France. Un des vieux temples de la consommation à Evry: «carrefour de l’exploitation»

455120572-photoPar Rachida El Azzouzi

À l’heure où la loi Macron est débattue à l’Assemblée, état des lieux du marché du travail sous la gauche dans un des plus grands centres commerciaux de France, celui d’Évry (Essonne). Au pied de la maison des syndicats, de l’Inspection du travail et des Prud’hommes, c’est « la peur de l’employeur et du chômage» qui fait tenir. Nous renvoyons aussi les lectrices et lecteurs aux deux articles publiés tout récemment sur ce site: l’un portant sur le projet Macron en date du 30 janvier 2015, l’autre sur les ressorts de la bataille des grandes enseignes pour les ouvertures tardives et du dimanche en date du 29 janvier 2015. (Réd. A l’Encontre)

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Julien avait le choix entre la sécurité ou Pôle Emploi. Il a choisi vigile, «un des rares métiers où tu décroches encore un CDI en France». Il a 23 ans, un CDI payé le Smic, un peu plus les mois où son patron l’emploie une centaine d’heures supplémentaires, au noir. C’est son deuxième employeur en un an. Mais déjà, il songe à se reconvertir, chauffeur de bus à la RATP ou mieux, pour Uber. C’est ce qu’a fait un type du quartier au chômage. Il gagne 2000 euros par mois, n’en déclare pas la moitié, en conduisant des Parisiens à travers les beaux quartiers. Lui mène «une vie d’esclave dans un carrefour de l’exploitation»: le centre commercial d’Évry, dans l’Essonne.

Sorti de terre quand le travail féminin et le temps partiel prenaient leur essor (1975), Évry 2 – l’Agora pour ceux qui le fréquentent (du nom de la place qui l’entoure) – est l’un des plus vieux temples de la consommation de l’Hexagone, un des sept plus grands aussi. Dans cette ville nouvelle à l’urbanisme sans âme, cité dortoir défavorisée du grand sud parisien, et comme dans bien d’autres banlieues françaises, le centre commercial fait office de centre-ville.

Construit sur deux niveaux, il sent le café-croissant industriel, emploie 2200 salariés, génère plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires sous mandat de la Société des centres commerciaux (SCC), un géant de la gestion immobilière qui joue au monopoly mondial des «shopping centers», de Dubaï aux banlieues françaises déshéritées (plus d’un milliard d’euros de loyers encaissés par an). Il ouvre ses portes automatiques du lundi au samedi, de 10 heures à 20 heures, avec une nocturne le jeudi jusqu’à 21 heures. Carrefour, la grande surface, elle, ouvre une heure plus tôt et ne ferme pas avant 21h-21h30. Les restaurants ont leurs horaires, jusqu’à 21h-22h. Plusieurs d’entre eux ouvrent le dimanche.

Pas rénové depuis son extension en 2003, il est en perte de vitesse économique à cause de la crise, de la concurrence des voisins plus modernes, de la saturation commerciale de l’Essonne, de la vente en ligne, cela malgré l’arrivée du plus grand Zara d’Île-de-France, qui a absorbé dix boutiques sur deux étages. Le turn-over y est impressionnant, des enseignes comme des salariés.

Panoramique Centre Commercial Agora Evry 2 x700Longtemps, il a traîné une réputation aussi glauque que la cité voisine des Pyramides. «Il fallait oser s’y promener le soir l’hiver après 18 heures», se souvient un commerçant. Mais depuis les années Valls (maire d’Évry de 2001 à 2012), il est sous haute vidéosurveillance, des abords aux coursives (une centaine de caméras et une sur-présence policière en plus des dizaines d’agents de sécurité, propres au centre ou aux enseignes). Pas de lumière naturelle à l’exception d’une verrière dans une aile qui devient caniculaire à la moindre variation de température. Pour les salariés, une pénibilité au travail qui s’ajoute à la foule, au bruit permanent, à la station debout prolongée…

Collé à la gare RER, le centre commercial est central, proche de tout, les autoroutes, l’université, les quartiers dits «sensibles», les sièges des grandes entreprises où travaillent les CSP – une clientèle difficile à capter dans ces galeries d’abord fréquentées par les classes populaires et aux abords desquelles des familles roms font la manche et des Pakistanais grillent des maïs.

