Le syndicalisme italien face au couple Renzi-Squinzi

Colloque entre Renzi et Squinzi
Colloque entre Renzi et Squinzi

Par Franco Turigliatto

Le conflit social a repris au cours des derniers mois de l’année 2014 en Italie. La grève générale du 12 décembre 2014, organisée par la CGIL et la UIL, en a constitué le sommet [1]. À cette occasion, une partie importante des salarié·e·s a cessé de travailler. De grandes manifestations se sont déroulées dans plus de 50 villes. D’après la CGIL, environ un million et demi de personnes ont pris part à ces manifestations. Il se peut que ce chiffre soit un peu gonflé, mais il n’en reste pas moins que dans toutes les villes, à partir de celles plus importantes d’un point de vue symbolique (Turin, Milan, Rome et Naples), les cortèges étaient massifs à un point tel qui ne se voyait plus depuis des années.

Cette reprise de la mobilisation n’a cependant pas eu de suites. La prochaine réunion de la direction de la CGIL, qui pourrait indiquer à la classe ouvrière comment poursuivre la lutte contre les politiques d’austérité du gouvernement de Matteo Renzi (Parti démocratique), n’a été fixée qu’à la fin de février 2015. D’ici là, les patrons et le gouvernement continuent tranquillement leur guerre féroce de classe contre les conditions de vie et de travail des masses populaires.

Les politiques d’austérité

En Italie, les politiques d’austérité sont à l’œuvre depuis plus de 20 ans. Elles ont connu toutefois une accélération à plusieurs reprises: d’abord avec le dernier gouvernement de centre droit de Silvio Berlusconi [8 mai 2008 – 12 novembre 2012]; puis avec le gouvernement dit «d’unité nationale», celui des «techniciens» de Mario Monti [16 novembre 2011 – 21 décembre 2012]; enfin, après les élections de 2013, avec le gouvernement d’Enrico Letta (centre gauche avec le soutien d’une partie du centre droit) de courte durée [28 avril 2013 – 14 février 2014], remplacé le 22 février 2014 par le jeune et démagogue Matteo Renzi (ex-maire de Florence), leader du Parti démocratique (PD), appelé à ce rôle par la bourgeoisie italienne et européenne pour franchir une nouvelle étape dans la mise en place des politiques de la Troïka.

Renzi a éliminé dans le PD toute marque du passé social-démocrate pour le transformer en une formation ultralibérale du centre, à tel point qu’il fait pâlir même Tony Blair, chez lequel il a par ailleurs toujours trouvé sa source d’inspiration.

Durant ces années, la politique économique des gouvernements visait avant tout à réduire les dépenses publiques et sociales: 20 milliards d’euros ont été coupés dans le budget du système de santé; la même somme aux entités locales, c’est-à-dire aux services sociaux gérés par ces institutions. La récente loi de stabilité de décembre [2] a réduit ultérieurement le financement alloué à ces structures et à celles centrales dans l’État. Ainsi, 300’000 emplois ont été supprimés dans l’administration publique [3].

Même l’école et l’université viennent de connaître une réduction des financements du même ordre de grandeur dans le cadre d’un projet de privatisation de l’école publique [4]. Les mesures plus récentes de Renzi consistaient, d’une part, à «garantir l’embauche» de 150’000 enseignants précaires et, d’autre part, à en laisser tout autant «à la maison» [en «disponibilité», selon la formule de l’ex-gouvernement grec de Samaras] et, enfin, à introduire un mécanisme de réduction salariale pour les enseignants à travers l’outil idéologique des «primes au mérite».

Après une série d’attaques contre le système public de retraite, le coup le plus dur a été donné en décembre 2011 avec ladite «réforme Fornero» [5], laquelle a reporté l’âge de départ à la retraite de 62 à 67 ans, généralisant parallèlement un financement par capitalisation au lieu de celui par répartition (celui-ci étant l’une des grandes conquêtes ouvrières des années 1968-1969) [6].

De plus, les bureaucraties syndicales ont signé une série d’accords avec la Confindustria [l’association patronale qui regroupe les grandes industries italiennes] et les autres organisations patronales italiennes qui ont déstructuré les conventions collectives de travail de branche, lesquelles permettaient aux salariés une force et une cohésion extraordinaires. Il s’agissait d’une véritable conquête par la classe ouvrière italienne. La conséquence a été la réduction progressive des revenus ainsi que la croissante précarisation et division des travailleurs sous l’impact des chantages patronaux.

