Argentine

Chavez, Cristina Fernandez Kirchner, Néstor Kirchner

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Premières conclusions après la mort de Néstor Kirchner

Guillermo Almeyra *

Le décès de l’ex-président de l’Argentine (de mai 2003 à décembre 2007) suscite une mise en scène politique révélatrice de la «gauche institutionnelle» en Amérique latine. Elle le présente, avec quelques nuances, comme une figure politique de «gauche».

Pour rappel, sa femme, Cristina Fernadez Kirchner lui a succédé à la présidence de l’Argentine en 2008. Le «clan Kirchner» affirma son pouvoir. Les violents affrontements au sein du Parti justicialiste (péroniste) traduisaient et traduisent une phase – parmi d’autres – de la crise du péronisme post-décembre 2001: l’argentinazo.

Après sa présidence du pays, Néstor Kirchner s’empara de la présidence du Parti juticialiste. Il fut aussi élu député de la province de Buenos-Aires, la principale circonscription électorale du pays.

Les analystes sérieux du système politique argentin ne manquent pas de souligner son omniprésence dans les institutions – politiques, Banque centrale et pouvoir judiciaire – lors de sa présidence; puis sous la forme d’un team matrimonial.

En une de El Observador – quotidien de la droite néolibérale de l’Uruguay – du 28 octobre 2010 s’étale sa photo embrassant le drapeau argentin et un titre: «Le pouvoir se trouve sans propriétaire

Une reconnaissance explicite du type de régime à l’œuvre en Argentine. Kirchner a construit sa carrière politique et sa fortune comme gouverneur de Santa-Cruz, autrement dit de la Patagonie. Tout cela n’empêche pas une grande partie de la «gauche institutionnelle» de qualifier Kirchner de démocrate, de «nationaliste et d’anti-impérialiste».

Sa mort crée une situation politique qui va être marquée – une fois la scénographie hypermédiatisée des funérailles terminée – par une lutte au couteau pour la succession entre les clans mafieux du «justicialisme». (Réd.)

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La mort de l'ex-président Néstor Kirchner modifie le panorama politique argentin à une année de la fin du mandat de son épouse et successeure Cristina Fernandez Kirchner, dont le gouvernement se trouve très affaibli. En effet, Kirchner était (tout comme sa femme) précandidat présidentiel pour le Parti Justicialiste.

Tous les sondages indiquaient que si les élections avaient eu lieu maintenant, il aurait eu une avance de 10 points sur le candidat susceptible de recevoir le plus de votes. Il aurait ainsi gagné au premier tour avec plus de 40% des suffrages, soit 10% de plus que le candidat suivant. C'est la raison pour laquelle il aurait presque certainement été le candidat officiel à la présidence, même si, théoriquement, le kirchnerisme disait que ce pouvait être aussi bien le « pingouin ou la pingouine », suggérant que Cristina Fernandez aurait pu se battre pour sa réélection, ce qu'elle fera maintenant, inévitablement, mais dans des conditions très difficiles.

Au cours du gouvernement de Carlos Menem (1989-1999), Kirchner avait été un fidèle gouverneur de Patagonie, partisan de Menem. Il avait soutenu les privatisations (et il en avait profité), en particulier celle de Yacimientos Petroliferons Fiscales (YPF), l'entreprise nationale, car Santa Cruz, sa province d'origine, est riche en pétrole [la Repsol d’Espagne mit la main sur l’essentiel d’YPF]. L'explosion populaire de décembre 2001, pour laquelle il n'était pas préparé, a hissé ce gouverneur de deuxième catégorie à la présidence, avec le 20% des suffrages et comme alternative à Menem.

Ainsi Kirchner est apparu face là un appareil péroniste en crise comme un «homme du sérail» apaisant, alors que la population le voyait comme un homme en rupture avec la droite péroniste et avec son appareil.

En réalité, aussi bien au cours de son gouvernement que pendant celui de Cristina Fernandez Kirchner, les plus hauts fonctionnaires étaient – ou sont – issus de secteurs de ce passé. Kirchner a, y compris, construit des ponts en direction de la droite non péroniste, par exemple avec la funeste élection au poste de vice-président de son épouse, du radical Julio Cobos, qui vote systématiquement contre le gouvernement dont il fait partie.

Contrairement à la carrière politique de son épouse – qui était députée et sénatrice et ne faisait partie que d’une fraction péroniste de deuxième rang – celle de Kirchner lui faisait entretenir des contacts étroits avec les gouverneurs péronistes de droite, véritables seigneurs féodaux, tout comme avec les maires de la province de Buenos Aires, qui, avec leur clientélisme et leurs appareils, contrôlent des millions de suffrages, et avec les bureaucrates syndicaux de la Confédération Générale du Travail (CGT), également de droite, corrompus et très souvent devenus des patrons. Mais ces derniers peuvent également mobiliser des appareils «organisateurs» de clients pour les votations.

Mais les conditions sociales qui ont conduit à l'élection de Kirchner (une protestation de masse qu'il a canalisée et sur laquelle il a chevauché, sans la représenter, mais en s'appuyant sur elle) lui ont également permis d'obtenir le soutien de secteurs progressistes de la classe moyenne non-péronistes – ou du moins pas péronistes de droite – ainsi que de quelques radicaux et socialistes et de beaucoup d'intellectuel. Ils le faisaient soit en ayant des illusions sur ses positions, soit le soutenaient comme étant le moindre mal face à la droite «gorille» (répressive) anti-Kirchner.

Son épouse, la présidente de la République, perd non seulement un stratège et un conseiller essenti