Le Ghetto de Varsovie: le soulèvement a commencé le 19 avril 1943

Photo prise en avril 1943, quelques jours après le soulèvement

Par le Réseau des Juifs anti-sionistes en Espagne

Le ghetto de Varsovie a été installé par les troupes nazies qui ont occupé la Pologne en octobre 1940. Au cours des trois ans de son existence, on estime que sur les 400’000 personnes qui y ont habité seules 50’000 ont survécu aux déportations dans des camps d’extermination, aux assassinats et aux exécutions. C’est pourtant dans cette parcelle de Varsovie, dans ce territoire tourmenté, traqué et agressé, que s’est produite l’une des premières révoltes massives contre l’occupation nazie: le soulèvement a commencé le 19 avril 1943.

La Pologne faisait partie des différents pays et territoires qui étaient livrés aux horreurs de la guerre. Le Parti socialiste polonais [PPS – créé à Paris en 1892 et qui était une force importante, y compris durant la période de 1944 à 1948, date à laquelle s’opérera une «fusion» pour donner naissance au POUP] protestait énergiquement contre les persécutions. Des résistants polonais ont apporté leur aide aux assiégés, aussi bien en pénétrant dans le ghetto qu’en leur fournissant des médicaments et des armes. On a créé le Comité d’Aide aux juifs qui coordonnait plusieurs organisations, dont le Comité de justice du gouvernement civil clandestin polonais. Ce comité a émis plusieurs décrets et condamnations à mort à l’égard de ceux qui dénonçaient ou livraient des juifs aux troupes nazies.

La population polonaise subissait elle aussi des dangers et la répression qu’exerçait l’armée d’occupation. L’élimination de ceux qui collaboraient avec les nazis se faisait au moyen de tracts et de panneaux sur lesquels figuraient, à côté du nom de l’accusé, les motifs de la condamnation.

Les gouverneurs allemands en Pologne ont transféré dans le quartier juif de Varsovie les juifs d’autres districts et populations environnants. Initialement le périmètre du ghetto a été clôturé avec du fil de fer barbelé, plus tard avec un mur de 3 mètres de haut et 18 km de long.

Le ghetto faisait partie du carcan de terreur et de destruction de la politique nazie. Mais d’après la documentation qui a été récupérée, les témoignages des survivants et les informations diffusées à l’extérieur du ghetto, les premières mesures de séquestration ont également suscité les premiers pas sur la voie de la résistance.

En restant fidèles à la devise «vivre avec dignité et mourir avec dignité» et à l’aide d’une organisation sociale serrée, les habitants du ghetto ont cherché à répondre aux multiples besoins qui se faisaient sentir. C’est ainsi qu’ils ont mis sur pied une bibliothèque centrale, des dispensaires médicaux, un collège clandestin, un cercle dramatique, organisé des récitals de poésie, des concerts, des pièces de théâtre et des expositions d’art.

La vie culturelle incluait des journaux clandestins édités en polonais, en hébreu et en yiddish. Il y avait également des cérémonies religieuses, aussi bien dans des lieux ouverts que chez des rabbins. Une église a même été bâtie pour les juifs convertis au catholicisme; on distribuait des nouvelles du front, il y avait un récepteur radio; malgré tous les obstacles on célébrait des fêtes ouvrières; les comités d’immeubles logeaient les arrivants selon le degré d’urgence, mais ils construisaient également des refuges et planifiaient les achats d’armes. On construisait des tunnels souterrains secrets, on posait des mines, etc.

Il faut noter le remarquable travail d’archivage de la documentation de ceux qui ont vécu dans le ghetto – on y trouve nombre d’essais, de travaux scolaires, des collections d’art, des recettes, des billets de théâtre, des journaux clandestins, des cartes, des journaux personnels, etc. Cette documentation a été cachée dans trois endroits différents et on a pu récupérer celle de deux d’entre eux. [1]

Dans toutes et dans chacune des activités on essayait de sauvegarder la vie face à la faim, les maladies ou les attaques nazies.