Depuis 2011, les salaires sont bloqués que ce soit dans la forme (pour les employés du public) ou dans la substance (pour ceux du privé). Les horaires de travail ont augmenté par des voies différentes, ce qui a nourri le nombre de personnes au chômage, donc la pression sociale sur les sans-emploi désormais disposés à accepter un travail à n’importe quelles conditions.

L’accord du 10 janvier 2014 [7] entre les directions syndicales bureaucratiques et les associations patronales représente le sommet de ce processus régressif. Cet accord comporte pour les travailleurs du secteur privé la possibilité de tout type de dérogations, au niveau national et local, des conventions collectives nationales de travail. Cela comporte l’aggravation des clauses salariales et normatives ainsi que des horaires de travail afin de garantir l’augmentation maximale de la productivité et de l’exploitation des travailleurs.

Aux organisations syndicales signataires de cet accord est garanti le monopole de la représentation du personnel dans les entreprises. Il devient par conséquent presque impossible pour les syndicats contestataires, ceux qui refusent d’apporter à ces conventions leur signature, de participer aux élections des délégués du personnel dans les entreprises. Des lourdes sanctions économiques ainsi qu’un mécanisme de répression, géré directement par les bureaucraties syndicales, sont prévus à l’encontre des syndicats combatifs et des travailleurs qui prendraient des initiatives de lutte. C’est une infamie sans précédent qui a pour fonction d’empêcher la lutte de la classe ouvrière.

La dévastation sociale

L’ensemble de ces mesures et de ces processus a produit des effets dévastateurs sur le plan social:

  • 1’600’000 emplois supprimés durant cette crise sans fin ;
  • 3’000’000 de chômeurs officiels (avec un taux de chômage moyen situé dans l’ensemble à 13,4% et pour les jeunes à 43,9%) ;
  • 3’000’000 de personnes qui ont renoncé à chercher un emploi ;
  • Plus de 6’000’000 personnes indigentes (pauvreté absolue) et plus de 10’000’000 de personnes en détresse (pauvreté relative).

Tout cela est arrivé sans qu’il y ait une seule réponse, ou même un seul mouvement d’ensemble, de la classe laborieuse et des mouvements sociaux. Les responsabilités des trois grandes fédérations syndicales sont énormes.

Il y a bien eu des résistances, mais elles sont restées locales:

  • Au niveau des entreprises confrontées à des restructurations, des fermetures ou des délocalisations ;
  • Contre des formes particulièrement dures d’exploitation ;
  • Contre la mise en question des services publics ;
  • Pour la défense de l’environnement et du territoire contre les folies spéculatives des lobbies du ciment et de l’asphalte, en accord avec les institutions et les gouvernements nationaux et locaux.

Seulement dans peu de cas – parmi lesquels on doit signaler le secteur de la logistique, dans laquelle travaille une composante importante de salariés jeunes et immigrés – il y a eu des luttes revendicatives victorieuses, marquées par l’obtention de meilleures conditions de salaire et de travail. Ces luttes ont été conduites avec une véritable détermination. Une mobilisation efficace a pris pour cible les exigences productives des entreprises en les obligeant à faire des concessions significatives.

L’ensemble de ces éléments a produit dans le pays une intrication de contradictions: rage et réactions de lutte, mais aussi démoralisation et frustration, poussées à toutes sortes de solutions individuelles, attendant l’arrivée d’un «sauveur» politique, recherchant des boucs émissaires (les migrants, les travailleurs de l’entreprise concurrente, les employés du secteur public, etc.), alimentant de nombreuses formes de chauvinisme, xénophobie et racisme.

Deux phénomènes sont apparus lors des dernières élections comme semblant être l’outil le plus efficace pour rejeter cette situation: un vote massif d’abstention et la recherche de solutions alternatives exprimée sous la forme du vote au mouvement 5 étoiles (M5S) de Beppe Grillo [8]. Une autre force politique de droite dure a connu par la suite un renforcement électoral: la Ligue du Nord [9]. Elle est dirigée par un nouveau leader, Matteo Salvini, très courtisé par les médias, dont la ligne politique est «nationaliste», fortement réactionnaire et raciste. Elle correspond dans ses grandes lignes à celle de Marine Le Pen.

