France. Construire un front unitaire pour annuler, de facto, les ordonnances Macron contre le Code du travail

Dossier

Début juillet 2017, le Collectif «Pour nos droits sociaux» a publié un appel que nous reproduisons ci-dessous. Ce collectif, en plus de nombreuses personnalités signataires, regroupe: des organisations syndicales de la CGT, de Solidaires, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France (SAF), des entreprises de l’économie solidaire, ATTAC, la Fondation Copernic, Les Effronté.e.s («Effrotons-nous à la réalité»), Femmes égalité, IPAM/Cedetim (Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale), Ensemble! (Courant du Parti de gauche), NPA, PCF, PCOF (Parti communiste des ouvriers de France), PG (Parti de gauche), FI (France Insoumise), MNCP (Mouvement national des chômeurs et précaires).

L’appel de ce «cadre unitaire» est le suivant:

«Ils s’inscrivent dans les objectifs poursuivis au titre des lois Macron, François Rebsamen [ex-ministre du Travail des gouvernements Vals I et Vals II, sous la présidence de Hollande) et Myriam El Khomri [ministre du Travail de septembre 2015 au 10 mai 2017]. Ils aggravent le démantèlement du droit du travail au détriment des salarié-es, particulièrement des jeunes et des plus précaires, qui sont majoritairement des femmes.

Comment parler de démocratie quand un simulacre de négociation syndicale à huis clos est organisé et que les organisations syndicales ne sont pas écoutées alors qu’elles portent des propositions et des revendications alternatives?

Comment parler de démocratie quand les ordonnances, ce procédé autoritaire, réduisent l’Assemblée Nationale à n’être qu’une chambre d’enregistrement?

Quelle démocratie quand tout se déroule principalement l’été, pour éviter tout débat avec le monde du travail, et plus largement avec les citoyen-n-es qui ne manqueront pas de s’exprimer et de se mobiliser?

Sous prétexte de favoriser l’emploi, alors que les politiques de flexibilité sont un échec et appauvrissent les salarié-es, E. Macron entend organiser un passage en force pour des contre-réformes promues de très longue date par le Medef (organisation du patronat français).

Le projet de loi d’habilitation, qui cadre les ordonnances, le signifie très clairement. Se préparent un grave rabotage des droits des salarié-es et la quasi toute-puissance des employeurs, avec:

• la définition de l’ensemble de la réglementation du travail, y compris les salaires et les règles de sécurité, au niveau de l’entreprise, même si l’accord de branche ou le contrat de travail ont prévu des dispositions plus favorables. Alors que nous militons pour une hiérarchie des normes, ils veulent imposer un code du travail par entreprise!

• le levier du référendum d’entreprise à l’initiative des patrons et au détriment de la démocratie sociale, pour soumettre toujours plus les salarié-e-s aux exigences patronales,

• le plafonnement et la barémisation imposés des indemnités prud’homales suite à un licenciement abusif,

• des conditions des licenciements économiques facilitées,

• l’assouplissement du recours aux contrats précaires, notamment un CDI « de projet » qui de facto fait du CDD la norme,

• la révision du compte pénibilité,

• une fusion des instances représentatives des salarié.e.s, qui va diminuer encore leurs prérogatives, supprimer de facto la spécificité des CHSCT, et amorce la remise en cause des délégués syndicaux dans l’entreprise,

Cette casse lourde du Code du travail change notre modèle social et détruit presque toutes les conquêtes des luttes sociales d’hier, longues et douloureuses. Elle renforce une contre-révolution libérale-autoritaire, au service des plus fortunés… et aux dépens d’une majorité de la population qui se paupérise!

Cette casse du Code du travail n’est qu’une partie du projet de société Macron!

Outre la banalisation de l’état d’urgence qui permettra de museler le mouvement social, c’est aussi la continuité de l’austérité, les attaques contre les Services publics, les fonctions publiques de l’Etat, hospitalière et territoriale, la remise en cause du statut général des fonctionnaires et de leurs statuts, de la Sécurité sociale et plus généralement de la protection sociale et des retraites, qui sont programmés. Les projets du gouvernement prévoient également un soi-disant élargissement des droits au chômage – aux non-salariés /es et aux démissionnaires – qui s’accompagne de la fin de l’assurance chômage remplacée par un système de solidarité d’Etat financé par une hausse d’impôt (la CSG) qui touchera avant tout les classes moyennes et les salarié/es.

