«Payer peut nuire à la santé»: NON le 17 juin aux réseaux de soins intégrés!

Par Benoit Blanc

La loi sur les réseaux de soins intégrés a notamment pour effet d’accroître la part des dépenses de santé directement à la charge des assurés n’adhérant pas aux réseaux de soins: leur quote-part passera de 10% à 15% des frais, avec un plafond porté de 700 à 1000 francs par an. Ce changement renforcera deux tendances régressives du système d’assurance maladie en Suisse: le fait, premièrement,  que les dépenses de santé directement à charge des ménages sont très lourdes et, deuxièmement, le fait que cette charge est socialement distribuée de manière régressive: elle est beaucoup plus pesante pour les personnes avec des bas ou des moyens revenus que pour celles avec des très hauts revenus. Mais un tel dispositif, générateur d’inégalités sociales, a-t-il aussi un effet sur la santé de la population? Une récente étude parue en France éclaire la question.

L’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) a publié en avril 2012 une étude intitulée «Payer peut nuire à votre santé: une étude de l’impact du renoncement financier aux soins sur l’état de santé» (Document de travail N° 47). Elle étudie deux questions: l’ampleur et la distribution du renoncement à des soins pour des raisons financières, d’une part, l’impact de ce renoncement sur la santé, d’autre part. Les données sont celles relevées en France par l’Enquête santé et protection sociale (ESPS), au cours des années 2000.

En France, 15,9% des personnes interrogées déclarent avoir renoncé à certains soins pour des raisons financières, au cours des douze derniers mois. Sans surprise, les soins dentaires (9,9%), l’optique (4,3%) et les visites chez un généraliste ou un spécialiste (3,5%) sont les plus fréquemment cités. Le renoncement aux soins pour des raisons financières se caractérise par un fort gradient social: 4,7% des personnes ne déclarant aucune dimension de précarité ont renoncé à des soins pour des raisons financières, contre  40% parmi celles déclarant au moins six dimensions de précarité. De même, plus la qualité de la couverture complémentaire privée est bonne et prend en charge de manière complète les soins non couverts par la sécurité sociale, moins il y a de renoncement aux soins. Le type de couverture par une assurance privée dépend bien entendu, lui aussi, de la situation sociale et financière des personnes concernées.

L’enquête ESPS réinterroge les mêmes personnes à un intervalle de quatre ans. Elle permet donc d’étudier la question de savoir si le fait de renoncer à des soins pour des raisons de santé est associé à un risque accru de voir sa santé se dégrader. La réponse est positive: 42,3% des personnes ayant déclaré avoir renoncé à des soins pour raison de santé ont vu leur état de santé se dégrader durant la période, contre 37,8% de celles qui n’ont pas renoncé à des soins. L’écart est statistiquement significatif. Cette différence se maintient lorsque l’on tient compte des autres facteurs susceptibles d’expliquer une détérioration plus rapide de l’état de santé, comme l’âge, l’état de santé au début de l’enquête, la situation sociale ou le type d’occupation.

L’intérêt de cette étude est de montrer que le renoncement à des soins pour des raisons financières correspond clairement à une sous-consommation de soins, qui a un impact négatif sur la santé. La quote-part dans la LAMal, comme le ticket modérateur français, est censée correspondre à un «mécanisme de régulation de la demande par partage des coûts entre assureur et patient», dont l’effet devrait être de réduire la consommation «superflue» de soins, sans risque pour  la population. Or, pour les auteurs de l’étude de l’IRDES, celle-ci a «démontré que ce mécanisme est médicalement aveugle, c’est-à-dire que la contrainte financière qu’il engendre s’applique à tous les biens médicaux, essentiels ou non» (p. 16). Il n’est par contre pas aveugle socialement: les plus fragiles sont ciblés.

Ces résultats renforcent les motifs de voter NON le 17 juin à la loi sur les soins intégrés, qui accroîtra la charge des assurés. Ils confirment aussi que le système actuel d’assurance maladie, avec un quart des dépenses de santé financé directement par les assurés, combine injustice sociale et effets négatifs sur la santé pour des couches entières de la population, ayant des difficultés à faire face à des charges financières toujours plus lourdes. Un changement de système – combinant caisse unique, cotisations proportionnelles au revenu et très large prise en charge des soins par l’assurance, sans participation financière de l’assuré – correspond à une exigence sociale de base.

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