Venezuela

 

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Le Processus bolivarien à une nouvelle croisée des chemins

Stalin Pérez Borges *



L'article que nous publions ci-dessous s'inscrit dans la série que nous avons déjà consacrée au «processus» bolivarien. Son auteur, responsable syndical national de l'Union Nationale des Travailleurs (UNT), avait participé au Forum international organisé par le MPS à Lausanne en mai 2003. Il fait ici non seulement une analyse des conflits de classes qui configuraient le cadre du référendum sur la poursuite de la présidence de Chavez en août 2004, mais aussi des défis auxquels s'affronte le «processus bolivarien». Cet article est aussi publié dans la revue trimestrielle Carré rouge. Il a été écrit du début du mois de septembre. Réd.

 

Les masses populaires vénézuéliennes, et parmi elles la majorité des travailleurs et des travailleuses, savourent encore la douceur de la victoire qu'elles viennent de remporter contre leurs ennemis de classe, les patrons regroupés dans leur fédération patronale (FEDECAMARAS), leurs associés, les bureaucrates syndicaux de la Confédération des Travailleurs du Venezuela (CTV) et les partis politiques qui représentent les intérêts de ces organisations et ceux de l'impérialisme américain.

Ces derniers, unifiés dans la Coordination Démocratique (CD), appelés de manière méprisante «escuàlidos» (les rares), ont échoué à nouveau dans leur prétention à jeter hors du pouvoir un gouvernement qui se proclame bolivarien et s'autodéfinit comme révolutionnaire.

Cette défaite des secteurs pro-impérialistes et patronaux a été infligée entre le 15 et 16 août lors d'un référendum présidentiel, qui est un mécanisme démocratique établi par la nouvelle Constitution vénézuélienne datant 1999 (projet stratégique de la révolution bolivarienne ou du chavisme). Ces mêmes masses avaient déjà défait ces mêmes ennemis sur le terrain des mobilisations: le 13 avril 2002, grâce à une rébellion populaire, répondant au coup d'État lancé 47 heures avant contre le Président Chavez.

Plus tard, elles les ont vaincus à nouveau, en affrontant 63 jours de grève patronale et un sabotage de la production pétrolière entre décembre 2002 et les premiers jours de février 2003. Prêtes à une nouvelle confrontation sur le terrain électoral (élections de gouverneurs et de maires qui aura lieu le 31 octobre 2004), les secteurs sociaux de base qui appuient le chavisme, tout en continuant à savourer les résultats du référendum, se trouvent «pour l'instant» devant l'alternative: soit d'appuyer et de faire campagne pour des candidats gouverneurs et maires qui ont été désignés bureaucratiquement par feu le Comando Ayacucho (organisme composé par les représentants des partis qui appuient le gouvernement et qui dirigeaient les campagnes électorales quelques jours avant la convocation du référendum), et par le propre doigt du Président Chavez ; soit d'appuyer d'autres candidats. Cela est en train de provoquer d'aigres discussions, des frictions et des expulsions au sein du processus bolivarien. De même une grande attention est portée à la question de savoir jusqu'où arrivera la politique de négociation avec les adversaires d'«hier».

Le vote du 15 août 2004

Depuis trois heures du matin le 15 août jusqu'à trois heures de l'après midi du jour suivant, mobilisés par le son des clairons des bolivariens dans tous les recoins du pays, des millions de citoyens sont sortis pour voter, supportant des queues qui duraient de 9 à 14 heures, étant donné le nombre restreint de bureaux de vote en comparaison de l'afflux des votants. Ils voulaient exercer leur droit de vote. La question à laquelle il fallait répondre OUI ou NON était: «Êtes-vous d'accord pour laisser sans effet le mandat populaire obtenu par des élections démocratiques légitimes [réélu en juillet 2000] au citoyen Hugo Rafael Chavez Frìas comme Président de la République Bolivarienne du Venezuela pour l'actuelle période présidentielle ?»

La majorité a voté en faveur du NON: 5'8OO'629 voix (soit 58,94 %), cela pour ratifier le mandat du Président de la République, qui prend fin 2006. Ce résultat fait face à une respectable minorité en faveur du OUI: 3'989'008 voix (soit 40,53 %) qui prétendaient révoquer son mandat, sur un total de 14'037'900 électeurs inscrits, parmi lesquels 51'988 voix (soit 0,53 %) votèrent nul.

Un total de 4'348'558 électeurs se sont abstenus (soit 30,02 %), parmi lesquels on compte 500'000 à 1 million de sympathisants de Chavez qui n'ont pas pu voter, et un chiffre proche de celui-ci correspondant à des personnes qui sont inscrites sur les listes, mais qui sont décédées. Parmi ceux qui ne votèrent pas, très peu étaient en faveur du OUI.

Le NON a gagné dans 23 États (division administrative territoriale) sur les 24 qui ont participé au vote. Tel est le résultat ! La majorité de la population a décidé de voter pour le NON ! La majorité de la population est convaincue depuis plus de trois ans que les secteurs qui ont conspiré contre Chavez par un coup d'État, par la grève patronale, et qui cette fois-ci appelaient à voter en faveur du OUI représentent les intérêts et les politiques des gouvernements du passé

Une oligarchie nourrie de pétrole

Cette bourgeoisie, c'est celle qui a une vieille origine oligarchique (Los Amos del Valle, les propriétaires de la Vallée, lieu symbolique du pouvoir dans la capitale), qui a parasité les ressources du pétrole et beaucoup d'autres choses encore, et aussi celle qui émergea ensuite au milieu des années 1970, fille du boom pétrolier dans la période du premier gouvernement de Carlos Andrés Pérez (CAP) [1]

Cette dernière est formée par ceux qu'on appelle «les 12 Apôtres», parmi lesquels ceux qui apparaissent dans les colonnes de la revue Fortune: le groupe Polar contrôlant principalement les aliments ; les Cisneros qui participe à un groupe financier transnational ayant des investissements multiples, liés au début aux Rockefeller, à Coca Cola et, maintenant, à la famille Bush.

Les Cisneros sont tellement intégrés à l'impérialisme que Gustavo Cisnero fait partie du comité de campagne du Président Bush, et son fils est membre du comité de campagne pour l'État de Floride du candidat Kerry.

