France
La mobilisation
du 7 septembre contre «la réforme Sarkozy–Woerth» des retraites
Olivier
Besancenot *, Jean-Marie Harribey **, Christian Mahieux ***, Gérard
Filoche ****
Le jeudi 2 septembre
2010, le quotidien Le
Figaro titrait (p.19). «Retraites:
l’ouverture de François Chérèque». En sous-titre, une précision: «Tout
en réaffirmant son opposition à la réforme, le patron de la CFDT
fait quatre propositions pour dénouer le conflit.». F.
Chérèque fait une «ouverture» sur quatre questions: 1°
maintenir à 65 ans la borne d’âge pour l’attribution de la
retraite à taux plein «jusqu’en
2018, date à laquelle il est prévu de réaborder la question des
retraites». Donc ne pas la relever à 67 ans à compter du 1er juillet 2016, au rythme de 4 mois par année. Le
Figaro résume bien la question: «Bref,
de reculer seulement d’un an et demi la mise en œuvre de cette
mesure».
2° Il demande au gouvernement de revoir sa copie sur trois autres
points: les carrières longues, la pénibilité (voir à ce
propos, sur notre site, l’introduction à l’article de Laurent
Delage, en date du 4 septembre 2010).
Selon Marc Landré du
Figaro,
à l’Elysée un conseiller du Président explique: «François
Chérèque veut montrer qu’il n’est pas dans une position de
fermeture, comme la CGT, et cherche à se différencier. Il cherche
aussi à obtenir ces concessions du gouvernement pour dire à sa base
que le conflit dur dans lequel la CFDT s’est lancée n’aura pas
été vain. […] François Chérèque veut montrer que nous avons cédé après la
manifestation du 7 septembre. A-t-on intérêt à le faire ?
Cela mérite réflexion.»
Sarkozy, qui ne peut
évacuer Woerth dans l’immédiat, répète: «Je
ne serai pas le président de la République qui partira sans avoir
réglé la question de l’équilibre [financier] des régimes de retraite. C’est clair que je suis extrêmement
déterminé.» (Le Figaro, 4-5
septembre 2010). Sarkozy et Fillon sont sur l’avant-scène
politique. Pendant ce temps, Raymond Soubie, l’expert aguerri en
dossiers sociaux, a le contact avec les dirigeants syndicaux. Après le 7 septembre, le téléphone sonnera plus de deux fois !
Dans le quotidien
économique Les
Echos du
3-4 septembre 2010, Bernard Thibault (CGT) et François Chérèque
(CFDT) ont découvert «l’affaire Woerth-Bettencourt», avec un
retard complice ! Chérèque souligne que cette réforme «du
quinquennat [est
menée] en pleine crise politique dans la majorité, avec le ministre du
dossier du cœur de cette crise.» Et il ajoute: «Cette
situation fait qu’on aborde pas du tout le fond du dossier. C’est
un vrai problème.» Et Thibault de renchérir:«Eric
Woerth est objectivement (sic !) plus occupé, et préoccupé, par autre chose que par le sujet qui
nous intéresse.» Et
Chérèque de répondre à la question «Ce
climat vous sert-il ?»: «Je
ne pense pas, dès lors qu’il occulte le débat de fond sur les
retraites».
Autrement dit: la «crise en haut» ne faciliterait pas une
mobilisation pour le retrait de la réforme: Cette option était
claire depuis longtemps. Selon Chérèque, «il
va falloir un jour» que le gouvernement «arrête
d’amuser la galerie (sic) et rouvre un vrai dialogue».
Pour mesurer
l’impact de la mobilisation du mardi 7 septembre 2010, Chérèque
insiste déjà que le signal le plus important pour la CFDT sera «le
niveau de grève dans le privé».