«C’est la forêt de Fontainebleau, le musée des pauvres, le seul centre d’attraction gratuit d’Évry où on peut venir flâner sans rien acheter», remarque l’un des derniers commerçants indépendants du centre, qui ne comprendrait pas qu’on l’ouvre tous les dimanches de l’année. «Le jeudi, il y a une nocturne et il n’y a personne à partir de 19 heures. Les gens n’ont pas de fric. C’est la crise. La clientèle, ce n’est pas les Chinois des Champs-Élysées mais des mamas africaines et rebeues qui demandent à payer en plusieurs fois en espèces une paire de chaussures à 20 euros et qui sont à découvert à partir du quinze du mois. Les classes moyennes des alentours, elles, viennent entre midi et deux la semaine, pas le dimanche.»

Aborder sous l’angle du travail cette scène sociale majeure, c’est mesurer la précarité, la flexibilité et la violence déjà maximales de notre marché du travail, dans un secteur qui emploie des millions de salariés en France, le commerce, dans une banlieue française qui concentre les inégalités. À l’heure de la loi Macron en débat à l’Assemblée, de celle à venir sur les seuils sociaux après l’échec de la négociation entre patronat et syndicats, alors que la gauche gouvernementale veut accentuer la dérégulation, se rendre à l’Agora, c’est mettre des visages sur les chiffres et les courbes qui pointent l’inquiétante instabilité, l’insécurité de l’emploi. Des visages qui sont massivement des jeunes et des femmes, des mères de familles souvent seules, subissant l’explosion des contrats courts, du temps partiel subi ou encore du sous-emploi dans le tertiaire. Des salariés qui aimeraient travailler plus, sont disponibles, mais doivent se contenter de miettes de boulot.

C’est rencontrer une variable d’ajustement qu’on adapte dans l’urgence permanente au flux et reflux de clientèle. Une masse d’employés, «d’exécution», parmi les plus vulnérables, majoritairement des femmes, payés rarement plus du Smic horaire, piégés dans la trappe de l’emploi précaire. Inaudibles, invisibles, ils témoignent ici rarement à visage découvert, ou bien loin des caméras et des collègues. Ils parlent alors de leurs conditions de travail dégradées, des postes déqualifiés, de l’impossibilité de concilier vie professionnelle et vie familiale, de ce sentiment d’être «un pion», «l’esclave de la finance», d’entreprises ultra-rentables et profitables. Se disent pressés, broyés par la verticalité, pour à peine le Smic.

«Le volontariat, ça n’existe pas dans notre société»

Ici, sous les lumières crues du capitalisme, on brasse tous les types de contrats, sauf le CDI en voie de disparition ou alors à temps très partiel: contrat de professionnalisation, d’apprentissage, d’intérim, de mission, à durée déterminée, de toutes durées (8, 10, 18, 20, 24, 25, 32 heures).

Linda travaille six jours sur sept, de 15 à 21 heures, pour un sous-traitant du centre dans le nettoyage. Elle est en CDD, espère un CDI. Trois ans qu’elle a le même employeur et toujours pas de stabilité. Elle a 44 ans, un enfant en bas âge qu’elle élève seule, vit chez sa sœur, espère une attribution HLM et une régularisation. Elle vient du Sénégal. Elle ferait bien quelques ménages d’appoint le dimanche et les matins mais la fatigue ne le lui permet pas: «Il me faut attendre vingt minutes le matin pour que mes pieds fonctionnent de nouveau !» C’est la première fois qu’elle travaille dans un centre commercial. Avant, elle nettoyait des studios télé. Elle préférait. Ici, les gens ne la «respectent pas, ils ne sont pas propres». Elle a le mal du pays. Elle raconte qu’elle a essayé d’y retourner mais on l’a rejetée avec son fils, elle ne ramenait pas d’argent.