Parmi d'autres millionnaires «criollos», on trouve le groupe De Armas, publications nationales et internationales ; les propriétaires de la Banque Mercantil et Banesco (groupe Marturet et Escotet). On dit de ce dernier qu'il a des liens avec un secteur des bolivariens, accusés de favoriser des affaires, et c'est un secret de polichinelle de dire qu'il est identifié comme faisant partie de ceux qui seront dans le futur pour un gouvernement du «chavisme sans Chavez».

Les descendants de la majorité de cette bourgeoisie résident à Miami [Etats-Unis]. Beaucoup d'entre eux ont des connexions avec la «gusanera cubana», l'émigration cubaine anti-castriste qui contrôle en partie la politique, le commerce et les finances de cet État nord-américain. Une puissante classe moyenne fait partie de ces privilégiés du passé. Elle est née et s'est enrichie peu à peu grâce à la confiscation et à la répartition de la rente pétrolière. Cette industrie nationale a été peu à peu affaiblie [en multipliant des réseaux d'externalisation des revenus pétroliers], jusqu'à lui faire présenter des bilans comportant aucun bénéfice.

Par leur contrôle sur la société pétrolière [PVDSA], cette oligarchie l'a transformé en un État à l'intérieur de l'État Vénézuélien. Pendant cette longue étape de bipolarisation entre les bolivariens et proimpérialistes, l'immense pression- aliénation qu'exercent les moyens de communication privés sur la population n'a pas cessé.

Tous les jours et à toute heure, par l'intermédiaire de vingt chaînes de télévision, 100 journaux et plus de 500 radios, sur tout le territoire national, ils harcèlent la population par des messages antichavistes, contre le prétendu communisme de Chavez et les dangers que cela impliquait.

L'attitude de non acceptation des résultats du référendum de la part des représentants de l'opposition était attendue. Avant même que le Conseil Électoral National (CNE) n'émette le premier bulletin d'information sur les résultats du scrutin, les membres de la Coordination Démocratique (CD) déclaraient qu'il y avait eu une énorme fraude. En ne voulant pas reconnaître leur défaite, ils cherchent à poursuivre leur offensive contre le gouvernement et / ou essaient de la négocier en échange de concessions politiques de la part du gouvernement.

Ils réclament la liberté pour les accusés du coup d'État [d'avril 2002] et des agressions contre le siège de l'Ambassade de Cuba ; ils cherchent un allongement du délai pour les prochaines élections municipales et pour les gouverneurs ; ils exigent la réincorporation à leur poste de travail des personnels qui participèrent au sabotage de l'industrie pétrolière ; ils demandent le retrait de quelques projets de loi qu'ils considèrent préjudiciables à leurs intérêts (Loi de Responsabilité Civile des Moyens de Communication et Loi du Tribunal Suprême de Justice) ; ils essaient d'obtenir la modification de quelques-unes des 49 lois déjà approuvées (Loi de la Terre et Loi des Hydrocarbures) [2].

Certes, leurs positions, qu'ils maintiennent encore, sont affaiblies par le fait qu'ils ne sont pas suivis dans cette tactique par les représentants de l'impérialisme (Centre Carter et l'Organisation des États Américains – OEA). Jimmy Carter et César Gaviria (respectivement ex-présidents des Etats-Unis et de la Colombie) – sous la pression de la situation internationale imposée au gouvernement Bush avec la guerre en Irak, sous les effets de la hausse du prix du pétrole et étant donné l'enjeu des élections présidentielles de novembre 2004 aux Etats-Unis – ont préféré reconnaître le triomphe du NON et se replier sur une autre tactique, tout en visant la même stratégie: enfermer le gouvernement dans la camisole de force de la négociation et essayer de freiner le processus révolutionnaire, qui connaît, maintenant, un approfondissement, mais qui a commencé, de fait, depuis 1989 [3]. Le gouvernement est déjà entré dans l'étape d'un accord avec le patronat.

Chavez, «sa» campagne. l'appui populaire et les «Missions»

Sous le mot d'ordre Ils ne reviendront pas ! (No volveràn), enivré par le patriotisme, le culte de la personnalité et le souvenir de la lutte de classes du passé, Chavez a imposé un Comité de campagne pour le référendum que lui seul a choisi, appelé «Maisanta» (en souvenir de son arrière grand-père qui lutta contre une dictature qui dura 27 ans jusqu'à la moitié de la décennie des années trente du XIXe siècle). Il a mis en scène la bataille électorale d'août 2004 en la comparant à la «Bataille de Santa Inés», lors de laquelle les forces populaires (dans la guerre fédérale du XVIIIe siècle, commandée par le général Ezequiel Zamora) vainquirent l'oligarchie d'alors [4].

Alors que les bolivariens se sont autoaffirmés comme «Florentinos», on a qualifié les opposants de «diables», évoquant ainsi un poème / drame du folklore, où, de manière figurée, sont rappelés deux personnages de la bataille de Santa Inés («Florentino et le Diable», le bien et le mal). Chavez a justifié l'utilisation de ces évènements historiques dans l'actuelle conjoncture politique en disant que c'est une tâche pour l'apprentissage de l'histoire nationale par les masses et que celles-ci se doivent de comprendre l'origine de leur drame et de leur frustration comme peuple.

Les «florentinos» se sont organisés avec un énorme enthousiasme dans des Patrouilles Électorales (PE) (espèces de cellules composées de dix personnes), lesquelles étaient structurées dans les Unités de Batailles Électorales (UBE). Cette forme d'organisation est appelée à être maintenue de manière permanente et s'est substituée comme organisation de base populaire aux Cercles Bolivariens (CB).

Elles furent très efficaces dans la campagne électorale. Elles ont permis la participation de millions de sympathisants dans la discussion politique. Leurs membres visitaient maison par maison, dans tous les quartiers, expliquant comment et pourquoi il fallait voter NON. Elles permettaient que tous s'engagent dans l'élaboration de la propagande. Dans les réunions, il y eut une grande participation de jeunes et de femmes. Les deux marches / rassemblements centraux réalisés à Caracas furent impressionnants. On estime que la dernière fut la plus grande organisée dans le pays au cours de toute son histoire.

