Porto Rico. Dossier. La plus grande mobilisation de l’histoire

Manifestation et Ricardo Rosselló (Capture d’écran)

Depuis plus d’une semaine un mouvement de masse s’est développé à Porto Rico visant à la démission de son gouverneur (démocrate) Ricardo Rosselló. Il s’agit d’un territoire non incorporé aux Etats-Unis dont le statut de colonie voisine donne un relief particulier à cette mobilisation sociale comme politique et a un impact au sein même des Etats-Unis, sans même mentionner la population d’origine de Porto Rico qui vit aux Etats-Unis.

Le 21 juillet 2019, le Wall Street Journal rapportait que Ricardo Rosselló «a déclaré qu’il resterait en fonction mais qu’il ne se représenterait pas aux élections de 2020, car le territoire portoricain se préparait à une nouvelle journée de manifestations contre son administration. Dans un message vidéo diffusé dimanche soir, M. Rosselló a déclaré, aux manifestations de la population: «Je vous ai entendu et je vous entends aujourd’hui». «La priorité devrait être accordée au peuple portoricain» […]. «Tout mon temps devrait donc être destiné à assumer mes responsabilités en tant que gouverneur. J’ai laissé de côté tout intérêt personnel en renonçant à mon désir d’être réélu gouverneur l’année prochaine.»

La réponse des Portoricains a été immédiate. Ce 22 juillet 2019, The Washington Post rapporte: «Les Portoricains ont rempli les rues pour une manifestation massive planifiée, paralysant une grande autoroute de San Juan et se déroulant dans toute l’île afin d’exiger que leur gouverneur parte. La manifestation de ce lundi 22 juillet pourrait représenter la plus grande mobilisation de l’histoire de Porto Rico, une colonie que les Etats-Unis ont acquise pendant la guerre hispano-américaine de 1898. L’île est un territoire autonome depuis 1952, après l’adoption de sa Constitution quelques années après l’élection par les habitants de leur premier gouverneur né dans le pays.

Les masses se sont rassemblées à San Juan tôt lundi, des dizaines de milliers de personnes ont inondé les rues avant le début prévu de la marche à 9 heures, tandis que des photos et des vidéos de la marche ont inondé les médias sociaux.»

Nous publions ci-dessous trois articles qui permettent de comprendre l’enjeu de cette bataille en cours dans cette colonie des Etats-Unis. Nous avons consacré sur ce site en 2016 et 2017 divers articles ayant trait à la crise sociale, puis à l’impact de l’ouragan ainsi qu’à la politique de Trump. (Rédaction A l’Encontre)

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Trois clés pour la comprendre

Par BBC News

Les Portoricains de tous horizons se sont joints au cri de «Ricky, démissionne!» (nom du gouverneur Ricardo Rosselló) après des centaines de messages sur la messagerie cryptée Telegram remplis de commentaires homophobes ou sexistes dans lesquels le gouverneur et son cercle restreint de collaborateurs insultent les critiques de son gouvernement.

L’existence de ces commentaires a été révélée par une étude du Centre pour le journalisme d’investigation (CPI), une ONG dédiée à la promotion de l’accès à l’information à Porto Rico qui a publié 889 pages d’échanges privés.

  1. Scandales de corruption

Les manifestations de cette semaine (du 15 au 19 juillet) sont considérées comme la «paille qui a brisé le dos du chameau» des Portoricains et les cas de corruption qui ont été découverts sur le territoire font partie du mécontentement des citoyens.

La dernière d’entre elles s’est produite quelques semaines seulement avant la publication des messages controversés.

Un juge fédéral a accusé plusieurs anciens fonctionnaires et entrepreneurs du gouvernement Rosselló de conspiration pour commettre des escroqueries, des vols, des fraudes électroniques, du blanchiment d’argent et des machinations pour blanchiment d’argent.

Parmi eux se trouvaient Julia Keleher, secrétaire à l’éducation de janvier 2017 à avril de cette année, et Angela Avila, ancienne directrice de l’Administration de l’assurance-maladie (ASES), qui ont été arrêtées par le FBI la semaine dernière.

