ISS-Aviation aéroport de Genève

Paroles de grévistes

Depuis 56 jours, les grévistes de l’entreprise de nettoyage ISS-Aviation, «active» à l’Aéroport International de Genève (AIG). ISS, maintiennent, avec courage et obstination raisonnée, leur mobilisation. Une manifestation de soutien est organisée le 2 septembre 2010.

Le 25 août 2010, dans son rapport financier portant sur le premier semestre 2010, ISS confirme l’efficacité de la politique d’exploitation des salarié·e·s. En août 2010, ISS déclare «employer» plus de 500’000 salarié·e·s dans le monde. Le rapport souligne l’importance des résultats des «restructurations» en Europe. ISS presse le citron, d’un côté, et, de l’autre, vend les sociétés dont elle ne peut tirer des profits à la hauteur de l’attente des de groupes financiers, tels que Goldman Sachs.

Les profits opérationnels globaux ont augmenté le premier semestre 2010 de 10%, par rapport au premier semestre 2009. Le profit opérationnel est un très bon indicateur du profit dégagé par une entreprise ; plus exactement de sa capacité d’extraire le maximum de plus-value en «mettant à l’œuvre» la force de travail de ses employé·e·s, en particulier dans une société transnationalisée de nettoyage (d’aéroport, de banques, d’hôpitaux), de surveillance, restauration pour des sociétés (catering) ; etc.. Tous ces secteurs où s’impose ISS sont issus de la sous-traitance massive développée par les entreprises publiques et privées. En Europe, le profit opérationnel a passé de 4,6% (en 2009) à 5,3% (en 2010). ISS Suisse est largement en tête.

Parmi les «valeurs» propagandistes d’ISS, la première est le «respect» et «l’honnêteté». On se demande ce que signifient ces «valeurs» pour les travailleuses du groupe. Une grande partie d’entre elles sont des travailleuses ayant des statuts précarisés, entre autres dans des aéroports. Ces derniers sont des entreprises devant dégager des marges de profit importantes. Dès lors, des firmes comme ISS-Aviation «compressent» le salaire de travailleuses pour gagner des positions à Genève ou à Zurich (l’aéroport Unique). L’AIG joue la carte de  fournir des contrats attractifs aux lignes aériennes pour l’utilisation de l’aéroport, et, d’autre part, veut défendre «sa place» dans le réseau d’aéroports qui sont mis en concurrence. Dès lors, tous les travailleurs et travailleuses de ces firmes, agissant dans les aéroports, sont exploités à l’extrême dans ce système de sous-traitances en cascade. D’où l’importance de cette lutte des travailleurs et travailleuses d’ISS-Aviation pour l’ensemble des salarié·e·s des firmes actives sur le site de l’AIG.

Nous publions ici des extraits d’entretiens avec les gévistes, publiés dans Services publics. (Réd.)

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«Je perds 600 francs par mois»
Séverine, 26 ans, nettoyeuse de cabine chez ISS depuis deux ans et demi.

«Je travaille à un taux de 85% en moyenne, 32 heures par semaine. Mais ISS m’a engagée avec un contrat d’auxiliaire, prévoyant 15 heures par semaine. Ils continuent de me payer à l’heure, au lieu de m’appliquer les conditions et le salaire des travailleurs fixes. Conséquence: je gagne environ 600 francs en moins par mois que ce que je devrais recevoir. Je fais grève pour avoir une CCT correcte et parce que je suis contre ces contrats individuels: d’une part ils nous font perdre beaucoup d’argent; de l’autre le contrat individuel permet à l’employeur de faire tout ce dont il a envie».

«On nettoie entre 10 et 15 avions par demi-journée»
Francine (prénom fictif), 58 ans, nettoyeuse de cabine depuis trois ans et demi chez ISS.

«J’aime beaucoup mon travail. Les collègues sont très agréables. Mais c’est aussi très stressant et physique. On monte des escaliers, on a un aspirateur sur le dos, il faut faire très vite: pour nettoyer un avion on a 10 minutes, et on est 4 ou 6 selon la grandeur de l’avion. Je travaille comme auxiliaire, de 17h30 à 21 h. En général on nettoie entre dix et quinze avions par demi-journée. On est presque toutes des femmes à faire ce boulot, avec quelques hommes. Pour la majorité, c’est leur travail principal».

«Des salaires trop bas pour vivre»
Cédric, 29 ans, depuis 2 ans et demi chez ISS. Il est «purificateur»: il met l’eau potable dans les avions, vidange les toilettes et récupère les poubelles de l’avion.

«Je ne suis pas d’accord de signer un contrat individuel sans CCT. Cela veut dire que, dans 6 mois, dans un an, le patron peut baisser les salaires et faire ce qu’il veut. Ensuite, en tant que français j’arrive à vivre en France avec mon salaire, par contre les collègues suisses sur Genève ils n’y arrivent pas, je trouve ça scandaleux. Ils sont dans leur propre pays et leur salaire est trop bas pour vivre. Le patron le sait, mais il gratte toujours plus sur les salaires. S’il baisse les salaires de la main-d’œuvre, il récupère plus de contrats. Ce qu’il paye en moins aux salarié·e·s, cela se retrouve en plus dans sa poche, et les actionnaires sont tout contents car ils reçoivent plus. La plupart des collègues nous soutiennent, mais les chefs mettent la pression qu’ils répercutent des employeurs, donc ils ont peur de nous rejoindre. C’est dommage: il faudrait qu’on combatte tous pour la même cause».

«Je suis en grève pour la question du respect»
Clément, 27 ans, depuis trois ans chez ISS. Il nettoie les cabines et transporte le personnel de Swissport sur le tarmac.

«J’ai un contrat d’auxiliaire de 60 heures par mois et j’en effectue en moyenne 150. D’après la direction, je travaille à 92,5 %. Les heures supplémentaires ne sont payées qu’à 100%. Je suis payé à l’heure: je suis un «auxiliaire fixe». Par rapport au salaire que j’aurais selon le contrat fixe, je perds de l’argent, car le taux horaire des auxiliaires est inférieur à celui du personnel fixe. Je suis en grève pour la question du respect: le respect des CCT qui ont été signées, et surtout le respect de l’être humain. Nous ne sommes pas des chiens, le travail fourni est un travail de qualité. Qui dit boulot de qualité dit salaire en conséquence. Mais notre travail n’est pas reconnu».

«Ce n’est pas seulement pour moi»
Francine, nettoyeuse de cabine

«Le mois de grève est passé assez vite: tous les jours on est là, on vit ensemble, on réfléchit ensemble, on fait des actions ensemble, on distribue des tracts, on fait des actions en ville, des manifestations. On a même fait un clip ensemble. On est très soudés. Quand il y en a un qui est moins motivé, il y en a toujours un autre qui vient le booster un peu, lui dire tu verras on va y arriver, il faut se battre. C’est une expérience de vie que j’apprécie beaucoup. Je me sens toujours aussi déterminée à continuer cette lutte. Ce n’est pas seulement pour moi, c’est aussi pour les autres personnes qui travaillent sur l’aéroport, et peut-être même pour les futurs jeunes qui viendront sur le marché».

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