Des alternatives existent à la casse du Code du travail, des services publics, de la sécurité sociale et plus largement des protections sociales. Des alternatives existent au manque de démocratie et à l’état d’urgence permanent.

Nous demandons l’abrogation de la loi El Khomri et de tous les textes régressifs qui l’ont précédée. Nous refusons cette loi de casse XXL du code du travail. Nous défendons un droit du travail avec davantage de droits pour tous et toutes les salarié-es, leurs représentant-es, les Comités d’entreprise (CE), les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Nous voulons des médecins du travail non soumis au patronat, et davantage d’inspecteurs-trices du travail avec une garantie d’indépendance. Nous voulons un droit du travail plus accessible, plus effectif, avec un accès au juge facilité, des sanctions réelles et rapides des violations aux règles qu’il prévoit. Nous portons ces alternatives et d’autres, pour une société plus juste, plus égalitaire, plus écologique, qui respecte l’égalité femmes-hommes. Nous exigeons une réforme du service public de l’emploi qui maintienne le régime assurantiel, permette la représentation des chômeurs, et chômeuses, réintroduise le droit du chômage dans le code du travail.

L’heure est aujourd’hui à la mobilisation la plus large!

Nous, militant-es associatifs, syndicalistes, politiques, intellectuel-le.s, salarié.e.s de toutes catégories avec ou sans-emploi, jeunes, retraité.e.s, appelons à construire la mobilisation pour faire échec à ces projets et construire une alternative au service du progrès social.»

Nous publions ci-dessous trois contributions de l’ex-inspecteur du travail Gérard Filoche qui aborde, de manière pédagogique, divers aspects des contre-réformes que cherche à imposer Macron, avec l’aide de sa ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui a «trempé» comme directrice de la structure étatique Business France, dans le coûteux show pré-présidentiel de Macron à Las Vegas comme le décrit l’article en fin de ce dossier. (Rédaction A l’Encontre)

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France. Est-ce que le Code du travail a un effet sur l’emploi? Le Code «révisé» décodé

Par Gérard Filoche

Oui. Mais pas dans le sens où ils l’entendent.

L’INSEE a interrogé 10’000 chefs d’entreprise. Seulement 18% de ces patrons disent que le Code du travail est une barrière à l’embauche. Alors pourquoi Macron et le Medef veulent-ils déréguler en priorité le code du travail? Ce n’est pas pour l’emploi.

En quoi le code du travail a-t-il un «effet emploi»? 3% des entreprises ont plus de 50 salariés, et il n’y a des comités d’entreprise, des CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), des délégués syndicaux, que dans moins de la moitié de celles-ci. Sur 1,2 million d’entreprises, il n’en existe que 44’000 qui ont un CHSCT: en quoi ça gêne l’emploi?

Le droit à des délégué·e·s du personnel n’existe que dans les entreprises de plus de 11 salarié·e·s: seulement 20% en ont. Un million d’entreprises de 1 à 10 salariés n’ont aucune institution représentative du personnel: en Allemagne, les délégués, c’est à partir de 5.

Le licenciement est extrêmement facile contrairement à ce qu’on nous dit: il suffit d’avoir un motif réel et sérieux. C’est pour cela que seulement 180’000 salariés (sur 18 millions) se plaignent aux prud’hommes. Pourquoi protéger les 1% de patrons délinquants qui licencient de façon abusive et plafonner les sanctions qui les frappent légitimement?

Porter le seuil de déclenchement d’un plan social à 30 licencié·e·s au lieu de 10, ça ne sert qu’à faciliter le chômage: les patrons vont faire des «paquets» de 29 licenciés. Ça augmentera leurs marges sans qu’ils soient obligés de partager leurs gains de productivité [sous forme de temps de travail et de salaire].

En fait, Macron veut enlever les clapets, les freins, les droits qui empêchent les grandes entreprises de siphonner davantage les salaires afin d’augmenter leurs marges. Ses ordonnances, c’est pour abaisser les moyens juridiques de résistance et de protection des salariés et augmenter les dividendes.

En fait, c’est quand on renforce le code du travail et qu’on le contrôle qu’on crée de l’emploi. Il existe un milliard d’heures supplémentaires dissimulées, et c’est l’équivalent de 600’000 emplois. Fillon expliquait qu’en passant de 35 à 39 h, cela supprimait 500’000 emplois de fonctionnaires. Donc, en passant de 35 h à 30 h on aurait fait 500’000 chômeurs et chômeuses de moins.