Dans cet entretien conjoint, Thibault se montre plus prudent que
Chérèque. Plus exactement, il sait ne pas répondre à diverses
questions, car «nous
ne confondons pas vitesse et précipitation.» Le
dispositif des appareils n’a pas besoin de se précipiter pour se
mettre en place ; il l’est déjà.
Une lecture de cet
entretien conjoint, fait cinq jours avant les grèves et les
mobilisations du mardi 7 septembre 2010, démontre combien le nombre
«des manifestants», la diffusion spatiale de la mobilisation, la
réalité des grèves, le degré d’auto-ogrnaisation, les
revendications reprises par les «cortèges», en un mot la dynamique
d’ensemble du mardi 7 septembre sera déterminant pour la suite.
Car, seulement si des secteurs significatifs de salarié·e·s et de
jeunes «en formation», entre autres, entrent, à leur façon, sur
la scène sociale et politique, sans se caler sur l’agenda
politico-électoral, les fractures au sommet s’élargiront et des
éléments dépassant un scénario d’alternance (à la Sarkozy
-Aubry/Strauss-Kahn) s’affirmeront.
Nous publions
ci-dessous, les explications et conceptions de forces politiques et
sociales qui se sont efforcées, plus ou moins, de mener une campagne
unitaire pour la journée de mobilisation du mardi 7 septembre 2010. (cau)
*****
Se mobiliser par
millions et préparer la grève générale, Olivier Besancenot *
Pour faire plier le
gouvernement sur la contre-réforme des retraites et contre sa
politique raciste et sécuritaire, une seule solution : se
mobiliser par millions et préparer la grève générale. Dans la campagne unitaire pour conserver la retraite à 60 ans, il y a
beaucoup du rapport de forces global entre les classes qui est un
train de se jouer. La situation dans quelques semaines ne sera pas la
même si Sarkozy fait passer la réforme ou si, au contraire, le
mouvement ouvrier réussit à la stopper.
L’impopularité de la
réforme – qui est certaine – ne sera pas suffisante pour la
stopper parce qu’on est tous confrontés au même problème : un
certain recul des luttes, un certain reflux social, un certain ressac
des mobilisations sociales. Depuis deux ou trois ans, peu de luttes
ont été victorieuses. C’est lié à une stratégie
d’éparpillement des luttes qui n’a que trop duré. C’est aussi
lié à l’impact immédiat de la crise économique sur les
consciences. Cette crise économique qui a débuté, il y a
maintenant deux ans, est une crise de grande envergure. Quand on
regarde l’histoire du capitalisme, on sait que lors de ce type de
crise, le premier réflexe dans les couches populaires, n’est pas
d’abord celui de la solidarité, pas d’abord celui de la révolte
collective. C’est malheureusement trop souvent, la débrouille, le
chacun pour soi, l’individualisme, la jalousie. On regarde les
acquis sociaux du voisin en pensant que ce sont des privilèges,
voire pire. Et les employeurs, dans le public comme dans le privé,
nous disent : « t’es pas heureux, tu peux prendre la porte,
parce que plein de gens veulent ta place, veulent bosser ». Alors
ce n’est pas le moment de l’ouvrir, de revendiquer, et on sait
que cela pèse sur les consciences.
La révolte comme
antidote
La révolte
solidaire est l’antidote à la crise économique, mais c’est un
antidote qui produit souvent ses effets à rebours, en différé, une
fois dépassées les illusions du chacun pour soi.
Après la crise
de 1929, par exemple, et avant les grèves de 1934 et la grande grève
de 1936 avec le Front populaire, il y a eu aussi 1933 en Allemagne et
l’ascension du nazisme. Toutes proportions gardées, ces deux
éléments sont présents dans la situation politique actuelle. Cela
renforce le rôle du mouvement ouvrier, des organisations, de façon
unitaire, le rôle des militants, ceux qui a priori sont un peu plus
conscients de certaines choses. Et notre rôle est de brusquer le
temps, d’accélérer les effets de cet antidote pour que cela aille
plus vite et que cela se produise sur la question des retraites :
nous devons agir collectivement là où nous pouvons peser.
