.8% au cours du premier trimestre 2013 (en comparaison avec le premier trimestre de 2012), alors que l’élevage a baissé de 4.3% en 2012 et augmenté de 16.8% au premier trimestre 2013 (de nouveau, par rapport au premier trimestre 2012), font que la production agricole cubaine est très en dessous de la production obtenue dans l’immense majorité de ces secteurs en 1989 [11]. Pendant le même temps, les prix des produits agricoles ont augmenté de 20% en 2011, ce qui est peut-être en partie dû à l’augmentation de la demande interne, plus importante que l’offre [12], ainsi qu’au fait que Cuba importe 70% des aliments qu’elle consomme, et est donc exposée à l’augmentation des prix du marché agricole international.
III. Pourquoi les changements et les réformes n’ont-ils pas pu reproduire le modèle sino-vietnamien?
Depuis quelque temps déjà, le régime de Raul Castro a montré un penchant pour le modèle sino-vietnamien, dans le sens de la création d’un capitalisme d’Etat qui monopolise le pouvoir politique à travers le Parti communiste et qui contrôle les secteurs stratégiques de l’économie comme les banques, tout en partageant le contrôle du reste de l’économie avec un secteur capitaliste privé aussi bien domestique qu’étranger. Sur le plan idéologique et politique, Raul Castro a exprimé son admiration pour le modèle chinois, en déclarant, sur le style altermondialiste, que la réussite de la Chine démontre qu’«un autre monde est possible». [13] Mais l’application de ce modèle est restée à mi-chemin.
Comment expliquer cette situation? Raul Castro lui-même a exprimé à plusieurs reprises son mécontentement en ce qui concerne la lenteur des changements impulsés par son gouvernement, attribuant le manque de progrès à la «barrière psychologique faite d’inertie, d’immobilisme, de simulation ou de double morale, d’indifférence et d’insensibilité, et que nous devons constamment et fermement surmonter.» [14] Or, même si ces barrières psychologiques existent, il faut en identifier les racines socio-structurelles et de classe qui les stimulent et le reproduisent. Dans ce sens, c’est surtout le système bureaucratique qui dirige l’économie cubaine qui, systématiquement, reproduit des irrationalités et des inefficacités économiques [15] et encourage des attitudes qui sapent le sens de responsabilité de groupe et d’individus, aussi bien parmi les gérants que parmi les travailleurs.
Il n’y a aucun doute, par exemple, que la haute bureaucratie est responsable de n’avoir pas anticipé la nécessité de mesures complémentaires à la légalisation du travail indépendant dans les villes comme la création d’un système de crédit et de prix de gros. Même si l’on a tenté de remédier à cela plus tard, il y a un aspect des contradictions du gouvernement de Raul Castro qui semble sans remède, ce sont les limitations programmatiques des réformes, qui systématiquement restreignent leur réussite, aussi bien dans le cas de la légalisation du travail indépendant que dans le cas du manque de sécurité et d’encouragements pour les détenteurs de droit de jouissance de terres distribuées par l’Etat. Dans le même ordre d’idées, le contrôle exercé depuis le sommet du parti unique et le manque de droits citoyens stimulent et reproduisent la «double morale», puisque les gens disent une chose en privé et une autre en public pour ne pas se mettre en difficultés avec les autorités, ce qui pourrait sérieusement affecter leurs possibilités en matière d’éducation et de travail.
L’analyse structurelle proposée ici suggère que beaucoup de dirigeants du gouvernement craignent, à juste titre, qu’un changement plus ferme en direction du modèle sino-vietnamien ne leur fasse perdre de leur influence sur des secteurs de la bureaucratie, voire leurs emplois. Par exemple, n’importe quel changement majeur dans l’administration de l’agriculture cubaine pourrait mettre en danger la structure bureaucratique de Acopio, l’agence chargée de collecter les produits agricoles fournis par les paysans privés.
