Egypte. Contre les massacres et le «mandat» donné aux militaires!

Départ pour la manifestation pro-Morsi du 26 juillet 2013
Départ pour la manifestation pro-Morsi du 26 juillet 2013

Déclaration des Socialistes Révolutionnaires (28 juillet 2013)

Un nouveau massacre choqua les Egyptiens lorsqu’ils l’apprirent samedi 27 juillet à l’aube. Il s’ajoutait à la liste sanglante du ministère de l’Intérieur et de la Défense, quelques heures seulement après les manifestations fortes de plusieurs millions de personnes en faveur du «mandat» demandé au peuple par le ministère de la Défense. L’une des premières conséquences du mandat consiste à gommer les preuves que l’Etat affronte par la force des armes les protestations.

Nous défendons le droit de la population – de toutes les parties de la population – à manifester son opinion en recourant à tous les moyens d’expression pacifiques, des manifestations aux sit-in en passant par les grèves. C’est l’un des droits qui a été gagné par la révolution de janvier 2011, grâce à tout le sang versé par nos martyrs. Nous condamnons ce massacre qui prit la vie de dizaines de pauvres des provinces et de la jeunesse des Frères musulmans.

Leurs dirigeants (des FM) ne se trouvaient nulle part parmi eux, nous les avons vus seulement sur les tribunes officielles ou à travers les chaînes satellitaires soutenues par l’Amérique, appelant à la violence au nom de la religion. Nous n’avons vu aucun de leurs noms, ou de ceux de leurs enfants, parmi ceux qui furent assassinés ou blessés. Ils poussent pourtant les jeunes à faire face à la brutalité de la police, laquelle a décidé que son «mandat» signifiait qu’elle pouvait répondre aux protestations par l’assassinat.

Les armes dirigées contre les poitrines des membres de la Confrérie aujourd’hui seront rapidement tournées pour viser les poitrines des révolutionnaires et contre ceux et celles qui, parmi les pauvres et les travailleurs et les travailleuses, manifestent contre le régime. Ce dernier invoquant le prétexte de la nécessité de continuer à faire tourner les rouages de la production [économique].

La Confrérie récolte aujourd’hui ce qu’elle a semé au travers de son propre ministre de l’Intérieur qui, en janvier dernier, tua des dizaines de personnes ainsi que pour ses crimes contre les habitant·e·s d’El-Manial et de Bayn al-Sarayat et de Gizeh, ainsi que d’autres localités; les victimes les plus récentes étant tombées samedi 27 à Al-Qaed Ibrahim et dimanche 28 juillet lors des attaques contre les églises. Ces crimes ont créé une puissante vague de colère contre les Frères musulmans, laquelle a été exploitée par l’armée et la police afin d’obtenir leur «mandat», sous le prétexte de combattre le terrorisme.

Les présages d’un retour du régime dictatorial de Moubarak n’échappent à personne. Nous en avons perçu le signe le plus clair dans le discours donné hier par le ministre de l’Intérieur au sujet du retour dans leurs anciens emplois des hommes expulsés des services de sécurité de l’Etat et ce pour traquer les activités politiques et religieuses. Nous avons aussi perçu ces présages dans la menace d’avoir recours à la loi d’urgence pour disperser les sit-in, ainsi que dans l’intervention de l’armée contre les sit-in dans la sidérurgie de Suez, entre autres.

Cela nourrit nos doutes au sujet du rôle du gouvernement actuel, ainsi que de l’étendue de son implication dans ces crimes, en particulier celle de Hazem el-Beblaoui, le premier ministre, qui a été en tête pour soutenir le «mandat» de l’armée face à la marche vers le palais présidentiel. Cela soulève des questions au sujet de ces éléments rejetés par la révolution en raison de leurs positions après le massacre.