La
première chose que l’on peut faire, c’est renforcer notre camp
en s’appuyant sur la dynamique de ce qui a déjà été réalisé
ces derniers mois. Parce qu’il y a une attente extraordinaire et
souvent sous-estimée dans les équipes militantes. Quels que soient
les syndicats et les partis, il faut que cette campagne unitaire ait
lieu. Quels que soient les désaccords politiques à gauche, on peut
marcher séparément et frapper ensemble sur une question aussi
essentielle que celle des retraites qui touche à l’héritage du
mouvement ouvrier, pour défendre la retraite à 60 ans, à taux
plein.
La deuxième chose est que l’on peut aussi affaiblir le
camp d’en face, car la crise économique percute tout le monde.
Même les classes possédantes, même les capitalistes. Certains à
droite se disent que Sarkozy n’est pas forcément la bonne réponse
de droite pour sortir de la crise. La fuite en avant nauséabonde,
raciste, sécuritaire, écœurante à laquelle on a eu droit cet été,
outre qu’elle est révoltante, consiste à essayer de faire oublier
les problèmes politiques, économiques et judiciaires du
gouvernement. Ce n’est pas la marque d’un gouvernement fort mais
bien plutôt celle d’un gouvernement aux abois. Il y a des
dissensions potentielles dans les classes possédantes qu’il faut
savoir exploiter pour remporter des victoires.
On peut se dire que
dans les semaines à venir, à n’importe quel moment la crise
sociale peut se transformer en crise politique, voire en une crise de
régime.
Quand on a commencé la campagne unitaire, on était bien
loin de se douter que la campagne sur les retraites allait trouver ce
curieux sponsor qu’est L’Oréal, à travers l’affaire
Woerth-Bettencourt.
Woerth est soi-disant un homme d’honneur. Et
il l’est à ce point qu’il le distribue en légions à ceux qui
lui rendent des petits services, le gestionnaire de la fortune
Bettencourt qui embauche sa femme, le comptable qui s’est occupé
de la campagne municipale et de son micro-parti. Mais dans quelques
jours, il devra expliquer à tous que les temps sont durs et qu’il
faut se serrer la ceinture. Il est probable qu’en l’entendant,
des centaines de milliers de personnes auront envie d’aller
manifester.
Nous pouvons donc affaiblir le camp d’en face, mais à
condition que la gauche sociale et politique, le camp du mouvement
ouvrier ne tremble pas à la veille de la rentrée et que sa partie
la plus libérale ne nous refasse pas le coup du discours alterné
qui dit retraite à 60 ans puis, il faut peut-être travailler plus
longtemps. La gauche doit avoir du cran pour réclamer non pas la
réécriture mais le retrait, l’abrogation du projet de loi
Woerth-Sarkozy, parce que pour le moment ce n’est qu’un projet de
loi.
Dans cette campagne, on a décidé de donner des explications
mais aussi de tracer des perspectives. Si la réforme n’est pas
populaire, la bataille de l’opinion n’est quand même pas gagnée
d’avance. On voit défiler dans les médias des commentateurs, des
analystes, des experts, des économistes qui nous expliquent que les
caisses de la Sécurité sociale sont vides, sans jamais nous parler
des 32 milliards d’euros d’exonération de cotisations
sociales qui vont aux gros groupes industriels capitalistes pour,
paraît-il, créer de l’emploi. Ils nous envoient des experts pour
expliquer qu’il faut travailler plus longtemps parce qu’on vit
plus longtemps. Comme si ça ne pouvait pas être une chance
extraordinaire de vivre plus longtemps si on a un système de
protection sociale qui nous permet d’avoir du temps libéré de
l’exploitation après une dure vie de labeur. Et puis, il y a les
experts qu’on ne voit jamais. Ceux qui, par exemple, pourraient
nous dire que si la population a vieilli depuis trente ans, les
travailleurs sont aussi beaucoup plus productifs. Au quotidien, cela
signifie que le taux de productivité horaire a augmenté de 70 % !