Dans ce contexte, il faut tenir compte des rapports tendus avec les Etats-Unis, surtout parce que, à la différence du gouvernement chinois, qui avait des relations favorables avec sa diaspora capitaliste [16], le gouvernement cubain n’a pas encore noué des relations avec les capitalistes cubano-étatsuniens; même si certains, comme le groupe Cuba Study Group, dirigé par Carlos Saladrigas, ont manifesté leur intérêt à investir dans l’île lorsque le gouvernement aura fourni quelques garanties légales pour leurs investisseurs.
C’est dans cette ambiance de retranchement bureaucratique que le mode de fonctionnement politique de Raul Castro joue un rôle critique, en renforçant ou en cassant cette stagnation. Bien qu’il ait à maintes reprises critiqué la bureaucratie, il l’a toujours fait de manière générale et abstraite, il n’a jamais osé violer le consensus bureaucratique en pointant des individus ou des secteurs de la haute bureaucratie spécifiquement responsables de décisions erronées ou ayant conduit à des échecs, ce qui reviendrait à «sacudir la mata» (expression que l’on peut traduire par secouer le cocotier, largement utilisée à Cuba au début de la révolution, lorsque l’objectif était d’éliminer du pouvoir ceux qui étaient perçus comme étant opposés à la radicalisation du processus et/ou à l’influence communiste). Les critiques spécifiques ont été limitées à des petits et moyens fonctionnaires à travers les colonnes du journaliste José Alejandro Rodriguez dans le quotidien Juventud Rebelde et dans la section des plaintes qui paraît toutes les semaines dans Granma. Même si ce silence a été une tendance générale dans les systèmes de «type communiste», il est particulièrement notable dans le cas cubain. En contraste avec cette situation, le dirigeant soviétique Yegor Ligachev avait publiquement défié Gorbatchev et la même chose s’est passée en Chine, où des divergences publiques entre les leaders n’étaient pas loin d’atteindre la dureté des affrontements qu’il y a eu durant la Révolution culturelle des années 1960, et où, plus tard, plusieurs leaders communistes ont ouvertement et publiquement résisté à Deng et à son projet économique.
La soif de Raul et des plus hauts dirigeants de maintenir le consensus bureaucratique explique que Fidel Castro, le grand micro-manager de l’économie cubaine, n’a fait aucune allusion dans ses Réflexions aux changements économiques impulsés par son frère. Le comportement de Fidel démontre qu’il existe au minimum un pacte implicite avec Raul, selon lequel il limite ses opinions à des thèmes, comme celui de la politique étrangère et de l’environnement, où il n’a pas de divergences avec son frère. Il faut tenir compte du fait que, très tôt, Fidel Castro a démontré une grande affinité pour le monolithisme politique [17] que Raul et d’autres collaborateurs proches ont partagé. Ce penchant castriste pour le monolithisme a probablement été renforcé par les conséquences négatives des divisions auxquelles ils ont pu assister parmi les dirigeants de pays comme l’Algérie et la Grenade [en 1983 au sein de New Jewel Movement], avec lesquels ils avaient des relations très étroites.
Il est possible que la mentalité de chef d’entreprise de Raul Castro, qui affirme sa délégation de pouvoirs, renforce en lui le désir de consensus, surtout avec «ses gens», c’est-à-dire les ministres et fonctionnaires qui ont remplacé ceux qui avaient été nommés par Fidel. Il faut également tenir comte du fait que, tout comme la gestion d’entreprise peut échouer pour beaucoup de raisons autres que l’engagement et l’efficacité des managers, l’approche de Raul de déléguer le pouvoir et de juger des résultats pourrait avoir l’effet, peut-être non prévu, de fournir beaucoup plus de pouvoir, d’autonomie et de sécurité aux cadres de l’appareil bureaucratique que ce qu’ils avaient sous Fidel Castro. Ces caractéristiques du style de chef d’entreprise avec lequel gouverne Raul peuvent empêcher la solution de beaucoup des problèmes mentionnés ci-dessus, et donc de rendre plus difficile la réussite de changements structurels, faisant de Raul Castro un «réformateur tronqué», en opposition avec des dirigeants comme Deng et Gorbatchev qui ont concrétisé beaucoup de leurs décisions, même si dans le cas de Gorbatchev celles-ci ont échoué. Raul Castro ne semble même pas être l’équivalent cubain de Deng ou de Gorbatchev.