Le 13 juin 2013, Al-Sissi passait ses troupes en revue...
Le 13 juin 2013, Al-Sissi passait ses troupes en revue…

Il est impossible que les forces armées dispersent les sit-in et mettent un terme à la crise, mais il est tout à fait possible qu’elles approfondissent cette crise. Il n’y a pas d’autre véritable solution à la crise actuelle de notre révolution qu’une voie politique qui adopte une vision claire de justice transitionnelle, comprenant des garanties au sujet de la punition contre ceux qui ont commis des crimes contre les droits du peuple et contre notre révolution: les personnalités du régime de Moubarak, celles du Conseil suprême des forces armées ainsi que celles des Frères musulmans et leurs alliés.

Nous lançons un appel à toutes les forces sociales et à tous les fiers révolutionnaires, ainsi qu’aux personnes de pensée indépendante parmi les travailleurs, les étudiant·e·s, les membres de professions libérales, les paysans et parmi toutes les autres couches de la population. Nous vous invitons à participer à la construction d’un Front révolutionnaire combatif de telle sorte que nous puissions, ensemble, faire face autant au fascisme militaire ascendant qu’à l’opportunisme et aux crimes des Frères musulmans. Ce Front doit réaliser les objectifs de la révolution de janvier 2011 ainsi que de sa deuxième vague, celle du 30 juin 2013, contre tous ceux qui l’ont trahie: les feloul [restes de l’ancien régime], l’armée et la Confrérie [1]. Il doit réaliser les revendications de pain, de liberté, de justice sociale et de dignité humaine pour lesquelles la révolution fait toujours rage en Egypte.

Gloire aux martyrs; victoire à la révolution; honte aux assassins, à tous les assassins. Tout le pouvoir et toute la richesse au peuple! (Traduction A l’Encontre)

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Egypte. Les Coptes sont massacrés!

Déclaration des Socialistes Révolutionnaires (28 juillet 2013)

Les cloches sonnent à l’heure de la prière du soir et les Coptes [2] jeûnent avec les musulmans pour le Ramadan alors que les médias étatiques font entendre un chant au sujet de l’héroïque bataille nationaliste et l’unité du peuple égyptien, autant des musulmans que des chrétiens. Mais, seulement un jour plus tard, des partisans du président déposé tentèrent d’entrer dans trois églises dans le village de Degla dans la province de Minya, y lançant des pierres et des cocktails Molotov, et tirant contre l’église Mary Girgis à Port-Saïd. Les familles cherchèrent l’aide de la police et des forces de sécurité, mais ne reçurent aucune réponse.

Vous pourriez être choqué par cette attitude de la police et des forces de sécurité. Après tout, ils ont dispersé le peuple hier afin de le protéger contre le «terrorisme potentiel». Où sont-ils donc maintenant?

Où se trouvait, en fait, la police tout au long de l’ère Morsi alors que des crimes étaient commis contre les Coptes d’Egypte dans le but de procéder à leur expulsion forcée? Pas une seule personne de la police ne considère comme étant son rôle d’arrêter quelque crime que ce soit contre les Coptes, sauf lorsqu’ils avaient lieu contre les funérailles de martyrs particuliers. Où se trouvaient-ils lors du règne du Conseil militaire et à l’époque de Moubarak?

Et qu’en est-il de nos médias libres et indépendants qui documentent les crimes des Frères musulmans mais qui ne mentionnent pas les crimes confessionnels se déroulant dans le Sinai, tel le meurtre de trois Coptes, dont un prêtre? Qu’en est-il des menaces actuelles d’extrémistes contre les Coptes? Ou peut-être que les médias retournent au confessionnalisme, faisant suite à leurs provocations contre les Coptes lorsque des chars leur passaient dessus à Maspero [lors d’une manifestation de Coptes devant les bâtiments de la télévision, à Maspero, 28 personnes furent tuées et 212 blessées par l’armée et les forces de sécurité en octobre 2011, les médias d’État, ont été accusés d’avoir tenu un discours incitant à la haine contre les chrétiens dans leur couverture des violences].

