Tessin. Les nôtres d’abord… ou d’abord les droits des travailleuses et des travailleurs?

PrimoPar le MPS (Tessin)

A la fin tous sont d’accord, malheureusement, et pour les salarié·e·s de ce canton (Tessin) ce n’est pas une bonne nouvelle. Nous faisons allusion aux différentes forces politiques, d’un côté, celles qui soutiennent l’initiative constitutionnelle « Les nôtres d’abord » (Prima i nostri) de l’UDC [1] – appuyée aussi par la Lega dei ticinesi – et, de l’autre côté, celles qui appuient le contreprojet [2] de la majorité du gouvernement et du parlement (PLR, PPD et PS). Tous d’accord avec quoi ?

• Avec le principe qui est à la base de l’initiative « Les nôtres d’abord » (Prima i nostri), à savoir l’idée que les travailleuses et les travailleurs doivent bénéficier des droits sur la base de leur nationalité ou de leur provenance géographique. Rien de nouveau sous le soleil : le Front national des Le Pen (père et fille) a été l’inspirateur et le diffuseur de ce mot d’ordre depuis des décennies.

Qui veut revoir l’origine et les développements de cette idée doit insérer seulement l’expression « Les Français d’abord » sur Google et il ne trouvera pas seulement la référence à ce texte du père Le Pen, mais toute la description des prouesses de ce monsieur et de sa progéniture. Il n’est donc pas étonnant que ce slogan ait été repris par l’UDC et la Lega Dans le canton du Tessin ; et que ce soit cette logique qui anime toute une série d’organisations de la droite xénophobe aujourd’hui, en commençant par la Lega de Salvini en Italie. Cela n’étonne pas non plus que le PDC et le PLR se situent sur la même ligne : le PLR et le très « chrétien » PDC sont arrivés pratiquement, votation après votation et élection après élection, à s’aligner sur l’UDC de Blocher. Ce n’est pas par hasard qu’on avait parlé d’une alliance possible aux élections.

• Ce qui étonne un peu plus (mais même pas trop), c’est que le PS (avec certaines voix critiques et beaucoup de mal au ventre) s’est aussi aligné sur cette position. Ce choix surprend, en considérant les traditions auxquelles le PS voudrait se référer ; mais ne surprend pas, en pensant que non seulement ce parti avait déjà soutenu des mesures portant un caractère « punitif » vis-à-vis de la catégorie des travailleurs étrangers (avancées par une explication dite d’équité)[3] et surtout parce que c’est le triste résultat pour ceux et celles qui n’ont pas voulu voir ce qui arrivait – le dumping salarial – dans le cadre des accords bilatéraux signés entre la Suisse et l’Union européenne. Ces mêmes personnes qui ont dit OUI aux bilatérales à plusieurs reprises en validant des prétendues « mesures d’accompagnement ». Des mesures futiles qui ont permis plutôt au patronat dans ce pays de bâtir sa propre politique de dumping salarial. Une responsabilité que le PSS partage notamment avec les autres forces du gouvernement (et malheureusement aussi avec les directions syndicales, par exemple d’Unia et du SSP).

• Aujourd’hui, affirmer le principe de la « priorité à la main-d’œuvre suisse » signifie mettre les salarié·e·s dans les mains de ceux qui veulent tout faire pour les diviser afin de bloquer toute initiative et action de défense des droits salariaux et sociaux de tous les salarié·e·s, indépendamment de leur nationalité. Cela signifie véhiculer l’idée que c’est « à cause » d’une catégorie de salariés (une catégorie définie sur une base nationale) que s’est produite la dégradation des conditions salariales et sociales dans notre pays depuis presque deux décennies.