Exemple pratique: le patron d’une entreprise de nettoyage impose 250 h indues aux salariés au lieu de 151 h 66. Si l’inspection du travail dispose des moyens suffisants de contrôle et de sanction pour lui faire respecter les 35 h et les heures supplémentaires majorées, il est obligé d’embaucher 45 salariés simplement pour tenir ses chantiers. Plus les droits sont précis, contrôlés, respectés, plus le travail est partagé et, c’est facile à comprendre, plus il y a d’emplois.

Par contre, la flexibilité est l’ennemie de l’emploi, elle fait travailler plus longtemps en étant payés moins, ceux qui ont déjà un boulot au détriment de ceux qui n’en ont pas. Macron ce n’est pas le maître des horloges, c’est le maître du chômage de masse et des petits boulots.

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Macron ordonne: de CDI et CDD en contrats de chantier,
de mission, de projet, de tâches

Par Gérard Filoche

Du CDD aux contrats de chantier… une fois terminé, à la recherche d’un autre…

Une salariée a enchaîné 1117 CDD en 12 ans dans le Nord: elle a travaillé entre le 1er janvier 2002 et le 20 février 2014 pour la Caisse autonome nationale de la Sécurité Sociale des mines et a signé un peu plus de 90 contrats par an. Selon la Voix du Nord: «Je prenais un poste à 21h et j’enchaînais à 6h». «Je faisais des journées aussi bien que des nuits, comme agent de service hospitalier. D’abord, j’ai fait le ménage. Ensuite, j’ai été veilleuse de nuit puis j’ai soigné des patients. Parfois je prenais un poste à 21h et j’enchaînais avec un autre qui commençait à 6h. Une fois, j’ai même fait 3 semaines sans une seule journée de repos.»

C’est un record. Mais on sait que ce n’est pas la première fois. Il y a des dizaines de milliers de cas. Les patrons voyous privés et publics abusent de la précarité.

Joël Collado, célèbre présentateur de la météo sur France inter et France info, a été «viré» fin 2015 après 21 ans de bulletins météo en CDD: il avait signé 215 contrats de travail depuis 1995. Il a fallu qu’il aille aux prud’hommes pour requalifier cette relation de travail «en contrat à durée indéterminée» avec «licenciement sans cause réelle et sérieuse», selon le jugement prononcé fin avril 2017. Il a obtenu la requalification en CDI de ses contrats avec Radio France et le versement de 36’000 euros, notamment sous la forme d’une indemnité de licenciement conventionnelle, d’une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour préjudice moral, et de frais de procédure. (Macron veut plafonner ces indemnités légales infligées dans ces cas-là).

Hollande, Valls, El Khomri et Macron avaient déjà permis la mise en œuvre de 3 CDD successifs en juin 2015. Ce qui frappait surtout les jeunes.

Mais les nouvelles ordonnances Macron vont légaliser cette délinquance patronale bien au-delà et accroître la précarité de ce type: le gouvernement compte assouplir, par convention ou accord collectif de branche, les CDD et l’intérim. Pourraient ainsi être négociés sans encadrement légal les motifs de recours en emploi précaire, leur durée et leur succession sur un même poste ou avec le même salarié.

Les accords collectifs qui autorisent le recours au travail de nuit seraient aussi sécurisés, de même que le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif «entre un groupe ou une entreprise et une jeune entreprise». L’élargissement du recours aux CDI de projet, conclus «pour la durée d’un chantier» (actuellement réservés au BTP). Ces contrats pourraient être conclus «par accord de branche ou, à défaut, à titre expérimental». Ce serait des CDD sans autre limite que le bon vouloir du patron qui définirait à sa convenance le moment de la «fin du chantier» de la «tâche» ou de «la mission». Il n’y aurait même plus de terme précis pour interrompre le contrat, ni de procédure, le patron dirait «la tâche est finie».

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Adieu à la feuille de paie?

Par Gérard Filoche

Ils suppriment la feuille de paie papier pour une version électronique. En même temps ils veulent la « simplifier » au point qu’on ne verrait plus le salaire brut, ni le détail décisif des différentes cotisations pré affectées que nous mutualisons dans nos caisses sociales.