Rosselló a alors décidé de mettre fin à ses vacances et de retourner sur l’île et a réitéré que son gouvernement «ne tolérera pas la corruption». «Quiconque ne jouit pas de la confiance doit payer avec toute la rigueur de la loi. Je réitère également l’appel à la collaboration avec les organismes d’application de la loi qui travaillent sur ces affaires», a-t-il dit.

Après la publication des messages controversés du Telegram, le CPI est allé plus loin et a publié une enquête sur le prétendu µréseau de corruption de plusieurs millions de dollars» du gouvernement qui se cache derrière le chat sur Telegram.

«Ces conversations ont eu lieu entre le gouverneur et ses secrétaires de cabinet, et comprenaient également des proches de Rosselló qui n’ont pas de fonction publique, des hommes d’affaires qui ont des intérêts économiques et qui cherchaient des contrats avec le gouvernement», a déclaré Carla Minet, directeur exécutif de l’IPC, à la BBC.

«Ce que le contenu révèle, c’est qu’il y avait une dynamique dans laquelle les personnes proches du gouverneur seulement par des liens affectifs, de. confiance ou même de famille avaient accès à des informations confidentielles ou au moins privilégiées qui leur permettaient d’assurer des bénéfices à leurs clients du secteur privé», ajoute-t-elle.

BBC Mundo a demandé un entretien avec le gouverneur, mais n’a pas reçu de réponse immédiate.

  1. L’ouragan Maria

Près de deux ans se sont écoulés depuis le passage dévastateur de l’ouragan Maria, mais l’île ne s’en remet pas encore et le gouvernement Rosselló a été sévèrement critiqué pour la façon dont il a géré cette crise.

Maria a fait 3000 morts, selon les chiffres officiels, bien qu’une estimation de l’Université Harvard porte le nombre de morts à plus de 4600.

Les autorités ont longtemps soutenu que le nombre de victimes de l’ouragan s’élevait à 64, mais ce chiffre est passé à près de 3000 près d’un an plus tard, alors que d’autres rapports indiquaient que le nombre de morts était beaucoup plus élevé.

En fait, le chiffre estimé par Harvard est ce que de nombreux manifestants ont clamé cette semaine dans le cadre de leur critique du gouvernement: 4645!

Ce nombre, par exemple, apparaît dans la chanson que le rappeur Residente (de son nom René Juan Pérez Joglar), ainsi que Bad Bunny, l’artiste de Trap latino latines et iLa ont créée pour demander la démission de Rosselló.

«Esto va’ que despiertes / Esto va’ que despiertes / Esto va por las 4645 muertes (…) Tus disculpas se chogan con el agua de la lluvia/ En las casas que aún no tienen techo», dit Residente dans cette chanson, qui a déjà accumulé des millions de visites sur YouTube. [Cela va te réveiller/Cela vaut pour les 4645 morts (…)/Tes excuses sont noyées dans l’eau de pluie/Dans les maisons qui n’ont pas encore de toit]

Le Residente, le nom de scène René Pérez et d’autres chanteurs portoricains célèbres – comme Ricky Martin -–se sont joints aux manifestations cette semaine, incitant différents collectifs à descendre dans la rue.

Ricky Martin, en fait, était l’une des personnes insultées [formules homophobes] dans le chat de Telegram.

  1. Crise économique et «le conseil d’administration

A cette situation s’ajoute la grave crise économique que traverse Porto Rico depuis plus d’une décennie et qui a conduit Rosselló à déclarer l’île en faillite en 2017 afin de restructurer une dette de plus de 70 milliards de dollars.

Le gouverneur a pris cette mesure environ un an après la création du Conseil de surveillance financière (CSF) de Porto Rico, un organisme de surveillance fédéral créé en vertu du Promise Act [engagement ferme, légal] et approuvé par le Congrès à Washington.

Aujourd’hui, le conseil est également la cible de certains manifestants, qui demandent à Rosselló et au CSF de partir suite aux coupures budgétaires impopulaires sur l’île, des licenciements et fermetures d’écoles.

