France

Eric Aubin de la CGT, responsable du «dossier retraites»

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Chérèque, la négociation et la CGT

Entretien avec Eric Aubin, de la CGT *

Le mardi 26 otobre 2010, nous publions sur ce site un texte de la direction de la CFDT, qui circulait dans différentes directions de cette fédération. Il annonçait le début possible d’un tournant ouvert de la part de Chérèque.

Le quotidien Le Monde, en date du 26 octobre 2010, indiquait que lors de l’Emission «Mots croisés», sur la chaîne publique France 2, «le leader du syndicat CFDT» affirmait sa volonté d’«ouvrir des négociations sur l'emploi des jeunes et des seniors». Une main tendue qu'a saisie au vol la présidente du Medef, Laurence Parisot.

Et Cérèque d’insister : «On ne peut plus y couper, la responsabilité des entreprises est engagée. Le patronat a voulu cette réforme, sa responsabilité est engagée. Il faut absolument maintenant entrer dans les négociations sur l'emploi des jeunes, l'emploi des seniors, c'est une urgence»,

Des ministres ont applaudi ce «retour à la raison» et à la négociation. Comment la CGT réagit-elle ?

Mediapart a interrogé Eric Aubin, chargé des retraites à la CGT à ce sujet. Il accepte l'idée d'une négociation sur l'emploi, mais formule dans le même temps des nuances.

Etes-vous favorable à la proposition de François Chérèque de négocier avec le Medef sur l'emploi ?

A la CGT, nous avons mis la question de l'emploi au cœur du dossier des retraites depuis le début. Car il y a besoin de nouveaux financements pour assurer la pérennité de celui des retraites.

Et nous avons considéré que 50 % de ce besoin pourrait être rempli si l'on revenait à une situation de plein-emploi. Nous avons donc demandé qu'on puisse, dans le dossier des retraites, discuter d'une nouvelle politique de l'emploi, différente de celle menée depuis des années: exonérer de cotisations sociales les entreprises.

En quoi consisterait cette «nouvelle» politique ?

Nous proposons notamment que la politique de l'emploi soit prise en compte dans la règle de calcul des cotisations sociales, et donc que ces dernières soient modulées en fonction des critères d'emploi et de salaires dans l'entreprise: le taux de discrimination entre les hommes et les femmes, le rapport entre la masse salariale et la valeur ajoutée…

Donc, la CGT se réjouit de la main tendue de la CFDT au Medef ?

Certes, depuis le début, nous posons la question de l'emploi… Mais si la proposition de la CFDT vise à dire «le dossier des retraites, c'est fini et on passe à autre chose», nous ne sommes pas du tout sur ce terrain.

Négocieriez-vous avec le Medef et la CFDT sur l'emploi des seniors et des jeunes ?

Nous n'avons jamais refusé de négocier. C'est notre responsabilité en tant qu'organisation syndicale. Je fais pourtant attention car Laurence Parisot (MEDEF) a notamment parlé d'une «délibération» sociale: c'est essayer d'avoir un constat partagé sur une question.

Une «négociation», en revanche, c'est chercher une solution à un grave problème: le chômage. Or, il n'y a pas besoin de se voir avec le Medef pour savoir que la situation est grave pour les jeunes et les seniors.

N'est-ce pas délicat pour vous d'envoyer deux signaux en même temps: se dire ouvert à la négociation tout en s'affirmant déterminé sur la suite du mouvement social ?

Non. Dans ce pays, on voit bien que pour avoir une négociation, il faut un conflit social. La situation de blocage actuel est liée au manque de dialogue social, notamment de la part de l'Elysée et du gouvernement.

Bernard Thibault reconnaît qu'avec le vote de la loi, attendu mercredi, il faut changer de stratégies de lutte. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement ?

Le conflit s'inscrit dans la durée. On doit en tenir compte. On ne peut pas maintenir les salariés en grève reconductible pendant des semaines. C'est pour cela que certains, notamment dans la chimie, dans les raffineries, ont choisi de reprendre le travail et vont désormais discuter de comment continuer le mouvement sous d'autres formes.

N'est-ce pas simplement une victoire pour Nicolas Sarkozy ?

Si on regarde tous les sondages, on voit que les opposants à la réforme ont fait bouger l'opinion, jusqu'à ce que trois personnes sur quatre disent soutenir le mouvement et que la cote de Sarkozy tombe très bas. Ce n'est pas Sarkozy et le gouvernement qui ont marqué des points mais les syndicats et le mouvement. Même si le résultat n'est pas au bout pour l'instant, cela va dans le bon sens pour la suite des choses et pour le syndicalisme en France.

* Propos recueillis par Alexandre Picard

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