Le style de patron d’entreprise de Raul risque également d’installer dans l’île ce que l’historien de l’URSS Robert V. Daniels a appelé la «bureaucratie participative» qui a caractérisé l’URSS de Leonid Brezhnev. Selon Daniels, la “bureaucratie participative” a signifié que beaucoup d’experts et de fonctionnaires à niveau local ont acquis, avec d’autres membres de la bureaucratie, un niveau significatif de sécurité et d’influence, au détriment du sommet de la direction, ou qu’au moins la vulnérabilité était mutuelle. [18] Cette “bureaucratie participative” a dû jouer un rôle important pour transformer l’ère de Léonid Brejnev (1964-1982) en l’«ère de la stagnation».
IV. Quel genre de communiste est Raul Castro?
Il est paradoxal que Raul Castro soit devenu le «réformateur» qui «adoucit» la ligne dure de Fidel. En effet, durant les premières années de la révolution, c’était le contraire: Raul était le partisan de la ligne dure, et Fidel le pragmatique, voire le conciliateur. Raul Castro aurait-il changé son idéologie politique? En réalité Raul n’a pas changé et il n’est ni plus ni moins communiste que Fidel. Ce qui se passe c’est qu’il a été et continue d’être un type de communiste différent de celui que Fidel Castro est finalement devenu.
Il est très significatif que Raul, qui est 5 ans plus jeune que Fidel, ait initialement rejoint la Jeunesse socialiste (JS), le groupe jeunes du Parti socialiste populaire (PSP), qui réunissait les communistes cubains qui suivaient la ligne politique de Moscou; alors que Fidel s’est lié à des groupes d’action politico-aventuristes, et plus tard du Parti orthodoxe – un parti démocratique populiste opposé au communisme. La JS et le PSP étaient des organisations de cadres disciplinés qui accomplissaient fidèlement les tâches assignées par une organisation de type vertical, pas du tout démocratique et avec des tendances fortement bureaucratiques et pas du tout caudilliste. Bien que sectaires et dogmatiquement staliniens, les communistes cubains étaient également pragmatiques et opportunistes. Le PSP et la JS ne partageaient pas la tendance à la violence si enracinée dans le populisme révolutionnaire, ce qui n’excluait pas qu’ils fussent disposés à se sacrifier, surtout lors des persécutions dont ils ont été victimes depuis le début de la Guerre froide à la fin des années 1940.
Raul Castro a quitté la discipline organisationnelle de la JS et du PSP, qui jusqu’en 1957-1958 étaient opposés à la lutte armée contre Batista. Mais même lorsqu’il a rejoint son frère Fidel en 1953, lors de l’attaque de la caserne de la Moncada et a fait de la prison avec lui, et durant l’exil au Mexique, il a conservé ses idées et ses orientations politiques. Avant que l’expédition du Granma ne sorte du Mexique à destination de Cuba à la fin 1956, Raul Castro a préparé un testament politique, non pas avec son frère Fidel, mais avec un autre membre de «l’expédition», Antonio Lopez Fernandez (mieux connu sous le nom de Nico Lopez, qui est mort plus tard lorsqu’il a été emprisonné et exécuté par l’armée de Batista), dont les origines politiques étaient semblables à celles de Raul. Ce testament plaidait pour un «gouvernement de Libération national comme l’interprète réellement le Parti des ouvriers cubains [une claire allusion au PSP et non au Mouvement du 26 juillet] et un jour, pas très éloigné, pour des idées plus avancées encore dans le domaine économique et social, sous la forme graduelle requise par les processus des peuples.» [19] Une fois arrivé dans la Sierra Maestra, Raul Castro a démontré ses penchants et ses talents organisationnels, confirmant son «affinité élective» avec le type d’organisation et la discipline de fer des JS et du PSP en quittant la Sierra Maestra en mars 1958 avec un groupe de rebelles de la pour établir un nouveau front de guérilla, le II Front oriental Frank Pais. Dans ce front, Raul a établi une organisation plus développée et efficace que celle de Fidel Castro dans la Sierra Maestra, avec la création de plusieurs départements, dont celui de la Guerre, de la Santé, de la Justice, de l’Education, des Finances, de la Propagande et des Constructions et Communications. Il a également créé l’Ecole politique José Marti, le Bureau agraire et le Bureau ouvrier, même si ces trois dernières structures étaient subordonnées au Commandement central de la Sierra Maestra. [20]