En réalité, la situation économique et sociale, donc aussi politique italienne, reste marquée par des ressources sous-jacentes. Car dans ce pays a toujours existé un filet familial de sécurité en plus d’un État social (en voie de démantèlement), en raison de sa structure sociale historique. Ainsi, la famille ou, pour être plus précis, les liens familiaux freinent la désagrégation sociale parce qu’ils permettent à plus d’individus de vivre avec le salaire d’une seule personne. Nombreux sont les cas où toute une famille vit avec le revenu d’un retraité alors que les autres membres du foyer sont au chômage et ne peuvent bénéficier, au mieux, que de quelques emplois ponctuels.

C’est la raison pour laquelle une partie de la société n’est pas précipitée totalement dans l’indigence sociale. On pourrait la représenter plutôt comme un élastique toujours plus tendu, mais dont la tension débouche sur la rupture de cet «élastique» pour un nombre toujours plus croissant de personnes [10].

Le «Jobs Act»

Au cours des 15 dernières années, les gouvernements et les organisations patronales ont cherché à réduire les protections des travailleurs et le droit du travail condensé dans le Code du travail, la loi n° 300 («Statuto dei lavoratori») du 1970, l’une des grandes conquêtes ouvrières de l’«automne chaud» de 1969. Cette loi garantissait aux travailleurs et aux travailleuses des droits fondamentaux individuels, collectifs et syndicaux. L’article 18 de cette loi était particulièrement important parce qu’il imposait la réintégration de tout travailleur licencié sans «juste raison» et de manière «illégitime» [11].

Le gouvernement Renzi, soutenu et épaulé par la Troïka, a avancé au printemps 2014 une proposition de décret législatif (legge delega), appelée pompeusement «Jobs Act», qui avait la fonction de détruire complètement ce Code du travail, laissant une totale liberté d’action et de licenciement aux entreprises [12].

Après divers événements, cette contre-réforme du droit du travail a été approuvée par le parlement en décembre, malgré une opposition significative sur le plan social et syndical, réalisant ainsi le rêve du président de la Confindustria, Giorgio Squinzi [en fonction depuis mars 2012]: les conditions du travail salarié sont désormais bouleversées par le capital avec des conséquences négatives, énormes et imprévisibles, sur les conditions des travailleurs et sur l’organisation syndicale.

Les nouvelles normes garantissent aux entreprises une liberté complète de licenciement individuel pour une quelconque raison ; y compris dans le cas de licenciements «illégitimes», les patrons ne seront plus obligés à réintégrer les travailleurs, mais seulement à leur allouer une indemnisation économique modeste.

Les normes qui encadraient les licenciements collectifs sont elles aussi «libéralisées», de sorte à garantir aux patrons des nouveaux pouvoirs discrétionnaires dans la possibilité d’utiliser la main-d’œuvre à leur propre gré.

De plus, les nouvelles normes donnent la possibilité aux entreprises de «redimensionner» les travailleurs ; ce qui veut dire qu’un employé engagé pour une fonction, encadré par conséquent dans une catégorie contractuelle donnée, pourra être transféré à tout moment dans un emploi moins qualifié, classé dans une catégorie inférieure comportant une réduction de salaire.

À cela, on peut encore ajouter la suppression de la norme du Code du travail qui protégeait les travailleurs de toute surveillance policière à distance, celle-ci étant désormais supprimée au profit d’un contrôle permanent [surveillance par caméra].

L’instauration d’une nouvelle discipline de fer fait des travailleurs des citrons à «presser et jeter» par les patrons, ce qui revient à modifier complètement le rapport de force entre capital et travail, portant aux extrêmes la possibilité de placer les travailleurs sous un chantage permanent, comme au vieux temps des patrons de la première industrialisation.

Il s’agit d’une défaite d’énormes proportions pour la classe ouvrière.

La reprise des mobilisations

Quels sont les éléments qui ont permis une reprise de la conflictualité l’automne dernier après de longues années de passivité?

