Brésil

Dom Luis Cappio

 

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Syngenta Seeds doit sortir du Brésil.
Les groupes Suez, Endesa et Votorantim s’approprient un fleuve

Eduardo Sales de Lima *

Des manifestations à travers tout le pays renforcent la campagne menée pour expulser l’entreprise suisse Syngenta Seeds du pays (voir article sur ce site en date du 4 novembre 2007 qui compote une présentation de la firme helvétique). A Brasilia, une occupation tente d’empêcher la privatisation du fleuve Madeira. Aperçu. (réd.)

Des mouvements sociaux issus des milieux ruraux ont organisé le lundi 10 décembre 2007 une série de protestations contre les agissements des transnationales au Brésil, exigeant même l’expulsion de l’entreprise suisse Syngenta Seeds (contrôlée par Novartis) hors du territoire national. La compagnie se livre dans le pays à des expériences illégales avec des semences transgéniques. Elle est impliquée dans l’assassinat du paysan sans terre Valmir Mota de Oliveira, dit Keno, tué par une milice armée, le 21 octobre passé, à Santa Tereza do Oeste, dans l’Etat du Paraná. Jusqu’à présent, neuf assurances privées ainsi que le propriétaire de la NF Segurança – l’entreprise qui était mandatée par la Syngenta – ont déjà été désignés comme responsables, et cela dans le cadre de l’enquête de police sur la tentative d’expulsion sans autorisation judiciaire de 200 familles qui occupaient le laboratoire d’expériences illégales de l’entreprise helvétique.

A São Paulo, une fabrique de produits agrotoxiques appartenant à la transnationale a été de même occupée ; dans le Ceará [Etat du Nord-Est dont la capitale est Fortaleza], des manifestants ont organisé une protestation sur un domaine contrôlé par cette firme. « L’assassinat de Keno n’a pas été un épisode isolé, mais est une conséquence de la violence avec laquelle les entreprises traitent ceux qui s’opposent à ses façons d’obtenir des bénéfices au prix de l’exploitation de travailleurs et de la destruction de l’environnement », complète Roberto Baggio, dirigeant du MST (Mouvement des sans-terre). Via Campesina mène actuellement une campagne pour l’expulsion de l’entreprise hors du territoire national.

D’autres mobilisations ont marqué également la Journée Internationale des Droits Humains, le 10 décembre. Certaines banderoles déroulées lors des manifestations ont dénoncé la privatisation des fleuves et exprimé leur appui à la lutte que mène le Père Luiz Cappio contre le détournement du fleuve São Francisco [projet très controversé de « déviation » du troisième plus grand fleuve brésilien afin de « transférer » une partie de ses eaux vers les régions semi-arides du nordeste]. Le matin, environ 200 manifestants ont occupé le siège de l’Agence Nationale d’Energie Electrique (Aneel) afin d’empêcher le bradage de l’usine hydroélectrique Santo Antônio, l’usine la plus importante du complexe Madeira. Des organisations telles que le Mouvement des Victimes des Barrages (MAB) dénoncent le fait que le modèle énergétique brésilien bénéficie aux grandes entreprises qui voient leur énergie subventionnée par le gouvernement. Pour le MAB, l’usine hydroélectrique sur le fleuve Madeira [l’un des affluents du fleuve Amazonas qui traverse les Etats de Rondônia et d’Amazonas] provoquera la disparition de deux gros villages, privant ainsi dix mille personnes de leur toit. Les entreprises qui se disputent le projet en reconnaissent quant à elles à peine trois mille.

Le Bataillon Spécial de la Police Militaire du District Fédéral (Brasilia) a évacué violemment les manifestants qui se trouvaient dans le bâtiment de l’Aneel. Selon  le MST, huit militants ont été menottés, arrêtés et agressés physiquement. Ils n’ont pas droit à des avocats et des enfants ont même été séparés de leur mère durant l’évacuation. Alors que tout cela était en train de se passer, des manifestants marchaient vers l’Esplanade des Ministères.

Dans l’Etat de Rondônia, près de mille personnes liées aux mouvements paysans et urbains ont marché sur la capitale Porto Velho afin de protester contre le projet hydroélectrique sur le fleuve Madeira. La campagne menée actuellement «en défense des communautés concernées et pour l’Amazonie » évalue à environ 525’000 réais (plus de 250'000 dollars) par heure la somme que les propriétaires des barrages du Complexe Madeira  vont pouvoir facturer grâce à la vente de l’énergie provenant de l’usine. Dans la compétition pour le contrôle de l’usine hydroélectrique de Santo Antônio [1], on trouve trois consortiums formés par des entreprises transnationales telles que Votorantim, Suez Energy et Endesa [2].

La Syngenta

Ce même lundi 10 décembre 2007, la fabrique de São Paulo a été occupée, vers 7h30, par environ 500 travailleurs ruraux de Via Campesina et du Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre (MST). Cette unité se trouve à Paulínia, près de Campinas, dans l’Etat de São Paulo. Les manifestants ont paralysé la production d’agrotoxiques dans l’unité.