La majorité des enquêtes réalisées par les instituts nationaux et étrangers, depuis plusieurs mois, donnaient le NON vainqueur avec une avance de 9 à 20 points. Dans toutes les villes il y eut des réunions très nombreuses, des caravanes et des assemblées qui ne laissaient aucun doute quant à savoir d'où surgissait l'enthousiasme et d'où venait la majorité.

L'axe de la campagne des membres des patrouilles et des UBEs fut l'antiimpérialisme: contre le gouvernement Bush, contre le néolibéralisme et en faveur de l'intégration latino-américaine et, en un certain sens, l'anticapitalisme, dans le sens d'une offensive contre les secteurs économiques et politiques qui gouvernèrent dans le passé.

Cependant, alors que les discours de Chavez face aux masses étaient incendiaires contre Bush, dans beaucoup de ses messages télévisés, il posa la «nécessité», après le 15 août, d'une politique de dialogue et d'un gouvernement «d'union nationale».

Dans ce sens il réalisa plusieurs réunions avec les chefs d'entreprise et il offrit une somme considérable de millions de dollars – issus des excédents que laisse aujourd'hui le nouveau boom pétrolier – afin d'octroyer des crédits à ces chefs d'entreprise.

L'ampleur de l'appui populaire que Chavez a obtenu cette fois-ci a augmenté parce que le nombre d'électeurs a augmenté. Plus d'un million d'hommes et de femmes des quartiers populaires, qui ne s'étaient jamais inscrits sur les listes du CNE, ont participé cette fois-ci et beaucoup d'entre eux n'ont pas eu le temps de se voir délivrer leur carte d électeur. On a naturalisé et inscrit une immense quantité d'émigrés. Le nombre de colombiens légalisés atteint déjà 4 millions. La sympathie exprimée à cette occasion dans ce vote massif va au-delà de l'exploitation de sentiments patriotiques et populistes.

Des millions d'exclus se sentent favorisés par les programmes sociaux que le gouvernement a entrepris, bousculant la bureaucratie des ministères où l'opposition a encore quelques beaux restes, sous le concept de «Missions»: la «Misiòn barrio adentro» (Mission au sein des quartiers), qui a mis en place un tissu dense de dispensaires populaires dans les quartiers pauvres, dans les banlieues ouvrières et parmi celles des couches moyennes basses ; ces Missions sont animées par des médecins et dentistes venant de Cuba (réalisant plus de 30 millions de consultations). Il y aussi la «Misiòn Robinson», dont le but est l'alphabétisation de plus d'un million de citoyens ; la «Misiòn Rivas y Misiòn Sucre» qui a incorporé un million six cent mille personnes, dans leur majorité des jeunes, dans un programme pour terminer leurs études secondaires et universitaires. Citons encore: la «Misiòn Vuelvan Caras», pour l'instruction et des stages pratiques afin d'intégrer à un travail de plus de neuf cent mille jeunes ; la «Misiòn Mercal» visant à mettre en place des marchés d'aliments et de médicaments à des prix populaires, et pour le service quotidien de repas dans les zones les plus pauvres (dans les Missions éducatives sont octroyés des bourses / salaires aux étudiants, pour un montant équivalant au salaire minimum).

Le point d'appui de la campagne des Patrouilles et des UBEs a reposé fondamentalement sur les bénéficiaires des «Missions» et sur leurs promoteurs. Il s'agit de brigades de jeunes travailleurs sociaux, formés dans leur majorité à Cuba, dans des cours qui durent au minimum trois mois

Comprendre les fondements des espoirs qui nourrissent le mouvement populaire

Le triomphe du NON a été considéré comme leur propre victoire par l'avant-garde politique du continent latino-américain et par les masses qui se sont mobilisées pour leurs droits en Bolivie, Équateur, Argentine et dans le reste des pays de la zone.

La base sociale d'appui que possède aujourd'hui le chavisme au Venezuela et dans le reste du continent peut être comprise dans la mesure où nous avons à l'esprit le degré de dégradation humaine et de barbarie dans lesquelles le capitalisme a plongé l'immense majorité de la population. La majorité de la population vénézuélienne intègre cette triste réalité.

Dans les dernières décennies, la paupérisation a été a été très forte et la misère effrayante dans de nombreux quartiers dans lesquels, à cause de l'insécurité accompagnant cette misère, on ne pouvait pénétrer. Cette réalité devient désespérante, face à l'absence de réponses alternatives.

Il faut comprendre les espoirs, les rêves éveillés, la conscience sociale stimulée par une volonté d'émancipation ; quand bien même ces espoirs peuvent prendre appui sur des idéologies «étranges», sur des sentiments simplement bourgeois ou humanistes, ou religieux, ethniques et patriotiques, ou faisant référence au zapatisme [mouvement zapatiste au Mexique] et au chavisme entre autres.

Les mêmes instruments d'analyse qui nous aident à interpréter la réalité socio-économique devraient nous servir à mieux comprendre comment se remplissent et sont occupés les «vides» laissés par diverses impasses idéologiques et politiques. Sur nous, les socialistes révolutionnaires, continue de peser le poids de l'échec des États bureaucratiques [URSS, etc.] qui au nom du socialisme ont sali et continuent de salir certains pays.

Des centaines de millions de travailleurs et de travailleuses aux côtés des autres secteurs d'opprimés et d'exclus ne voient pas et continuent à ne pas voir que l'unique solution possible face à la barbarie capitaliste c'est: le socialisme.

Les 227 millions de latino-américains et caribéens [de la Caraïbe à laquelle le Venezuela se rattache] pauvres, parmi lesquels plus de la moitié sont des adolescents qui ont moins de 20 ans, ont besoin d'une alternative qui ne peut être autre que le gouvernement des producteurs et / ou des salariés et l'intégration de nos pays.

Toutefois, nous devons franchir de nombreux obstacles et ceux-ci existent indépendamment de nos désirs et des manuels [ouvrages] politiques Pour des millions de pauvres qui se multiplient à raison de 6 par minute en Amérique Latine et dans les Caraïbes, le «processus vénézuélien» plongé dans les contradictions et les inégalités sociales d'un gouvernement nationaliste, dirigé par un caudillo et régi par un système capitaliste, est peut-être aujourd'hui une référence plus valable que Cuba, même avec ses avancées sociales et même si ce pays aide le Venezuela dans le développement de ses programmes sociaux (les Missions) de santé et d'éducation.

