L’«Aube Dorée» dans l’ombre portée du gouvernement Samaras

launeFlyerGrece2Une majorité de la population de Grèce est condamnée à la misère. La Troïka (Banque centrale européenne, FMI, Commission européenne), en jonction avec le gouvernement de coalition de droite d’Antonis Samaras (Nouvelle Démocratie), impose une austérité brutale. Au nom de quoi? «Payer la dette extérieure». Autrement dit: réduire au maximum les pertes des banques qui ont encaissé des sommes importantes en prêtant aux divers gouvernements grecs, avant la crise de 2008. Et cela alors que l’imposante Eglise orthodoxe et la minorité des Grecs fortunés ne payaient quasiment pas d’impôts et plaçaient leurs capitaux dans les banques suisses et autres paradis fiscaux. Tous les économistes un peu sérieux savent que ces dettes publiques ne pourront finalement pas être remboursées. Cette «cure d’austérité» permet aux classes dominantes d’Europe de tester une politique de démantèlement social, sans devoir affronter une explosion sociale et politique massive. Voilà la raison pour laquelle des «experts» parlent du «laboratoire grec».

En novembre 2008, la Grèce comptait officiellement 383’861 chômeurs et chômeuses. En novembre 2012 (dernier chiffre officiel), 1’350’181! Le taux de chômage a donc passé de 7,8% à 27% en quatre ans. Le chômage frappe 61,7% (en novembre 2011: 50,1%) des jeunes de moins de 25 ans et 36,2% (28,9%) des jeunes entre 25 et 34 ans. Et il ne cesse de croître.

Quand un jeune trouve un emploi, à temps plein, il se voit proposer un salaire mensuel de 480 à 500 euros (entre 590 et 615 CHF). Les rentes pour les personnes âgées sont souvent inférieures à 400 euros. Le prix du fioul domestique a tellement augmenté qu’une partie de la population urbaine ne peut se chauffer qu’au bois durant cet hiver. Pour des fractions de la jeunesse, l’avenir se présente comme une impasse. Et l’émigration, avec l’arrachement que cela suppose, apparaît pour certains comme la voie de sortie. Toutefois, une majorité d’entre eux s’engagent pour défendre leurs droits sociaux, leurs écoles, leurs universités, un emploi décent, etc.

Pour s’imposer, une offensive sociale aussi brutale doit s’accompagner d’une politique autoritaire. Lorsque les employés du métro se mettent en grève, en janvier 2013, ils sont réquisitionnés. Autrement dit, ils doivent retourner au travail sans quoi ils sont licenciés. Le ministre de l’Ordre public et de la protection des citoyens (sic), Nikos Dendias, multiplie les campagnes sécuritaires. Il accuse systématiquement les composantes de la gauche radicale d’être les «instigateurs moraux de toute action violente», quels qu’en soient les responsables effectifs. Le but: criminaliser toute opposition à la politique gouvernementale, aux privatisations, aux destructions écologiques (les dégâts des mines d’or de la région de Chalcidique). Dès juillet 2012, Dendias avait lancé une vaste campagne  de contrôle et répression des immigré·e·s, appelée cyniquement Xenios Zeus. Une appellation qui peut être interprétée comme «le dieu protecteur des étrangers»!

C’est sur ce terrain social miné et dans ce climat de «loi et ordre» que l’organisation néonazie Aube Dorée (Chryssi Avghi) va accroître ses actions brutales contre les immigré·e·s et contre des militant·e·s syndicalistes et de la gauche. Ce parti a obtenu une percée électorale en mai et juin 2012. Il se revendique des thèses de théoriciens nazis: de Hitler à A. Rosenberg en passant par R. Freisler. Il se situe dans la continuité de la dictature d’Ioannis Metaxas entre 1936 et 1941, et de figures de la Junte militaire de 1967 à 1974. Il cultive un nationalisme exacerbé avec son corollaire, la construction d’un récit national, au centre duquel se trouve «l’homme grec blanc réellement aryen». Aube Dorée cultive des «fêtes nationales» à tonalité mythologique. Il double cette idéologie de proclamations contre l’austérité, tout en cultivant de bonnes relations avec des armateurs et des secteurs de l’Eglise.

Les immigré·e·s constituent sa première cible. Aube Dorée se propose comme un substitut à une autorité gouvernementale «qui ne fait pas bien son travail». Ainsi, l’opération Xenios Zeus a été attaquée comme insuffisante. Pour occuper l’espace public, physiquement, ils pourchassent les vendeurs ambulants immigrés et contrôlent les cartes d’identité sur des marchés. Début février, à Tripoli, ils sont entrés de nuit dans l’hôpital Panarkadiko. Leur but: contrôler la nationalité des infirmières engagées par des familles pour surveiller un des leurs gravement atteint. Ces «apoklistki» – infirmières attachées à un malade – viennent souvent des pays voisins. Elles sont payées plus que des infirmières grecques. Aube Dorée joue la carte de «la concurrence» entre infirmières grecques et ces gardes-malades immigrées. Or, cette situation est le strict produit de la contraction budgétaire et du déclin du système hospitalier.

Les violences contre les immigré·e·s, y compris leur assassinat, ne sont pas exceptionnelles. L’Agence des Nations unies pour les réfugiés l’a reconnu. Ces attaques contre les immigré·e·s sont facilitées grâce aux complicités étroites avec la police, dont les pratiques racistes sont reconnues par la presse grecque. Et les procès contre les dirigeants et militants d’Aube Dorée sont chaque fois repoussés.

Il est urgent en Europe de comprendre le comment de l’émergence et du renforcement d’une force politique comme Aube Dorée. Il est tout aussi important de prendre connaissance de la façon dont des mouvements antiracistes et antifascistes grecs défendent les droits démocratiques et sociaux de tous ceux et celles vivant en Grèce, construisent des digues contre cette vague nauséabonde et proposent des voies alternatives aux plans d’austérité destructeurs d’une société.

Voir sur ce site les articles dans la rubrique «Grèce»: alencontre.org/category/europe/grece, entre autres «Chryssi Avghi: No pasaran? Entretien avec Dimitris Psarras» et «La Grèce: un équilibre précaire et gros de dangers»

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