  1. Le rejet du «Jobs Act»: la compréhension dans des larges secteurs de la classe laborieuse de l’énorme injustice et des dangers que cette loi comporte pour le futur de chacun des travailleurs.
  2. L’accumulation d’un mal-être et de réactions sociales dans différents domaines: par exemple sur la question du logement – et des expulsions de logement, dans certaines villes –, mais aussi sur la défense des territoires contre les spéculations sauvages dans l’immobilier.
  3. Les luttes dans de nombreuses entreprises, notamment celles de la métallurgie, menacées de fermeture et/ou de réduction des emplois. Il s’agit de luttes le plus souvent isolées, mais aussi très dures, lesquelles ont réussi parfois à bloquer momentanément les projets des directions d’entreprise. Parmi les exemples, on peut signaler le cas de l’AST, c’est-à-dire de l’aciérie historiquement publique de Terni (Ombrie), maintenant de propriété de la Tyssen Krupp.
    La direction de la FIOM, qui s’était alignée sur les choix de la majorité modérée au sein de la CGIL lors du dernier congrès, s’est engagée à fond pour gérer ces luttes. Dans ce cadre, il faut aussi tenir compte des activités des syndicats de base, qui, tout en étant minoritaires et souvent incapables de prendre des initiatives unitaires appropriées, parviennent cependant à mettre sur pied quelques initiatives efficaces dans certains secteurs. Ils représentent en tout cas une impulsion pour l’activité syndicale.
  4. Le choix du gouvernement Renzi, comportant par ailleurs un élément inédit, consistant non seulement à franchir un pas supplémentaire dans l’attaque contre le mouvement ouvrier, mais aussi à mettre en discussion le rôle des appareils syndicaux, et leur fonction dans la représentation des travailleurs. Au cours des dernières années, CISL et UIL s’alignaient complètement et ouvertement sur les choix des gouvernements. La CGIL, elle, choisissait formellement de rester dans l’opposition sans toutefois prendre des initiatives de lutte (ce qui consiste en fin de compte à accepter ces choix), se cantonnant ainsi à un rôle marginal, avec le risque de compromettre finalement sa capacité organisationnelle.

Le gouvernement Renzi a supprimé toute forme de concertation avec les syndicats, décidant de défaire la CGIL en lui niant son rôle historique de «médiateur». En d’autres termes, il a mis en discussion le rôle gestionnaire des appareils syndicaux comme dépositaires de la collaboration de classe. Cela signifie la rupture de facto du lien entre le PD et la CGIL.

Pour faire cela, Renzi a pu s’appuyer pleinement sur tous les compromis pourris de la CGIL, et sur ses pratiques de collaboration de classe avec les patrons. Devant l’opinion publique,: l’inaction syndicale face à la hausse du chômage, le désintéressement face au travail précaire et aux jeunes, le rôle bureaucratique et parasitaire des appareils… soit la «caste syndicale» [dans le discours, cela représentait une riposte à la dénonciation de la «caste politique»].

Ces choix se réfèrent au projet bourgeois consistant à rendre désuètes, d’une part, les anciennes formes de la démocratie parlementaire, considérées comme étant trop démocratiques à l’ère des mesures d’austérité budgétaire (fiscal compact), et, d’autre part, la fonction des structures sociales dites intermédiaires (syndicats, partis, associations) dans la gestion du consensus et dans l’organisation des citoyens. Les politiques d’austérité et la gestion autoritaire de la société considèrent que ces structures sociales intermédiaires relèvent d’un luxe, voire d’un obstacle, pour le gouvernement.

En ce qui concerne les syndicats, cela s’exprime non seulement sur le plan politique et idéologique, mais également sur celui matériel: le budget [établi sous la contrainte de l’équilibre budgétaire] prévoyait la diminution drastique des moyens alloués aux syndicats pour la gestion et l’exercice des fonctions de patronage [13]. Ces dernières constituent une forme de consensus et de recrutement pour les syndicats, lesquels garantissent ainsi [les conditions matérielles] pour assurer la présence et la vie d’un secteur consistant d’appareils syndicaux.

Ces réductions budgétaires ont trouvé le soutien des journaux et des médias dans le cadre d’une nouvelle campagne contre les privilèges de la «caste syndicale». Il est clair que celle-ci soulève des éléments véritables, étant donné qu’il s’agit bien de la bureaucratie syndicale. Mais il est tout autant vrai que ces services rendus sous forme gratuite aux travailleurs, aux retraités et aux citoyens sont socialement utiles, nécessaires et fondamentaux. Ils permettent à ces derniers de ne pas devoir faire appel au service des agences privées, bien plus coûteuses. L’opposition a été très forte parmi toutes les directions syndicales, lesquelles ont imposé au gouvernement de réduire les coupes budgétaires de 150 à 30 millions (sur un total de 410 millions précédemment alloués à toutes les organisations syndicales concernées). Il faut malheureusement relever qu’il s’agit de la seule victoire obtenue à présent contre le gouvernement Renzi.

