Ces villes à la merci des oligarques

Poutine et Oleg Deripaska, le «roi de l'aluminium»

Par Carine Clément

Début septembre 2009 un rapport mettant en cause l’inféodation des pouvoirs russes aux oligarques a suscité d’importantes polémiques dans les médias russes. Ce rapport, intitulé «La Russie après Pikaliovo» [ville proche de Saint-Petersbourg], a été rédigé par deux économistes pourtant peu suspects d’esprit de fronde, Nikita Krichevski et Vladislav Inozemtsev. Chiffres à l’appui, ils montrent comment les milliardaires russes font face à la crise en se servant de l’aide financière accordée par l’Etat en priorité aux grands patrons.

«Nationalisation des dettes et privatisation des profits», ainsi résument la thèse des deux pourfendeurs du nouveau pouvoir oligarchique.

Selon les auteurs du rapport, l’endettement des «pauvres» milliardaires serait largement artificiel, soit que des dividendes importants aient été versés aux principaux actionnaires au début de la crise, soit que les fonds propres des entreprises aient été habilement rayés des comptes officiels par l’intermédiaire de sociétés off-shore ou d’opérations frauduleuses à l’export.

Une fois les comptes vides et les entreprises menacées de faillite, l’Etat est sommé d’intervenir. Surtout si de l’entreprise dépend le sort d’une ville entière, comme c’est le cas dans les nombreuses villes mono-industrielles héritées de l’époque soviétique.

Cet été l’affaire de Pikaliovo a fait grand bruit. Privés de travail et ne touchant aucun salaire depuis des mois, les salariés des trois cimenteries en faillite de cette ville de la région de Saint-Pétersbourg ont multiplié les actions de protestation, pour finir par bloquer l’autoroute pendant plusieurs heures, réclamant le redémarrage de la production et le paiement des salaires impayés.

Résultat: le Premier ministre Vladimir Poutine se rend en sauveur du peuple à Pikaliovo, invective les oligarques à grand renfort de mise en scène et… dégage 26,7 millions de roubles afin de payer leurs dettes. Les salariés y auront au moins gagné d’être enfin rémunérés, mais les grands gagnants de l’affaire restent les propriétaires des trois cimenteries de la ville.

Parmi eux, l’homme le plus riche de Russie en 2008, Oleg Deripaska, le «roi de l’aluminium».

«Etonnamment, pour résoudre le problème de Pikaliovo, personne ne s’est demandé où étaient passées les dizaines de milliards de roubles qu’Oleg Deripaska s’était attribuées à lui-même moins d’un an avant que le Premier Ministre soit obligé de sauver son entreprise à sa place», – ironisent les auteurs du rapport anti-oligarchique.

Vent de conflit social dans les mines de bauxite de Deripaska

Les centaines de milliers de salariés qui dépendent d’Oleg Deripaska, ainsi que les habitants des dizaines de villes dépendant de ses entreprises, ont également leur avis sur la question et ne doutent pas que Deripaska aurait les moyens, s’il le voulait, d’améliorer la situation sociale de ses salariés. Or la politique du roi de l’aluminium est, au contraire, de minimiser au maximum les charges salariales et sociales.

Les quelque 32’000 habitants de la ville de Severouralsk, perdue au Nord de la région de Sverdlovsk (Oural), en savent quelque chose. La ville dépend presque entièrement des mines de bauxite du complexe de North Ural Bauxite Mine (SUBR en russe), appartenant à l’empire alumine de Deripaska, Rusal.

«Rusal suce nos forces vives, exploite notre minerai et extrait de notre travail le maximum de profits sans rien investir dans les infrastructures publiques et sociales de la ville» ; «Deripaska veut faire de nous des serfs tout juste bons à lui fournir les matières premières dont il a besoin pour son empire». C’est ainsi que les mineurs parlent de leur patron, qui a racheté les mines en 2007.

