Hongkong. Les manifestant·e·s demandent la démission de Carrie Lam

Par Emma Graham-Harrison

A Hongkong, la pression s’intensifie sur Carrie Lam alors que la population rejette ses excuses et demande à la cheffe du gouvernement de se retirer après une manifestation estimée à 2 millions de personnes demandant non pas la suspension mais la suppression du projet de loi d’extradition.

La crise politique de Hongkong est entrée dans sa deuxième semaine, après que les manifestant·e·s, qui avaient envahi les rues de la ville au-delà de ce qui était attendu, le dimanche 16 juin, ont rejeté les excuses de la présidente Carrie Lam. Ils ont promis de poursuivre leur lutte contre la loi controversée qu’elle défendait.

Après la grande manifestation – qui, selon les organisateurs, a attiré 2 millions de personnes, la plus importante de l’histoire de la ville semi-autonome – Lam s’est excusée dans une déclaration portant sur la manière dont le gouvernement avait traité le projet de loi d’extradition.

Mais elle n’a répondu à aucune des principales revendications des manifestants. Ils lui demandent de retirer le projet de loi sur l’extradition, de mettre fin à la répression contre les militants, de libérer ceux détenus et de tenir la police pour responsable des méthodes brutales utilisées lors des manifestations précédentes. Ils veulent aussi qu’elle démissionne.

Lundi 17 juin, Lu Kang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a déclaré que Pékin continuerait à la soutenir.

Pendant la majeure partie de la matinée de lundi, un petit groupe de manifestants a bloqué une route principale à l’extérieur du siège du gouvernement, mais à midi, ils s’étaient retirés dans un parc voisin. Les autorités ont dit que les bureaux du gouvernement seraient fermés pour la journée.

Des grèves d’étudiant·e·s et de travailleurs avaient également été appelées par les organisateurs de la manifestation pour le lundi. Bien que la majeure partie de la ville travaille comme d’habitude, le mouvement d’opposition a reçu un nouvel élan avec la libération de Joshua Wong, une figure militante des plus connue qui avait été emprisonné pour son rôle dans le mouvement pro-démocratie en 2014.

Il a appelé Lam à démissionner, peu après sa libération. «Elle n’est plus qualifiée pour être la dirigeante de Hong Kong», a déclaré M. Wong aux journalistes. «Elle doit prendre ses responsabilités et démissionner, être tenue pour coupable et se retirer.»

La crise a été déclenchée par les efforts de Lam pour faire adopter rapidement un projet de loi d’extradition très critiqué au sein même du Parlement. Il permettrait aux résidents et y compris aux personnes en visite [entre autres d’affaires] d’être envoyés en Chine pour y être jugés par des tribunaux opaques contrôlés par le Parti communiste, ce qui, de l’avis de beaucoup à Hongkong, pourrait porter un coup dévastateur à l’économie et à la société.

La ville fonctionne comme un centre régional d’affaires et de commerce, protégé de la Chine par son «pare-feu» judiciaire. Sans cette protection, tout le monde, des dissidents aux magnats de l’économie, pourrait être en danger. Certains personnages fort riches de la ville auraient déjà commencé à transférer des biens à l’étranger par crainte de l’impact de la nouvelle loi.

«Son gouvernement [de Carrie Lam] ne peut pas être un gouvernement efficace et aura beaucoup, beaucoup, beaucoup de difficultés à poursuivre ses activités», a déclaré James To, député chevronné du Parti démocratique, sur la radio RTHK, financée par le gouvernement. «Je crois que le gouvernement central du peuple [en Chine] acceptera sa démission.»

La crise politique la plus dramatique que Hongkong ait connue depuis des années a été déclenchée il y a une semaine, lorsque près d’un million de personnes se sont déplacées pour protester contre la loi le 9 juin. Lam a ignoré la première manifestation, même s’il s’agissait de l’une des plus grandes que la ville ait jamais vues.

Mais mercredi, les manifestations ont débouché sur la pire violence politique depuis la passation du pouvoir britannique à la Chine en 1997, avec des tirs de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc tirés par la police et des actes de défense de manifestants. Plus tard, des militants ont été arrêtés, y compris à l’hôpital.

Alors que la marche de dimanche était déjà prévue et que la colère de la population était exacerbée par la brutalité policière et les détentions, Lam a finalement été poussé à un revirement radical, suspendant le projet de loi controversé, apparemment après avoir rencontré de hauts fonctionnaires chinois.

Mais l’apogée n’a fait qu’enflammer la colère du public. De nombreux Hongkongais se sont dits exaspérés par l’air déterminé et confiant de Lam, qui a insisté sur le fait que la loi était fondamentalement saine, qui a défendu la violence policière et n’a reconnu que des erreurs dans la communication.

«Suspendre la loi mais ne pas l’annuler, c’est comme tenir un couteau sur la tête de quelqu’un et lui dire: “Je ne vais pas te tuer maintenant”, mais tu peux le faire n’importe quand», dit Betty, une manifestante de 18 ans qui vient de finir ses études. «Nous nous battons pour notre liberté.»

La police, qui a toujours fourni des estimations beaucoup plus basses pour les manifestations politiques, a déclaré que 338’000 personnes ont été recensées lors du «pic» de la manifestation le dimanche.

Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a déclaré que Donald Trump soulèverait la question des droits de l’homme à Hongkong lors d’une éventuelle rencontre avec le président Xi Jinping au sommet du G20 au Japon ce mois-ci.

Les censeurs chinois ont travaillé dur pour effacer ou bloquer les nouvelles de la dernière série de manifestations – la plus importante à Hongkong depuis la manifestation contre la répression sanglante des militants pro-démocratie sur la place Tiananmen à Pékin et dans ses environs en juin 1989.

Il y a eu peu de couverture de la manifestation dans les médias d’Etat. Les reportages se concentrent sur des accusations d’«ingérence étrangère».

Dans un éditorial, le tabloïd d’Etat Global Times a mis en garde les Etats-Unis contre l’utilisation de Hongkong comme «monnaie d’échange» dans les négociations commerciales. « Les émeutes de Hongkong ne feront que consolider la position dure de Pékin contre Washington», a-t-il commenté. (Article publié dans The Guardian, en date du 17 juin 2019, depuis Hongkong. Traduction A l’Encontre)

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