Les millions de pauvres voient et entendent de Chavez son intention de «résoudre» les problèmes des pauvres. Le désespoir que cause la montée vertigineuse d'une pauvreté qui produit 9100 latino-américains pauvres par jour exige de nous que nous nous présentions comme une perspective. Mais dans la conjoncture du processus vénézuélien, comment pouvons-nous nous transformer en une perspective ? En disant, comme le font les sectaires et les myopes: «A bas Chavez ! Mort à Chavez !». Nous ne le pensons pas ! Même si nous n'intervenons pas et n'agissons pas en criant: «Vive Chavez ! Chavez est l'issue, Chavez est la solution !»

Chavez face à l'impérialisme et l'oligarchie

Il s'agit d'un gouvernement nationaliste bourgeois qui, dès ses débuts, n'a pas compté sur l'appui du gros des secteurs de la bourgeoisie vénézuélienne et du capital étranger investi dans le pays. Chavez, en installant un gouvernement qui est à contre-courant des orientations politiques et économiques dictées par les centres du pouvoir mondial: FMI, Banque Mondiale, OMC, s'est distingué de tous les gouvernements capitalistes et même des prétendus gouvernements «socialistes» installés dans le monde.

Ainsi, dès le début, il rencontra la méfiance et la résistance du patronat et de l'impérialisme. Ceux-ci considèrent le chavisme comme un danger et un mauvais exemple pour toute la région. Il convient, dès lors, de l'extirper ou de le faire échouer. Le gouvernement Bush s'est très spécialement et très furieusement excité contre le gouvernement du Venezuela quand Chavez a déclaré que la guerre contre l'Irak, et avant celle contre l'Afghanistan, étaient des crimes contre l'humanité et a exigé le retrait des troupes de ces pays.

De même, les fonctionnaires du Département d'État des États-Unis ne supportent pas les expressions de Chavez contre l'ALCA (Zone pour le Libre Commerce des Amériques – ZLEA) et le TLC [Traité de libre commerce avec les Etats-Unis] quand il les caractérise comme des instruments de soumission de nos peuples et quand il accuse le «Plan Colombie» [plan visant à écraser la rébellion armée colombienne et à contrôler l'ensemble de la région: Colombie, Equateur, Venezuela] d'être un mécanisme pour une intervention armée dans cette zone.

Le discours permanent de Chavez en faveur de l'intégration du continent latino-américain a élevé à un degré supérieur de conscience anti-impérialiste d'un important secteur de la population et a fait comprendre la nécessité, à cette étape de l'histoire, de l'unité latino américaine afin de pouvoir avancer dans un projet d'amélioration des conditions de vie.

Ce que Chavez a fait, dès son arrivée à son poste, c'est de déclarer la guerre au cadre juridico-politique qui régissait les fondements des rapports des forces dans le pays et dire que sa Constitution était «moribonde».

Il a lancé un appel à la convocation d'une Assemblée Constituante et a fait voter la Constitution de la République Bolivarienne du Venezuela, qui a transformé la superstructure juridique et politique de l'État.

Cela a déclenché une révolution démocratique et a donné un caractère constitutionnel aux droits sociaux, remis en question et niés aujourd'hui partout ailleurs par l'étape de la mondialisation néolibérale que connaît le capitalisme impérialiste. Chavez se dégagea des liens avec les sommets politiques, patronaux, et syndicaux qui conduisaient les gouvernements précédents, lesquels sont les secteurs qui ont des relations d'affaires et de confiance avec l'impérialisme

Stopper les privatisations...

C'est ainsi que Chavez stoppa le mouvement de privatisation, surtout dans le secteur pétrolier. En effet, de manière systématique et concentrée et avec une grande adresse, la bourgeoisie et ses gouvernements dociles s'étaient engagés dans un mouvement de privatisation, alors que venait de s'ouvrir un processus révolutionnaire au Venezuela à partir de 1989.

Les télécommunications (CANTV) furent privatisées ; de même la ligne aérienne leader (VIASA), puis la flotte pétrolière et marchande nationale. L'entreprise industrielle d'État la plus importante: Sidérurgie de l'Orinoque (SIDOR) passa du statut d'entreprise publique à la privatisation, appartenant ainsi à la multinationale Techindt et au groupe vénézuélien Sivensa des Machado Zuologa. D'autres entreprises, comme Alucasa, furent livrées à la banque pour qu'elle les administre.

Pour finir de casser les entreprises, il n'était fait aucun investissement afin de chercher ensuite à les vendre comme Cadafe (énergie électrique), Pequiven / Serviferti (pétrochimie), Alcasa et Venalum (aluminium). Comme premier pas vers leur privatisation, on réalisa une décentralisation (gestion passée aux gouvernements des États, puis à des conseils d'administration qui n'étaient pas des entités publiques). Ce fut le cas pour des entreprises portuaires, hydroélectriques, pour les autoroutes, les hôpitaux, etc.

L'entreprise nationale du pétrole, Petròleos de Venezuela, PDVSA [5], celle qui était la plus appétissante pour la bourgeoisie locale et le capital transnational, parallèlement à son ouverture au capital privé pour des zones «spéciales» d'exploitation, était soumise à un processus de bureaucratisation, d'abandon d'activités au profit d'entreprises privées de sous-traitance, de désinvestissement national, alors que se réalisaient de dangereux investissements hors du pays (transnationalisation) dans des achats d'usines de raffinage (Vebal Oil, Citgo et d'autres). Par ailleurs, des bilans financiers déficitaires étaient systématiquement présentés avec l'objectif de faciliter le chemin vers la privatisation.

Des limites...

Le gouvernement bolivarien a engagé un processus totalement contraire à celui de la privatisation que les autres gouvernements étaient en train d'entreprendre, bien qu'il n'ait pas annulé ou modifié l'accord d'ouverture pétrolière, alors que celui-ci est contraire aux intérêts nationaux. Le pays ne reçoit même pas 10 % du prix d'un baril de pétrole [le gouvernement de Chavez vient, lors de la deuxième semaine d'octobre d'accroître sensiblement les redevances imposées aux compagnies pétrolières – réd.], et les entreprises transnationales qui produisent dans les zones d'ouverture ne paient même pas d'impôts, alors que dans le cas de PDVSA ses revenus entrent dans les caisses de l'Etat.