L’administration de Rosselló a déjà essayé de faire face au conseil d’administration et a attribué certains des problèmes de l’île à son «statut colonial», parce que Porto Rico n’est ni un pays ni un Etat américain à part entière.

«La réalité est que Porto Rico n’a pas de pouvoir politique (…) Nous sommes des citoyens américains de deuxième classe en raison de notre statut colonial », a déclaré M. Rosselló dans un entretien à la BBC Mundo en mars dernier.

Dans cet entretien Rosselló a répondu aux dernières accusations du président Donald Trump, qui considérait que le gouvernement portoricain «ne sait pas comment gérer l’argent÷.

Cette semaine, Rossello perdait de plus en plus de soutien, y compris au sein de son parti, et Trump lui-même en ajoutait à la critique : «Je connais bien les Portoricains biens et géniaux. Mais la plupart de leurs dirigeants sont corrompus et volent les États-Unis». (Article publié par BBC News, le 19 juilllet 2019 ; traduction A l’Encontre)

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Porto Rico se soulève

Par Fernando Tormos-Aponte

Alors que les Portoricains ordinaires luttaient pour se remettre de l’ouragan María, le gouverneur Ricardo Rosselló conspirait pour cacher l’ampleur de la dévastation et plaisantait sur le meurtre de rivaux politiques dans des échanges sur la messagerie Telegram. Maintenant, ces messages sont tous publics; et le peuple portoricain est prêt pour une alternative.

Une marée montante d’indignation s’est emparée de Porto Rico. Des gens de tous horizons demandent au gouverneur conservateur de Porto Rico, Ricardo Rosselló, de démissionner. Ils ont envahi les médias sociaux et ont inondé les rues pour exprimer leur mépris pour le gouverneur et ses principaux collaborateurs.

Les Portoricains n’ont pas vu ce type de soutien populaire et intersectoriel depuis qu’ils ont demandé le retrait des militaires américains de la municipalité insulaire de Vieques [petite île occupée de 1914 à 2013 par l’armée étatsunienne].Le résultat de ces mobilisations déterminera l’histoire portoricaine pour les générations à venir. Qu’est-ce qui a conduit à ce mouvement d’indignation, et que faisons-nous maintenant?

Les Portoricains ont appris au cours du mois dernier que de nombreux organismes gouvernementaux faisaient l’objet d’enquêtes du FBI, y compris les hauts fonctionnaires de l’administration de Ricardo Rosselló. Lors d’une interview à la radio le 24 juin, le directeur de l’agence de recouvrement des impôts de Porto Rico a protesté contre le fait que l’agence qu’il dirigeait était frappée par la corruption, contrôlée par une «mafia institutionnelle» de bureaucrates gouvernementaux qui acceptaient des paiements en échange de faveurs, telles que l’annulation de dettes et des amendes. La semaine dernière, le FBI a inculpé l’ancienne responsable de l’éducation Julia Keleher et l’ancienne responsable de l’administration de l’assurance maladie Angela Ávila-Marrero. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été la publication d’échanges sur la messagerie cryptée Telegram que le gouverneur Rosselló a conduits conjointement avec un groupe de ses principaux collaborateurs.

A ce jour, 889 pages du chat ont fait l’objet de fuites, mais d’autres sont peut-être en cours de publication. Ils ont révélé le fonctionnement cynique et sans scrupule du cercle restreint du gouverneur. Les injures lancées contre les adversaires et les supporters abondent dans le chat.

Dans ce document, le gouverneur ordonnait aux assistants de multiplier les trolls [messages tendancieux] sur les médias sociaux contre leurs rivaux ou dissidents politiques. Des instructions ont été données afin d’envahir les médias sociaux de trolls à l’occasion de sondages en ligne pour créer la fausse impression qu’une majorité de Portoricains approuvaient les politiques et l’efficacité du gouverneur. Des collaborateurs remplissaient de tribunes les principaux journaux locaux, suscitaient des questions aux journalistes et demandaient des entretiens à volonté.