Le confessionnalisme des Frères musulmans et de leurs alliés n’est bien sûr pas nouveau dans la mesure où ils étaient partisans de conflits confessionnels tout au long de la période du Conseil militaire.

Ils maintinrent leur rhétorique inflammatoire tout au long de la présidence de Morsi. Et maintenant, depuis le 30 juin, les Frères musulmans persistent dans ces crimes, attaquant des églises et scandant des slogans confessionnels lors de leurs marches.

Le régime est à la fois créateur et protecteur du confessionnalisme, l’invoquant toujours comme une couverture devant la nudité de sa corruption, de la même façon que le régime de Moubarak le fit avec l’Eglise des Saints afin de couvrir ses manipulations des élections de 2010. Ils le firent pour disperser les rangs des révolutionnaires, de la même manière que le Conseil militaire le fit lors de ses attaques successives contre les églises, à commencer par l’incident d’Atfih [en mars 2011; l’église de cette localité fut détruite par les flammes après que, lors d’une bagarre, le père et un parent d’une jeune femme musulmane ayant une relation avec un chrétien furent tués] et se terminant avec le massacre de Maspero. Ils utilisent une rhétorique confessionnelle attisant les haines, présentant tout opposant comme un ennemi de l’islam, de la même manière que le régime Morsi le fit.

Le régime continuera de feindre l’ignorance sur la question des Coptes et l’Etat continuera de se voiler la face devant les crimes confessionnels jusqu’à ce que se produise une catastrophe. A ce moment, nous assisterons à la scène traditionnelle entre un prêtre et un cheikh échangeant des formules plaisantes préconçues, ce qui ne fera rien pour empêcher que ces crimes ne se reproduisent.

L’une des premières priorités de l’Etat est de protéger les Coptes et leurs lieux de prière et non de tolérer leur expulsion. Ou le «mandat» d’hier reçu des manifestations n’inclurait-il pas cette clause?

Au cours des dernières semaines, nous avons fait l’expérience, avec des preuves incontestables, que l’Etat et ses institutions ne se préoccupaient guère de notre sang, lequel a été répandu sous les yeux de la police et de l’armée alors qu’elles gardaient leurs distances, plus d’une fois, regardant sans ciller.

La question le plus importante est toutefois que cette expérience a fait la démonstration que les masses sont à même – malgré un coût élevé pour elles – d’empêcher les attaques contre les quartiers au moyen de leurs comités populaires, qui doivent improviser en raison de la négligence intentionnelle de l’armée et de la police pour protéger leurs quartiers et domiciles.

Nous devons désormais organiser nos comités populaires afin de nous protéger des attaques continues et mettre sous pression les appareils d’Etat négligents de façon à ce qu’ils prennent leurs responsabilités de protéger le peuple selon les dispositions de la loi – et cela sans qu’il soit nécessaire de recourir au «mandat» de quiconque.

Les chars de l’armée se sont arrêtés hier sur la rue Mohammed Mahmoud, au Caire, devant un graffiti rendant hommage au martyr Mina Daniel [activiste copte, âgé de 20 ans, tué le 9 octobre 2011 lors des manifestations devant Maspero], afin de rappeler à ceux qui ont oublié qui étaient ses meurtriers et pourquoi il est devenu un martyr et à quelles fins; afin de rappeler son rêve inachevé ainsi que son sang dont personne n’a été tenu responsable.

Mina est mort mais lors de l’occupation de la place Tahrir qui renversa Moubarak, il chanta avec son ami musulman «La révolution est douce et belle lorsque tu es avec moi», reconnaissant que la révolution ne pouvait revendiquer la victoire sans leur unité. Il savait que sa liberté et sa dignité ne pouvaient devenir réalité sans une révolution contre le régime dictatorial de Moubarak.

Allons jusqu’au bout du chemin dans lequel Mina s’est engagé, reconnaissant notre ennemi lorsqu’il change de visage. Souvenons-nous de sa lutte et réalisons son rêve.

