Egypte: 36 ans après le «soulèvement du pain», la lutte pour la justice sociale se poursuit

Soulèvement de la faim en 1977
Soulèvement du pain en 1977

Par Heba Abdel-Sattar

Plus de trois décennies après la rébellion populaire de janvier 1977 contre les politiques économiques de feu le président Sadate [président du pays entre le décès de Nasser en 1970 et son assassinat en 1981], des activistes de gauche égyptiens déclarent que de nouvelles protestations sur une vaste échelle contre les conditions de vie misérables sont probables.

Trente-six années se sont écoulées depuis l’éruption d’un «soulèvement du pain» les 18 et 19 janvier 1977 comme réponse à une série de mesures d’austérité appliquées par le gouvernement, lesquelles comprenaient la suppression des subventions à des biens de première nécessité.

Les revendications de «justice sociale» qui ont été alors formulées restent aujourd’hui encore sans réponses.

Les slogans de justice sociale et d’égalité étaient très proches de ceux qui ont été scandés lors du soulèvement de janvier 2011 [contre le pouvoir autoritaire et corrompu de Moubarak] tandis que le «soulèvement du pain» a surgi en raison de la hausse subite du prix du pain et d’autres bien de première nécessité. L’ancien président égyptien Anouar el-Sadate a balayé les protestations comme étant un «soulèvement de voleurs» n’ayant pour seul objectif que le «sabotage et la violence».

Les bouleversements sociaux qui ont renversé l’ancien président Moubarak ont atteint leur sommet en janvier 2011.

Les dirigeants de la gauche qui ont mené le «soulèvement du pain» considèrent que la révolution de janvier 2011 est en fait la poursuite de la lutte pour la justice sociale et la dignité humaine. Ils s’attendent à ce qu’une vague de colère similaire touche à nouveau le pays en raison des problèmes financiers croissants que rencontrent l’Egypte.

Parmi les slogans scandés par les manifestant·e·s en 1977, on pouvait entendre: «Nous sommes le peuple avec les travailleurs contre l’alliance du capital», ainsi que «Vous portez des vêtements de la dernière mode alors que nous vivons à 10 dans une chambre».  

De tels slogans font toujours écho aux actuelles conditions sociales du peuple égyptien ainsi qu’à ses légitimes revendications, selon Karima el-Hefnawy [1], secrétaire générale du Parti socialiste égyptien.

K. El-Hefnawy ajoute que «les hausses des prix atteignent des niveaux record alors que les politiques économiques et financières sont en faveur des riches plutôt que des pauvres».

«La crise de la pauvreté s’est encore aggravée au cours des années et rien n’a réellement été réalisé en ce qui concerne la justice sociale depuis que Moubarak a été dégagé. Le nombre d’habitant·e·s de taudis, vivant dans des conditions insupportables, augmente de façon catastrophique alors que les prix deviennent inaccessibles pour le citoyen égyptien moyen, les salaires ne permettent pas de joindre les deux bouts et un salaire minimum apparaît encore un rêve lointain. C’est la raison pour laquelle nous sommes descendus dans la rue le 25 janvier 2011. Nous descendrons à nouveau dans les rues cette année pour scander les mêmes slogans qui furent les nôtres en 1977 et en 2010», déclare-t-elle.

Abd el-Ghaffar Shukr, un dirigeant de gauche célèbre, fondateur du Parti de l’alliance socialiste populaire, dit que les revendications sociales et économiques seront la clé de voûte dans les mobilisations de protestation du 25 janvier 2013, pour le second anniversaire de la révolution. Il ajoute que la vague prochaine de protestations se centrera sur les revendications sociales plutôt que d’être purement politiques.

Abul-Ezz el-Hariri, une autre personnalité marquante de la gauche, a également mis en garde le gouvernement quant à sa sous-estimation de ce qu’il perçoit comme étant la colère croissante du peuple contre ses conditions de vie misérables.

«Le soulèvement du pain va se reproduire, c’est inévitable. Mais il aura un effet social bien plus profond, dans le sens où le peuple égyptien a vu sa maturation politique s’accroître depuis 1977», a-t-il déclaré. «Si aucune mesure sérieuse n’est prise en direction de la réalisation de la justice sociale et de l’apaisement des masses, le gouvernement n’aura que lui-même à blâmer.» (Traduction A l’Encontre)      

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Cet article a été publié le 18 janvier sur le site AharamOnline

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[1] Le mouvement Kefaya, qui dès 2005 s’opposait au régime de Moubarak, avait parmi ses leaders Karima el-Hefnawy. Le Parti socialiste égyptien a été fondé après la révolution de 2011. Parmi ses animateurs principaux on trouve des dirigeants du mouvement Kefaya. En septembre 2011 s’est constituée une coalition des forces socialistes qui inclut le Parti démocratique des travailleurs, le Parti communiste égyptien et les Socialistes révolutionnaires. (Réd. A l’Encontre)

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