Egypte. Des positions dictées par la crainte de la dynamique sociale et politique. Alors que les affrontements risquent de s’exacerber

La dynamique d'affrontements graves est-elle à l'oeuvre? Un façon de «revaloriser» des Frères musulmans qui redeviennent «martyrs», comme sous Moubarak
La dynamique d’affrontements graves est-elle à l’oeuvre? Une façon de «revaloriser» des Frères musulmans qui redeviennent «martyrs», comme sous Moubarak

Par Jacques Chastaing

«Les Frères musulmans ont appelé à manifester mardi 9 juillet 2013 dans toute l’Egypte pour protester contre la mort de plusieurs dizaines de partisans du président déchu Mohamed Morsi sous les balles de l’armée lundi matin au Caire. Une déclaration pour protester contre le «coup d’Etat» et les «actions répressives» menées depuis, a déclaré Hatem Azam, porte-parole d’une coalition dirigée par les Frères musulmans, lors d’une conférence de presse» à 19h58 (GMT). A 9h30 (GMT), le 8 juillet 2013: «Les Frères musulmans ont d’abord appelé à un soulèvement populaire contre le coup d’Etat militaire et la trahison de la légitimité. La confrérie a ensuite appelé à une intervention internationale pour éviter que l’Egypte ne connaisse le même sort que la Syrie.» A la même heure quasiment, à 9h40: «Mohamed el-Baradei,  réclame une enquête sur les violences qui ont coûté la vie à 42 personnes au Caire. «Une enquête indépendante s’impose. La transition politique est la seule voie», a-t-il annoncé sur son compte Twitter.

Le Front du salut national (FSN), coalition laïque contre Morsi, le matin du 8 juillet, estime: «que les événements de ce matin visaient à entraîner l’armée dans une spirale de la violence». Quant à la Turquie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu, elle a qualifié de «massacre» les tirs des soldats et policiers égyptiens ce matin. Un terme repris par le Hamas.

A 11 heures, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a estimé que la «bipolarisation de la société égyptienne» [et celle d’Iran?] était «dangereuse». Téhéran met directement en cause les Etats-Unis et Israël, qu’elle accuse d’être le principal appui des militaires (RFI), tout en donnant toute son importance à la stabilité régionale, ce qui constitue un indice du lent tournant qui va s’opérer dans la politique étrangère iranienne. Les Etats-Unis – en termes diplomatiques – mettent aussi l’accent sur la stabilité  et une transition contrôlée. La porte-parole du département d’Etat, Jennifer Psaki, a précisé, que «la stabilité et le fonctionnement démocratique de l’Egypte (étaient) en jeu». Jennifer Psaki a, par la suite, ajouté qu’«il n’y aurait pas de coupes immédiates dans l’aide militaire américaine», tout en appelant l’armée «au maximum de retenue». A 14h22, le grand imam d’Al-Azhar,  Ahmed al-Tayeb, demande dans son discours à la télévision d’Etat à ce que soit créé «sous deux jours maximum un comité de réconciliation national », et qu’une «enquête immédiate» sur les violences de la matinée soit mise en place.

Un ami égyptien envoyait le mot suivant à un militant algérien à 18 heures: «Le Caire. 42 manifestants morts ce matin devant le siège de la Garde républicaine et 322 autres blessés, selon le ministère de la Santé. Enième acte d’une tragédie qui dure depuis que l’armée a pris directement le pouvoir, en février 2011, et que n’ont arrêtée ni l’élection de Morsi ni sa destitution. D’autres massacres sont aujourd’hui presque oubliés: le massacre de la rue Mohamed Mahmoud, celui du Palais du gouvernement, etc.

A l’époque, les Frères musulmans et leurs alliés salafistes chantaient les louanges des militaires et de leur incomparable patriotisme; ils juraient leurs dieux qu’il était inconcevable que la police puisse tirer sur les manifestants. «Jamais de la vie», disait même un de leurs chefs, Mohamed Beltagui, qui, aujourd’hui, compte consciencieusement les morts dans son camp. Est-ce une raison pour nier, à la manière de ce même Beltagui, l’évidence du drame d’aujourd’hui, sur le mode: «Nous ne savons pas ce qui s’est réellement passé»? Il y en a qui pensent peut-être qu’une guerre civile est le résultat de décisions D prises par des irresponsables, le jour J, à l’heure H. Eh bien, non. Une guerre civile c’est un événement tragique qui en entraîne un autre plus tragique. C’est un engrenage. Et à un moment donné (que je souhaite à l’Egypte de ne jamais atteindre), il importe vraiment peu de savoir «qui a commencé», car qui que soit le vainqueur, il régnerait sur des décombres.» Cette crainte d’une «guerre civile»

existe. D’où l’importance que les socialistes révolutionnaires (voir leur déclaration, en date du 5 juillet, publiée sur le site alencontre le 7 juillet 2013) ont donnée, à la fois, à la mobilisation sociale, à la défense des droits démocratiques et sociaux et au refus d’une chasse aux sorcières contre les islamistes, dont les dirigeants poussent à l’affrontement avec une armée qu’ils ont chérie. Peu avant minuit, le 8 juillet 2013, on apprend que le président par intérim, Adly Mansour, a publié une déclaration constitutionnelle qui sera en vigueur de suite et sera valide pour la période de «transition». (Rédaction A l’Encontre)