Ils ont plaisanté sur la mort d’opposants politiques, fait des commentaires homophobes sur la sexualité des célébrités, émis des plaisanteries douteuses sur leurs propres partisans, multiplié des blagues transphobiques. Ils ont qualifié de putes et de prostituées les femmes de leurs opposants et y compris de leurs supporters, ridiculisé les personnes âgées de leur propre parti, exprimé leur désir de tuer leurs rivaux politiques, qualifié les manifestations contre la violence sexiste d’insignifiantes, et compromis la réforme policière imposée par le Département de la Justice des Etats-Unis. Ils ont ridiculisé la campagne anti-intimidation menée par Beatriz Rosselló, première dame de Porto Rico, tout en se livrant des intimidations sur leur messagerie. Les participants à ce «bavardage» multipliaient la stigmatisation de la santé mentale.

Le gouverneur a partagé une photo d’un quartier pauvre qu’il supervisait depuis sa maison de vacances à Cayey avec un hashtag qui se traduit par «nous ne pouvons pas accorder un statut d’Etat à un quartier de ce type». Il s’est vanté d’avoir mis fin à une commission qui avait été créée pour vérifier la dette du gouvernement portoricain, d’avoir transféré le spectacle de Lin-Manuel Miranda – Hamilton – de l’Université de Porto Rico vers un autre théâtre et d’avoir privatisé l’Electric Power Authority de Porto Rico ainsi que les services de ferry pour les municipalités de Vieques et Culebra. La discussion a révélé que les adjoints du gouverneur discuteraient de documents confidentiels avec des lobbyistes et demandaient à la commission de contrôle fiscal imposée par le gouvernement fédéral de modifier les documents qui causaient du tort à son administration avant leur publication.

Peut-être ce qui a le plus irrité les Portoricains, qui sont encore sous le choc de la dévastation causée par l’ouragan María, est le fait d’apprendre que les participants à ces échanges coordonnaient leurs efforts pour supprimer les informations concernant les décès survenus suite à l’ouragan. Ils ont même plaisanté en disant que les morts seraient utilisés pour réprimer la dissidence. Le lendemain de la fuite de ces échanges (chat), un manifestant a déclaré à un journaliste lors d’une manifestation: «Je m’appelle Luis Alejandro Vázquez. Je suis ici à cause de mon père. Ils l’ont trouvé mort trois semaines après María. Quand j’ai lu qu’ils avaient besoin d’un cadavre pour nourrir les vautours, je ne pouvais pas supporter cette douleur.»

Porto Rico est à la croisée des chemins. L’intensité et l’ampleur du tollé public ont peu de précédents. La direction du Nouveau parti progressiste se trouve prise entre le public et son désir de changement. Parmi les excuses que les partisans de Ricardo Rosselló ont mises en avant en faveur du gouverneur: il y a l’erreur que nous commettons tous; la corruption touche aussi les autres partis politiques; le fait que le «chat» était censé être privé; le gouverneur a besoin de temps et d’espace pour réfléchir. Pourtant, le soutien au gouvernement Rosselló diminue au sein de son propre parti, certains lui demandant de démissionner, d’autres de s’abstenir de se représenter et d’abandonner la présidence du parti, et certains lui demandant plus timidement de réfléchir.

Rosselló a atteint un objectif apparemment impossible. Il a réussi à unir une gauche politique en lutte et des non partisans contre lui. Le résultat a été écrasant. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue et sont intervenues dans les médias sociaux pour exprimer leur indignation. Des célébrités bien connues comme Lin-Manuel Miranda, Bad Bunny, Ricky Martin et Ednita Nazario sont allées jusqu’à appeler à une manifestation de rue et à la démission du gouverneur. Les représentants élus fédéraux des deux partis dans les deux chambres, y compris le représentant de l’Arizona Raúl Grijalva et le sénateur de la Floride Rick Scott, ont également demandé une nouvelle direction. Sur le terrain, des personnes issues de communautés marginalisées et riches, de races, de genres, de sexualités, de régions géographiques et d’idéologies différents chantent «Ricky démissionne, et emmène le Conseil de surveillance financière avec toi».

