L’économie selon François Lenglet

36941747-jpeg_preview_largePar Michel Husson

Lors de l’émission Des paroles et des actes (France 2, 4 décembre 2014), François Lenglet [1] a démontré son incompétence et sa lecture contrefaite de l’économie.

L’incompétence

François Lenglet ne connaît pas la définition de la population active. Cécile Duflot [Cécile Duflot, Europe Écologie Les Verts (EELV), ancienne ministre du Logement, a quitté le gouvernement lors du remaniement d’avril 2014] était en train d’expliquer qu’un nouveau modèle de développement permettrait, y compris dans l’industrie, de créer des emplois: «Est-ce que ça va occuper les actifs? Bien sûr que oui, parce qu’il y a…». Mais à ce moment, Lenglet la coupe et lui dit: «les actifs, c’est plutôt les inactifs…». Cécile Duflot acquiesce et continue sa démonstration.

[Cliquer ici pour écouter l’extrait]

Il se trouve que la population active regroupe toutes les personnes disponibles pour exercer une activité. Cette catégorie comprend donc les actifs employés mais aussi les demandeurs d’emploi. Quant aux inactifs, ce sont les personnes qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas à la recherche d’un emploi: enfants, retraités, personnes ayant renoncé à chercher un emploi.

Dans son inconscient, François Lenglet pense sans doute que les chômeurs ne sont pas actifs, mais ce n’est pas la définition retenue, et on a là un exemple de l’ignorance de notre économiste en chef du service public.

La contrefaçon

Face à Benoît Hamon, François Lenglet use de son arme favorite: les graphiques censés établir définitivement une loi économique. Il présente une sélection de pays, selon la part de leurs dépenses publiques dans le PIB et leur taux de croissance:

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A gauche, les mauvais élèves (Finlande, France, Danemark) dont les dépenses publiques sont les plus importantes en pourcentage du PIB, mais qui sont punis par une croissance médiocre en 2014. A droite, les bons élèves qui dépensent moins (Suisse, Australie, Etats-Unis) et font plus de croissance.

Même si Lenglet s’en est défendu hypocritement, sa présentation ne pouvait avoir d’autre but que de montrer – statistiques de l’OCDE à l’appui – que des dépenses publiques sont un obstacle à la croissance.

Lenglet ne remarque pas que ses bons élèves ont une caractéristique commune, celle de ne pas appartenir à l’Union européenne. Il se pourrait peut-être que la croissance médiocre en Europe provient des politiques qui y sont menées. Et Lenglet aurait pu présenter le graphique ci-dessous qui montre que les pays européens qui ont fait le plus d’austérité budgétaire (mesurée par ce que les économistes appellent «impulsion budgétaire») ont eu la croissance la plus faible.

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Lenglet aurait pu aussi examiner le lien entre la part des dépenses publiques et les inégalités de revenus que l’OCDE mesure par le rapport entre le revenu des 10% les plus riches et celui des 10% les plus pauvres. Cela aurait donné les graphiques ci-dessous:

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Et Lenglet aurait pu ainsi suggérer que les dépenses publiques réduisaient les inégalités. (5 décembre 2014)

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[1] François Lenglet est un journaliste économique qui a passé par l’Expansion (hebdomadaire économique), puis par les Enjeux-Les Echos, puis par La Tribune. Il a officié après sur la chaîne dite d’information BFM-TV. Il trône maintenant sur France 2 au côté de l’inénarrable David Pujadas. Ses graphiques, censés être une explication de la réalité, fonctionnent comme un miroir aux alouettes. (Rédaction A l’Encontre)

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