Un automne pas si «chaud»

Durant l’automne 2014 il y eut une reprise sociale des luttes. Par la suite, nous en rappelons les étapes les plus importantes. Dans une série d’entreprises importantes, des luttes pour le maintien des places de travail ont eu lieu; des centaines des conflits pour empêcher les licenciements dont les résultats sont différents et comportent parfois aussi des défaites. Le 10 octobre 2014, les syndicats du monde de l’éducation ont mené une grève contre les nouvelles mesures prises par le gouvernement en matière d’éducation. La participation à cette grève a été limitée. En même temps, dans une région comme celle du Piémont, frappé par les restructurations industrielles, les «métal-mécaniciens» de la FIOM ont défilé dans un grand cortège ouvrier qui a été partiellement réprimé par la police… cela a sonné comme un message préventif envoyé par le ministère de l’Intérieur [d’Angelino Alfano] aux dirigeants de cette organisation syndicale. La CGIL a choisi de montrer sa force potentielle en organisant une grande manifestation nationale le samedi 25 octobre à Rome. Des centaines de milliers de travailleurs et travailleuses y ont participé. Le 14 novembre a eu lieu une «grève sociale» organisée par les syndicats de base et par les mouvements sociaux. À cette occasion, des secteurs des salariés précaires et des étudiant-e-s (surtout ceux et celles du cycle) se sont aussi mobilisés. Bien que cette grève n’ait pas impliqué beaucoup des salariés, des manifestations combatives ont eu lieu dans certaines villes d’Italie.

3c0beabddff8406e2643543664aa67c2Dans le Nord du pays, cette journée s’est articulée avec la grève des travailleurs de la métallurgie. Cette grève a été suivie et a donné lieu à des manifestations importantes antigouvernementales à Milan avec environ 50’000-60’000 travailleurs dans les rues. Dans ce contexte la CGIL, après avoir essayé de remporter cette grève fortement portée par les travailleurs eux-mêmes et après la tentative d’impliquer dans cette grève le syndicat pro-gouvernemental CISL, a, enfin, dû appeler à une grève générale de 24 heures pour le 12 décembre 2014, en concertation avec la UIL, sur une plateforme générale et modérée. Cette journée de lutte était en décalage par rapport aux débats parlementaires autour du Jobs Act aboutissant à son approbation par les deux Chambres dès le début de décembre[14]. En dépit de ces limites, la grève a été caractérisée par une forte adhésion sur les lieux de travail ainsi que par des manifestations d’ampleur dans plus de 50 villes d’Italie. La classe ouvrière aurait pu retourner sur le devant de la scène en affaiblissant la crédibilité du gouvernement et en créant les conditions pour un changement du climat politique dans le pays [15]. Mais cela n’est resté qu’une possibilité potentielle, car personne n’a su donner de continuité au mouvement de la classe laborieuse. En effet, la direction de la CGIL, lors de sa séance avant les vacances de Noël, s’est refusée à proposer d’appeler à d’autres journées de grève générale en renonçant de facto au prolongement et au renforcement de la mobilisation. Elle a opté pour des initiatives locales – de caractère subordonné – dans certaines entreprises afin de remettre en discussion les normes du Jobs Act, comme si celles-ci n’étaient pas déjà entrées en vigueur [16]! C’est sur les lieux de travail que les rapports de force entre capital et travail se sont fortement détériorés en faveur du capital. Les salariés sont victimes d’un chantage permanent et sont divisés dans leur lutte contre le patron; modifier cette situation est fondamental, mais croire qu’on peut y parvenir sans une remise en cause de l’orientation d’ensemble des politiques syndicales ainsi qu’en l’absence des revendications centrales de lutte demeure une pure illusion.

De plus, c’est avant tout sur le lieu de travail, dans les régions attaquées et dans les branches que ces dernières années les directions bureaucratiques de la CGIL – en dépit d’un rejet formel des attaques contre les droits des travailleurs – ont signé les pires des accords avec le patronat impliquant une augmentation de l’exploitation et davantage de subordination des travailleurs et travailleuses dans les entreprises. Le choix de la direction de la CGIL a été celui d’un choix de défaite face aux patrons. Cette attitude a été vite saisie par le gouvernement qui a aisément adopté, le 24 décembre, les premières normes du Jobs Act. Par la suite, Renzi a ouvert une nouvelle campagne d’attaques contre les salariés de l’administration publique par le biais d’un nouveau décret législatif qui prévoit la libéralisation et des licenciements dans ce secteur [17].