895258359Sarah, elle, vient de changer de boutique, de quitter un CDI de 20 heures dans la grande distribution, «l’enfer», pour un autre temps partiel de 25 heures dans une petite boutique de vêtements qui devrait normalement devenir un temps complet, c’est ce que le patron lui promet. Elle a 36 ans, deux enfants, un mari auto-entrepreneur. Dix ans qu’elle travaille dans l’Agora. Elle a tout connu, tout fait, les grandes chaînes de vêtements, caissière, manutentionnaire, vendeuse. Des années infernales, des crises de larmes devant les plannings.

«Le pire, dit-elle, c’était le stress pour que la voisine récupère les enfants à la sortie de l’école pendant les rushs, et les longs après-midi dans le centre entre deux services où je ne pouvais pas rentrer chez moi car j’habitais à une heure en RER, deux quand il y a des problèmes sur la ligne.» Aujourd’hui, elle souffle. Elle a un patron avec lequel elle n’a pas besoin de «mendier ses droits». Elle est contre le travail le dimanche – «Nos familles sont suffisamment explosées comme cela. Qu’on nous laisse nos dimanches avec nos enfants» – mais elle n’ira pas manifester, elle n’a jamais manifesté.

Laura a 22 ans. Un CDI de 25 heures pour 680 euros net, un boulot qui ne correspond pas à ses diplômes. «Tous les employés vous le diront. On n’est pas payés à la hauteur de nos compétences.» Mais elle ne dit mot. «À qui? Il n’y a pas de syndicat dans le centre, à part celui des commerçants.» Elle a commencé apprentie dans une boutique qui l’a remerciée sitôt l’apprentissage terminé, vit chez sa sœur qui travaille aussi dans le commerce. Si elle était étudiante comme beaucoup de jeunes de passage ici, elle demanderait à travailler le dimanche mais elle est salariée. «Quand on travaille déjà toute la semaine, y compris en soirée, ce n’est pas compatible. On n’a plus de vie personnelle.» Elle ne se plaint pas: «Il y a des filles qui souffrent, toute la journée debout dedans, souvent dans les franchises qui marchent le plus, elles commencent tôt, finissent tard. Moi, c’est une petite surface près d’une sortie. J’ai le droit de m’asseoir, on a une réserve, avec un micro-ondes, je peux sortir fumer, respirer l’air, voir le jour.» Elle a peur du chômage depuis qu’elle a vu son père y rester deux ans.

Julien travaille pour un sous-traitant de la sécurité selon des horaires très flexibles, «des vacations longues comme un jour sans repas», dit-il, douze heures d’affilée. Il n’a pas la plus affreuse des affectations: les arrière-caisses de Carrefour, la grande surface qui a ses propres agents, ni la plus tranquille, dans le bocal, derrière les caméras, loin de la foule. Avant, il travaillait pour «un escroc». Il a démissionné, sans le paiement de dizaines d’heures supplémentaires. Il aurait pu aller devant le tribunal des prud’hommes, à quelques pas de là, il aurait obtenu gain de cause, un syndicaliste le lui a assuré, mais il ne veut pas «être fiché».

Être fiché? «Être mal vu, marqué salarié à problèmes par le patron. La peur de tous ici», dit Sekou, son collègue. Lui traîne deux handicaps sur le marché de l’emploi, il est noir et vient d’une cité de Grigny. Il a 28 ans, un CDI de vendeur mais à temps partiel, des années de chômage derrière lui, des rapports conflictuels avec sa mère femme de ménage et son père intérimaire qui ne comprennent pas qu’il ne trouve pas de travail. Ses copains sont «quasiment tous au chômage». Il cherche un deuxième emploi pour compléter ses 800 euros, prêt à passer des heures dans le RER et à sacrifier le foot, son seul défouloir le dimanche. Il a passé son adolescence dans l’Agora, c’était son terrain de jeu, de frime, de fast-food. C’est son lieu de travail aujourd’hui.

Quand on lui demande s’il est volontaire pour travailler le dimanche, il éclate de rire. «Le volontariat, ça n’existe pas dans notre société. C’est ce que le patronat fait croire aux politiques.» Il n’a même jamais choisi son planning depuis qu’il a réussi à entrer sur le marché du travail et à s’extraire du chômage. Son contrat, c’est être disponible, flexible, journée, soir, jour férié, week-end, 151 heures par mois. «Quand tu signes, on te fait comprendre que tu signes pour être volontaire. Tu peux pas dire non ou tu te grilles.»

