Irak. Barrage de Mossoul, un terrible danger

barrage_mossoulPar Oriane Verdier

L’ambassade américaine recommande depuis une semaine aux habitants qui vivent à proximité du barrage de Mossoul en Irak d’évacuer les lieux situés dans une zone contrôlée en partie par l’Etat islamique. Cet édifice construit sur le Tigre menace en effet de se rompre. Le printemps fait en ce moment son apparition dans le pays et avec lui la fonte des neiges qui augmente le niveau de l’eau du fleuve. Le barrage est construit sur un sol poreux et l’un des mécanismes qui sert de trop-plein est cassé. Si le gouvernement de Bagdad a signé un contrat avec des scientifiques italiens, pour l’heure des équipes d’ouvriers s’activent sur place sous la protection des peshmergas pour tenter d’éviter la catastrophe. C’est un reportage d’Oriane Verdier pour «Le choix de la rédaction» de France culture, ce mardi 8 mars 2016.

Pour rappel, nous avons mis en ligne un article portant sur les dangers issus du barrage de Mossoul, le 3 mars 2016, sur ce site: «Le barrage de Mossoul est face à un risque grave et sans précédent de défaillance catastrophique»

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Dans la plaine de Ninive à une trente de kilomètres de Mossoul se dresse un imposant barrage sur le Tigre. Depuis sa création il y a trente ans, un grand lac a grandi au milieu de la vallée. Si en surface le calme règne, sous terre dans de longues galeries hommes et machines travaillent en continu. Parmi eux, le technicien Asim Ibrahim: «Nous avons un système de roulement à trois équipes: celle du matin, celle du soir et celle de la nuit. Nous creusons dans le sol pour y injecter du ciment et si nous ne bouchons pas les trous créés par l’eau, l’érosion va continuer sous le barrage. Il faut que les Italiens trouvent une solution plus stable avant que le barrage ne s’écroule.»

Ces scientifiques italiens ont été engagés par le gouvernement irakien pour parer au plus pressé. Le barrage est depuis longtemps considéré par certains scientifiques comme le plus dangereux au monde et, de l’avis d’Asim Ibrahim, le passage de l’Etat islamique sur les lieux il y a un an et demi n’a rien arrangé: «Daech a contrôlé le barrage pendant deux semaines. Pendant un mois, personne n’a travaillé dans les galeries. C’est long. On ne peut pas laisser l’eau s’infiltrer sans intervenir. Normalement il faut que l’on pompe jour et nuit et que l’on injecte du ciment en continu.»

Aujourd’hui, les forces kurdes du nord de l’Irak contrôlent la zone. Ce barrage est l’un des premiers territoires repris des mains des djihadistes par les peshmergas, comme l’explique le colonel A. Saleh, responsable de la sécurité sur le barrage: «Ce barrage représente un important point stratégique. C’est le quatrième plus grand barrage du Moyen-Orient. Il produit environ 1000 mégawatts d’électricité et permet aussi de cultiver de nombreuses terres en aval. Enfin, le plus important est qu’il y a beaucoup d’eau derrière ce barrage. Si quelque chose arrive, s’il y a un problème, la vie de millions de personnes sera en danger. Si l’Etat islamique arrive un jour à faire exploser le barrage, il est certain que l’eau ira jusqu’à Anbar. Elle atteindra même Bagdad. C’était une carte importante pour eux, pour mettre la pression sur le gouvernement irakien et les pays de la coalition.» Mais aujourd’hui, selon le colonel, le barrage est hors de portée des djihadistes. Il nous montre leurs positions sur son GPS: «La distance entre le barrage et Mossoul est de 32 km. Mais Daech est ici à 21 km du barrage, ce qui veut dire qu’ils ne peuvent pas nous atteindre avec leurs roquettes, et là c’est Aski Mossoul un petit village en contrebas du barrage.»

Le petit village d’Aski Mossoul se trouve entre le barrage et la ligne de front avec les djihadistes. Dans les rues de terre, les enfants chahutent. Près d’un magasin, un groupe d’hommes discutent calmement. Pourtant, tous sont conscients du danger, comme nous l’explique Mahmoud. Il a 30 ans et est père de quatre enfants: «En ce moment même, les combattants de Daech ne sont qu’à 3 ou 4 km de nous, derrière les montagnes. En face, nous avons une mer prête à nous tomber dessus. Dans notre dos, l’ennemi. Nous sommes pris au piège, nous ne pouvons pas partir, nous vivons entourés de forces militaires et de responsables du renseignement. Ce sont eux qui décident si nous devons partir ou rester. Rien n’est de notre ressort. Bien sûr que j’ai peur et pas seulement pour moi, mais pour toute la plaine de Ninive et pour tout l’Irak.» Pour l’heure, l’hypothèse d’un tsunami semble tout de même moins effrayer les habitants que les horreurs de Daech. Il y a trois jours, le village a été touché par 25 roquettes lancées par les djihadistes contre les peshmergas. (France Culture, 8 mars 2016)

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