L’impasse et la crise de la CGIL

La rupture avec le PD ainsi que la violence des attaques patronales contre les salarié·e·s expliquent la crise dans laquelle la direction de la CGIL est plongée. Il s’agit d’une organisation dont la grande majorité des cadres a été désormais éduquée depuis plusieurs années à la politique de la concertation et du collaborationnisme de classe. La CGIL est une organisation qui avait cru pouvoir survivre et bénéficier d’une sorte de «rente de position» avec la signature de l’accord du 10 janvier 2014. En revanche, aujourd’hui cette organisation commence à prendre conscience d’être dans l’impasse et dans une crise de perspectives. Dans la séance de la direction le 9-10 janvier 2015, la désorientation et l’absence d’indications claires ont été évidentes. Les cadres ont pris conscience qu’au-delà des manifestations formelles de force (par exemple la journée de manifestation du 25 octobre à Rome ainsi que la grève du 12 décembre) la CGIL est aujourd’hui une organisation en crise sans une vraie ligne politique. Les décisions prises lors de cette séance révèlent de l’utopie et servent à masquer l’absence d’initiative réelle en rejetant sur les régions et sur les salariés ses difficultés [18].

Landini
Maurizio Landini

Dans ce cadre, nous pouvons faire la distinction entre deux positions au sein de la CGIL. D’une part, celle représentée par la majorité liée à Susanna Camusso dont le secrétaire de la FIOM Maurizio Landini [19] fait pleinement partie. D’autre part, se situe l’opposition syndicale regroupée autour de la plateforme «le syndicat est autre chose». Selon Sergio Bellavita, le porte-parole de l’opposition syndicale: «La discussion ouverte au sein de la CGIL montre les traits de la crise profonde de cette organisation syndicale. Il y a ceux et celles qui veulent reconstruire le rapport avec le PD et ceux et celles qui pensent que le syndicat doit œuvrer afin de construire un nouveau sujet politique, ou pour le moins en faire partie. Au niveau des négociations, de l’enracinement territorial et par rapport au nouveau contexte, deux stratégies s’affrontent au sein de l’organisation: l’une qui prône de nouvelles pratiques de négociations tout en restant dans le nouveau cadre des rapports de forces, l’autre qui demande de redéfinir l’orientation du syndicat ainsi que de réécrire un nouveau programme fondamental de la CGIL. La première position affirme que dans un contexte des politiques dits déflationnistes il faut accepter l’abandon des stratégies axées sur la question salariale afin de mener une politique limitée aux branches, tandis que la deuxième position prône une réunification des contrats nationaux afin de renforcer la capacité de négociations sur le plan national.» La possibilité d’une renaissance d’un syndicalisme de classe implique que la FIOM adhère à ce type de projet. Sa direction ne peut plus ignorer que la pratique syndicale entrera dans une «phase incertaine»  caractérisée par l’accord du 10 janvier et par les normes du Jobs Act, qui sont entre eux complémentaires. Dans une situation de complet chantage envers les salariés, le seul syndicat compatible est celui subordonné à la logique patronale. Son action se réduit à la seule négociation au sein de l’entreprise. Cette pratique est fonctionnelle au contrôle social des salariés. C’est ainsi que la plate-forme «le syndicat est autre chose!» a lancé un appel à la Fiom: «La part de la CGIL qui veut s’opposer à cette dérive du syndicat doit dès maintenant rompre avec toute sorte d’ambiguïtés et d’attentisme. On s’adresse à Landini qui a l’ambition légitime de devenir le nouveau secrétaire de la CGIL. Il faut imposer dans l’urgence des choix clairs à la CGIL en mobilisant la force sociale de la FIOM. La CGIL a, à plusieurs reprises, fait la preuve de ne pas avoir des capacités propres d’auto-réforme. Sans une rupture avec l’aile droite, celle qui revendique la «normalisation» du syndicat, aucun tournant n’est possible. Aucune réorientation stratégique n’est possible entre ceux qui négocient les contrats en échange des droits des salariés et ceux qui pensent augmenter les droits des salariés dans leur ensemble. On doit se mobiliser, faute de quoi ce sera la CGIL qui va absorber Landini et pas le contraire.»

Une contradiction insoluble?