Le président Chavez, le Ministre de l'Énergie et des Mines, le Président de PDVSA et les autres hauts fonctionnaires du gouvernement se justifient en expliquant que si on ne les respecte pas, ces accords seront portés devant les tribunaux internationaux au préjudice de la nation. Mais l'inconséquence anti-impérialiste ne se limite pas à cela.

On ne peut que désavouer, et il ne faut cesser de le dénoncer, que ce gouvernement bolivarien ait livré aussi, de manière secrète et sans consultation, l'exploitation du gaz de la zone Deltana à la Chevron Texaco, Shell, Mitsubishi (holding géante japonaise). Il évoque pour ce faire le manque d'argent pour les grands investissements nécessaires à cette exploitation ainsi que le manque de technologis.

De plus, le gouvernement veut passer un contrat avec la Chevron pour la construction d'un gazoduc colombo-vénézuelien, ainsi que viennent de le décider les Présidents Alvaro Uribe et Chavez.

Cette vile reddition oublie que l'on vient d'annoncer la création de Petroamerica, de Petrocaribe et d'autres entreprises susceptibles d'être créées, pour les constituer comme pôles pour l'intégration à l'échelle du continent. De plus, un accord multimillionnaire de dotation en ordinateurs vient d'être signé par le Ministère de l'Éducation qui favorise Microsoft (Bill Gates) au détriment des offres d'entreprises latino américaines. Voilà bien les inconséquences du nationalisme bourgeois

Une révolution démocratique

Nous avons affirmé que sur le terrain de la démocratie on a vu au Venezuela une profonde révolution. Le régime démocratique bourgeois qui domina pendant plus de quarante ans se consolida à force de violence et de répression (des centaines de disparus dans la décennie des années 1960 et 1970, phénomène qui apparut ici avant celui qui frappa les pays du cône sud Argentine, Uruguay, etc.).

Ce régime se limitait à une expression des libertés démocratiques minimales. La répression et l'action criminelle des corps de sécurité de l'État étaient très violentes. Il était habituel que dans chaque manifestation il y ait des morts, assassinés par des agents policiers ou par la Garde National (la GN).

Le mouvement ouvrier a connu une terrible dictature syndicale, où, avec des méthodes de gangsters, les syndicats étaient pris d'assaut et «intervenus». Il y avait une dictature syndicale où les dirigeants sociaux-démocrates de AD (Action Démocratique) et socio-chrétiens de la COPEI, se maintenaient au pouvoir 10, 20 et même 35 ans sans faire d'élections.

Cette réalité était contenue dans la haine qu'exprimèrent les masses quand vola en éclat tout ce régime le 27 février 1989 (l'insurrection du «caracazo»). Aujourd'hui, le caractère profond de cette révolution démocratique ne tient pas seulement à la grande richesse des droits démocratiques inclus dans la Constitution Bolivarienne du Venezuela.

Celle-ci est, en termes de droits démocratiques et de participation citoyenne, plus nouvelle que n'importe quelle autre Constitution en vigueur. Mais c'est l'exercice de fait de leur pouvoir démocratique par les travailleurs et le mouvement des masses, de manière jusqu'ici irrésistible, qui a rendu possible le contenu de cette Constitution.

La tendance c'est que la révolution démocratique peut aller beaucoup plus loin encore. Après l'exacerbation des affrontements entre le chavisme d'un côté et les pro-impérialistes de l'autre, à partir de 2002, les travailleurs se sont organisés pour éliminer de leurs organisations les bureaucrates syndicaux.

Il y a eu, dès lors, une participation plus forte qu'en 2001 quand fut engagé, par la voie d'une consultation référendaire, le processus de rénovation syndicale à l'intérieur des structures de la CTV. Lors de cette consultation, il fut encore possible à la bureaucratie syndicale de maintenir le contrôle du Comité Exécutif de la CTV, grâce à la fraude et bien qu'elle ait perdu la majorité dans la plus grande partie des syndicats (ils ne présentèrent pas plus de 56 % des résultats des bureaux de vote). La bureaucratie syndicale se déclara elle-même victorieuse à l'occasion de ces élections, contre la volonté de la Commission électorale et du CNE, organismes chargés du contrôle du processus de rénovation syndicale.

A l'occasion de la grève patronale [début 2003], la CTV finissait de s'enterrer elle-même historiquement en participant aux côtés de l'organisation patronale (FEDECAMARAS) à cette grève patronale. Les travailleurs et les travailleuses se soulevèrent et de leur propre initiative éliminèrent la majorité des bureaucrates qui continuaient à rester enkystés dans leurs organisations. Grâce à cette force, la plus grande conquête dont disposent maintenant les travailleurs et les travailleuses du Venezuela s'est constituée: l'Union Nationale des Travailleurs, la UNT.

L'Union Nationale des Travailleurs

Celle-ci s'est conformée à partir d'un accord entre les forces politiques syndicales qui se dressèrent contre cette grève. Parmi celles-ci, la Force Bolivarienne des Travailleurs (la FBT), organisation liée au MVR (Mouvement Vème République, parti pro-Chaviste) et à d'autres partis qui appuient le gouvernement, parmi lesquels se trouvait Autonomie Syndicale (liée au PPT).

Dans la direction de la FBT se trouve le camarade Orlando Chirino, ainsi que la camarade Marcela Màspero, qui vient de la CLAT (Centrale Latinoaméricaine des travailleurs) et du socialisme chrétien. Ils font maintenant équipe avec nous, membres de l'OIR (Option de Gauche Révolutionnaire) au sein de la UNT.

Un groupe de dirigeants syndicaux reconnus, composés de sociaux-chrétiens, qui vient du secteur public (Franklin Rondòn) et faisait partie du Comité Exécutif de la CTV, s'est intégré à cet accord, ainsi que quelques autres cadres syndicaux venant du secteur alimentaire privé, et un représentant du syndicat du Métro de Caracas, Francisco Torrealba. Il était en dehors de ce syndicat, car il ne participa pas aux élections «normales», étant donné le degré de rejet qu'il y avait parmi la base.