«On dit aux gens qu’il faut qu’ils soient contents d’avoir un travail»

Ironie de l’histoire, l’Agora est une zone de non-droit à quelques minutes à pied du tribunal des prud’hommes, de la maison des syndicats et de l’inspection du travail, qui n’a que deux agents impuissants pour contrôler un vaste secteur dont le centre commercial. Soit une chance sur un million pour une boutique d’être contrôlée. Un no man’s land syndical où le dialogue social est rendu impossible du fait de l’organisation même du centre en réseau d’enseignes, et de ces dernières souvent éclatées en TPE, des entreprises de moins de onze salariés qui n’ont pas droit à une représentation syndicale.

«Seules quelques grandes enseignes comme Carrefour, les Galeries Lafayette, sont dotées de syndicats, de structures fortes, un CE, un CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ). Mais même quand il existe, le syndicalisme se réduit à chacun sa boutique, regrette Jean-Louis Betoux, le secrétaire de l’union locale de la CGT d’Évry. On veut bien poser les questions qui ne fâchent pas, “il manque du monde”, “untel a quinze ans d’ancienneté, faut l’augmenter” mais pas celles qui fâchent, les restructurations permanentes, les conditions de travail dans le centre. Aujourd’hui on dit aux gens qu’il faut qu’ils soient contents d’avoir un travail. La pression économique et patronale est telle que tout le monde rase les murs, a peur d’être viré, de perdre son emploi ou le bout d’emploi qu’il occupe, un salaire capital pour vivre, survivre.»

cgt_evry_webLe bureau de Jean-Louis Betoux donne sur la forteresse imprenable, monstre de béton défraîchi. Il en parcourt les allées depuis des années pour rejoindre son syndicat de l’autre côté de la place après avoir garé sa voiture dans l’un des sous-sols, mais il ne connaît personne. Pas une vendeuse, pas une caissière, pas un vigile, pas un gérant, juste une poignée de syndiqués dans deux-trois grandes enseignes. Terrible désaveu. «Des millions de salariés français nous échappent. C’est ici que cela se passe et nous ne sommes pas là. Nous sommes dans les négociations de salon à Paris qui débouchent sur des reculs», s’étrangle cet ancien de La Poste qui traîne quarante ans de syndicalisme.

Parfois, des employés du centre poussent d’eux-mêmes la porte d’une permanence. Comme pour cette salariée d’un fast-food. Manager, elle avait la formation mais pas le titre, refusé à son retour de maternité par la direction. «C’est symbolique. Être dégradé, ne serait-ce qu’au niveau de la reconnaissance, pas du salaire, c’est une terrible humiliation pour le salarié.» D’autres préfèrent téléphoner, ne pas afficher leur identité, de peur que cela revienne aux oreilles de leur employeur ou de leurs collègues. «Mais ils sont rares et hélas, on ne peut rien faire à moins qu’une bagarre syndicale n’éclate dans l’entreprise. Il faudrait qu’on puisse régler leur problème sans que la boîte ne connaisse leur nom», se désole le syndicaliste.

Jean-Louis Betoux a bien essayé de militer dans l’immensité confinée où «on trouve même des sans-papiers, surtout dans la sécurité et la restauration»: «Le syndicalisme est mal vu, on se fait virer systématiquement. C’est un terrain privé, la majorité des boutiques compte moins de onze salariés. Il n’y a pas de représentant du personnel. Y aller avec un badge CGT, c’est se faire jeter par le patron présent dans la boutique avec ses deux vendeuses.» Alors il plante trois, quatre fois par an, un stand et des banderoles sur la place de l’Agora à l’entrée ou, plus rare, organise une descente à plusieurs.