• Ceci signifie également penser qu’en limitant les droits d’une catégorie de salarié·e·s définie sur une base nationale (ou territoriale), on pourra résoudre les problèmes des salarié·e·s qui vivent et travaillent sur ce territoire. Et le droit qu’on veut limiter, c’est le droit au travail. D’ailleurs le terme « nôtres » de l’initiative est fortement ambigu. Il suffit de lire l’initiative avec attention, en particulier la nouvelle lettre b) de l’art. 14 : « (nouveau) sur le marché du travail soit privilégié à parité de qualifications professionnelles qui vit sur le territoire par rapport à qui provient de l’étranger (mise en vigueur du principe de la préférence aux Suisses) ». Si dans la première partie de l’article on laisse entendre que « nôtres » sont tous ceux qui vivent sur le territoire, dans la parenthèse on passe au principe de la préférence aux Suisses. Cela pour dire qu’une fois établi qu’il y a des « nôtres » et des « eux », le pas est très court vers une plus forte et sélective définition et délimitation.

• Pour qui, comme nous, pense en termes de solidarité sociale et de classe, ne peuvent exister ni des « nôtres » ni des « eux » entre lesquels diviser les salarié·e·s sur la base de critères de race, nationalité ou territorialité (parce que c’est de salarié·e·s que nous parlons) ; pour nous les termes « nôtres » et les « eux » ne peuvent être utilisés qu’en termes d’intérêts matériels et sociaux opposés, intérêts de classe. Ainsi, pour nous, « les nôtres d’abord » signifie seulement que la lutte doit être menée d’abord en faveur des intérêts des salarié·e·s, les intérêts économiques, sociaux et culturels de leur classe sociale. Des salarié·e·s qui sont tous dans le même bateau et le leur est une embarcation bien différente des yachts du patronat.

• Pour nous, la seule politique à gauche ne peut donc qu’être celle d’une défense, sans hésitation, des droits des salarié·e·s, indépendamment de leurs races, nationalités ou territorialités. Alors, notre esprit ne peut qu’aller aux mesures pour combattre le dumping salarial et social qui ont été proposées tant au niveau national qu’au niveau cantonal de nombreuses fois. Des mesures qui ont été systématiquement refusées par ces mêmes forces politiques qui se positionnent aujourd’hui en défense du principe de la priorité aux travailleurs indigènes, en partageant quand même les objectifs de l’initiative de l’UDC. Cela s’explique par la simple raison que pour eux et pour le patronat (dont ces partis sont l’expression politique ; il suffit de voir qui les dirigent…), le dumping salarial n’est pas le problème, mais la solution du problème de la relance de la compétitivité économique du canton du Tessin. Parallèlement à la discussion de cette initiative, on débattra aussi dans la même session parlementaire de notre initiative populaire « Basta avec le dumping salarial au Tessin »[4]. A ce propos, il est très significatif que tous les partis politiques se soient engagés pour combattre notre initiative en l’opposant à un contreprojet vide, que tout le monde soutient, dont le seul objectif est de faire échouer notre initiative en votation populaire. Tout sauf lutter contre le dumping salarial ! (Article traduit par A l’Encontre)

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[1] L’initiative « Les nôtres d’abord» a été déposée à la Chancellerie de l’État le 23 juin 2014. 10’991 signatures ont été validées alors que 7000 étaient suffisantes. Cette initiative cantonale a été lancée par l’UDC à la suite du OUI (50.3%) à l’initiative fédérale «Stopper l’immigration massive » du 9 février 2014» qui a obtenu un score de 68.2% d’adhésion de la part des votants dans le canton du Tessin.

[2] L’initiative de l’UDC fait directement référence à l’art. 121a (gestion de l’immigration) de la Constitution fédérale voté à la suite du 9 février 2014. Par contre, le contreprojet du Conseil d’État propose sa « solution » en référence à la future loi d’application du nouvel article constitutionnel de l’initiative fédérale du 9 février.

[3] L’allusion est à la révision de l’accord entre la Suisse et l’Italie en matière de taxation des frontaliers voulue par le Conseil d’État et acceptée aussi par le PS. Cette révision demandait d’augmenter la partie des recettes fiscales obtenue par la Suisse.

[4] Cette initiative a été déposée le 13 décembre 2011 munie de quelques 7570 signatures. Elle demande notamment :

– l’obligation à tous les employeurs ayant siège ou domicile dans le canton du Tessin de fournir les données essentielles quant aux contrats de travail à l’autorité compétente;
– l’utilisation de ces données par l’autorité compétente afin de créer une vraie statistique des salaires;
– prévoir 1 inspecteur du travail pour chaque 5’000 personnes actives.

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