Mais la productivité est partie dans les profits et ces derniers
n’ont pas servi à l’emploi mais à verser des dividendes encore
plus importants aux actionnaires.
Répartition des
richesses
La question centrale
est donc bien celle de la répartition des richesses. Le Conseil
d’orientation des retraites cherche 3 % du PIB, 3 % des
richesses annuelles pour financer un système des retraites qui est
paraît-il aux abois. 3 %, ce n’est rien par rapport aux 17 %
qui partent chaque année sous forme de profits accaparés par une
minorité qui, elle, ne connaît pas vraiment la crise. On pourrait
aussi nous envoyer des experts pour tirer le vrai bilan des réformes
successives, puisque depuis 1993, on n’arrête pas d’augmenter le
nombre d’annuités nécessaires. La réalité c’est qu’il y a
une toute petite minorité des salariés qui arrivent à faire les
37, 5 annuités qu’ils devaient effectuer avant la réforme
Balladur, à cause du chômage, des licenciements, des préretraites,
des maladies professionnelles. La seule conséquence des réformes
est la baisse de 15 à 20 % du montant des pensions. C’est
l’objectif de cette réforme et c’est ce que nous devons
expliquer.
Et puis, il suffirait d’un commentateur qui ait un
peu de mémoire pour rappeler que Sarkozy était le candidat du
plein-emploi alors qu’il y a entre 4 et 5 millions de chômeurs
dans ce pays. Si on avait à la place 4 ou 5 millions de travailleurs
à temps plein, cela ferait aussi 4 ou 5 millions de cotisants à
temps plein... et les caisses de la Sécurité sociale seraient
pleines. Et si en plus on augmentait les salaires, ce qui serait une
mesure de salubrité publique, les caisses seraient pleines à
craquer. Cela veut dire que si plutôt que de nous demander de
travailler plus longtemps, on nous demandait de travailler moins,
tout le monde aurait un emploi. Et personne ne parlerait du problème
des retraites. Cela s’appelle le partage du temps de travail.
Donner des explications ne suffit pas. Il y a un problème de
confiance collective. Steve Biko, une grande figure de la lutte
contre l’apartheid, mort dans les geôles racistes d’Afrique du
Sud, avait une belle formule : « La meilleure arme entre les
mains des oppresseurs, c’est la mentalité des opprimés »,
c’est-à-dire nos mentalités, nos problèmes de confiance, de
conscience. Notre responsabilité est donc d’essayer d’expliquer
comment on peut gagner. Essayer de tracer des perspectives sociales
et politiques. Sociales, parce qu’on n’est plus dans
l’expectative. Le gouvernement nous a fait une vraie déclaration
de guerre sociale, avec un lieu, une date, avec le vote à
l’Assemblée et au Sénat. C’est en septembre, c’est en octobre
et on ne va pas les en empêcher en les amadouant ou en les menaçant.
On ne pourra les en empêcher que si on est capable d’établir un
rapport de forces supérieur au leur. Si on est capable de créer
ensemble un pouvoir supérieur au leur. Il y a dans ce pays une
tradition de lutte et de résistance qui fait que la rue a un
pouvoir. Elle en a eu en 1995 contre le plan Juppé, elle en a eu
pendant le CPE.
On nous demande toujours si la rentrée sera
chaude. Ce qu’on sait, c’est qu’elle aura lieu à l’heure,
qu’elle commence tôt. Et qu’elle est globale. Pour nous la
manifestation du 4 contre la politique raciste et sécuritaire du
gouvernement et la première grande grève du 7 contre la réforme
Woerth-Sarkozy, c’est la même et seule rentrée sociale et
politique qui s’oppose à une politique libérale et qui veut
taper. Encore faut-il qu’elle dure le temps nécessaire. Les
mobilisations saute-mouton, cela ne marchera pas. Il faudra une suite
rapprochée, faite de mobilisations prolongées, de grèves, de
manifestations, d’un mouvement d’ensemble et d’une grève
générale.