Depuis cette date, les programmes sociaux ont été suspendus, les salaires sont mangés par l’inflation, les conditions de travail vont en empirant. Seule éclaircie à ce tableau: contrairement à nombre d’autres salariés des villes mono-industrielles, ceux de SUBR touchent leur salaire régulièrement.

Mais quel salaire ? Si quelques brigades de mineurs de choc peuvent gagner jusqu’à 35’000 roubles (autour de 800 euros), la grande majorité des 7000 salariés de SUBR doivent se contenter d’un salaire allant de 10’000 (pour les ouvriers de surface) à 17 000 roubles (pour les mineurs de fond), soit de 230 à 400 euros.

Et pour gagner le maximum, les mineurs, payés au rendement, doivent dépasser les normes de production qui leur sont fixées, ignorer les règles de sécurité, littéralement se tuer au travail (un mineur est mort le 4 juin 2009, victime des économies sur les conditions de sécurité).

«C’est pas un boulot, c’est une humiliation !», s’insurge Igor, jeune mineur d’une filiale de SUBR chargée d’équiper les nouvelles galeries. Depuis un an, avec tous les autres salariés de cette filiale, SUBSTROI, il est passé à la semaine de 4 jours, ce qui a réduit d’autant son salaire. Marié, un jeune enfant à charge, il doit rembourser les crédits contractés pour la réfection de son appartement et l’achat d’appareils ménagers. «On arrive tout juste à joindre les deux bouts», constate-t-il en serrant les dents.

L’inflation croissante, qui touche en premier lieu les produits de première nécessité, les loyers et les charges, rend la situation des mineurs encore plus précaire. Pour s’en sortir, malgré la fatigue d’un poste harassant (les mines sont très profondes et l’automatisation, parfois même la mécanisation, sont limitées), beaucoup font en plus de leur travail des petits boulots, allant jusqu’à proposer leurs services comme chauffeurs de taxis.

Depuis juin 2009, les repas subventionnés ont été annulés, la cantine est délaissée. «Deripaska économise sur tout, sur la sécurité, sur le matériel, les vêtements, l’outillage – se plaint un autre mineur – même sur le système de ventilation, on étouffe là-dessous maintenant !». «Ça fait deux semaines que je travaille avec des bottes trouées, on me dit qu’il n’y a pas de stock», renchérit son collègue.

Ce sont quelques propos échangés avec les travailleurs de la mine de Tcheremoukhovskaïa, alors qu’ils regagnaient leur appartement situé dans l’un des immeubles gris et vétustes de la cité minière du même nom. Sur le site de la mine les journalistes ne sont pas admis ; la correspondante de Marianne [l’hebdomadaire français] a été expulsée par le service de sécurité. Sur le territoire de la cité, ils sont tout juste tolérés ; les miliciens suivaient la correspondante à la trace.

Les mineurs confirment l’atmosphère de camp disciplinaire régnant chez Rusal: «On n’est libre de rien faire, de rien dire», «La plupart ont peur d’émettre la moindre remarque», «Fais ceci, fais cela, va remplacer quelqu’un là-bas, reviens ici, et surtout ferme ta gueule, c’est comme ça que ça marche ici !».

La peur et l’inquiétude sont là, pesantes. «Où aller si on perd notre boulot ici ? Toutes les autres entreprises ont été liquidées, SUBR a le monopole, il faut bien qu’on gagne notre vie !»

Si la majorité des gens se taisent devant les chefs, les discussions vont bon train dans les cuisines. La colère monte, malgré la peur. Les bruits de grève imminente se propagent à grande vitesse.

Car SUBR reste un des bastions de la résistance des mineurs. Depuis 1989 des mouvements de grève ont bloqué les mines à huit reprises. C’est sans doute pour cette raison que SUBR n’ose pas avoir recours aux procédés favoris des patrons russes dans les temps de crise: le non-paiement des salaires.

La dernière grève en date s’est produite au printemps 2008, lorsque plus d’une centaine de mineurs travaillant dans la mine de bauxite souterraine de Krasnaya Shapochka (Petit chaperon rouge) ont refusé de remonter en surface. Ils ont été largement soutenus par les mineurs des autres mines ainsi que par les habitants de Severouralsk, qui ont organisé une énorme manifestation de soutien. La production a été arrêtée pendant près de deux semaines.

