Tunisie

Foued Mebazaa, désigné président par intérim de la Tunisie le 15 janvier 2011

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Contre la confiscation du pouvoir par un triumvirat

Taoufik Ben Brik

Ben Ali est parti, mais il reste aux Tunisiens à chasser du pouvoir Mohamed Ghannouchi, Foued Mebazaa et Abdallah Kallal, symboles du parti au pouvoir depuis Bourguiba.

C’est une fois et une seule fois que ça se passe dans la vie d’un homme. Et souvent, ça n’arrive pas. On reste sur les quais à attendre la locomotive. Le facteur, bonnes gens, ne sonne pas deux fois.

Il ne nous a pas oubliés. Il n’a pas oublié le peuple tunisien. Il a mis la chance entre ses mains. Il lui a donné la chance de vivre la révolution, ce mot oublié depuis les révolutions latino-américaines. Il a été donné aux Tunisiens de vivre un moment magique, de renverser un tyranneau de seconde division soutenu par les tsars et les kaisers du monde puissant. Avec la chute de Zine el-Abidine Ben Ali s'effondre un autre mythe, celui de l’Occident protecteur de ses contremaîtres et autres tenanciers des pays du Sud.

Qu’est-ce qu’une révolution, si ce n’est la victoire d’un peuple sur son usurpateur ? Une révolution qui campe sur une position non négociable, une révolution qui plaide le collectif contre l’individualisme, pour la loi contre celle du plus fort, l’égalité contre les privilèges, pour le citoyen contre le client. Une révolution qui traque les tièdes, les mous, les hésitants, les parvenus. Une Tunisie qui croit – encore – à la révolution contre l’involution. Elle a sommé Ben Ali de déguerpir: vingt-trois ans, basta !

La première révolution futuriste

C’est la première révolution futuriste menée par un peuple gai mais inconsolable. Des jeunes enfants de la balle, des facebookers qui savent manier la souris de leur PC comme si c’était une manette de console de jeu. Leurs idoles sont les figurines de God of War ou Star Wars. Ce sont des Jedi à la cape brune et au sabre laser, des Obi-wan Kenobi et des Luke Skywalker, ces chevaliers élus qui apportent avec eux l’équilibre de la Force.

Les derniers jours de la révolution ont vu tourbillonner l’information. Chaque fait était englouti par un autre fait comme si c’était un crachat dans un océan d’évènements. La journée du 13 janvier a vu un déferlement d’évènements de mauvais augure pour les uns, porte-bonheur pour les autres: Ben Ali déclare «non à la présidence à vie», limoge son gouvernement, décrète l’état d’urgence, l’armée investit l’aéroport et ferme l’espace aérien. Et plouf… Ben Ali s’en va, décrié, dans la honte, comme un chien la queue entre les jambes. «Un chien reste un chien, mais Ben Ali est moins qu’un chien», extrême insulte bouzidie.

Ombre de l'ombre

Un Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, l’ombre de l’ombre, remonte à la place du moins qu’un chien, et s’autoproclame en direct sur TV7 nouveau président. A ses côtés, deux cartoons, les présidents de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers, Foued Mebazaa, depuis désigné président par intérim par le Conseil constitutionnel et Abdallah Kallal. Deux criminels de guerre, le dernier étant recherché par la justice helvétique pour crime contre l’humanité.

Ce triumvirat est issu du symbole le plus abhorré des Tunisiens: le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti au pouvoir depuis Bourguiba. C’est au napalm qu’il faudrait le raser de la surface de la Tunisie. Ce parti est l'antre de tous les maux: clientélisme, régionalisme, corruption, injustice, usurpation électorale, despotisme local et dictature de proximité.

Ben Ali a foutu le camp: foutez le camp, partisans du RCD ! En laissant le pouvoir à ses compères, ceux-là mêmes qui l’ont accompagné tout le long de son règne sans partage, Ben Ali espère mettre en échec la révolution. Une révolution de palais suffira. Révolutionnaires de mon pays, marchez sur le triumvirat et extirpez le RCD, cette verrue sur le nez.

(15 janvier 2010)

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