Francisco Torrealba venait d'appuyer la candidature d'Antonio Ledezma, dirigeant du parti Alianza Bravo Pueblo [parti provenant d'une des dernières divisions de l'Alliance Démocratique], à la Mairie de Caracas. Un dirigeant de ce groupe, Ramòn Machuca, qui fait partie d'un important syndicat (SUTISS), est resté en dehors de la UNT, parce qu'il ne fut pas accepté qu'il préside la nouvelle centrale, comme «leader màximo». Ramòn Machuca et la direction de ce syndicat (Cause R) avaient gagné un certain prestige dans les années 1970 et 1980, par leur lutte contre les interventions syndicales [intervention de l'Etat pour contrôler le syndicat]. Par la suite Ramòn Machuca dans son syndicat prit position en faveur de la privatisation de l'entreprise SIDOR. Depuis lors, il est devenu, pour nous, qui militions alors dans le Parti Socialiste des Travailleurs, le PST / Chispa, un adversaire avec lequel aucune réconciliation n'est possible.

Cette entreprise [SIDOR] qui comptait 25'000 travailleurs titulaires passa alors à 6000 travailleurs titulaires ; 4'000 appartenant à des sous-traitants, avec des niveaux de surexploitation qui ont provoqué le déclenchement de deux grèves.

Dans l'UNT sont représentés et se sont intégrés d'autres fronts syndicaux: le Bloc Syndical Classiste de l'État de Carabobo ; le Mouvement «La Jornada» du secteur pétrolier de l'Est du pays ; Taupe Ouvrière (TOPO Obrero) du Lara

Le développement de l'UNT

Au terme de beaucoup d'efforts et débordant déjà la capacité de sa direction, la UNT, un an après avoir été fondée (le 5 avril 2003), est construite dans 23 des 25 Etats du pays et dans de nombreuses branches de la production et des services. Il s'agit de la première force syndicale du pays. Les syndicats les plus importants du secteur privé, tout le secteur électrique et presque tout le secteur public l'ont intégrée, ainsi que les syndicats des entreprises du secteur primaire: la majorité des pétroliers. Il faut ajouter une grande partie des enseignants et des salariés·e·s des transports publics.

Le programme de la UNT est vraiment révolutionnaire et internationaliste. Depuis sa fondation, la UNT a pris position contre les tentatives de coups d'État, de sabotages, l'utilisation de forces paramilitaires et toutes les autres tentatives fascistes auxquelles a eu recours l'opposition patronale qui se trouve dans la CD.

Récemment, l' UNT a participé à la campagne pour le NON au référendum, à travers sa propre campagne intitulée: «Travailleurs dans la Bataille». Elle a caractérisé cet événement comme s'inscrivant dans la même orientation que les autres faits provoqués par la CD, ceux qui visaient au renversement du Président et à l'arrêt du processus révolutionnaire qui s'affirme, peu à peu, depuis le début des années 1990.

La centrale se revendique comme organisation de classe, indépendante des patrons, du gouvernement et des partis politiques. Et c'est ce que, au cours de sa brève existence, elle a démontré.

Elle a été présente dans les grèves qui se sont déclenchées dans les derniers mois. Plusieurs d'entre elles ont été organisées contre des entreprises qui se sont alliées à la nouvelle bureaucratie (des dirigeants récemment élus sur des listes qui se prononcent en faveur du processus bolivarien). Elle a participé à des mobilisations contre des Ministères, des Gouvernements provinciaux, des Mairies et devant les portes du Palais Présidentiel, exigeant les droits de différents secteurs de travailleurs. Elle a fait pression pour que soient signées des Conventions Collectives dans certaines branches qui n'en signaient pas depuis 4, 6 et 8 ans (secteur public, santé, enseignement, électricité, construction.

Les travailleurs et le gouvernement

Sept travailleurs ou travailleuses sur dix sympathisent avec le Président Chavez et le processus bolivarien. Mais la majorité de ces travailleurs sont critiques contre un nombre important de fonctionnaires du gouvernement, des partis qui l'appuient et contre beaucoup des politiques que ceux-ci appliquent. Il y a plusieurs maires et gouverneurs mis en question.

La critique contre des faits de corruption et l'incurie est un fait courant. On condamne le gouvernement parce qu'il intègre un grand nombre de militaires de haut rang qui occupent des postes dans l'administration publique (une sorte de «militarisation») que des professionnels civils pourraient parfaitement occuper. Les militaires ont certes été un point d'appui pour les programmes sociaux du gouvernement, et un grand nombre d'entre eux s'identifient au projet bolivarien. Mais le sentiment existe qu'ils doivent rentrer dans leur «secteur» (leurs casernes).

Le mouvement des travailleurs n'admet pas que, six ans après, indépendamment du sabotage patronal, le pourcentage de travail «formel» soit de 50,5 %, alors que le pourcentage de travail «informel» reste à hauteur de 49,5 %, c'est-à-dire presque le même, et que le taux de chômage soit aussi haut, atteignant 15,3 % selon l'Institut National des Statistiques (INE).

Le gouvernement n'a effectué aucune politique révolutionnaire sur ces points. Le mouvement des travailleurs n'admet pas non plus le fait que, 9 mois après que l'Assemblée nationale a approuvé la Loi de Sécurité Sociale, celle- ci ne soit pas entrée en vigueur. De la même manière est exigée la réforme de la Loi organique du travail pour rétablir la rétroactivité des prestations sociales, éliminées depuis 1987, cela d'autant plus qu'il existe un délai constitutionnel pour leur rétablissement, délai qui se termine dans les cinq prochains mois.

Parmi les choses que les travailleurs ne pardonnent pas au gouvernement c'est qu'il n'a eu aucune politique pour aider à la mise en fonctionnement des entreprises qui furent fermées par leur patron et occupées par les travailleurs mis au chômage. Ceux-ci engagèrent ces actions d'occupation, confiants que le gouvernement contribuerait à garantir leurs postes de travail et assurerait le paiement de leurs prestations sociales. Nombreux sont les travailleurs qui se sentent frustrés et trahis parce que le gouvernement, qui s'affirme révolutionnaire, n'a eu aucune disposition pour le faire alors qu'en Argentine, le gouvernement de Kirchner a aidé au fonctionnement d'entreprises que les travailleurs occupaient et remettaient eux-mêmes en marche.