*****

Egypte, 8 juillet, 14 heures: Campagne des puissances occidentales en faveur des «islamistes égyptiens»

Le PLJ, Parti de la Justice et de la Liberté (parti politique des Frères Musulmans) a appelé le peuple égyptien à se soulever contre les violences militaires. Le PLJ demande l’aide de la «communauté internationale» pour arrêter les massacres, suite à la mort ce matin de 42 manifestants islamistes tués par des tirs de l’armée (3 militaires morts sont aussi morts), alors que ces derniers tentaient de s’emparer du bâtiment de la Garde Républicaine au Caire (où serait emprisonné Morsi).

Cette espèce d’action-suicide des partisans des Frères Musulmans a été encouragée par la campagne de soutien que les puissances occidentales et leur presse mènent contre  la révolution égyptienne.

Voilà ce qu’affirme le Wall Street Journal, en date du 8 juillet 2013, écrit: «Les Egyptiens seraient chanceux si leurs généraux, désormais au pouvoir, se révélaient issus du même moule que le Chilien Augusto Pinochet.» Il lui faudrait changer de nom «L’Islamiste Street Journal».

On pourrait faire de même pour les journaux français qui ne volent guère plus haut. Ils se sont faits les porte-parole des Frères Musulmans : Le Parisien Libéré [tel qui se nommait en 1944 et rebaptisé Le Parisien en 1986, avec un titre national Aujourd’hui en France]  deviendrait «Le Parisien islamisé», Le Monde  deviendrait «Le Monde islamique», etc.

Le plus beau c’est CNN qui a passé un entretien d’un des dirigeants de la Jamaa Al-Islamiya [favorable à l’établissement d’un Etat islamiste], en même temps qu’une immense foule anti-Morsi envahissait la place Tahrir. Je propose comme nouveau nom:  «CNN branche Al Qaïda» ou «CNN branche Hamas», puisque le Hamas soutient Morsi et se trouve aux côtés des puissances occidentales et de leur presse dans la croisade pro-islamiste… et surtout contre-révolutionnaire.

On se demande pourquoi ils ne dénoncent pas l’intervention de l’armée française contre les islamistes au Mali? Ah, j’oubliais, c’était une «intervention militaire démocratique». Peut-être que le prochain occidental enlevé par une organisation terroriste islamiste et qui aura la tête tranchée sera le seul coupable: «il l’avait bien cherché» ou «il les avait sûrement provoqués»…

Pour ceux qui lisent l’anglais, voilà ce que disait un blogger égyptien vers 13 heures, lundi 8 juillet après le massacre des 42 islamistes.

The Big Pharaoh ? : Public anger over MB (Frères Musulmans) is very high especially after their armed clashes in several neighbourhoods. Sadly this won’t garner them any sympathy.

Voilà probablement à partir de quelles expériences personnelles les gens vont juger les violences de ce matin, pas de ce que dit la presse occidentale ou les Frères Musulmans

Et un autre:

?ael ?skandar: Note on Republican Guard sit-in. It was not a peaceful sit-in, #MB  ( Frères Musulmans) had guns and used them according to eyewitnesses not from army or police.

Ou celui-ci:

Reem_Abdellatif : Pro-Morsi attacking army personnel. I think an officer and a soldier.

D’autant plus qu’un témoin (pas que l’armée) a déclaré que ce sont les islamistes qui ont commencé à tirer les premiers. Bien sûr, on sait que l’armée est capable des pires choses, des pires massacres et des pires mensonges, mais les Frères Musulmans aussi. D’innombrables témoins ont déjà raconté comment les Frères musulmans n’hésitent pas à tirer. Une islamiste a même été arrêtée par les gens avec une ceinture d’explosifs autour du ventre, certainement prête à se faire exploser.

Bien sûr, il y a aussi des témoignages sur la police et l’armée tirant à froid sur des manifestants désarmés comme à Al Arish. il y a quelques jours.

Vidéo de l’armée qui tire sur des gens qui prient:

 

Vidéo des affrontements devant le bâtiment de la garde républicaine

Et bien sûr, il peut y avoir là-dessus toutes les provocations possibles et imaginables, des éléments contrôlés ou incontrôlés, des extrémistes de chacun des deux camps.

L’essentiel est que, hier encore, pour la cinquième journée consécutive, ils étaient des centaines de milliers, voire des millions d’anti-Morsi dans les rues à dire leur joie, à faire la fête. Le peuple égyptien est le plus heureux du monde actuellement, et c’est ça que ne supportent pas les puissances occidentales, les Frères Musulmans (et aussi l’armée). (8 juillet 2012)

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*