L’abrogation de cette réforme ne doit pas être une
énième promesse électorale pour 2012 car ce serait prendre le
problème à l’envers : l’issue des retraites ne se joue pas en
2012 mais, en revanche, beaucoup de l’issue de 2012 se joue dans la
bataille des retraites.
C’est maintenant
qu’il faut affaiblir le gouvernement et la droite.
Il faut
également des perspectives politiques. On a aujourd’hui une droite
dure qui s’assume : Sarkozy, c’est le régime des plus riches,
fait par les riches pour les riches, c’est le régime de la peur
qui joue sur les peurs.
Il faut donc aussi une gauche qui
s’assume. Une gauche qui parle de lutte de classe, d’émancipation,
qui s’adresse au prolétariat du XXIe siècle, qui ne parle pas d’augmenter le pouvoir d’achat mais
d’augmenter les salaires, qui ne parle pas de régulation mais de
taxer les profits, qui ne parle pas d’humaniser la politique
d’immigration mais d’égalité intégrale des droits, de
régularisation de tous les sans-papiers. Une gauche, une autre
gauche, celle de l’alternative qui parle aussi de projet de
société. Le régime de la peur et des plus riches, on veut le
renverser, pour mettre à la place un nouveau mode de production et
de consommation qui soit rationnel, respectueux de l’environnement,
égalitaire, où les richesses seraient partagées entre toutes et
tous, contrôlées et réappropriées par toutes et tous, car la mise
en cause de la propriété est essentielle.
Dans l’héritage du
mouvement ouvrier, il y a aussi les héritages politiques.
Blanqui
disait : « Notre
projet ne serait qu’un mensonge s’il devait n’être que la
substitution d’une forme de gouvernement à une autre. Il ne suffit
pas de changer les mots, il faut changer les choses. Notre projet,
c’est l’émancipation des travailleurs, c’est la fin du régime
de l’exploitation et l’avènement d’un ordre nouveau qui
affranchira le travail de la tyrannie du capital. » Nous devons gagner la bataille sur les retraites, nous ne voulons pas
être la génération qui a perdu les retraites.
*****
Jean-Marie Harribey, Attac **
Six mois de
simulacres de concertations, de mensonges envers la société et de
propos rassurants envers les marchés financiers, ça suffit ! Il
n’existe qu’une seule solution à ce conflit : le retrait
immédiat de ce projet pour construire un projet alternatif. Cette
réforme démantèle le droit à la retraite, tout en accordant les
meilleures largesses aux classes dominantes et la purge pour les
pauvres. Dans un contexte de crise financière qui a désagrégé les
dépenses publiques, on fait payer les pauvres pendant que les riches
continuent de s’enrichir.
Il faut construire un projet alternatif
parce que les enjeux sont multiples. Il faut travailler moins et pas
plus. Il faut partager les gains de productivité et pas les
polariser à un pôle de la société. Il faut réduire les
inégalités. Et il faut une retraite à 60 ans pour pouvoir jouir
des meilleures années qui séparent la fin de la vie active de
l’échéance finale. Pour cela, il y a une solution, qui est
maintenant dans le débat public, c’est faire payer les revenus du
capital, soumettre à cotisation tous ceux qui ne le sont pas pour
l’instant.
Nous allons tout faire pour empêcher que ce projet
aboutisse, en nous associant totalement aux manifestations organisées
par les sections syndicales. Nous savons maintenant que la grève
générale devient de plus en plus nécessaire pour faire plier ce
projet. Nous allons continuer de mailler le territoire jusqu’au
moindre recoin du pays, dans toute la lignée de l’appel national
qui a été lancé par Attac et Copernic, qui réunit maintenant une
très large palette de tout le mouvement social.