Les manifestants visent une cible beaucoup plus grande que Ricardo Rosselló. Ils sont de plus en plus conscients que les problèmes qui ont conduit à ce soulèvement sont systémiques et que les solutions doivent être élaborées en conséquence. Les manifestants exigent l’adoption de mesures visant à freiner la corruption gouvernementale, à accroître la transparence et l’autonomie des médias, à inclure une perspective féministe dans le programme scolaire de la maternelle à la 12e année, à déclarer l’état d’urgence en réponse à l’essor de violences contre les femmes, à mettre en œuvre la réforme des soins de santé et la réforme électorale, à organiser de nouvelles élections, à interrompre les négociations en cours sur la faillite, à contrôler et annuler la dette portoricaine, à éliminer l’organisme fédéral de surveillance fiscale, le Fiscal Oversight Board, qui relève du pouvoir des Etats-Unis.

Des réseaux de solidarité qui ont émergé à travers le monde à la suite de l’ouragan María ont créé les bases des mobilisations anti-Rosselló. Les organisateurs de l’assistance mutuelle avaient préparé le terrain pour politiser leurs réseaux. Ils l’ont fait en vivant et en s’organisant dans les communautés où ils ont aidé à mettre sur pied des groupes d’entraide, et en développant une résistance croissante aux causes systémiques de leur désespoir.

Des groupes comme le «Colectiva Feminista en Construcción» avaient plaidé, au sein de la gauche, pour aller au-delà de la construction d’une résistance oppositionnelle. Ils ont appelé à l’élaboration d’un programme d’action pour un avenir émancipateur, qui ne deviendra réalité qu’en renforçant les mobilisations populaires par le travail culturel, l’éducation populaire, l’autodéfense et l’action directe. Des groupes comme le Colectiva ont fait leur entrée dans les échanges (chat) du gouverneur, sous la forme de références désobligeantes, parce qu’ils avaient effectivement tenu le gouvernement responsable de sa négligence de la crise de la violence étayée sur le genre. Pourtant, leur lutte ne se limite pas au genre. Elle vise plutôt à mettre en place une pratique anti-systémique qui vise simultanément le néolibéralisme, le colonialisme, le capitalisme, le patriarcat et le racisme.

Ce que les Portoricains ont vu dans les échanges du gouverneur qui ont fuité, c’est comment le pouvoir de classe conspire pour mettre au pouvoir le club des garçons du gouverneur et les intérêts qu’ils défendent, tout en maintenant le reste de la population à leur service. Les mouvements et les organisations qui ont été dénigrés dans le chat ont été ciblés parce qu’ils menaçaient ce système. Il est de notre devoir de soutenir et de renforcer les efforts de ces mouvements, qui résistent aux attaques, à la précarité et à l’épuisement dans leur lutte.

Au lendemain de l’ouragan María, le hashtag #PuertoRicoSeLevanta (Puerto Rico se soulève) est devenu courant. L’administration Rosselló a coopté la phrase et l’a déployée avec une telle fréquence qu’elle a perdu toute signification. Le public n’a pas été en mesure d’observer la moindre indication que Puerto Rico était en train de se relever après la destruction de l’ouragan. Les représentants du gouvernement n’ont cessé de vanter leurs efforts de reconstruction, aidés par des opérations de relations publiques de plusieurs millions de dollars, tandis qu’en privé, ils ont utilisé leurs bavardages pour discuter de la manière de formuler en leur faveur le récit de la «reprise». Après des mois de manipulation de la couverture de l’actualité locale, des sondages, des rapports gouvernementaux et des médias sociaux, le voile qui protégeait l’image de l’administration Rosselló est tombé – et enfin, Porto Rico se lève et se relève. (Article publié sur le site Jacobin; traduction A l’Encontre)

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De hauts responsables politiques américains se joignent au chœur pour demander la démission du gouverneur

Par Oliver Laughland (à San Juan)

[…] Vendredi matin [19 juillet], Julián Castro, l’ancien secrétaire au logement de l’administration Obama, est devenu le premier candidat démocrate aux primaires à demander que Rosselló quitte son poste.

«Je suis avec les Portoricains dans les rues pour exiger sa démission», tweetait Castro. Castro a été rejoint vendredi soir par d’autres personnes, dont la députée Alexandria Ocasio-Cortez, de New York, et le sénateur républicain Rick Scott, de Floride, qui a également demandé au gouverneur de démissionner.