La dernière fois, c’était en 2011… contre le travail le dimanche. À l’époque, la mairie et la communauté d’agglomération Évry-Centre-Essonne (c’est-à-dire Manuel Valls, déjà) voulaient ouvrir le centre tous les dimanches de l’année pour contrer la concurrence. Dans l’Agora, la CGT avait lancé une pétition réclamant la consultation des salariés. «On a reçu un accueil extraordinaire, on était surpris. Dans les petites boutiques, comme dans les grosses enseignes, employés et gérants étaient majoritairement contre», se souvient Jean-Louis Betoux.

Aujourd’hui, alors que la loi Macron devrait banaliser le travail le dimanche et en soirée, ni rentable, ni créateur d’emplois, le syndicaliste voudrait renouveler l’action pour expliquer les dangers des réformes portées par la gauche depuis mai 2012. «La loi Macron ne permettra pas de gagner plus aux salariés mais à leurs patrons, les grandes enseignes. Les compensations en vigueur aujourd’hui dans le commerce vont disparaître. Elle va seulement les précariser davantage, bouleverser leur vie sociale et familiale, l’organisation de la garde et l’éducation des enfants.»

Il voudrait aussi que la CGT, loin du siège de Montreuil, «du panier de crabes et des querelles intestines de pouvoir», retrouve «le goût du terrain, des tracts quand il gèle», «reprenne la rue aux notaires, à un moment crucial où la France bascule à l’extrême droite». Il a mis en sonnerie de portable la chanson d’HK & les Saltimbanks, devenue chanson de lutte et de manif: «On lâche rien». Rêve d’aller vers un syndicalisme de site comme au centre commercial de Lyon Part-Dieu, précurseur d’une expérimentation.

Mais de l’autre côté de la place, dans l’Agora, il devra compter sur une masse résignée qui goûte peu le syndicalisme. Sarah, la mère de famille qui n’ira pas manifester contre le travail le dimanche, estime que «les syndicats, c’est comme nos politiques, ils ne changent rien à nos vies». Elle n’a jamais voté non plus.

Jean-Louis Betoux est conscient de l’abîme. «Il faut aller expliquer ce qu’est l’ANI (accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013), le pacte de responsabilité, la réforme des seuils sociaux, des prud’hommes, de l’inspection du travail à des salariés lambda. C’est super compliqué alors que cela les concerne au premier chef. Le gouvernement et le patronat ont un boulevard. Même nous, on n’y comprend rien. La réforme scolaire, les impôts, les salariés t’en parlent. Car c’est immédiat, concret. Mais les prud’hommes? S’ils gagnent un jour un procès, ils signeront mais après la victoire et si l’employeur ne les a pas virés en représailles en leur collant une faute professionnelle. Ils ne savent souvent rien sur leur propre boîte, si elle est indépendante, franchisée. C’est dur de mobiliser quand le salarié se fout même de son environnement proche. En même temps, la peur les tient, de l’employeur et du chômage.»

Il a connu Valls député-maire qui «attendait la CGT les jours de manifestation au rond-point de la Préfecture pour serrer les paluches», a voté Mélenchon en 2012, et c’est le vertige qui le saisit quand il regarde les réformes sociales menées depuis. En ce début d’année noir, l’espoir lui vient de Grèce, de Syriza.

Pas Julien. «Petit Blanc», classe moyenne, élevé dans une belle maison avec jardin avant un décrochage scolaire puis social, il n’a jamais voté, suit de très loin l’actualité via les réseaux sociaux, se moque de la politique, de la loi Macron, des CHSCT, même s’il se plaint de ne pas avoir de salle de pause, mal au dos. Aucune des réformes citées plus haut ne lui parle. Il voit l’avenir en noir comme sa génération «perdue», «programmée pour la précarité». Il vit comme un déclassement d’être vigile, «un métier de black», dit-il en précisant bien qu’il n’est pas raciste et qu’il a grandi avec toutes les nationalités. Il en conclut que «la France n’a plus de travail à offrir, puisque même les Blancs sont obligés de prendre les boulots qu’on réserve aux immigrés». Plus de travail ? Au centre commercial d’Évry, c’est certain. Son site internet n’a pas affiché d’offres d’emploi depuis septembre: il s’agissait de deux CDD dont un remplacement de congé maternité. (Publié par Mediapart, 31 janvier 2015)

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