Les mineurs revendiquaient une augmentation de salaire et le paiement en heures supplémentaires du travail effectué les jours fériés. Le feu aux poudres avait été mis par l’encadrement, qui refusait d’entendre la moindre plainte, interdisait aux subordonnés de se réunir pour discuter des problèmes.

«Comme on ne pouvait pas se réunir en surface, on a décidé de le faire au fond. Quand les chefs ont vu ça, ils ont commencé à nous traiter de tous les noms et à nous menacer de licenciement, on n’a pas supporté et on est resté au fond». C’est ainsi que raconte la grève de 2008 Boris, l’un des grévistes du fond qui est devenu depuis responsable de la section syndicale de sa mine.

Car si la hausse de salaire consécutive à la grève a déçu les attentes des grévistes, le conflit a eu pour conséquence le renforcement du Syndicat indépendant des mineurs (NPG), le plus combatif des quatre syndicats présents dans la compagnie.

Et les militants de ce syndicat sont en train d’initier un nouveau mouvement, en commençant par organiser des réunions dans les mines. La direction réagit comme à son habitude: menaces de licenciement contre ceux qui se réunissent, fermeture des locaux susceptibles d’accueillir les «protestataires», refus d’accès des mines aux responsables syndicaux, etc. «Le conflit de 2008 ne leur a rien appris, ils recommencent les mêmes conneries. Plutôt que d’entamer un dialogue et d’écouter les récriminations des gens, ils nous traitent comme du bétail !» C’est ainsi qu’analyse la situation Valery Zolotarev, le président du syndicat NPG de SUBR, qualifié d’ «extrémiste schizophrène» dans des tracts anonymes circulant non sans l’aval de la direction.

«On ne va pas se laisser faire, on est digne de vivre, et non pas seulement de survivre», s’insurgent les militants syndicaux réunis pour discuter de l’avancée de la procédure de préparation de la grève. Et de surenchérir: «Je ne suis pas prêt à travailler pour trois fois rien, je ne comprends pas comment les gens peuvent se contenter du seul fait de toucher un salaire, quel qu’il soit». «Il faut expliquer aux gens qu’ils sont des personnes humaines».

La fermeté et la dignité des ces mineurs syndicalistes impressionnent, mais leur combat se heurte à bien des obstacles. Non seulement à ceux que rencontrent tous les travailleurs en Russie (notamment le Code du travail, qui rend la grève quasiment illégale), mais à ceux qui sont propres à l’empire de Deripaska.

L’un des syndicalistes en vient à cette triste constatation: «Nous ne sommes pas des citoyens de la Fédération de Russie, mais des serfs aliénés à la corporation Rusal».

Lobva, une ville sacrifiée par le propriétaire de la distillerie

A une centaine de kilomètres de Severouralsk s’étend une petite bourgade de 7000 habitants. Pendant près de deux ans, 700 personnes ont survécu grâce au système D, alors que l’usine où ils travaillaient, LBZ (usine biochimique de Lobva, ancienne distillerie), déclarée en faillite en juillet 2008, avait accumulé des dizaines de millions de roubles d’arriérés de salaire.

Pendant deux ans, ce fut le règne de la débrouille: quelques roubles provenant des allocations chômage (lorsqu’elles étaient versées), quelques roubles grâce aux retraites des personnes âgées de la famille, les produits du potager et les petits boulots. Presque tout le monde possède son lopin de terre, cultive pommes de terre et légumes, fait des réserves pour l’hiver. Beaucoup se sont également engagés dans l’élevage: «histoire de manger de temps en temps de la viande». C’est surtout le domaine des femmes. Les hommes vont de petits boulots en petits boulots. «J’ai même été employé à creuser des tombes» déclare Vadim, ex-contremaître à LBZ et père de deux enfants dont il faut financer les études à la «grande ville» d’Ekaterinbourg.