Vendredi, la commissaire résidente de Porto Rico, Jenniffer González, a déclaré à la presse locale qu’elle pensait que le gouverneur devrait se retirer. Jenniffer. González, membre sans droit de vote à la Chambre des représentants des Etats-Unis, élue par les Portoricains, a déclaré que «le manque de crédibilité de M. Rosselló lui a enlevé les conditions pour remplir les fonctions que le peuple portoricain mérite».

Les démocrates américains avaient d’abord hésité à demander la démission du gouverneur étant donné le statut de Porto Rico en tant que territoire non incorporé politiquement aux Etats-Unis. Mais, comme l’administration Trump a cherché à tirer un avantage politique du scandale, d’autres sont entrés dans la mêlée vendredi.

Plus tôt dans la journée, la représentante américaine Nydia Velázquez, présidente du Congressional Hispanic Caucus et première Portoricaine élue au Congrès [dans l’Etat de New York], a ajouté sa requête en faveur de la démission du gouverneur. «J’ai un profond respect pour les institutions démocratiques et pour la souveraineté du peuple de l’île», a déclaré Nydia Velázquez: «Aujourd’hui, je crois que les scandales émanant de l’administration du gouverneur mettent en péril l’aide fédérale future, ce qui signifie que le peuple portoricain, qui n’a rien fait de mal, pourrait payer le prix de la corruption d’une minorité.»

Le bureau du gouverneur a publié un certain nombre de communiqués de presse tout au long de la journée, faisant état d’annonces de politiques et de nominations mineures pour que l’administration tente de donner l’image d’une activité continue.

Mais Rosselló est déjà confronté à d’importantes réactions de la part des hauts dirigeants de son propre parti. Jeudi, l’ancien gouverneur Luis Fortuño, membre du Nouveau parti progressiste [lié au parti démocrate], a publié une lettre ouverte demandant la démission de Rosselló. «Je fais appel au gouverneur», a-t-il écrit. «L’avenir des relations publiques est en jeu et son profil rend impossible de passer à un nouveau chapitre de notre histoire.»

Luis Fortuño a déclaré que la présence de M. Rosselló au pouvoir «rend ce processus plus difficile pour tout le monde. Pour vous, votre famille, notre idéal et nos relations publiques, laissez quelqu’un d’autre finir votre mandat.»

Le même jour, un autre haut responsable du parti, le maire de Bayamón, Ramón Luis Rivera Cruz, a appelé le gouverneur à démissionner afin d’éviter le long processus de destitution actuellement envisagé. «Je n’ai aucun doute qu’au fond de vous, vous voulez faire de votre mieux pour Porto Rico, mais dans ces circonstances, c’est presque impossible», a déclaré Rivera Cruz. «D’un autre côté, s’exposer à un processus de destitution ajouterait encore plus à cette paralysie, à cause du temps nécessaire pour une telle procédure; ce qui créera plus grande angoisse.»

L’administration Trump n’a pas pris de position officielle sur la question, mais jeudi, le président a pris position et a critiqué la maire de San Juan, Carmen Yulín Cruz, qui est une critique virulente de l’attitude du président (Trump) face Maria et sur ses suites. «Beaucoup de mauvaises choses se passent à Porto Rico», a tweeté Trump. «Le gouverneur est assiégé, la maire de San Juan est une personne méprisable et incompétente à laquelle je ne ferais confiance en aucune circonstance, et le Congrès des Etats-Unis a stupidement donné 92 milliards de dollars pour venir en aide aux victimes de l’ouragan, dont une grande partie a été gaspillée et ne sera plus jamais revue.»

L’affirmation du président selon laquelle l’île a reçu 92 milliards de dollars est fausse. Le Congrès a alloué 42,5 milliards de dollars de fonds fédéraux pour les catastrophes à Porto Rico, selon les données, mais l’île avait reçu moins de 14 milliards de dollars en mai. (Article publié dans The Guardian, en date du 20 juillet 2019; traduction A l’Encontre)

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