Le 7 septembre
doit devenir le jour où la société tout entière se saisit du
débat sur les retraites. Telle était notre intuition lorsque nous
avons lancé cet appel : gagner en transformant le débat sur les
retraites en débat de société, en choix de société. Et nous nous
trouvons dans une situation inédite : tous les peuples européens
sont confrontés à une situation que la crise du capitalisme
rapproche aujourd’hui, parce que les plans d’austérité mettent
à mal les droits des salariés, les conquêtes sociales, pour le
plus grand bénéfice du capital. Le mouvement social français doit
être une pierre dans la construction de ce mouvement social européen
dont on aura l’échéance le 29 septembre. Il faut faire naître
cette insurrection civique qui dépasse un conflit
syndicats-patronat, parce qu’il y a un véritable enjeu de société
pour préparer l’avenir. La démocratie est menacée par la
stigmatisation des immigrés, des Roms et par-delà, de tous les
membres du salariat. Le vent de la révolte a sonné, le vent de la
révolte ne tombera pas.
*****
Christian Mahieux, Solidaires ***
La contre-réforme
des retraites est une preuve que la lutte des classes existe et que
la classe sociale qui n’est pas la nôtre la mène activement. Ce
que nous perdons en salaires, pensions, protection sociale, les
patrons et les actionnaires le gagnent en profits supplémentaires.
La réduction du temps de travail est une des marques du progrès
social, un phénomène continu, et les patrons s’y sont toujours
opposés. De la réduction du temps de travail, la suppression du
travail des enfants à la semaine de 40 heures, puis 35 heures, en
passant par la journée de 8 heures et la retraite à 65 puis 60 ans,
la réponse patronale a toujours été « ce n’est pas possible,
économiquement on pourra pas ». C’est rigoureusement la même
chose aujourd’hui, sauf que le rapport de forces étant ce qu’il
est, ils ne s’opposent pas à la réduction du temps de travail,
ils veulent imposer son allongement. C’est bien de ça qu’il
s’agit. C’est bien sûr l’affrontement en classes sociales que
se situe le dossier des retraites.
Le mouvement syndical est une
nouvelle fois au pied du mur. L’enjeu est-il d’obtenir quelques
réunions pour faire croire à une négociation, et mettre en avant
quelques reculs moindres que ceux prévus initialement, sans que le
retour en arrière, le vol de nos acquis sociaux soient remis en
cause ? De la réponse à cette question dépend la stratégie
d’actions radicales à mettre en œuvre. Pour Solidaires, l’enjeu
est l’abandon du projet de loi. Des négociations, il en faudra,
mais pour améliorer le système attaqué depuis 1993, pour
satisfaire des revendications anciennes du mouvement syndical, en
matière de réduction du temps de travail, de lutte contre les
travaux pénibles et dangereux, de compensations à ces situations.
Donc des négociations, mais pas sur la base de ce projet de loi qui
ne doit pas voir le jour.
Pour ça, il va falloir se battre.
Réussir nos manifestations, être 1 million dans la rue comme le 27
mai, plus d’1 million comme le 24 juin, peut-être 2 millions comme
le 7 septembre. C’est bien, nécessaire, indispensable, mais
pas un but en soi. Réussir périodiquement des journées d’actions
sur des enjeux comme celui-là, ce n’est pas suffisant pour gagner.
Solidaires propose d’organiser un mouvement de grève générale.
Et ce ne serait pas stupide que la dynamique soit portée par
d’autres forces syndicales nationales. Cette grève générale est
nécessaire pour obtenir le retrait du projet de loi, pour éviter le
recul historique que gouvernement et patronat veulent nous imposer.
