France. Vers la grève du 12 septembre. Et la suite…

Par Théo Roumier

La CGT vient d’annoncer une journée de grève pour le 12 septembre. Cette date peut fournir un point de ralliement, un tremplin, pour toutes celles et tous ceux qui refusent de céder à la «macronisation» de leur vie. Il faut se préparer à ne pas s’y limiter.

La CGT a donc finalement décidé de manière unilatérale de la journée de grève du mardi 12 septembre. Union syndicale Solidaires avait pris ses responsabilités en conviant à des réunions intersyndicales nationales à plusieurs reprises (et avec plus ou moins de succès). Sortant tout juste de congrès, la motion d’actualité générale votée [voir sur ce site sa publication en date du 15 juin 2017] par les délégué·e·s proposait justement «de nouvelles initiatives dans le cadre le plus unitaire possible dès le début septembre en construisant un mouvement fort appuyé sur une grève large, unitaire et intersyndicale».

On aurait donc pu espérer un appel rapide et commun à la riposte aux ordonnances Macron. Ce sera finalement un peu différent: ça ne doit pas être un obstacle pour autant. Destruction programmée du CDI, flexibilisation à outrance et démantèlement des droits et protection des salarié.e.s… La Loi travail XXL que nous promet le gouvernement de Philippe II est une attaque sans précédent qui en annonce encore d’autres (sur les retraites notamment).

Nous avons donc besoin de cette journée de grève, parce que nous avons besoin dès maintenant de faire le travail d’information et de conviction avec une perspective claire de mobilisation. On sait bien sûr qu’une journée isolée ne suffira pas et la question d’un calendrier d’action, incluant plusieurs dates (et pourquoi pas d’affilée?) va être un enjeu intersyndical. Comme le dit là encore le texte de Solidaires, il faut tout autant discuter des objectifs à donner à nos mobilisations: «On ne peut pas aujourd’hui faire l’économie d’un débat, entre organisations syndicales, avec les salarié-es, sur le blocage de l’économie et de la production, donc sur la grève générale. Sans pour autant tomber dans l’incantation, en en mesurant toutes les difficultés, mais sans en négliger les enjeux et la nécessité.»

Comme en 2010, comme en 2016, où il a justement manqué, cette question du blocage (réel) de l’économie est bien au centre du rapport de force. Il faudra faire, sur ce point comme sur d’autres, avec la réalité de l’action collective.

De toutes nos forces

Nous aurons besoin de toutes les forces pour cela. Dans plusieurs villes, avec des périmètres et des réalités diverses, des collectifs «Front social» se sont constitués, occupant un espace laissé vide par le manque d’initiatives. Ailleurs, d’autres collectifs, d’autres espaces unitaires avec le mouvement social existent (sur Orléans par exemple avec la Fête des résistances et des alternatives, sur Nîmes et Dijon avec des collectifs «Nos droits contre leurs privilèges»…). Ces espaces ne sont pas à négliger même s’ils ne se substituent évidemment pas au travail au sein des entreprises et des services.

Pour cela, et c’est sans conteste le meilleur point d’appui, des intersyndicales départementales et locales ont déjà mobilisé à plusieurs reprises, organisant rassemblements ou manifestations. C’est le cas notamment au Havre, à Paris. On peut s’appuyer sur des luttes déjà existantes (par exemple pour la défense de la protection de l’enfance dans le Maine-et-Loire, dans l’éducation en Seine-Saint-Denis, etc.). Dans les semaines qui viennent nous mesurerons les possibilités d’ancrage de la grève dans les secteurs professionnels et les «territoires» comme on dit. A condition aussi que les intersyndicales départementales soient autre chose que des chambres d’enregistrement des «décisions nationales» mais réussissent à être un appui dynamique à celles et ceux qui veulent entrer en action.

C’est ce que nous pointions avec mon camarade Christian Mahieux, dans la revue de Solidaires Les Utopiques, avec le titre «Invoquer l’unité, oui,…la faire c’est mieux!»: «les appels intersyndicaux sont pour l’essentiel conçus comme des plateformes revendicatives qui n’impliquent pas nécessairement de pratiques communes. Co-signer un texte suffirait? On pourrait, au contraire, imaginer que ce modèle soit inversé – ou tout du moins repensé – et que la préoccupation des moyens à mettre en œuvre pour mobiliser dans l’unité soit un préalable: appels à organiser des AG communes de syndiqué·e·s, à se répartir des tournées et permanences syndicales pour débattre avec les collègues, voire à les organiser ensemble, même chose pour les heures d’informations, les tractages, les affichages…»

Si c’est bien contre les ordonnances et la loi travail XXL que les équipes syndicales vont devoir mobiliser, il ne faut pour autant pas laisser de côté les autres projets liberticides du gouvernement, au premier rang desquels l’inscription des mesures de l’état d’urgence dans le droit commun. Une manifestation est organisée à Paris le 1er juillet. Quand on sait de quel poids la répression a pesé sur les manifestations du printemps 2016, il est clair que la mobilisation contre l’état d’urgence, les crimes et violences policières et d’État, est également d’actualité. Là aussi, les structures interprofessionnelles syndicales, locales et départementales, peuvent s’y impliquer et contribuer à la convergence des luttes.

Avec toute notre légitimité

Il faudra faire avec un pouvoir arrogant. Le spectacle lamentable du prétendu «dialogue social» et son lot de documents fuitant dans la presse en dit long sur le mépris que Philippe et Macron ont pour les organisations syndicales. Il était par ailleurs incongru (au mieux) d’attendre quoi que ce soit de ces «échanges courtois» avec ceux qui ont annoncé dès le début vouloir liquider le code du travail.

Le gouvernement peut s’appuyer sur une chambre «en ordre de marche». Pour autant il faut sans cesse rappeler que les député·e·s LREM et leurs allié.e.s n’ont aucune légitimité. Au second tour des législatives, avec un taux de 57,4%, l’abstention a dépassé tous les records. Les bulletins blancs et nuls ont été multipliés par quatre entre les deux tours, atteignant près de deux millions des inscrit.e.s sur les listes électorales. Au final, les député.e.s n’ont été élu.e.s en moyenne que par quelque 20% des inscrit.e.s. Quant à Macron, «Jupiter élyséen», lui-même ne doit son élection qu’à la présence de Marine Le Pen au second tour. Malgré ça, la modestie n’étouffe pas ces gens-là, habitués à perpétuer la morgue de leur classe sociale. C’est une autre réalité statistique, imparable et incontournable: celles et ceux qui vont décider pour la majorité de la population n’en sont pas représentatifs et représentatives. Les employé.e.s, les ouvrières et les ouvriers sont parmi les moins représenté.e.s à l’assemblée nationale où par contre paradent les cadres supérieurs et les chefs d’entreprise.

Face à eux, nous avons pour nous la légitimité de notre classe sociale, celle qui fait fonctionner la société au quotidien par son travail. Le porte-parole de Philippe II, Christophe Castaner, peut bien déclarer qu’«on n’a pas le droit de bloquer la France» (sur France 2, fin mai): il va falloir lui rappeler qu’on n’a pas le droit, quand on est minoritaire comme l’est le gouvernement, de détruire plus de 100 ans de conquis sociaux. Nous avons tout l’été pour en convaincre et le 12 septembre pour nous retrouver massivement en grève et dans la rue.

NB: Et dès le 30 août même, en manifestant devant l’Université d’été du MEDEF à Jouy-en-Josas!

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