En continuant à suivre l’orientation politique qu’il avait défendue dans le testament politique qu’il a rédigé pendant son exil mexicain, Raul Castro a rejoint, après la victoire du 1er janvier 1959 Ernesto “Che” Guevara (dont la rupture avec Moscou a commencé au début des années 1960) et d’autres dirigeants révolutionnaires proches du communisme de type soviétique, pour se mettre à la tête de la tendance de ceux qu’on a souvent appelé « les pastèques » (« verts à l’extérieur et rouges à l’intérieur) dans le Mouvement du 26 juillet. Cette tendance a collaboré avec le PSP pour combattre non seulement la droite conservatrice opposée à la révolution, mais aussi les libéraux et les révolutionnaires anti-impérialistes indépendants – David Salvador, Marcelo Fernandez et Carlos Franqui, entre autres – qui depuis les rangs révolutionnaires se sont opposés à un cours pro-communiste, alors que Fidel Castro se maintenait au-dessus de ces polémiques à cette époque [21]. Il est important de rappeler que lorsque Fidel Castro a visité les Etats-Unis en avril 1959 et qu’il s’est publiquement distancé du communisme, Raul Castro s’est alarmé et l’a appelé par téléphone pour l’avertir qu’à Cuba on disait que les yanquees étaient en train de le séduire [22]. Selon des documents soviétiques déclassés, Raul Castro a pendant une courte période pensé à créer un schisme dans le Mouvement du 26 juillet pour convaincre son frère qu’il ne pourrait pas gouverner sans les communistes [23].
Comme conséquence de sa politique, Raul Castro a suivi une ligne plus dure que celle d’autres leaders révolutionnaires. De fait, lorsque Fidel Castro a nommé Raul comme son successeur, à la fin 1959, il l’a fait en partie pour communiquer le message politique que si on l’assassinait, son successeur serait encore plus dur et plus radical que lui. Au cours des décennies suivantes, de nombreux exemples démontrent la propension de Raul à jouer le rôle de «dur», depuis 1968, lorsqu’il a présenté un long rapport où il mettait en accusation la «micro-faction» de vieux communistes cubains dirigés par Anibal Escalante [24] jusqu’en 1996 lorsqu’il a dirigé l’attaque contre le Centre d’Etudes sur l’Amérique (CEA), un «think tank» du Parti communiste cubain qui avait regroupé un nombre significatif d’importants universitaires et intellectuels cubains qui étaient en train de réaliser une série d’études avec un esprit critique et créatif [25].
Tout en jouant le rôle du «dur» répressif, Raul Castro continuait à apporter son talent organisationnel et pragmatique, surtout en tant que Ministre de la défense et chef des Forces armées révolutionnaires (FAR). Depuis l’effondrement de l’URSS, lorsque le manque de ressources matérielles a obligé le gouvernement cubain à réduire ses forces armées d’un total de 297’000 personne en 1991 à seulement 55’000 en 2005 [26], l’armée, sous la direction de Raul, s’est consacrée à développer ses activités économiques à travers la corporation économique GAESA (Grupo de Administracion Empresarial S.A.) et ses gérants et techniciens, qui est devenue l’entreprise la plus importants de l’île. Précédemment, en 1987, et malgré le fait que Cuba passait par la «période de rectification» de style guévariste, Raul Castro a commencé à implanter son système de «Perfectionnement d’entreprise» dans les entreprises du Ministère des Forces armées Révolutionnaires [27] qu’il dirigeait. C’est ainsi qu’il a introduit des éléments de rationalité économique, copiés du monde capitaliste, dans le domaine de l’organisation, de la discipline et de l’efficacité.