Que vise ce double souci affiché de progrès ou de simplification? Pourquoi un bulletin informatisé devrait-il être en même temps simplifié? Est ce vraiment pour aider les entreprises ou embrouiller les salariés?

Macron s’est engagé dans une manœuvre géante en vue des mois de janvier 2018 et 2019, pour modifier à la fois nos salaires, bruts et nets, nos cotisations et nos impôts.

Voilà un changement «technique» mis en œuvre bien opportunément par ceux qui ont intérêt à obscurcir nos moyens de contrôler la façon dont nos employeurs nous paient, dont nous cotisons à notre Sécu d’une part et dont l’impôt est prélevé par l’état d’autre part.

Les lois Sapin, Macron, El Khomri ont autorisé la dématérialisation de la feuille de paie… «sauf si le salarié refuse individuellement» et exige de recevoir une version papier. Qui utilisera ce droit? Qui pourra l’imposer à son employeur?

Un salarié sur 10 est déjà soumis à un bulletin de paie électronique. Comment sera assurée la sécurité de ces documents tellement essentiels, par exemple, pour le logement ou la retraite?

26 % pensent déjà avoir perdu des bulletins de paie papier. Mais n’y a-t-il pas autant de risques pour l’informatique que pour le papier? Ceux qui ont un disque dur ou coffre-fort virtuel sont 95% à préférer le bulletin dématérialisé, mais 46% n’ont pas de coffre-fort électronique! 21 % ne veulent pas de bulletin dématérialisé; 5 % ne sont pas à l’aise avec les nouvelles technologies. 13% ne sauront pas intégrer les anciens bulletins de paie dans un outil numérique et ni gérer une solution mixte. 45% sont réticents à changer leurs habitudes et classent, mois après mois, leurs papiers dans un classeur ou toute autre solution non-numérique.

Le décret d’application paru au Journal Officiel décembre 2016 prévoit que «le salarié doit être informé 3 mois avant l’éventuelle fermeture d’un service en ligne, qu’il soit géré par l’employeur lui-même ou par un prestataire externe». Combien, sur 25 millions de salarié·e·s concernés sauront récupérer les bulletins virtuels stockés?

L’employeur est censé «garantir la disponibilité du bulletin de paie dématérialisé pendant 50 ans ou jusqu’aux 75 ans du salarié». Bercy envisage déjà qu’on travaille 50 ans jusqu’à 75 ans? Qui croit que ça marchera? 70’000 entreprises disparaissent chaque année et autant se créent. Un million d’entreprises ont moins de 11 salariés et l’informatique y laisse à désirer.

Peut-être vaut-il mieux défendre encore nos bulletins de paie à la fois papier et bien détaillés.

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France. Affaire Business France: Pénicaud sous pression

Par Bastien Bonnefous, Sarah Belouezzane et Anne Michel

M. Pénicaud et E. Macron à Las Vegas

Le 28 juin, Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement Edouard Philippe II, avait exhorté les journalistes à «ne pas affaiblir» la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, en pleine réforme du Code du travail, à travers leurs révélations sur l’affaire Business France. Une critique en règle du travail d’investigation conduit par la presse, reprise par le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, dans son discours du 3 juillet à Versailles (devant le Congrès), dénonçant une «recherche incessante du scandale».

Mais c’est le parquet de Paris qui a donné un nouveau tour à l’affaire, vendredi 7 juillet, en annonçant l’ouverture d’une information judiciaire pour «favoritisme et recel de favoritisme», dans ce dossier devenu très politique, lié à l’organisation, en janvier 2016, d’une soirée de promotion de la France à Las Vegas (Nevada), autour d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, par Business France. Muriel Pénicaud en était à l’époque la directrice générale.

En dépit de son coût élevé – soit 381’000  euros, finalement ramenés à 290’000  euros – cette soirée avait été confiée à l’agence de communication Havas sans appel d’offres spécifique.

Cela avait donné lieu à la saisine de l’Inspection générale des finances (IGF), puis, sur la base du rapport alarmiste établi par ce service interministériel d’inspection en février 2017 et transmis au gouvernement, à un signalement au parquet.

