Etats-Unis. Les incendies en Californie sont alimentés par le réchauffement global

Barry Sheppard

Des incendies ont éclaté dans la nuit du 8 au 9 octobre au nord de San Francisco, dans la région vinicole, attisés par des vents violents, secs et chauds. Ils ont entraîné des ravages sans précédent.

Au moment où j’écris cet article, une semaine et demie a passé et ces brasiers brûlent toujours. Au moins 41 personnes ont été tuées – un nombre qui sera certainement revu à la hausse à mesure que des recherches de corps seront organisées dans les quartiers sinistrés. Les incendies ont commencé dans une région vallonée, boisée, avant de se déplacer vers les villages et les villes, dévastant plus de 5700 maisons et d’autres structures et brûlant 213’000 acres [plus de 860 km2), devenant ainsi les tempêtes de feu de loin les plus dommageables en Californie depuis que des archives sont tenues.

Plus de 100’000 personnes ont été évacuées, beaucoup d’entre elles sont encore déplacées. Les prix des vins californiens vont certainement augmenter car de nombreux vignobles ont été détruits.

Les tempêtes de feu se produisent lorsque des foyers séparés, plus petits, fusionnent pour former un grand et unique incendie qu’attisent les vents qui sont très chauds. Parfois ces incendies se propageaient tellement rapidement que les pompiers devaient fuir à toute vitesse. Beaucoup de décès sont survenus lorsque des gens ne réussissaient pas à évacuer à temps les lieux menacés.

En suivant le vent, une fumée épaisse, toxique, s’est répandue à plusieurs centaines de kilomètres au sud de San Francisco et au-delà. Où j’habite, au sud et à l’est de cette ville, l’odeur était tellement forte qu’un jour en me réveillant j’ai d’abord cru que ma maison brûlait, lorsque je suis sorti j’ai vu qu’il y avait de la fumée partout.

Tous les produits chimiques domestiques et d’autres produits qui ont brûlé ont produit des cendres très toxiques. Des gens qui reviennent chercher dans les débris pour voir s’ils peuvent récupérer quelque chose courent le danger d’être intoxiqués. Le docteur Karen Relucio, directrice médicale dans le comté de Napa, une des régions les plus durement touchées, a souligné dans un entretien: «Pensez à tous les matériaux dangereux dans votre maison, les produits chimiques, les pesticides, les bonbonnes de gaz, l’essence, le plastique et la peinture. Tout cela se concentre dans les cendres, et elles sont toxiques.» Elle a mis en garde les habitants en ce qui concerne les cendres et a déclaré un état d’urgence publique dans le comté, comme cela a été fait dans d’autres zones.

Longtemps après l’extinction de ces incendies il faudra poursuivre d’importants efforts pour nettoyer toutes les cendres toxiques dangereuses.

Un lien direct

Il existe un lien direct entre ces incendies et le réchauffement climatique. Durant les cinq années précédentes la Californie a connu la plus importante sécheresse depuis 500 ans. Les scientifiques ont pu établir un lien entre ce phénomène et les températures élevées résultant du changement climatique. Pendant cette sécheresse plus d’un million d’arbres sont morts, ce qui a fourni un énorme réservoir de combustible aux incendies de cette année.

La Californie possède ce que les météorologues appellent un climat méditerranéen, avec en général des hivers humides et des printemps et automnes secs. Pendant la sécheresse de cinq ans, les saisons humides étaient inhabituellement courtes et les précipitations rares, alors que les saisons sèches étaient inhabituellement longues et chaudes. Au cours de l’hiver dernier il y a eu davantage de pluie et neige que d’habitude, laissant penser que la période de sécheresse se terminait. Il faudrait voir si la saison humide à venir confirme celle de l’année passée.

Dans tous les cas, une fois que les pluies ont cessé, la Californie, s’est trouvée devant subir une saison de températures élevées sans précédent qui ont tout desséché. Par exemple, un jour de cet été, San Francisco a connu des températures atteignant 41° C. C’était également sans précédent depuis que les températures sont enregistrées. Les étés de San Francisco étant en général frais et brumeux. (Mark Twain avait plaisanté en disant que l’hiver le plus froid qu’il avait vécu était l’été à San Francisco.)

Ken Pimlott, chef des pompiers de l’Etat de Californie a expliqué: «Nous subissons encore les conséquences des cinq années de sécheresse. Après les importantes pluies que nous avons eu l’hiver passé les effets de cette humidité ont disparu et la végétation est explosive. Ces incendies sont actifs jour et nuit, alors qu’on s’attendrait à ce qu’ils baissent. Ne vous trompez pas: c’est un événement grave, catastrophique.»

Un éditorial de Los Angeles Times portait le titre: «Les incendies au nord de la Californie constituent un cri l’alarme sur le changement climatique.»

L’éditorial poursuit: «Nous ne savons pas encore ce qui a déclenché les incendies… mais nous avons une bonne idée de ce qui les rend si destructeurs (…) Il ne s’agit pas seulement d’un coup de mauvaise chance. En effet, ces incendies surviennent après d’autres désastres naturels à grande échelle – Houston inondé par une tempête tropicale à déplacement lent, des zones de la Floride et des Caraïbes déchirées par un ouragan monstrueux, une grande partie de Puerto Rico rasée par un ouragan également très puissant, une poignée d’Etats de l’Ouest balayés par des incendies massifs qui ont brûlé des centaines de milliers d’acres – il faut donc admettre qu’on assiste à l’émergence d’un schéma inquiétant. Les scientifiques nous avertissaient de la possibilité de super-tempêtes. Désormais elles sont là. Le jour du jugement n’est pas quelque part dans le futur: il est là maintenant.»

Les termes «sans précédent» sont devenus banals. Cette année il y a eu jusqu’à ce jour 18 orages tropicaux dans l’Atlantique, nés sur les côtes de l’Afrique. Un nombre sans précédent. Et dix de ces orages sont devenus des ouragans – à nouveau un nombre sans précédent. Comme l’a noté le Los Angeles Times, beaucoup de ces phénomènes étaient les plus puissants jamais enregistrés. Un ouragan a même dévié vers le nord et a frappé l’Irlande.

Daniel Swain, climatologue à l’Université de Californie à Los Angeles, a expliqué: «Les changements climatiques que nous vivons sont en grande partie dus aux émissions de gaz de serre [dus à l’extraction, au raffinage et à la combustion de carburants fossiles]. Et nous nous attendons à ce que le réchauffement persiste aussi longtemps que nous continuerons à émettre ces gaz à effets de serre… Si nous choisissons de réduire et finalement d’éliminer les émissions de gaz à effets de serre, nous éviterons une grande partie du réchauffement et de la menace croissante des événements extrêmes tels que les incendies de forêt.»

Et pourtant, nous nous dirigeons dans la direction opposée, avec une augmentation plutôt qu’une diminution de l’utilisation de combustibles fossiles à échelle mondiale et aux Etats-Unis. Et, cerise sur le gâteau, l’actuelle administration à Washington, à commencer par Trump, est peuplée de négationnistes du changement climatique, qui veulent brûler de plus en plus de charbon, de pétrole et de gaz naturel (le méthane est un gaz à puissant effet de serre même avant d’être brûlé) et transporter cela dans le reste du monde.

A cause de la pression exercée par cette administration sur les stations de télévision, les météorologues qui rapportent sur ces événements climatiques extrêmes n’utilisent presque jamais les termes «réchauffement global» et «changement climatique». On peut donc s’attendre au pire. (Article reçu le 19 octobre 2017; traduction A l’Encontre)

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