IV. Conclusion
Le communisme de Fidel Castro était caractérisé par une très forte composante de «volontarisme caudilliste». Le communisme de Ernesto «Che» Guevara était encore plus volontariste que celui de Fidel, et aussi plus idéologique et, loin d’être caudilliste, il était presque impersonnel. Le communisme de Raul Castro est très influencé par sa formation précoce dans la JS et le PSP et sa profonde «affinité élective» avec le fonctionnement de cette organisation en tant qu’organe hautement discipliné, pas du tout démocratique et souvent répressif, tout en étant peu volontariste et éminemment pragmatique. Mais Raul Castro craint également les divisions et son désir de maintenir le consensus bureaucratique perpétue le retranchement de la bureaucratie gouvernementale, ce qui fait obstacle à la réorganisation du système vers le modèle sino-vietnamien qu’il «aime » tellement.
Heureusement, le régime de Raul Castro a étendu significativement la libéralisation culturelle et, jusqu’à un certain degré, la libéralisation politique qui avait déjà commencé dans les années 1990 sous l’impact du désastre économique provoqué par l’effondrement de l’URSS. Ce qui reste à faire par contre, est la démocratisation économique et politique de la société cubaine.
Quels sont les éléments qui vont dans ce sens? D’un côté, dans sa soif hégémonique, l’Eglise catholique, la seule institution indépendante importante, a patronné un groupe de personnes ayant des «origines idéologiques dissemblables» qui proposent une longue série de mesures démocratisantes pour la société cubaine, mais, quoique bienvenues, ces mesures ne spécifient ni l’agent du changement ni le système économique qui doit remplacer le système régnant actuellement dans l’île [28]. Par ailleurs, lorsque l’Eglise parle en son propre nom, son porte-parole laïc proclame ouvertement qu’il aurait voulu que Raul Castro réforme le PCC pour faire «transiter le pays vers un régime bi-partisan d’opposition loyale» et, entre autres objectifs, faciliter «l’inexorable insertion de Cuba – depuis des logiques propres – dans les réseaux de production de l’économie mondiale capitaliste.» Mais comme, selon ce porte-parole, il est trop tard pour que la direction historique de la révolution réalise cette tâche, il s’adresse aux Forces armées (qu’il caractérise comme la seule autre institution, à part l’Eglise catholique, qui va rester «indemne» pendant encore «deux cents ans») et il les invite tacitement à entrer dans un pacte politique, en indiquant que «les Forces armées, tout comme l’Eglise catholique, ont la responsabilité patriotique et morale de veiller sur – et à faciliter – le meilleur des futurs possibles pour Cuba». Comme d’habitude, ni ce porte-parole ni d’autres voix du catholicisme officiel cubain ne mentionnent la mobilisation populaire ni la création de nouvelles institutions démocratiques de base comme moteur de changement. Et ils réitèrent, une fois de plus, leurs perspectives depuis en haut [29].
Même si son poids est bien inférieur à celui de l’Eglise, une bonne partie de la gauche critique démocratique naissante propose l’autogestion ouvrière et paysanne en tant que voie vers la démocratisation de la société cubaine. La récente décision du gouvernement de créer quelque 230 coopératives expérimentales dans plusieurs secteurs tels que les transports, la restauration et la construction a créé quelques attentes parmi ces partisans de l’autogestion. Il est impossible de prévoir comment se développeront ces nouvelles coopératives, mais compte tenu de l’expérience des coopératives agricoles officielles à Cuba, contrôlées depuis en haut par l’Etat, il n’y a pas grand-chose à espérer des nouvelles structures, en tout cas en ce qui concerne l’autogestion [30].
En outre, même au sein de la nouvelle gauche critique, les propositions d’autogestion tendent à sous-estimer, voire à ignorer, la nécessité d’une planification à niveau national, ainsi que le fait que ce sera le PCC qui monopolisera cette planification, à moins qu’on n’élimine son monopole. L’expérience yougoslave du siècle passé a démontré qu’une authentique autogestion à niveau local ne peut fonctionner pleinement que s’il existe une planification à niveau national et si celle-ci est démocratique, au lieu d’être issue des diktats du binôme parti unique/marché. Après tout, les décisions en ce qui concerne des questions vitales telles que le taux d’accumulation et de consommation, la politique salariale, les impôts et les prestations sociales affectent toute la société et toute l’économie, ce qui limite de manière significative ce qui peut être décidé au niveau de chaque centre de travail. Enfin, il faut noter que l’autogestion exige une motivation et un engagement de la part de ses participants. C’est précisément un mouvement démocratique, depuis en bas, qui peut générer auprès des personnes la motivation pour contrôler démocratiquement aussi bien leur centre de travail que l’ensemble du pays. (Traduction A l’Encontre; article publié par la revue Herramienta, Argentine)
Notes
[1] “Actualiza Cuba su Política Migratoria,” Diario Granma, 16 de octubre de 2012, Año 16, Número 286.