Nous sommes confrontés à une terrible contradiction qui affaiblit les forces syndicales et donc la classe laborieuse. Cette contradiction ne semble pas facile à résoudre. Elle risque d’épuiser les potentialités des futures luttes. D’une part, il y a le réseau des syndicats de base et les courants de classe regroupés au sein de la CGIL qui voudraient appeler à la lutte les salariés sur la base d’un programme radical. Ces composantes du syndicalisme de classe n’ont pas la force et l’adhésion de masse nécessaires. De plus, certaines ont fait l’épreuve d’une attitude «sectaire» vis-à-vis d’une unité d’action syndicale nécessaire (surtout dans les rapports avec la CGIL). Leur idée c’est qu’en continuant à dénoncer et à ne pas participer à des mobilisations unitaires, les salariés «comprendront» finalement qui a raison pour ce qui a trait aux revendications sociales et se mobiliseront, par la suite, sur la «bonne voie.» D’autre part, il y a la CGIL qui, en dépit d’une perte de crédibilité vis-à-vis d’une part du salariat (surtout des jeunes et des précaires), reste aujourd’hui la plus grande organisation de masse du pays pouvant compter sur un fort enracinement social et sur une réelle capacité de mobilisation. Si aujourd’hui sa capacité d’assurer une grève générale dans chaque secteur est réduite par rapport au passé, elle peut être aisément rétablie grâce à une volonté d’aller dans ce sens. Les manifestations de l’automne de 2014 l’ont démontré: la CGIL a la force de construire la mobilisation ouvrière. Mais elle ne veut pas passer à l’action, car cela impliquerait de rompre avec les orientations des dernières décennies, mais aussi parce que les cadres de cette organisation ont désormais perdu le «savoir-faire» de la lutte syndicale de base.

Dans cette phase, l’action de la FIOM revêt une importance particulière. Sa direction n’est pas en mesure de reprendre son autonomie pour se positionner en tant qu’alternative à la ligne de la direction de la CGIL, comme ce fut le cas au début des années 2000. Ces difficultés s’expliquent par l’ampleur des restructurations industrielles à l’œuvre dans le pays ainsi que par les nouvelles règles en matière de travail qui affaiblissent leur base ouvrière combative qui représente encore le cœur de la classe laborieuse italienne. Dans l’immédiat, une tâche politique attend la direction de la FIOM, à savoir stimuler la relance d’une initiative pour construire une mobilisation d’ampleur capable de faire converger les forces sociales de ce pays dans la défense des droits, des salaires, de l’occupation et des régions. Elle doit le proposer aux syndicats de base et aux mouvements sociaux afin de mettre dos au mur la CGIL qui n’a désormais plus aujourd’hui des références politiques [20]. Il faut s’engager sur ce chemin d’autant plus que la victoire électorale de Syriza en Grèce, appuyée pour l’heure par les secteurs populaires face à l’attaque de l’Union européenne (Renzi y compris) atteste l’émergence d’un nouveau contexte politique et de nouvelles possibilités de lutte en Europe [21]. (Ecrit pour le site A l’Encontre par Franco Turigliatto, membre de la direction de Sinistra Anticapitalista. Traduction A l’Encontre)

 


[1] La CGIL, conduite par Susanna Camusso, est la principale organisation syndicale italienne (qui avait comme référence historique le Parti communiste italien). Elle déclare environ 5’680’000 inscrits, dont plus de la moitié (3 millions) sont retraités. La branche la plus représentative, où il y a le plus grand nombre d’inscrits (460’000) est celle du commerce, mais la plus importante, par son histoire de luttes et pour sa crédibilité politique, est celle de la métallurgie avec 350’000 inscrits, dont le secrétaire est Maurizio Landini.

La CISL, d’origine catholique (la vieille Démocratie chrétienne), est le syndicat plus modéré et ultra filo-gouvernamental (peu importe de quel gouvernement il s’agit). Elle affiche plus de 4 millions d’inscrits, dont une moitié environ de retraités.

La UIL, d’origine sociale-démocrate, est le syndicat modéré d’entreprise, qui estime avoir 2’200’000 inscrits, dont pas plus de 600’000 sont retraités.

La CGIL dispose d’environ 16’000 fonctionnaires syndicaux, soit le même nombre que ceux des autres syndicats pris dans l’ensemble. Ces chiffres donnent une indication sur le poids organisationnel des syndicats italiens, mais aussi sur celui du penchant conservateur des appareils bureaucratiques.

