La Suisse protège-t-elle ses syndicalistes?

Conférence de l'OIT à Oslo, avril 2013
Conférence de l’OIT à Oslo, avril 2013

Publié sur le site Metis, correspondances européennes du travail

«La Suisse est pour ainsi dire seule, parmi les pays industrialisés à économie de marché et à système politique pluraliste, à n’offrir aucune protection efficace aux représentants syndicaux victimes de licenciements anti-syndicaux.» Voilà l’introduction faite par le site Metis, correspondances européennes du travail, qui centre ses analyses sur les thèmes suivants: conflits et dialogue social, conditions de travail, économie et emploi, droit et protection sociale, Europe et globalisation. Parmi le «Comité d’orientation et de rédaction» on trouve notamment: Xavier Baron, consultant, professeur à l’université de Versailles, Jean-Marie Bergère, ancien directeur général d’ASTREES, Jean-Yves Boulin, sociologue CNRS, Odile Chagny, économiste, centre d’études du groupe Alpha, Laurent Duclos, sociologue, chercheur à l’IDHE, Laurène Fauconnier, expert management, social, Cécile Jolly, chargée de mission Centre d’Analyse Stratégique, Danielle Kaisergruber, expert européen emploi-formation, Martin Richer, consultant en Responsabilité sociale des entreprises, Christophe Teissier, chargé d’études et de projet ASTREES, Claude-Emmanuel Triomphe, délégué général d’ASTREES, Henri Vacquin, sociologue, consultant.

Cette lettre ouverte a été publiée sur le site Metis en date du 22 avril 2013. Nous la publions sur le site alencontre.org, car elle mérite le plus large soutien de la part de juristes, de syndicalistes, de personnes qui ont saisi l’importance d’une défense des droits syndicaux dans le contexte d’une dite libre circulation, au sein d’une zone européenne plombée par un chômage de masse. (Rédaction A l’Encontre)

*****

Lettre ouverte aux autorités fédérales suisses

La Suisse, pour ainsi dire seule parmi les pays industrialisés à économie de marché et à système politique pluraliste, n’offre aucune protection efficace aux représentants syndicaux victimes de licenciements anti-syndicaux. En novembre 2006 déjà, le Comité de la liberté syndicale, dans le cadre aujourd’hui irremplaçable de l’Organisation internationale du travail (OIT), priait le gouvernement suisse «de prendre des mesures pour prévoir le même type de protection pour les représentants syndicaux victimes de licenciements anti-syndicaux que pour ceux victimes de licenciements violant le principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes, y compris la possibilité de réintégration, eu égard aux principes fondamentaux mentionnés plus haut et conformément aux Conventions n° 87 et 98 ratifiées par la Suisse.»

L’Union syndicale suisse (USS) avait déposé en mai 2003 une plainte devant le Comité de la liberté syndicale. Elle a dû constater, en 2009, des nouveaux cas de licenciements anti-syndicaux, dont ont été victimes plusieurs représentants élus des travailleuses et des travailleurs.

A cela s’ajoute le fait que la jurisprudence plus récente du Tribunal fédéral suisse semble ne plus considérer comme abusif le licenciement d’un représentant élu des travailleurs, lorsqu’il est prononcé dans le cadre d’une restructuration économique.

Ainsi, la protection dérisoire offerte aux représentants syndicaux – qui ne peuvent pas bénéficier d’une réintégration, mais seulement d’une indemnité s’élevant au maximum à six mois de salaire, le plus souvent à trois mois de salaire environ – se trouve encore affaiblie.

A ce jour, la législation suisse n’a pas été modifiée.

Les soussigné(e)s demandent par conséquent aux autorités fédérales de mettre un terme à cette violation du droit international et d’offrir enfin aux représentants syndicaux une protection conforme aux Conventions 87 et 98 de l’OIT.

Il est rappelé que la Convention 98 de l’OIT fait partie des Principes et droits fondamentaux au travail qui comprennent, outre la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective, l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants ainsi que l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.

La Suisse, si prompte à invoquer le droit international dans les litiges de nature commerciale ou fiscale, se doit particulièrement de le respecter lorsqu’il en va des droits et de la dignité de millions de salarié(e)s.

La liberté pour un(e) représentant(e) élu(e) des travailleurs d’exprimer son opinion sans crainte de perdre sa place de travail fait partie des libertés élémentaires.

Premiers signataires :

Suisse :
Peter BODENMANN, juriste
Marina CAROBBIO, conseillère nationale
Werner CAROBBIO, ancien conseiller national
Nils de DARDEL, avocat, ancien conseiller national, ancien Constituant genevois
Jo LANG, ancien conseiller national
Romolo MOLO, avocat, dr. en droit
Luc RECORDON, avocat, conseiller aux Etats
Rainer WEIBEL, avocat

Allemagne :
Thomas BLANKE, Professeur émérite, Université d’Oldenbourg
Wolfgang DAÜBLER, Professeur à l’Université de Brême
Helmut BORN, président de conseil d’entreprise, Ver.di Düsseldorf,
Mustafa EFE, délégué au conseil d’entreprise de Daimler Berlin
Jochen GESTER, Arbeitskreis Internationalismus IG-Metall-Berlin
Hans KOEBRICH, Arbeitskreis Internationalismus IG-Metall-Berlin
Ingo RADEMACHER, délégué à un conseil d’entreprise
Nico ROTH, délégué à un conseil d’entreprise
Ulf WITTKOWSKI, délégué à un conseil d’entreprise

France:
Pierre CONCIALDI, chercheur à l’IRES (Institut de Recherches Economiques et Sociales)
Michel HUSSON, économiste à l’IRES
Antoine LYON-CAEN, Professeur à l’Université Paris-Ouest Nanterre La Défense, directeur de la Revue de droit du travail
Antoine MATH, chercheur à l’IRES
Jean-Marie PERNOT, politologue, IRES
Udo REHFELDT, chercheur à l’IRES
Cyril WOLMARK, Professeur de droit, Lyon

http://www.metiseurope.eu/la-suisse-prot-ge-t-elle-ses-syndicalistes_fr_70_art_29631.html

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*