Beaucoup d’hommes ont accepté des emplois saisonniers ou contractuels, parfois à des centaines de kilomètres de chez eux. «Ils restent absents des semaines, voire des mois, il y a des familles qui se sont dissoutes ainsi à cause de la crise», raconte Natacha, l’une des meneuses du comité d’habitants qui a essayé d’organiser la résistance.

Lutte pour la survie, dettes qui s’accumulent, angoisse du lendemain. Marina, ex-ouvrière de la distillerie, raconte: «C’était très dur, nous étions très inquiets, beaucoup se sont rendus malades, problèmes cardiaques, insomnies…». Son mari est parti pour deux mois travailler sur contrat dans une usine de Nijnih Tagil, sa mère est retraitée, sa fille étudie à Ekaterinbourg, son fils est invalide.

Le 7 septembre 2009, ce fut la fête au village: l’argent des arriérés de salaires était enfin arrivé. Il y avait la queue devant les caisses de l’usine. Les habitants s’accostaient, échangeaient les dernières nouvelles, se félicitaient… et couraient rembourser leurs dettes et faire enfin les achats qu’ils avaient repoussés jusque-là.

L’euphorie a duré peu de temps. Désormais, tous sont préoccupés par le sort de l’usine, rachetée par un nouveau propriétaire qui «ne délivre aucune information sur ce qu’il s’apprête à faire». Natacha se fait le porte-parole des attentes des habitants: «Peu importe le type de production, on est prêt à tout, l’important est que l’usine redémarre, sinon notre ville est condamnée à mort». Pour le moment, l’usine ne donne aucun signe de vie, les vaches paissent aux abords des ateliers, une énorme pancarte moisie loue ironiquement «la gloire du peuple travailleur».

Cette fois, les plus actifs des habitants ne sont pas prêts à attendre deux ans avant d’être fixés sur leur avenir. Un an et demi de lutte pour le paiement des arriérés de salaires et des indemnitésde chômage leur ont appris qu’il ne sert à rien d’attendre et de croire passivement aux promesses.

«Pendant deux ans les pouvoirs publics nous ont nourris de promesses, sans que rien ne se débloque», raconte Lena, une autre militante du comité. «Si nous n’avions pas commencé à nous battre, nous attendrions encore notre salaire !».

Les ouvrières qui l’entourent acquiescent: «On a vraiment été trop bêtes de travailler pendant des mois sans être payées ; ça nous servira de leçon, désormais on ne travaillera plus jamais gratuitement, on s’arrêtera immédiatement !».

Et la lutte a été longue et harassante. En avril-mai 2008, c’est une grève de la faim qui se termine par l’hospitalisation de quelques personnes et le paiement d’une partie des arriérés uniquement aux grévistes de la faim. En octobre 2008, ce sont des rassemblements devant le siège du gouvernement régional à Ekaterinbourg, qui se terminent par la venue de quelques ministres à Lobna et la énième portion de promesses.

En avril 2009, c’est un piquet de protestation permanent devant le siège du gouvernement. Encore une portion de promesses. Devant justice, les affaires traînent. En juillet 2009, la patience est à bout: les ex-salariés de l’usine menacent de bloquer l’autoroute reliant la capitale régionale aux régions du Nord. Cette menace, largement médiatisée, oblige enfin les autorités à prendre des mesures. L’usine biochimique est vendue et les salaires payés sur le produit de la vente. Pour le plus grand soulagement de centaines de familles.

Mais, instruits par l’expérience, les membres du comité de lutte (surtout des femmes) restent attentifs et tentent de contrôler la situation, écrivent des lettres, exigent une rencontre avec le nouveau propriétaire de l’usine, surveillent les installations de l’usine pour éviter son démantèlement. Le mari de Lena, récemment embauché au service de garde de l’usine, rassure les militantes ; «pour l’instant, tout reste en l’état».