[2] Samuel Farber, “Flexibilización Sí, Movimiento Libre de Ciudadanos No,” Havana Times, octubre 22, 2012, http://www.havanatimes.org, Haroldo Dilla Alfonso, Inmigración. Del Anuncio a la implementación: ¿qué ha cambiado en la reforma migratoria? Cuba Encuentro, 18 de febrero de 2013, http://www.cubaencuentro.com Redacción CE, “Niegan la salida a Gisela Delgado”, Cubaencuentro, 8 de febrero de 2013, http://www.cubaencuentro.com
[3] “El Sexto será un congreso de toda la militancia y de todo el pueblo”, Diario Granma 14, no. 314 (9 de noviembre de 2010), 4.
[4] La crise économique que Raul a affronté depuis 2006 a plusieurs dimensions, dont un niveau très bas de productivité, des problèmes très sérieux entraînés par la dualité monétaire, la réduction dramatique de la production sucrière, l’inefficience et le désordre dans le transport et la distribution de la production agricole et l’inégalité économique croissante, surtout entreBlancs et Noirs.
[5] Carmelo Mesa-Lago, Cuba en la era de Raúl Castro. Reformas económico-sociales y sus efectos, Madrid: Editorial Colibrí, 2012 y “Los Cambios en la Propiedad en las Reformas Económicas Estructurales de Cuba,” Espacio Laical, Suplemento Digital No. 223/febrero 2013, https://blu162.mail.live.com/default.aspx?id=64855
[6] “Decreto-Ley 300 sobre entrega de tierras entra en vigor,” Juventud Rebelde, 10 de diciembre de 2012. http://www.juventudrebelde.cu/cuba/2012-12-10/
[7] Carmelo Mesa-Lago, “Los Cambios en la Propiedad en las Reformas Económicas Estructurales de Cuba”, 3.
[8] Ibid, 4.
[9] Ibid., 6.
[10] Ver la discusión de varios de estos problemas de la agricultura cubana en mi libro Cuba Since The Revolution of 1959. A Critical Assessment, Chicago: Haymarket Books, 2011, 59-66.
[11] Carmelo Mesa-Lago, “Los Cambios en la Propiedad en las Reformas Económicas Estructurales de Cuba,” 5-6, y ONE [Oficina Nacional de Estadística e Información. República de Cuba] “Sector Agropecuario. Indicadores Seleccionados Enero-Diciembre 2012, 3. http://www.one.cu/mensualprincipalesindicadoresagropecuario.htm ONE, “Sector Agropecuario. Indicadores Seleccionados Enero-Marzo 2013. 1-Comentarios.http://www.one.cu/mensualprincipalesindicadoresagropecuario.htm
[12] Carmelo Mesa-Lago, “Los Cambios en la Propiedad en las Reformas Económicas Estructurales de Cuba,” 6
[13] “Raúl en Shanghai,” Granma, jueves 21 de abril de 2005, 8.
[14] Discurso pronunciado por el General de Ejército Raúl Castro Ruz, Presidente de los Consejos de Estado y Ministros en el Séptimo Período Ordinario de Sesiones de la VII Legislatura de la Asamblea Nacional del Poder Popular, el 1ro de agosto de 2011, “Año 53 de la Revolución” Diario Granma, Martes 2 de agosto de 2011, Año 15/Número 214.
[15] Para una discusión más detallada de estos procesos, ver el capítulo 2 de mi libro Cuba Since the Revolution of 1959. A Critical Assessment, especialmente las páginas 52-62.
