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Mesures d’accompagnement
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L’USS sous contrôle

Joël Varone

Pour la seconde année consécutive, le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), le patronat et l’Union syndicale suisse (USS) ont tenu leur conférence de presse visant à faire valoir l’efficacité des mesures d’accompagnement.

Si cette année la conférence de presse a eu le soupçon de lucidité de ne pas se tenir le 1er avril, comme l’an dernier, les conclusions tirées n’en confinent pas moins à la farce.

Des contrôles systématiques ?

Alors que l’entrée en vigueur de l’accord de libre circulation (ALCP) a levé l’obligation d’annoncer les salaires des ouvriers venant en Suisse, entendre le secrétaire de l’USS Serge Gaillard affirmer que «pour la première fois en Suisse, on commence à contrôler systématiquement les conditions de travail» [1] peut laisser plus d’un salarié perplexe.

Du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005, seulement 9 620 entreprises ont été contrôlées. En tout 31’000 travailleurs se sont vus contrôlés sur un total d’environ quatre millions de personnes actives, soit un taux de contrôle de 0,75 %: on est loin du systématisme invoqué par le syndicaliste Gaillard… D’autant plus loin que les contrôles se sont surtout menés dans le secteur de la construction (gros’œuvre et second œuvre) qui est l’un des secteurs les mieux couverts syndicalement et que d’autres secteurs, encore plus à risque du fait de la faible implantation syndicale ou de l’absence de CCT ont été peu contrôlés (par exemple l’agriculture). Ainsi le secteur de l’hôtellerie n’a été l’objet que de 1 616 contrôles. Et sur ces 1616 contrôles, 1317 infractions à la Convention collective nationale de travail ont été dénoncées ! Comme par hasard, c’est dans ce secteur que les entreprises de locations de services pour des périodes de moins de nonante jours sont les plus actives.

L’entrée en vigueur de l’accord bilatéral a d’ailleurs accentué la tendance à l’augmentation du nombre de travailleurs venant travailler pour moins de trois mois ou encore celle du nombre d’indépendants (et de faux indépendants !).

Renforcement de la politique des deux cercles

De même, cet accord, en lien avec l’accord de Schengen-Dublin et le durcissement de la politique migratoire compris dans la LEtr et la LAsi, a suscité «un rééquilibrage dans la composition de l’immigration, répondant en cela aux objectifs visés par la politique migratoire de la Confédération et l’ALCP: l’immigration en provenance des Etats de l’UE a augmenté et celle en provenance d’Etats tiers a diminué» [2]. Une politique des deux cercles qui se trouve ici cautionnée par l’USS !

Des «sanctions» à 740 francs !

Mais l’USS n’en est plus à une caution prêt ! Le rapport du Seco, pour qui lit entre les lignes, est un plaidoyer contre l’inefficacité des mesures. Tout d’abord le Seco précise que «si une société de très petite taille applique des salaires inférieurs aux salaires minimaux prévus dans un contrat d’entreprise, il ne faut pas, d’ordinaire, y voir un abus, car la structure de l’entreprise exerce une influence déterminante sur les salaires versés» [3]. En déclarant que verser un salaire inférieur aux salaires minimaux ne constitue pas forcément un abus, les statistiques s’améliorent et le patronat rigole ! Il rigole d’autant plus que les sanctions sont quasi inexistantes: seulement treize entreprises se sont vues interdire temporairement d’exercer en Suisse et sur les 4 431 infractions signalées pour non-respect des salaires, seulement 80 amendes ont été infligées ! Il faut dire que de nombreux cantons (BE, SG, SO, TG, ZH) n’infligent pas d’amende lors du constat de la première infraction. Le canton de Berne n’inflige même tout simplement aucune amende ! Quant aux montants celles-ci, elles incitent à l’infraction: les 92 amendes (pour non-respect des salaires et infraction à l’obligation d’annoncer les travailleurs) ont rapporté seulement 68’000 francs au canton du Valais (un des cantons ayant le plus sanctionné), soit une amende moyenne d’un peu moins de 740 francs… La Sonntagszeitung du 19 septembre 2004 révélait que les amendes ne dépassaient pas alors les 700 francs. Serge Gaillard présentera-t-il ces 40 francs de différence comme la preuve du renforcement des mesures d’accompagnement ? Toujours est-il que devant constater l’absence de sanctions réelles lorsque des abus sont reconnus, Serge Gaillard en vient à estimer que «ce qui est le plus dissuasif, ce ne sont pas les amendes mais l’obligation faite aux entreprises qui ne respectent pas les normes salariales de la branche de rembourser la part du salaire indûment retenue» [4]. Le syndicaliste Gaillard trouvera sans doute là un nouveau point de convergence avec son partenaire social Peter Hasler (de l’Union patronale suisse): lui aussi juge les amendes inutiles…

1. Le Nouvelliste, 21 avril 2006.

2. Rapport du Seco sur les mesures d’accompagnement, 20 avril 2006.

3. Idem.

4. Le Nouvelliste, 21 avril 2006.

 

 
         
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