Aléa judiciaire embarrassant

L’information judiciaire annoncée vendredi 7 juillet 2017 se substitue donc à l’enquête préliminaire ouverte le 13 mars. Elle fragilise la ministre du Travail, désormais exposée au risque d’une mise en examen, si les juges d’instruction devaient réunir des «indices graves et concordants» à son encontre. En vertu de la règle édictée par le Premier ministre, Edouard Philippe, la ministre mise en examen devrait démissionner. Un aléa judiciaire fort embarrassant, alors que la réforme du travail par le biais d’ordonnances est prévue durant les prochaines semaines.

Dans une déclaration aux mots pesés, vendredi, Muriel Pénicaud a récusé toute responsabilité dans l’affaire: «Je maintiens avec la plus grande fermeté que je n’ai rien à me reprocher. Je n’ai pas l’intention de me laisser détourner de la mission qui est la mienne. J’ai confiance dans le travail de la justice. J’attends sereinement les conclusions qui seront tirées à l’issue de la procédure», a-t-elle fait valoir.

Si les faits de violation des règles de passation des marchés publics étaient établis – Business France ayant déjà reconnu une «erreur de procédure», tout comme le rapport de l’IGF – la grande question sera celle des responsabilités – dans l’examen des dysfonctionnements constatés chez Business France.

La justice devra dire qui était au courant de quoi, dans l’organisation de cette soirée autour d’Emmanuel Macron, centrée sur le savoir-faire des jeunes pousses (start-up) françaises. Elle devra notamment se prononcer sur le degré d’implication de la directrice générale d’alors, Muriel Pénicaud, afin de déterminer si celle-ci avait été alertée du problème de procédure.

L’enquête judiciaire porte aussi sur le rôle qu’ont pu jouer certains membres du cabinet d’Emmanuel Macron à Bercy (ministère des Fiances) et l’éventuelle pression exercée sur Business France, placé sous la tutelle de trois ministères, dont, justement, celui de l’économie. Car la soirée de Las Vegas comportait bien un enjeu politique, pour un ministre qui devait officialiser, onze mois plus tard, sa candidature à l’élection présidentielle.

Muriel Pénicaud a déclaré avoir diligenté un audit indépendant en mars 2016, sitôt «alertée» d’«une erreur de procédure». Mais plusieurs éléments ont mis à mal sa version des faits, dont ce courriel du 11 décembre 2015, révélé par Le Journal du dimanche du 2 juillet, émanant de la directrice de la communication de Business France : «Muriel, briefée par nos soins, ne fait rien. Donc elle gérera aussi quand la CDC – la Cour des comptes – demandera des comptes (…)».

Libération a enfoncé le clou dans son édition du 3 juillet, estimant que Mme Pénicaud a tardé à informer son conseil d’administration, ne l’ayant fait qu’en décembre 2016, qui plus est à la faveur d’un compte rendu «tronqué ».

Matignon rappelle la règle

Vendredi 7 juillet 2017, l’exécutif s’est retranché derrière les éléments de langage habituels. Au «pas de commentaire» lapidaire de l’Elysée (Présidence), Matignon (Premier ministre) a ajouté le rappel de la règle fixée par le premier ministre : «Tant qu’un ministre n’est pas mis en examen, pas de raison qu’il démissionne.» Au contraire, souligne-t-on Rue de Varenne (où se trouve l’Hôtel Matignon), «Muriel Pénicaud a la confiance entière du premier ministre, elle est totalement concentrée sur la réforme du travail et les prochaines rencontres avec les organisations sociales».

La locataire de la Rue de Grenelle (ministère du Travail) est pour l’instant appréciée par les syndicats [plus exactement par certains syndicats : CFDT, FO], avec lesquels elle joue une partie délicate: réformer entièrement le droit du travail en à peine trois mois. Le gouvernement l’a promis, les ordonnances seront publiées le 20 septembre au plus tard. Changer de chef d’orchestre en plein concert pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur la poursuite des discussions.

Ancienne membre du cabinet de Martine Aubry au ministère du travail et DRH reconnue par ses pairs, Mme Pénicaud a «le bon profil», insistent nombre de connaisseurs du dialogue social. Elle fait, semble-t-il, partie du cocktail qui a su éviter un troisième tour social au gouvernement. «J’aime autant qu’elle reste, affirme sans détour Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière [dont des proches sont conseillers dans ce ministère]. Elle connaît les dossiers et est franche du collier.» Et d’ajouter: «On sait toujours ce qu’on perd, jamais ce qu’on gagne.» (Article publié dans Le Monde, daté du 9 et 10 juillet 2017, p. 6)

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