En décembre 1942 on est parvenu à un accord entre les diverses associations du ghetto. [Au lendemain des grandes rafles de juillet à septembre 1942, le 20 octobre fut créée l’Organisation juives de combat (ZOB en polonais), avec la participation de diverses tendances sionistes, des bundistes [2] et des communistes. De leur côté, les sionistes de la «droite révisionniste» s’étaient regroupés dans Alliance militaire juive (AMJ); elle manifestait une forte méfiance face à l’OJC considérée comme un repaire de communistes, plus ou moins déclarés – source Minczeles, voir note 1.]

La difficulté à obtenir des armes a donné lieu à des actes d’un héroïsme incroyable. Des batailles inégales étaient menées corps à corps, avec des bombes de fabrication artisanale, une lutte de guérilla, de la résistance dans les égouts.

Il a fallu trois semaines de lutte titanesque pour vaincre la résistance. Toutes les maisons ont été incendiées et pour signaler la fin de l’existence du ghetto de Varsovie, les nazis ont dynamité la synagogue Tlomacki. Selon les renseignements du dirigeant nazi Stroop, 56’065 juifs ont été capturés et 631 bunkers ont été détruits au cours des affrontements; entre 5’000 et 6’000 juifs sont morts au combat, 7’000 ont été fusillés et 7’000 ont été déportés dans des camps d’extermination après le soulèvement.

Des estimations ultérieures ont indiqué que 300 soldats allemands étaient également morts.

Jusqu’ici il s’agit d’un récit de mémoire rendu possible par les voix qui ont traversé non seulement les murs du ghetto, mais fondamentalement aussi l’oubli et la manipulation.

Et maintenant l’indignation suscitée par cette barbarie nazie perdure car, en utilisant les mêmes tactiques de ségrégation, d’isolement et de clôture, on est en train d’ériger un nouveau mur de la honte pour isoler la Cisjordanie et Gaza, entraînant des dommages inouïs pour les Palestiniens. En utilisant l’arme perverse de l’apartheid, en obligeant les Palestiniens à vivre dans une prison territoriale, le sionisme nie des droits historiques d’un peuple, qui tout comme le faisaient jadis les résistants de Varsovie, affronte un combat inégal avec des souffrances et des espoirs similaires.

Le journal du BUND avait dans son en-tête la consigne «pour notre liberté et pour la vôtre», et nous avons l’absolue conviction que cette consigne contenait et contient encore toute la résistance contre l’injustice et l’opprobre.

A cause de tout ce qui précède, nous voulons également, en tant que membres de l’IJAN – Réseau International juif anti-sioniste – rendre avec ces lignes un hommage, sans exclusive, à tous les inoubliables combattants du ghetto de Varsovie et en particulier à tous ceux qui ont été omis par l’histoire construite par le sionisme.

Et parce que cette histoire n’aura pas une fin digne tant que durera le plan d’expulsion de l’Etat d’Israël contre le peuple palestinien, nous terminerons provisoirement ce texte avec une phrase de Marek Edelman, un des leaders de l’insurrection et l’un des survivants du ghetto de Varsovie (décédé à Varsovie en octobre 2009) [lire sur ce site «Hommage à Marek Edelman»], qui déclarait: «C’est en Israël que notre mémoire court le risque de se perdre.» (Article publié en espagnol, le 18 avril 2012 – Traduction A l’Encontre)

____

[1] Voir à ce propos les ouvrages suivants : Henri Minczeles, Une histoire des Juifs de Pologne, La Découverte, 2006; Yitsak Zuckerman, A Surplus of Memory. Chronicle of the Warsaw Ghetto Uprising, University of California Press, 1993; Marek Edelman et Hanna Krall (Préface de Pierre Vidal-Naquet), Mémoires du Ghetto de Varsovie, Edition du Scribe, 1983; Hillel Seidman, Du fond de l’abîme, Journal du ghetto de Varsovie, coll. Terre Humaine, Plon, 1998; Chroniques du Désastre, Témoignages sur la Shoah dans les ghettos polonais, Textes présentés et traduits du yiddish par Nathan Weinstock, Ed. Metropolis, 1999. (Réd.)

[2] Parti ouvrier juif, créé à Vilna, en octobre 1897. Il prit le nom d’Union générale des ouvriers juifs de Russie et de Pologne; le terme Lituanie fut ajouté en 1901. En abrégé cela donnera le Bund. (Réd.)

Pour consultation: http://www.judiosantisionistas.org et http://acjp.cat

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*