Le cri «nous avons faim, à bas Préval» retentit à Port-au-Prince

Hillary Clinton et René Préval

Par Daniel Lozano

Nous publions ci-dessous un article d’information, partiel. Cela dans l’attente d’une contribution d’un auteur Haïtien, Franck Seguy. Divers thèmes d’importance – tels que la politique de la Minustah, de celle des Etats-Unis, des relations entre le type de présence militaire en Haïti et autour d’Haïti ainsi que le redéploiement des forces militaires dans la Caraïbe et l’Amérique du Sud, ou encore la «marginalisation» historique d’Haïti, la première République noire issue d’une révolution d’esclaves – seront abordés par la suite. (Réd.)

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Häiti a échappé au contrôle de René Préval [président, élu en février 2006] le jour du tremblement de terre. Un président auquel l’effondrement de l’Etat a de même enlevé toute autorité. Aujourd’hui, 24 jours après le tremblement de terre (le 12 janvier 2010), le dirigeant, qui n’en est pas un, fait face aux protestations qui se multiplient à Port-au-Prince, incapable de maîtriser un cheval qui semble s’être emballé.

Plus de mille personnes, désespérées, affamées réclamaient hier de la nourriture sur la place de Saint Pierre, la place principale de Pétionville. Une marée d’être humains qui se serraient les uns contre les autres sur un espace réduit, se volant l’oxygène, face à la maison municipale.

Jean-Roger Leriche, de 54 ans, parle fort, il n’a rien à perdre car il n’a plus rien. «Le maire nous a trompés. Pour cette raison, nous sommes ici, parce que nous avons faim. Ni Préval, ni le maire nous servent à quelque chose. Ce sont des incapables.»

Les protestations des uns stimulent celles des autres. On s’agglutine autour du journaliste avec tous ses malheurs. La manifestation s’échauffe parce quelqu’un (le journaliste) est à l’écoute. «Le maire séquestre de la nourriture et aujourd’hui il n’est pas venu jusqu’ici. Pendant ce temps, nous continuons à dormir ici (on nous montre un campement de personnes déplacées construit au milieu de la place), sans lumière, sans futur» insiste Leriche, face à des centaines de personnes qui souffrent comme lui. «Hier un camion est venu, avec une citerne d’eau et il a dû repartir car le maire n’était pas présent.»

Critiques aux troupes étatsuniennes

John Peter prend la relève de Jean-Roger Leriche et donne une coloration politique à la protestation: «Aristide [Jean-Bertrand Aristide, prêtre, président en 1991, entre 1994-1996, puis de 2001 à 2004] peut nous aider. Il doit revenir pour nous sauver.». Peter est un membre de Lavalas [du créole: l’averse], le mouvement politique de l’ex-président Aristide, déboulonné par les forces militaires des Etats-Unis en 2004 et actuellement en exil en Afrique du Sud, mais qui veut revenir au pays. Lavalas, très fort dans certains quartiers hyperpaupérisés de Port au Prince – comme Cité Soleil ou Bel Air – s’oppose à la présence des marines des Etats-Unis et de l’ONU en Haïti.

La journée d’hier a été précédée d’autres manifestations. Mardi 2 février 2010 des dizaines de fonctionnaires réclamaient leur salaire qui tardait à leur parvenir. Le président d’Haïti a dû faire face à une manifestation qui le visait et qui avait pour slogan: «A bas Préval ; vive Obama !», cela face à son «quartier général», très proche de l’aéroport.

La principale opposition, la tendance social-démocrate, exigeait le 4 février 2010 que Préval mette de l’ordre et fasse quelque chose, selon les mots de Rony Smarth, un de ses dirigeants.

Mais Préval résiste. Malgré les dimensions apocalyptiques de la tragédie, il compte sur l’aide de la communauté internationale pour récupérer son pouvoir. Hier, on a appri que le Programme alimentaire mondial de l’ONU allait continuer, durant toute l’année, la distribution d’aliments, cela pour une valeur de 800 millions de dollars.

Le temps est l’autre grand allié de Préval. Les élections législatives rendues impossibles – elles devaient se tenir le 28 janvier 2010 – ont été repoussées sine die. Il aurait été fort mal préparé pour y faire face. Les élections partielles de 2009 donnèrent au parti officiel, L’Espoir, une légère avance et de nombreux doutes découlaient à cause de l’important taux d’abstention. Aristide s’opposait frontalement aux élections dont il avait été exclu. Le bloc de l’opposition institutionnelle a pris position pour que Préval termine son mandat avec un gouvernement pluriel. (Traduction A l’Encontre)

* Daniel Lozano a publié cet article dans le quotidien espagnol Publico, le 5 février 2010.

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