Climat: «La créativité des jeunes font chauffer les slogans»

Par Pauline Martial

« On est plus chauds que le climat », scandent, tous les jeudis, depuis plusieurs semaines, des milliers de jeunes Belges dans les rues. Un slogan devenu presque l’emblème du mouvement Youth For Climate en Belgique, à l’origine de la marche des jeunes pour le climat. Un slogan qui en appelle d’autres, comme « La terre, vous la voulez bleue ou bien cuite ? » ou encore « Ta chambre 0/10. Ton engagement 10/10 ».

Autant d’exemples qui prouvent que les jeunes ne manquent pas d’originalité pour imaginer les pancartes qu’ils brandissent. « Un bon slogan c’est, avant tout, une petite phrase ou une formule courte qui a la capacité d’être reprise par les médias, notamment. Il faut aussi tenter de trouver le bon mot, l’image qui fonctionne bien ou jouer avec l’humour. C’est quelque chose que les jeunes semblent avoir bien intégré », explique Sandrine Roginsky, professeur en communication à l’UCLouvain.

Et pour trouver la meilleure punchline, chacun sa technique. « Nous nous réunissons à chaque fois la veille par petits groupes pour réfléchir et confectionner nos pancartes », explique Mahaut, 17 ans. Cette rhétoricienne du collège Saint-Etienne des Hayeffes de Mont-Saint-Guibert a choisi, elle, de jouer avec les rimes et affirme haut et fort qu’elle est « inquiète pour la planète » .

D’autres s’organisent sur le réseau social Facebook ou profitent des temps de récréation pour chercher des idées. « On fait régulièrement des brainstormings dans la cour. On cherche des phrases chocs et toujours avec un trait d’humour », confie Juliette, 16 ans, élève en 5e secondaire à l’institut Notre-Dame de Loverval.

Dernière trouvaille de la jeune fille et de ses camarades : une référence à un établissement qu’ils ont l’habitude de fréquenter à Charleroi. « On va souvent dans un café qui a récemment augmenté ses prix. Alors, lors de la dernière marche qui a eu lieu à Charleroi, notre slogan c’était : Le climat augmente aussi vite que les prix du Nauti », explique Juliette.

Car « les slogans qui fonctionnent à merveille sont également ceux jouent avec la culture environnante des manifestants », selon Sandrine Roginsky. La réplique culte « Pas de bras, pas de chocolat » du film Intouchables est ainsi mise à la sauce climat et se transforme en « Pas de climat, pas de chocolat ». Dans le même registre, certains fans de séries détournent le célèbre « Winter is coming » de la série américaine à succès Game of Thrones en annonçant, au contraire « Winter is not coming ».

« Les slogans qui appartiennent au genre de la manifestation répondent souvent aussi aux critiques que les manifestants anticipent ou qu’ils ont déjà entendues », précise la professeur en communication de l’UCLouvain. Pas étonnant, donc, de voir apparaître le slogan « Brosseurs cherchent bosseurs pour le climat » sur les pancartes de certains, qui répondent à ceux qui considèrent que les jeunes ne participent à cette manifestation que pour brosser les cours.

Des écoles s’investissent également dans la recherche de ces slogans. « Pendant l’heure d’activité qu’on a avec notre titulaire, on fabrique des pancartes pour la manif et on réfléchit avec lui à des slogans », explique Joséphine, 13 ans, élève en 2e secondaire au collège du Christ-Roi à Ottignies. Son slogan ? « Arrêtez d’être dans la lune. Pour sauver la planète, il est moins une. » Eloïse, 17 ans, élève en rhéto à l’athénée royal François Bovesse de Namur a, elle, choisi de reprendre une formule proposée par l’humoriste Bruno Coppens : « Je sèche parce que l’eau monte. »

Quelle que soit la manière dont ils construisent leurs slogans, ces jeunes semblent faire aussi bien, voire mieux que certains publicitaires, selon Sandrine Roginsky. « Pour arriver à construire ce genre de formule, il faut une bonne maîtrise du langage. Les jeunes prouvent qu’ils savent non seulement écrire mais qu’ils savent bien écrire. C’est un peu un pied de nez à ce qu’on peut parfois entendre dans les discours des anciens qui disent que les jeunes, de nos jours, ne savent plus écrire ou réfléchir », développe la professeur en communication.

Tous réfléchissent au prochain slogan qu’ils brandiront lors des prochaines éditions. Pour Cédric, 17 ans, élève en rhéto à l’institut Notre-Dame de Beauraing, il est déjà tout trouvé. Affublé de son plus beau pyjama, il compte bien montrer qu’« on ne se repose pas face au climat ». (Publié dans le quotidien Le Soir, Belgique, https://journal.lesoir.be/; avec autorisation de la rédaction)

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