France

La co-présidence d'attac-France, Jean-Marie Harribey et Aurélie Trouvé

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Quelle stratégie pour Attac *

Jean-Marie Harribey

Jean-Marie Harribey est coprésident, avec Aurélie Trouvé, d’Attac-France. Fin 2006, il a accepté la très lourde tâche d’animer le Conseil d’administration à la suite des nouvelles élections rendues nécessaires par une fraude électorale qui a porté le plus grand préjudice à Attac. Le bureau présidé par Jacques Nikonoff avait été obligé de présenter sa démission en août 2006.

Le texte «Ebauche de contribution au débat sur la stratégie» que nous portons à la connaissance de celles et ceux qui visitent notre site circule sur les listes du Conseil d’administration et du Conseil scientifique d’Attac-France. Il s’agit de la contribution personnelle de Jean-Marie Harribey au débat qu’Attac-France a ouvert dans ses rangs sur les causes et la portée de la victoire de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle en France et ses implications pour les tâches d’Attac-France.

L’intérêt du texte est de proposer une analyse et d’esquisser un agenda de discussion qui intéresse non seulement les alter-mondialistes auxquels Harribey s’adresse en tant que membre d’Attac-France, mais aussi toutes celles et tous ceux qui se réclament de la lutte pour l’émancipation sociale. Harribey caractérise le résultat de l’élection présidentielle française comme une défaite politique de toutes les «stratégies de gauche», donc comme un événement qui clôt toute une période. C’est pourquoi Harribey appelle à une vraie refondation théorique et politique.

On notera l’interprétation qu’il donne a posteriori du Non au Traité constitutionnel européen (TCE) lors du référendum du 29 mai 2005 ainsi que les propositions qu’il fait pour dépasser au plus vite non seulement les limites du «souverainisme» mais aussi du débat franco-français. Harribey souhaite que Attac-France soit un jour en mesure «d’indiquer clairement le choix en faveur de la construction d’une Europe politique». Il propose que soit donné «le coup d’envoi du débat autour de ce choix au sein même de la famille altermondialiste et d’Attac», ce qui pourrait permettre à l’extrême gauche qui a été peu loquace sur la question de se remettre au travail sur le contenu de la perspective de «l’Europe des travailleurs».  

On lira, avec un intérêt encore plus grand peut-être, les réflexions faites par Harribey sur les rapports du mouvement social au politique et les réponses qu’il met d’ores et déjà en discussion sur le problème primordial «comment penser la question du pouvoir». La fin du texte concerne les campagnes qu’Attac-France pourrait lancer parallèlement à des tels débats. Nous publions le texte dans son intégralité. Il ne saurait être question de l’amputer. (réd.)

 

Au soir du 6 mai 2007, qui voit  l’élection d’un Président de la République française le plus lié que nous ayons connu aux intérêts des classes possédantes, toutes les stratégies de gauche sont défaites:

1. stratégie social-démocrate: quasi disparue (à l’échelle européenne aussi);

2. stratégie social-libérale: impuissante en France, même quand elle consent à accompagner la transformation du capitalisme;

3. stratégie anti-libérale: impuissante, même quand elle croit voguer sur un succès récent (TCE);

4. stratégies communiste et d’extrême gauche: quasi disparues.[1]

Les anciens modèles (1 et 4 ci-dessus) se sont désagrégés avec l’émergence du capitalisme néolibéral et l’extinction du socialisme stalinien. Ils sont donc à l’agonie et ne renaîtront pas car ils correspondent à une époque du capitalisme qui est dépassée depuis un quart de siècle.

Les nouveaux modèles (2 et 3 ci-dessus) se présentent comme des modèles sans stratégie véritable, l’un sans stratégie très différente du libéralisme économique, l’autre sans stratégie que l’on puisse entrevoir pour l’instant à l’échelon où ce modèle se situe (alter-monde). Ils sont inconsistants essentiellement parce qu’ils n’ont pas réussi à réunir des forces sociales susceptibles de porter un projet politique cohérent:

  • Le modèle social-libéral n’arrive pas à trouver une base sociale alternative à celle sur laquelle surfe le néolibéralisme car leur base est potentiellement la même: petite bourgeoisie ou classes moyennes supérieures auxquelles la bourgeoisie financière fait miroiter l’enrichissement sans fin grâce aux marchés financiers, via placements et fonds de pension. En France, les tenants de ce modèle sont tiraillés entre le déplacement du discours social vers un discours moral (le «aimez-vous les uns les autres» de Royal) et l’accompagnement «doux» de la restructuration du capitalisme (version Strauss-Kahn et assimilés), mais les deux espèces ont pris leur parti de la «fin de l’histoire» (le capitalisme a gagné).

  • Le modèle anti-libéral et/ou altermondialiste, lui, possède une base disparate et sans lien sociologique: couches condamnées à la disparition ou à la paupérisation (les paysans du monde entier, les exclus du salariat) ou bien couches dont la conscience est focalisée soit sur la consommation (coupée des rapports de production), soit sur l’écologie (souvent coupée du social). Cependant, il y a un élément fédérateur positif: celui de la citoyenneté et de l’exigence démocratique. Mais suffit-il