*****
Gérard Filoche,
inspecteur du travail, militant PS ****
J’ai bon espoir
que nous défendions tous ensemble [avec le PS] jusqu’au bout la
question des 60 ans. 60, pas 61 ni 62 ! À taux plein, avec 75 %
de redistribution, sans retraite inférieure au Smic, calculée sur
les dix meilleures années, et indexées sur les salaires. C’est ça
une vraie retraite à 60 ans. L’unité est essentielle, et nous
avons toutes les chances de l’avoir et de gagner. Ils sèment le
doute, à nous de semer la confiance. Il y a 70 % de Français
contre eux. Mais sur ces 70 %, il y en a peut-être encore qui
pensent que c’est foutu. Il dépend de nous, de l’unité, que ces
opposants à cette réforme soient aussi convaincus qu’on peut
gagner. Et ça se joue pendant tout le mois de septembre. Un mois de
temps forts, ça permet à ceux qui sont hésitants de ne plus
hésiter. Cela veut dire aussi qu’il faut être clair sur le fond,
exiger un retrait inconditionnel à 60 ans, sans ambiguïté. Pour
les gens qui arrivent à 57, 58, 59 ans, fatigués, une infirmière
qui a couru pendant 35 ans dans les services de l’hôpital, un
instituteur qui a déjà fait 35 rentrées... la biologie du corps
humain n’a pas changé. Ce n’est pas parce qu’on nous dit qu’il
va y avoir des centenaires qu’on change pour autant entre 55 et 60
ans. Si on calcule notre feuille de congés payés, nos semaines de
vacances, c’est parce qu’on les attend ! On a besoin, avant
d’être en difficulté physique ou mentale, de profiter de la vie.
Les plus belles années de la retraite sont entre 60 et 65 ans. Les
plus dures années au travail sont entre 60 et 65 ans. Et c’est ce
qu’ils veulent nous voler ! Alors que l’espérance de vie en
bonne santé, c’est 63 ans en moyenne pour les hommes et 64 ans
pour les femmes. Ces années sont précieuses, c’est une conquête !
Comme ils ne voulaient pas des 35 heures ni des congés payés, ils
veulent nous reprendre ça. C’est un combat de société, un combat
de classes, où le salariat est majoritaire dans ce pays. 92 % de
la population active produit toutes les richesses de ce pays et ne
reçoivent pas la part qu’ils méritent. Le salariat de ce pays est
en droit non seulement de garder ses retraites mais, pour ceux qui
sont en pénibilité physique ou mentale, de partir à 55 ans. Qui
n’a pas regardé un homme derrière son marteau-piqueur à 55 ans ?
Il a une espérance de vie de 61, 62 ans. Le Medef [organisation
patronale] parle de pénibilité au cas par cas, pour les handicapés
qu’on enverrait directement du travail au tombeau. 60, c’est
l’objectif que nous avons gagné, que nous devons garder. Pas un an
de plus, pas un euro de moins.
Vive nos retraites à 60 ans !
* Olivier Besancenot porte-parole du NPA (intervention au meeting
unitaire sur les retraites, à Port-Leucate, le 27 août 2010, lors
de l’Université d’été du NPA)
** Jean–Marie Harribey, économiste, professeur à l’Université de
Bordeaux. Membre du Conseil scientifique d’attac (intervention le
27 août, dans le cadre du meeting unitaire)
*** Christian Mahieux est un des animateurs de L’Union
syndicale Solidaires, constituée à partir de dix syndicats
autonomes, non-confédérés, parmi lesquel les divers SUD. (intervention
le 27 août, dans le cadre du meeting unitaire).
**** Gérard Filoche, inspecteur du travail, anime le courant Démocratie
et socialisme à l’intérieur du PS. Il est l’auteur (avec Jean-Jacques
Chavigné) de Une vraie retraite à 60 ans, c'est possible,Ed. J.C.Gawsewitch (2010).
(intervention le 27 août, dans le cadre du meeting unitaire).
(5 septembre 2010)
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