Beaucoup ont cessé maintenant leur occupation (Industrial de Perfume, Codima, et six autres entreprises), mais d'autres poursuivent l'occupation comme à la Venepal, la Construtora National de Vàlvulas, à Elpreca, espérant que le gouvernement leur attribue des crédits et l'assistance nécessaires pour qu'elles puissent produire à nouveau.

Pourtant le mouvement des travailleurs juge favorablement des mesures et des actions du gouvernement. Il y a tout d'abord une liberté comme jamais auparavant pour constituer des syndicats, permettant ainsi l'augmentation significative du niveau des syndiqués. Depuis plus de deux ans, il existe un décret «d'inamovibilité du travail»: on ne peut plus licencier sans motif légal. La dette du secteur public avec ses employés, accumulée par les derniers gouvernements, a été reconnue. L'État est en train de promouvoir la création de Coopératives et assure de crédits, afin de mettre fin au système des entreprises sous-traitantes. Dans certains cas, il développe la cogestion (dans le secteur électrique, par exemple).

Tous les ans, le gouvernement augmente le salaire minimum (l'augmentation cette année a été de 30 %, en deux temps, 20 % d'abord puis 10 %), en ayant comme référence les calculs de l'inflation (celle qui est accumulée au cours de cette année est de 14,1 % selon l'indice des Prix à la Consommation, IPC, de la Banque centrale du Venezuela BCV).

Il est vrai cependant que le pouvoir d'achat des salaires et des pensions s'est dévalué de façon énorme durant les trente dernières années (entre 1984 et 1993, l'inflation fut de 160 % ; entre 1993 et 1998 de 100 %, et entre 1998 et 2000 de 100 %).

Parmi quelques-uns des changements significatifs, il faut noter. On paye aujourd'hui quelques jours à l'avance les pensions des vieux retraités et que celles-ci sont alignées sur le salaire minimum (321,213 Bolivars). Il faut aussi apprécier le fait que les travailleurs participent avec les organisations populaires au Contrôle Social (Contralorìa social, organisme de contrôle du budget et de son application). Ce principe est établi dans la Constitution et doit s'exercer à travers la mise en place de Conseils Locaux de Planification Publique. Il doit faire l'objet d'une Loi. Il s'agit de superviser, contrôler et participer à l'utilisation des budgets ; et cela aux plans national, régional, municipal et local.

Il y a une autre réalité que l'on peut constater: il est donné à la paysannerie des possibilités d'obtention de crédits pour acheter des machines, des semences et des produits chimiques pour semer et obtenir une habitation. Une grande quantité d'hectares de terre a été donnée à des paysans sans terre afin qu'ils puissent les cultiver, particulièrement des terres appartenant à l'État.

En même temps des milliers de paysans ont occupé des fermes et des terres, en s'affrontant souvent aux bandes armées des propriétaires fonciers, ce qui a provoqué une série de morts de paysans pauvres (environ 100 assassinats). Il y a aussi des manifestations qui montrent que dans la conscience de milliers de citoyens sans terre progresse l'idée que la terre doit appartenir à celui qui la travaille, et cela dans un pays où l'énorme majorité des terres cultivées continue d'appartenir à une poignée de propriétaires fonciers.

Le «doigt du pouvoir»

Quelques jours après le référendum, des centaines d'activistes et de membres des Patrouilles Électorales (PE) et des Unités de Batailles Électorales (UBE) ont cherché à résoudre le problème de la prolifération de deux et plus de candidats aux mairies et postes de gouverneur afin de garantir la victoire pour les élections fixées en octobre [au 31 octobre].

Dans beaucoup de ces circonscriptions électorales le NON a gagné avec peu de marge de différence, et presque tous les candidats «officiels» ont été imposés par le système de la «dédocratie» (le doigt du pouvoir), fortement rejeté.

Cette saine et légitime aspiration s'est heurtée au mur des partis qui appuient le gouvernement et qui ont déjà désigné leurs candidats. Mais surtout ils se sont heurtés au mur de Hugo Chavez lui-même.

De manière emportée et grossière, dans un programme dominical télévisé (Alò Presidente) il a affirmé que celui qui n'accepterait pas de se discipliner à l'appui de «ses candidats» devrait rejoindre la Coordination de l'opposition.

Une large base qui s'identifie comme chaviste et qui a consacré beaucoup de son temps de militantisme en faveur du processus bolivarien rejette cette déclaration. Nombreuses sont les organisations de base qui, dans beaucoup de régions, se sont déclarées en dissidence. D'autres se maintiennent en état d'alerte pour mener cette bataille, reflet du fait que, indépendamment du poids du leadership et du «caudillismo» de Chavez, nombreux sont ceux qui ne supportent pas les décisions d'en haut, antidémocratiques.

La lutte pour que les candidats soient choisis par la base continuera, quel que soit le résultat final de cette revendication. Cette lutte laissera des traces. Elle peut aussi entrer en relation avec les effets qu'auront les concessions que Chavez accordera aux chefs d'entreprises et aux autres ennemis politiques, assis aujourd'hui à la table de négociations, suite au résultat du référendum..

Presque tous les gouverneurs et maires bolivariens qui seront élus en fin octobre devront assez vite connaître des oppositions et des affrontements portant sur leur gestion. Dans ce contexte l'utilisation du mécanisme du «Contrôle social» (Controlarìa social) sera un facteur qui prendra beaucoup d'importance et le rôle des syndicats et des autres organisations populaires va être déterminant.

Renforcer le processus

Le gouvernement du Président Chavez n'a pas reconnu la force que les travailleurs sont capables de dresser quand ils décident de s'engager pour exiger leurs droits. S'il tente d'arriver à un accord avec les patrons aux dépens des droits et des revendications des travailleurs, ceux-ci dresseront leurs revendications que d'ores et déjà ils ont établies et que, sommairement résumées ici, nous défendons à leurs côtés:

• Que soit prise en compte l'exigence des militants bolivariens: qu'il y ait un processus pour choisir les candidats pour les élections régionales d'octobre.