Les habitants de Lobva sont attachés à leur bourgade. Ils sont nés ici, y ont élevé leurs enfants, y ont construit leur maison (maisons particulières ou immeubles, les habitations ont été construites par les ouvriers de l’usine), aménagé leur jardin. «La vie ici était très agréable quand l’usine fonctionnait. On gagnait de 8000 à 10’000 roubles (186 à 233 Euros), ce qui nous permettait de vivre confortablement avec les avantages de la campagne en plus». Ils ne veulent pas partir, avec quel argent d’ailleurs ? Parmi les jeunes certains se sont installés en ville, mais pas tous. Une jeune vendeuse d’un magasin d’alimentation du centre-ville refuse de quitter l’endroit: «Pour aller où ? avec quel argent ? Mon mari et ma petite fille sont là. Et puis, la grande ville, ça me fait peur». En résumé, Natacha s’exclame: «Lobva, c’est sans doute un marécage, mais tellement chaleureux !».

Le combat va donc reprendre, désormais pour la survie de la ville et la réouverture de l’usine. C’est le seul espoir des habitants, les kholkozes ayant tous fait faillite et l’autre entreprise de la ville – une aciérie – étant sur le point de fermer.

L’histoire de l’ancienne distillerie est typique des pratiques d’escroquerie des patrons russes, courantes surtout dans les années 1990, mais remises à la mode par la crise. Accumulant les dettes vis-à-vis de ses salariés, des services communaux et fiscaux, l’ex-propriétaire, un certain Pavel Fedoulov, s’arrange pour laisser les dettes à la distillerie et enregistre une nouvelle société – biochimique – où sont transférés les fonds. Les dettes sont ainsi annulées d’un tour de passe-passe. Aujourd’hui cet homme d’affaires peu scrupuleux a été emprisonné pour escroquerie. Parmi les experts d’Ekaterinbourg, les mauvaises langues affirment que sa condamnation est due moins à ses malversations qu’à une détérioration de ses relations avec le pouvoir régional…

Quoi qu’il en soit, les habitants accusent surtout l’ancien propriétaire: «Il a accaparé tout ce qu’il a pu, et puis il a fermé l’usine». Certains émettent des réflexions plus générales: «Du temps de l’Union soviétique, c’était le paradis ici, l’Etat finançait le programme social, contrôlait le bon fonctionnement de l’usine, c’est la propriété privée qui a conduit à ce désastre», «Tout ça, c’est à cause du capitalisme sauvage, l’Etat doit mettre le holà !».

Si les membres du comité de lutte se montrent diplomatiquement reconnaissants aux autorités régionales qui ont finalement permis le paiement des salaires au bout de deux ans, les autres habitants n’ont pas ce genre de courtoisies et se montrent très critiques vis-à-vis des autorités: «Les fonctionnaires du gouvernement régional nous ont longtemps ignorés, pour ensuite longtemps faire des promesses. Maintenant qu’ils nous ont versé les arriérés de salaire, ils se lavent les mains, mais c’est au gouvernement de se préoccuper du sort de l’usine !», «Et le gouvernement fédéral, il regardait où pendant tout ce temps ? Ne sommes-nous pas des citoyens de la Fédération de Russie ?». «Le maire, lui, n’a rien fait du tout, il vit confortablement dans sa villa et n’est même pas capable de goudronner les routes !».

Pour l’instant, c’est la mobilisation des habitants qui permet à la ville de tenir: ils se chargent eux-mêmes de l’entretien des immeubles et des espaces publics, font des réserves pour passer l’hiver. Ils viennent de toucher leur salaire de deux ans et peuvent attendre encore quelques mois. Mais les indemnités de chômage arrivent bientôt à terme, une grande partie de l’argent est déjà partie au remboursement des dettes. Que se passera-t-il si l’usine ne redémarre pas ?

«C’est notre condamnation à mort – déclare Igor avant d’enfourcher sa mobylette pour se rendre au travail dans la ville voisine. Mais je suis sûr que d’ici un an la production repartira» – rajoute-t-il aussitôt. L’espoir et la patience ont la vie longue…

*Carine Clément est sociologue et dirige  l’Institut de l’Action Collective (Moscou).

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