Sur la côte orientale de l’Etat du Ceará, 250 travailleurs ruraux de Via Campesina ont organisé au cours de la matinée une protestation dans une propriété de  la Syngenta se trouvant  sur la localité de Flecheira  (municipalité de Aracati). Dans le même Etat, il y a tout lieu de croire qu’une entreprise serait en train de se livrer à des tests avec des semences génétiquement modifiées sans autorisation du gouvernement. « Cette entreprise n’a jamais apporté de bienfaits au pays », affirme João Paulo Pereira, membre de Via Campesina. La protestation a également eu lieu en solidarité avec le Père Luiz Cappio, qui est entré ce lundi dans son quatorzième jour de jeûne

Dans l’Etat d’Espírito Santo, environ 300 travailleurs ruraux de la Via Campesina et du MST ont occupé le giratoire du nom de « Safra » sur la BR-101 Sud, entre les municipalités de Cachoeira de Itapemirim et Itapemirim, pour protester contre les agissements des entreprises transnationales au Brésil, ceux de la Syngenta notamment.

A Sergipe, pendant toute la matinée du 10 décembre, toujours en solidarité avec la grève de la faim de l’évêque Luiz Flávio Cappio et contre le détournement des eaux du fleuve São Francisco, une manifestation de 1.500 travailleurs ruraux (militants de la Via Campesina et du MST) a paralysé la circulation sur le pont reliant Alagoas et Sergipe, entre Porto Real do Colégio et Propriá.

Dans l’Etat de Paraíba, le MST et la Via Campesina ont organisé une série de mobilisations dans quatre municipalités de l’Etat, dans le cadre de la campagne « Que la Syngenta quitte le Brésil !» Dans la municipalité de Sapé, la BR-230 a été fermée à la hauteur du « Café do Vento » par 500 personnes. A João Pessoa, il y a eu une mobilisation sur l’Avenue D. Pedro avec 200 personnes. A Campina Grande, dans la région de la Borborema,  une distribution de tracts s’est faite et une marche a réuni 200 personnes . A Patos, presque dans le « sertão », 300 personnes ont distribué du  matériel d’information  sur la mort de Keno.

La semaine passée, la Justice Fédérale de l’Etat du Paraná a jugé illégales les activités développées par la Syngenta dans l’Ouest de l’Etat. La décision contraint l’entreprise à payer une amende de 1 million de reais, somme qui a été fixée par l’Institut Brésilien de l’Environnement et des Ressources Naturelles Renouvelables (Ibama), pour avoir réalisé en 2006 des expériences transgéniques à l’intérieur de la zone d’amortissement de 10 km en périphérie du Parc National d’Iguaçu. (Traduction A l’Encontre)

* Correspondant de l’hebdomadaire Brasil do Fato

1. A la mi-avril 2007, l'Institut Brésilien de l'Environnement et des Ressources Naturelles Renouvelables (IBAMA) a demandé plus d'information avant d'autoriser la construction des projets hydroélectriques de Santo Antonio et Jirau, sur le fleuve Madeira dans l'état de Rodonia. Il s'agit de deux des plus grandes centrales hydroélectriques planifiées dans le Programme d'accélération de la croissance (PAC), promut par le gouvernement Lula. Selon le quotidien La Folha de Sao Paulo l'accumulation de sédiments dans le fleuve causé par la construction des barrages et la menace que cela entraîne sur la survie de la population de grands poissons vivant dans cet écosystème. Tout changement dans la composition des espèces de poissons nuirait à l'activité et au niveau de vie de plus de 15’000 pêcheurs du fleuve Madeira. Marina Silva, l’emblématique ministre de l’Environnement, qui a sans cesse plié devant les décisions du gouvernement Lula, a émis quelques objections face à l’ensemble de ces projets. Elles n’ont pas trop duré ! (réd.)

2. Votorantim est l’un des groupes financiers les plus importants du Brésil ; il est contrôlé par une famille. En 2005 la banque privée genevoise Lombard Odier Darier Hentsch (LODH) a couronné ce groupe comme l’entreprise familiale la plus performante du monde. Ce conglomérat non seulement dispose d’une banque du même nom, mais intervient aussi ans l’agro-industrie (jus d’orange), dans le secteur métallurgique (aluminium, acier, etc.), la chimie, la cellulose et le ciment. En outre, il est actif dans l’hydroélectrique, important pour les secteurs industriels dans lesquels il est investi; parions que la famille Ermírio de Moraes doit avoir un peu d’épargne en Suisse, gérée par LODH. Suez Energy  du groupe transnational, basé en France, Suez; il vient de fusionner avec Gaz de France. Endesa une transnationale basée en Espagne et présente dans tous les secteurs de l’énergie ; très active en Amérique latine, entre autres au Chili et au Brésil. (réd.)(

17 décembre 2007)

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