• Évaluation et contrôle de la part des travailleurs et des communautés, à travers les Conseils Locaux de Planification de la gestion des fonctionnaires des institutions publiques.

• Que soit étendu le décret d'inamovibilité du travail.

• Expropriation des entreprises fermées et passées sous le contrôle des travailleurs qui les occupent, avec versement de crédits et une politique claire pour les faire fonctionner.

• Renationalisation et contrôle des travailleurs des entreprises CANTV et SIDOR.

• Contrôle total de la part des travailleurs de PDVSA et des entreprises électriques. Que les organisations syndicales, les Comités de surveillance et les autres organismes défenseurs de l'industrie pétrolière, convoquent tout de suite une Constituante pétrolière.

• Refus de la politique de paiement de la dette extérieure que ce gouvernement a toujours réalisée de manière disciplinée.

• Création d'un plan pour des emplois pour faire baisser le taux très élevé de chômage qui existe aujourd'hui.

• Pour un décret d'augmentation générale des salaires

La UNT est déjà, en quelque sorte, une direction révolutionnaire des travailleurs, qui doit mettre en avant les exigences que nous avons énumérées plus haut et d'autres que nous n'avons pas citées.

Mais les milliers de lutteurs sociaux et politiques produits de ce processus et qui sont sous la menace d'être condamnés à l'ostracisme s'ils ne se disciplinent pas aux injonctions et lignes imposées par des caudillos, ont besoin d'un instrument politique pour, dans l'immédiat et dans le futur, développer tout leur potentiel révolutionnaire.

L'«Option de Gauche Révolutionnaire» (la OIR) est un projet d'indépendance politique de classe qui est en train de faire quelques petits pas dans ce sens. Cependant il faut maintenant appuyer sur l'accélérateur. Il est nécessaire d'ouvrir cette discussion à d'autres organisations qui avancent dans le même sens, comme par exemple le «Mouvement 13 avril», «Connexion sociale» et d'autres.

En nous appuyant sur les organisations autonomes et révolutionnaires que les masses se donnent, nous proposons la nécessité d'un gouvernement propre des travailleurs et des autres secteurs de salariés et opprimés de cette société. Conquérons notre seconde indépendance. Notre patrie est l'Amérique Latine et les Caraïbes. Caracas, le 2 septembre 2004

* S. Perez Borges est Coordinateur National de l'Union Nationale des Travailleurs (UNT) ; membre de l'Option de Gauche Révolutionnaire (la OIR).

1. Carlos Andrés Perez est le dirigeant historique du parti «Alliance Démocratique», parti bourgeois qui se dit «social-démocrate» et fait partie de la Deuxième Internationale. Ce parti intègre la coalition anti-gouvernementale (CD). Andrès Perez, en exil après sa condamnation et destitution en 1993 pour corruption, vient de déclarer que «la seule solution» est l'élimination physique de Chavez: «Je travaille à la destitution de Chavez. Ce n'est que par la violence que nous pourrons le destituer. Nous n'avons pas d'autres possibilités [...] Chavez doit crever comme un chien, car il le mérite [...]. Nous ne pouvons pas simplement nous débarrasser de Chavez et immédiatement introduire une démocratie. Nous allons avoir besoin d'une période de transition de deux et trois ans, pour jeter les bases d'un État, dans lequel le droit et la loi règnent. [...] Une junte devra d'abord fermer le parlement, la Cour suprême, et toutes les institutions où les partisans de «Chavez ont la majorité.»

2. Ce n'est qu'en novembre 2001 que l'administration Chavez marque un tournant en prenant les premières mesures structurelles qui, sur certains aspects, s'opposent au Consensus dit «néolibéral» de Washington. Il s'agit de l'adoption, le 12 novembre 2001, par l'Exécutif, de 49 décrets-lois, sur les hydrocarbures, sur la terre, sur la pêche, etc. Jusque-là, c'est une politique macroéconomique conservatrice (austérité budgétaire, inflation zéro, etc.) qui avait présidé aux premiers pas du gouvernement, qui augmentait cependant les dépenses publiques et sociales et lançait des programmes sociaux relevant de l'assistance (Plan Bolivar).

3. En 1989 des centaines de milliers de travailleurs manifestent dans les rues contre le gouvernement de Andrés Perez qui, appliquant les mesures conseillées par le FMI veut imposer un nouveau plan d'austérité. Il s'agit de ce que les vénézuéliens appellent l'insurrection du «caracazo». Devant l'ampleur des mobilisations, et pour stopper le processus en cours qui risque de mettre en question sa domination, Andrés Perez envoie l'armée qui fait un bain de sang: 3 000 morts. En 1992, Chavez, qui anime clandestinement un groupe politique dans l'armée, le MBR-200, organise un coup d'État contre Pérez. Le coup d'État échoue et Chavez est emprisonné, se gagnant la sympathie des masses qui subissent, résistent et s'affrontent aux agressions de «la démocratie» de la bourgeoisie contre leurs conditions d'existence. C'est en 1998 qu'il se présente aux élections présidentielles et, centrant sa campagne sur la dénonciation de l'injustice et la corruption, l'exaltation de la patrie et de son indépendance, il est élu avec 60 % des voix.

4. «Le général du peuple souverain» Ezequiel Zamora, dans la guerre qui opposa les conservateurs aux libéraux et fédéralistes, entre 1853 et 1969, utilisa la tactique militaire consistant à faire croire aux Conservateurs qu'ils avaient gagné en occupant la capitale de la Province de Barinas alors qu'il s'agissait d'un retrait tactique de sa part pour les attirer dans les plaines de Santa Inés où il leur donna le coup final le 10 décembre 1859

5. C'est en 1976 que l'industrie pétrolière a été nationalisée. Elle est la source de 30 % du PIB et de 80 % des exportations vénézuéliennes. Bien que détenue à 100 % par l'État, la PVDSA restait une société anonyme gérée par une couche d'environ 800 administrateurs, relativement indépendante du détenteur nominal des titres de propriété, l'État. C'est cette couche d'administrateurs qui organisa la grève de décembre 2003-février.2004. C'est contre elle que les employés du pétrole ont fait fonctionner à nouveau l'entreprise, faisant ainsi échouer la grève. (traduction et notes de Jean Puyade)

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