[16] Selon le spécialiste Ezra Vogel, approximativement deux tiers de l’investissement directe étanger en Chine entre 1979 et 1995 provenait de Hong Kong, ou au moins par la “Porte sud” entre Hong Kong et la Chine continentale. Ezra Vogel, Deng Xiaoping and the transformation of China, Cambridge, Ma. and London, Inglaterra: The Belknap Press of Harvard University Press, 2011, 403.
[17] Para una discusión mas detallada de esta característica de Fidel Castro, ver mi libro The Origins of the Cuban Revolution Reconsidered, Chapel Hill, N.C.: The University of North Carolina Press, 2006, 66-67.
[18] Robert V. Daniels, The Rise and Fall of Communism in Russia, New Haven y Londres: Yale University Press, 2007, 301.
[19] Heberto Acosta, “Hacia Tuxpan”, Granma, Jueves, 23 de noviembre de 2006, 5. Con respecto a la militancia de Ñico López en las filas del PSP, ver Angelina Rojas Blaquier, “La Unidad Como Factor de Triunfo. El PSP entre 1952 y 1961. Una Visión desde la Historia,” Calibán, octubre-noviembre-diciembre, 2008, 3.
[20] Eduardo Pinto Sánchez, “II Frente Oriental: 55 años de victorias,” Juventud Rebelde, 9 de marzo de 2013, 2.
[21] Samuel Farber, “The Cuban Communists in the Early Stages of the Cuban Revolution: Revolutionaries or Reformists,” Latin American Research Review, Vol. XVIII, No. 1, 1983, especialmente pp. 71-73.
[22] Rufo López Fresquet, My 14 Months with Castro, Nueva York: World, 1966, 111-112 y Edward González, “The Cuban Revolution and the Soviet Union, 1959-1960” Ph.d. dissertation, University of California en Los Angeles, 1966, 376-79.
[23] Aleksandr Fursenko y Timothy Naftali, “One Hell of a Gamble”: Khrushchev, Castro and Kennedy, 1958-1964, Nueva York: Norton, 1997, 18, 359.
[24] Informe Raúl Castro, “Porqué están Presos Aníbal Escalante y Otros Ex-Dirigentes del P.C. Cubano”, La Habana (?): Edición Documentos Latinoamericanos, 1968.
[25] Por ejemplo, el tipo de “socialismo de mercado” propuesto por Julio Carranza, Luis Gutiérrez, y Pedro Monreal en La Restructuración de la Economía, La Habana: Editorial de Ciencias Sociales, 1995.
[26] Hal Klepak, Cuba’s Military 1990-2005, Nueva York: Palgrave Macmillan, 2005, 254.
[27] L’écrivain éxilé Carlos Alberto Montaner, un défenseur enthousiaste du néolibéralisme économique, soutient que Raúl Castro a été nspiré par les changements économiques proposés par Gorbatchev, à tel point qu’il a fait traduire son livre sur la Perestroïka et l’a distribué parmi beaucoup de ses officiels. Carlos Alberto Montaner, “Raúl Castro y el dilema de Gorbachov”, Exteriores, 24 de mayo de 2010.
[28] Ver Laboratorio Casa Cuba, “Cuba soñada – Cuba posible – Cuba futura: propuestas para nuestro porvenir inmediato”, Espacio Laical, Suplemento Digital No. 224/marzo 2013. https://blu162.mail.live.com/default.aspx?id=64855
[29] Lenier González Mederos, “Las Fuerzas Armadas y el Futuro de Cuba,” Espacio Laical, Suplemento Digital No. 224/Marzo 2013. https://blu162.mail.live.com/default.aspx?id=64855
[30] O. Fonticoba Gener, “Cooperativas No Agropecuarias. Camino a la actualización del modelo económico”, Granma, 11 de diciembre de 2012, 8. Varios autores, “Se buscan socios”, Juventud Rebelde, 15 de diciembre del 2012.http://www.juventudrebelde.cu/cuba/2012-12-15 Oscar Espinosa Chepe, ¿Nuevas cooperativas, otras camisas de fuerza? Cubaencuentro, 10 de abril de 2012. http://cubaencuentro.com
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