( Traduction A l’Encontre sur la base de l’adaptation anglaise de Jess Martin.)

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[1] Selon les journalistes de RFI, en date du 30 juillet à 20h05, «le rassemblement le plus important de pro-Morsi devait avoir lieu après la prière du soir à 22 heures, autour de la mosquée de Rabaa. Mais d’autres manifestations se sont déroulées dans la journée, à proximité notamment de la préfecture de police de Gizeh, non loin du Caire, ou encore devant le ministère de la Défense et devant l’ambassade d’Arabie saoudite, un pays accusé par les pro-Morsi de soutenir le gouvernement de transition

En tête du cortège, des femmes portant des portraits de Mohamed Morsi, mais aussi des cercueils symbolisant les violences de ces derniers jours. Leur objectif: dénoncer le soutien apporté au général Sissi par certains pays arabes comme l’Arabie saoudite, mais aussi par l’Europe et les Etats-Unis. « Je suis en colère parce que je pensais que ces pays allaient soutenir la liberté et les droits de l’homme, s’indigne une manifestante. Mais ils n’ont même pas condamné la violence et les centaines de victimes qu’il y a eu ces derniers jours. Ce que je demande, c’est que ces pays boycottent ce gouvernement issu d’un coup d’Etat militaire. Le gouvernement de Morsi, lui, était issu des élections, argumente-t-elle encore. Les pays qui défendent la démocratie, les droits de l’homme et la liberté devraient au moins respecter notre vote.» Pour les manifestants pro-Morsi, les Etats-Unis et les pays européens devraient condamner sans attendre l’intervention de l’armée et réclamer le retour de Mohamed Morsi au pouvoir, faute de quoi tous leurs efforts de médiation resteront vains.

Depuis sa destitution le 3 juillet dernier, l’ancien président islamiste est toujours en résidence surveillée dans un lieu tenu secret. En visite au Caire, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a finalement obtenu de l’armée de pouvoir le rencontrer la nuit dernière. Selon elle, Mohamed Morsi va bien et a accès aux informations. La chef de la diplomatie européenne est la seule personne à lui avoir officiellement rendu visite. Même la famille de l’ex-président n’a pu le voir. Et le lieu de sa détention est toujours tenu secret – pour sa sécurité, assurent les militaires. Mais depuis la semaine dernière, la justice a clarifié la situation juridique de M. Morsi. Il est en détention provisoire pour quinze jours. Il pourrait être transféré à la prison de Tora, dans la banlieue du Caire, là où est incarcéré l’ancien raïs Hosni Moubarak. Un tribunal du Caire l’accuse de liens présumés avec le Hamas palestinien lors d’attaques contre la police sous Moubarak, ainsi que l’évasion de prison au début 2011. Le parquet enquête sur cette évasion mais examine aussi des plaintes de particuliers contre M. Morsi pour «espionnage», «incitation au meurtre de manifestants» et «mauvaise gestion économique». Des accusations que ses partisans qualifient de «vengeance de l’ancien régime». Le système judiciaire égyptien permet de prolonger la détention provisoire de l’ex-président jusqu’à six mois. C’est ce qui était arrivé à l’ancien président déchu Hosni Moubarak en 2011, avant son procès.

En s’entretenant près de deux heures avec M. Morsi, Catherine Ashton a montré aux Frères musulmans qu’elle établissait le contact avec tous les camps. A Bruxelles, son porte-parole Michael Mann a évoqué les leviers d’action dont dispose l’UE, y compris des leviers financiers. «Nous avons un système de partenariat et d’autres instruments financiers qui sont conditionnels», prévient-il. L’aide financière à l’Egypte s’est globalement élevée à 450 millions d’euros pour la période 2011-2013.»

[2] Les Coptes représentent environ 6 à 10% de la population en Egypte, selon les sources. Ils émigrent par milliers chaque année.

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