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«Retrait du projet anti-retraites !»

Militant *

La prise de position de l'Église catholique contre la politique de Sarkozy à l’encontre des Roms (qui n’est pourtant qu’une sibylline phrase papale) cristallise une défaite politique majeure du Président.

Rions un peu, quand même, quand on voit les aboyeurs de ce qui n’est même plus l’UMP, mais la clique présidentielle réduite à sa plus simple expression – les Hortefeux, Besson, Estrosi, Morano, Lefebvre, et Woerth qui ne dit rien car trop grillé – invoquer soudain le «principe de laïcité» ! Ce principe, ils le bafouent tous les jours en subventionnant grassement les églises, la catholique en tête, et voilà qu’ils nous le ressortent lorsque quelques phrases critiques sur leur politique en émane. Il ne s’agit évidemment pas là de laïcité, mais de liberté d’expression – et c’est elle qu’ils mettent en cause.

La prise de position de l'Église survenant le lendemain d’un exercice de style du sieur Hortefeux contre ces riches milliardaires de gauche qui défendent les Roms – ne voit-on pas que c’est la rhétorique antisémite dont il commence là à reprendre les thèmes ? – est évidemment un camouflet politique de premier ordre pour le président et sa clique, et aussi pour leur gouvernement dont on n’entend plus le premier ministre Fillon. Leur crise au sommet s’accélère: passons sur quelques rats qui quittent le navire (Boutin, et Mme Dati !). Le spectre du «remaniement», la percée de De Villepin, le tangage général de l’appareil UMP l’indiquent: Sarkozy est leur problème.

Sarkozy est leur problème, car il concentre sur lui le mécontentement et parfois la haine des plus larges couches qui en ont assez d’être toujours ceux qui trinquent. Or, les attaques antisociales n’ont jamais été aussi nombreuses. Le capital a besoin d’un président fort pour les faire passer. Ce président, son président, a donc décidé d’aller à la bataille. En choisissant de mettre fin au droit à la retraite à 60 ans et de situer le passage de cette loi au débat parlementaire de septembre, il a délibérément provoqué le monde du travail. C’est qu’il faut passer sur tous les sujets: le projet de loi anti-retraite est le bélier pour nous enfoncer, et détruire, comme en Grèce, en Espagne et au Portugal, l’ensemble des droits sociaux pour «rembourser la dette publique» et payer les Bettencourt !

Mais Sarkozy s’est senti mal début juillet 2010, où le regroupement du monde du travail pour l’affronter en septembre [manifestation du 7 septembre 2010] avait clairement commencé, et où l’affaire Woerth-Bettencourt le touchait directement. Alors il s’est dit: je vais chercher la bagarre, les bagarres sur le terrain, sur la «sécurité», monter en épingle des incidents pour lancer une opération de grand style.

Notre correspondant à Grenoble nous raconte qu’à la Villeneuve [1], contrairement à ce qui a été dit dans les médias, il n’y aurait sans doute pas eu d’incidents ou très peu s’il n’y avait pas eu provocation policière délibérée, véritablement délirante, contre tout un quartier. [suite à la mort de Karim Boudouda, tué le 16 juillet 2010 par police]

La BAC [Brigade ant-criminalité] insolente et arrogante, postée partout autour des immeubles, et les hélicos avec des projecteurs empêchant les gens de dormir ! Les incidents étaient le but recherché, afin de monter le grand discours de Sarkozy contre les «Français d’origine étrangère».

Avec la campagne de démantèlement des camps de Roms, une étape historique est franchie, car on peut retourner les choses en tous sens comme on veut, c’est, à la suite de Berlusconi, un groupe ethnique en tant que tel qui est attaqué par le gouvernement français. Dés lors, tous ceux qui font des comparaisons avec 1940 ont politiquement raison, quelles que soient par ailleurs les différences évidentes, dont la principale est en vérité le rapport de force qui ne permet pas à la clique gouvernementale d’aller aussi loin, et non pas leur «attachement aux principes républicains». Ni à l’ordre public: casser des caravanes pour jeter des mamans et des enfants au bord de la route n’a pas grand-chose à voir avec l’ordre public …

Cette fuite en avant se retourne maintenant en son contraire et conduit à un isolement politique sans précédent de Sarkozy, parce que le capital commence à le trouver contre-productif et à le percevoir non comme la solution que serait pour lui un vrai exécutif fort, mais comme une sérieuse partie du problème. D’où la position de l'Église catholique, qui a attendu un mois et fait suite à cette inquiétude tout au sommet de «l’ordre social».

Et pourtant Sarkozy compte encore s’en tirer en septembre parce qu’il sait que les directions syndicales nationales ne veulent pas d’une vraie grève générale pour en découdre avec lui et imposer le retrait de son projet. Quand on est contre quelque chose, on en demande le retrait: cette loi élémentaire de la logique n’est pourtant pas la leur, puisque le lundi 23 août nous avons un dirigeant CGT qui explique: «On refuse de polariser la mobilisation exclusivement sur la question du retrait du projet de loi: ça ne suffira pas à trouver des solutions aux problèmes des retraites».

Admirons l’absurdité de l’argument: ce dirigeant ne refuse pas de «polariser sur le retrait», il refuse de dire qu’il doit y avoir retrait ! Il se trouve que FO est seule, au niveau national (pas au niveau local ou très nombreux sont les syndicats CGT et autres qui veulent le retrait de ce projet et le disent) à vouloir dire «retrait», mais a affaibli sa position en ne participant pas aux premières mobilisations. L’enjeu pour le 7 septembre c’est d’élargir au maximum la clarté sur cet objectif, condition pour gagner. Et gagner là-dessus serait infliger une grave défaite à Sarkozy, une étape pour le chasser.

On ne va tout de même pas laisser le règlement de cette question au capital, à De Villepin et au pape, non ?

* Article tiré du Bulletin Le Militant – un site pour «La révolution sociale», animé, entre autres, par Vincent Présumey,

1. Quartier le plus au sud de Grenoble, de fait entre Echirolles et Grenoble. Cette «zone d’urbanisation prioritaire» a été construite, dans une grande opération «urbaine», dès 1972 ; un processus de paupérisation et de changement de composition sociale s’est accentué dès le début des années 1980 (Réd.)

(4 septembre 2010)

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