Mgr. Luiz Flavio Cappio met fin à son jeûne «mais pas à sa bataille»
Francesca Belloni *
Mgr. Luiz Flávio Cappio participe depuis plusieurs années aux mobilisations contre le projet de détournement des eaux du fleuve São Francisco. Ce projet très coûteux est surtout destiné à fournir de l’eau aux activités économiques qui en ont besoin (cultures fruitières irriguées, élevage de crevettes, sidérurgie) sans vraiment résoudre le problème de la sécheresse - présenté cependant comme justification du projet - aigu dans le Nord-est du Brésil. En septembre-octobre 2005, l’évêque avait déjà effectué une grève de la faim qu’il avait suspendue le 11e jour, après avoir reçu une lettre du président de la République, Luiz Inácio Lula da Silva, qui s’engageait à promouvoir une discussion plus ample. Cette fois-ci, le gouvernement n’a rien proposé de constructif et il a dû interrompre son jeûne après avoir été victime d’un malaise le 24e jour. Mais si la grève de la faim a pris fin, la mobilisation continuera sous d’autres formes. Voir sur ce site les articles publiés le 16 décembre et le 21 décembre 2007- (Réd)
« Je mets fin à mon jeûne, mais pas à ma bataille »: c’est de cette manière que la lettre de Mgr. Luiz Flávio Cappio commence, une lettre qui a été lue hier soir à Sobradinho (État de Bahia), dans la chapelle de São Francisco, sur les rives du fleuve homonyme pour le salut duquel l’évêque franciscain de Bara a choisi de se retirer dans le « jeûne et la prière » pendant 24 jours, avant d’être victime d’un malaise mercredi soir (26 décembre 2007) après qu’a été donné à connaître la sentence par laquelle le Tribunal fédéral suprême a autorisé la reprise des travaux de détournement du troisième cours d’eau du Brésil.
Mgr. Cappio a quitté l’hôpital de Petrolina pour aller célébrer une messe, à laquelle ont participé l’évêque du diocèse local et celui de Juazeiro: « Hier, j’ai réalisé 36 ans de sacerdoce, 36 ans au service des habitants des favelas de Petropolis (Rio de Janeiro), de la périphérie de Saõ Paulo et du peuple du désert infini du Nord-est brésilien. Hier, nous avons vu avec abattement les puissants fêter la démonstration de servilité du pouvoir judiciaire. Hier, lorsque les forces m’ont manqué, j’ai reçu le secours de ceux qui m’ont accompagné en ces jours longs et douloureux », a déclaré l’évêque franciscain de Barra, dans une déclaration lue par Adriano dos Santos Martins, de la Coordenadoria Ecumênica de Serviços (CESE).
« Mais – a-t-il poursuivi – notre lutte continue et se base sur le fondement qui soutient tout: la foi dans le Dieu de la vie et en la mobilisation organisée des pauvres. Notre lutte principale est de garantir la vie du fleuve São Francisco et de son peuple, garantir l’accès à l’eau et au véritable développement à toute la population de la région semi-aride, et pas à une partie seulement. Ceci vaut une vie et je suis heureux de me consacrer à cette cause qui fait partie de mon devoir envers le Dieu de la vie, envers l’Eau vive qui représente Jésus et qui se donne à ceux qui vivent écrasés par les structures qui génèrent oppression et mort. L’une de nos grandes joies en cette période est d’avoir vu le peuple se mettre debout et réagir en son cœur à la conscience de la force de l’union ; les enfants et les jeunes chanter l’espoir, s’insurger les bras levés et les yeux tournés vers l’avenir que nous souhaitons pour notre cher Brésil. Un avenir qui est à tout le monde, et où tout le monde, sans aucune exception, a le droit de manger, le droit à l’eau à boire, à la terre à cultiver, à la dignité et à la citoyenneté. J’ai reçu avec amour et respect la solidarité de tous, proches ou lointains. J’ai reçu avec joie la solidarité de mes frères évêques, pères et bergers qui ont manifesté avec beaucoup de fraternité leur compréhension de la gravité du moment que nous vivons. À travers sa prise de position courageuse, la CNNB (Conférence nationale des évêques du Brésil) nous a rendu l’espoir de la voir redevenir ce qu’elle a toujours été dans ses meilleurs moments: fidèle à Jésus et à son Évangile, une institution vouée aux grandes causes du Brésil et de son peuple, avec une position claire et déterminée dans la défense de la dignité de la personne humaine et de ses droits inaliénables, en se mettant avant tout aux côtés des pauvres et des exclus de ce pays. J’ai écouté avec un profond respect l’appel de mes proches, de mes amis et de mes sœurs et frères de lutte qui m’ont accompagné et ont toujours voulu que je vive pour lutter en faveur de la vie. Lutter contre la destruction de notre biodiversité, de nos fleuves, de nos gens et contre l’arrogance de ceux qui veulent tout transformer en marchandise et monnaie d’échange. Dans ce grand mouvement formé depuis Sobradinho, nous avons vécu un moment incomparable de communion intense et d’exercice de la solidarité.
Au terme de ces 24 jours, je mets fin à mon jeûne – conclut la lettre de Mgr. Cappio – mais pas à ma lutte qui est aussi la vôtre, qui est la nôtre. Nous voulons étendre le débat, diffuser des informations vraies, faire croître notre mobilisation, jusqu’à ce que nous battions ce projet de mort et conquérions un véritable développement pour la région semi-aride et le fleuve São Francisco. C’est pour vous qui avez lutté avec moi et parcouru le même chemin que je mets aujourd’hui un terme à mon jeûne. Je sais que je peux compter sur vous et vous compter sur moi pour continuer notre bataille afin que tous “aient la vie, et qu’ils soient dans l’abondance” ». Après la messe, l’évêque est retourné à l’hôpital de Petrolina où il restera jusqu’à son plein rétablissement.
* Cet article a été publié par Alterinfos America, DIAL 2979, 1er janvier 2008
(2 janvier 2008)
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