Grèce. De quel accord s’agit-il?

Tsipras entre Frederica Mogherini (g.), cheffe de la diplomatie de l'UE, et Helle Thorning-Schmidt (d.), première ministre danoise. Les créanciers eux décidaient...
Tsipras entre Frederica Mogherini (g.), cheffe de la diplomatie de l’UE, et Helle Thorning-Schmidt (d.), première ministre danoise.
Les créanciers eux décidaient…

Par John Kimpouropoulos

Peut-être est-ce un bon moment pour développer une «deuxième réflexion». Après les explosifs tirés durant la dernière semaine par lesdites «institutions» (le Fonds européen de stabilité, la BCE, la Commission européenne, et en plus W. Schäuble), il est peu probable qu’il faille s’attendre à un comportement meilleur ce lundi (9 mars) de la part de l’Eurogroupe [ce qui s’est confirmé]. Qui ne constitue même pas une «institution» (certes puissant), mais une réunion informelle des ministres des Finances de la zone euro, dans le cadre du Traité de l’UE. En outre, selon la déclaration de son président Jeroen Dijsselbloem, cette négociation particulière n’a pour fonction que de représenter, sur le fond, les créanciers de la Grèce.

Les «institutions» [nom utilisé pour remplacer le terme de Troïka, sans changement de substance] qui dans l’accord du 20 février étaient remplacées par le «non-institutionnel» de l’Eurogroupe ont précisé qu’elles ne sont liées que par ce qu’elles ont imposé aux gouvernements grecs précédents, qui l’ont accepté: les mémorandums. Elles envisagent le nouvel accord simplement comme une réincarnation ou un déguisement de l’ancien.

Pour quiconque est surpris par la tournure des affaires, cela trahit soit une naïveté politique, soit une analyse fondamentalement erronée. Mario Draghi (président de la BCE) a clairement annoncé le 22 janvier 2015, trois jours avant l’élection, que la participation de la Grèce à l’assouplissement quantitatif [rachat de dettes publiques à hauteur de 60 milliards par mois], qui a commencé ce lundi, présupposait la mise en place d’un programme de réformes acceptable par la BCE et que, même dans ce cas, il ne serait pas appliqué avant juillet, date à laquelle un grand nombre de remboursements doivent être effectués [étant donné l’échéance des emprunts]. Son annonce a été interprétée alors comme une claire indication de la durée des négociations allouée au gouvernement qui sortirait des élections de janvier.

Il est évident – et cela est indépendant du résultat de la réunion de l’Eurogroupe du lundi – que les créanciers ont un calendrier beaucoup plus strict pour ce qui est de leur «tolérance» face au gouvernement. Plus réduit non seulement que les six mois mentionnés par Draghi, mais que les quatre mois fixés pour le nouvel accord (juin 2015). Apparemment, la raison pour laquelle ils sont entrés dans le «bazar» (négociation) était d’apprendre avec qui ils avaient affaire. Un «scan» des personnes, de leurs intentions, de leurs faiblesses, celles d’un «adversaire». Leur comportement agressif suit, car maintenant ils pensent qu’ils savent à qui ils ont affaire et ce dont ils ont besoin.

Où vont-ils? Les dirigeants allemands et ceux qui – pour leurs raisons particulières, comme le gouvernement espagnol de Rajoy – sont alignés sur la ligne la plus dure des mémorandums estiment que le début de l’assouplissement quantitatif (QE) de Draghi renforce encore la zone euro face à la possibilité d’un Grexit (sortie de l’euro) ou Grexident (à savoir un accident conduisant la Grèce à faire défaut).

En utilisant le fouet d’asphyxie financière et le knout de la conformité au mémorandum (la carotte n’est pas utilisée), ils testent les limites du gouvernement et jouent la carte de la «parenthèse Syriza» [scénario utilisé par la droite et les médias grecs avant les élections pour annoncer un bref gouvernement de Syriza, en cas de victoire, qui s’effondrerait d’une manière ou d’une autre]. Nous supposons que ce scénario est implicitement reconnu par le gouvernement lui-même lorsqu’il décrit les plans des institutions européennes et des cercles bourgeois dominants grecs. Avec la seule différence que ces «cercles» ne sont pas seulement des mecs obsessionnels qui n’aiment pas Tsipras, Varoufakis ou Lafazanis, mais un cercle étroit d’intérêts avec une dominante allemande qui a «construit» l’UE et la zone euro d’une manière les rendant incompatibles avec la moindre déviation du dogme de l’austérité.

Avec ces données, le gouvernement n’a pas présenté de manière correcte l’accord du 20 février au Parlement et l’a fait accepter. Il est suicidaire, pour le gouvernement, de donner à cet accord la légitimité démocratique parlementaire, le statut d’une loi étatique, alors que les contreparties (la partie adverse: l’Eurogroupe) prennent cela comme un tigre de papier qu’elles peuvent interpréter à volonté. Même les gouvernements qui ont fait accepter l’accord par leur parlement national.

Depuis lors, les créanciers risquent la possibilité d’une faillite (défaut), afin de raccourcir la durée de vie du gouvernement ou alors de le manipuler et de simplement redessiner le mémorandum. Donnant au gouvernement la possibilité de ne pas payer «tous les coûts» de la livre de viande [allusion au Marchand de Venise: Antonio ne pouvant payer sa dette l’usurier Sylock vient lui réclamer sa livre de viande] et, à la place, d’appliquer sans concession tout son programme. Et même tous les aspects qui n’ont pas été incorporés pour des raisons tactiques dans l’accord de février, ce  qui avait suscité une allergie de certains créanciers. De quel accord s’agit-il donc? En effet, lorsque les «partenaires» abrogent le jour de la signature – mettant en question la seule raison pour laquelle il est accepté par le gouvernement grec – un petit financement garanti pendant quatre mois, cela illustre la nature de l’accord.

Le dur combat avec les créanciers, qui ne disparaîtra pas lors du prochain Eurogroupe, ne relève pas d’une question de persuasion de la part de partenaires «égarés». C’est une question de pouvoir, même si le but est un «compromis honorable». Nous connaissons les ressorts du pouvoir des bailleurs de fonds. Pour la partie grecque les seules sources d’énergie sont au nombre de deux: d’une part, assurer un large soutien social au gouvernement (et la société devrait recevoir de fortes incitations d’en haut à le fournir). Et, d’autre part, contre-attaquer en conduisant la partie adverse sur le terrain non balisé d’une nouvelle crise de la zone euro [ce qui implique, de facto, un plan B et une sortie de l’euro].

(Cet article a été publié, le 9 mars 2015, dans le journal Avgi, quotidien de Syriza. L’auteur écrit actuellement dans Avgi et dans le quinzomadaire de DEA Labor Left; il écrivait antérieurement dans le journal de la tendance maoïste de Syriza KOE; traduction d’Antonis Sotiris; édition A l’Encontre)

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*