D’autres organisations syndicales plus radicales se sont formées à l’extérieur, et à gauche, des grandes fédérations syndicales traditionnelles au cours des années 1980 et 1990: COBAS, USB, CUB et de nombreuses autres forces. Ces organisations sont très minoritaires si l’on considère les membres qu’elles organisent. Tout en étant confrontées à la difficulté d’accéder aux libertés syndicales et à la négociation collective, elles ont toutefois conduit des luttes significatives qui leur ont permis d’intégrer des nouvelles énergies militantes. Nombreux sont les cadres ouvriers qui, dégoûtés des politiques des grandes fédérations syndicales, ont préféré adhérer à un syndicat plus radical au lieu d’abandonner tout engagement.

[2] Pour une analyse des buts qui sous-entendent cette loi, voir l’article publié sur ce site le 28 janvier 2015.

[3] L’administration publique était composée par plus de 3’300’000 fonctionnaires quelques années en arrière.

[4] Concernant les mesures frappant l’école publique italienne, voir l’article publié sur ce site le 20 septembre 2014. (Réd. A l’Encontre)

[5] Elsa Fornero est une économiste néoclassique, professeure à l’Université de Turin, qui fut ministre de l’Économie du 16 novembre 2011 au 28 avril 2013 sous le gouvernement de Mario Monti, un «technicien», consultant de la Goldman Sachs dès 2005, membre de la commission Trilatérale en 2010-2011, membre du groupe Bilderberg et sénateur à vie depuis 2011. (Réd. A l’Encontre)

[6] Dans l’ancien système de retraites, 40 ans de cotisations correspondaient à 80% du dernier salaire. Aujourd’hui, le nouveau système n’assure que 65%, voire encore moins. Ce sera pire pour les jeunes étant donné qu’ils sont confrontés à des longues périodes de chômage, de précarité et de bas salaires. Cette contre-réforme a produit également le phénomène des dits «en surnombre»: il s’agit de ceux qui étaient sur le point de prendre une retraite sur la base des règles anciennes, établies sur la base d’accords d’entreprise, et qui se retrouvent du jour au lendemain sans retraite, mais aussi sans travail ou revenu. Cela concerne environ 300’000 travailleurs, dont seulement 50% sont à présent couverts par des mesures ad hoc mises en place pour leur garantir un revenu.

[7] Sur cet accord, voir l’article publié sur ce site le 4 juin 2013. (Réd. Alencontre)

[8] Le M5S (Mouvement 5 étoiles) naît en 2009 par la volonté du comique Beppe Grillo et de l’entrepreneur Gianroberto Casaleggio. A cet effet, l’association des «Amici di Beppe Grillo» (Les amis de Beppe Grillo), active depuis 2005, se constitue en parti politique. Beppe Grillo est le président et leader incontesté du parti. Le M5S refuse toutefois l’appellation de parti et préfère d’autres définitions comme celles d’association de citoyens libres. Sa percée électorale commence avec les élections générales italiennes du 24-25 février 2013. À cette occasion le M5S recueille 25,5% des votes et se place derrière le Parti démocratique (PD) de Bersani (29,5 %) et le Peuple de la Liberté (Pdl) de Silvio Berlusconi (29,1 %) et devant à la liste guidée par Mario Monti, ancien premier ministre (10,5 %). Lors des élections européennes du 25 mai 2014 il recueille 21,1% des votes (17 sièges obtenus au Parlement européen) en se positionnant seul derrière le PD de Renzi (40,8%) et en dépassant les autres partis: Forza Italia de Silvio Berlusconi (16,8%), Ligue du Nord de Matteo Salvini (6,1%), la liste conjointe du Nouveau centre droit et de l’Union démocratique du centre (NDC-UDC) (4,4%) et la liste «Tsipras pour l’Europe» (4,0%). Il a réussi à capter des votes de protestation contre les politiciens en dénonçant la gestion politique du pays. Le M5S est un mouvement interclassiste, très hétérogène à son interne et avec des positions apparemment contradictoires: il est, d’un côté, réactionnaire, surtout vis-à-vis des immigrés ou des travailleurs publics; et, de l’autre, il reprend des mots d’ordre d’une certaine gauche qui dénoncent la «caste politique», etc. Il mène aussi des batailles dites «démocratiques» dans le parlement, par exemple, comme celle concernant l’interdiction de l’élection des condamnés [déchéance des droits civiques] ou celle pour le développement des principes de la démocratie directe (abolition du quorum pour les référendums). Sa démocratie est soumise aux diktats de Beppe Grillo, souvent médiatique. Bien qu’il soit présent dans le mouvement pour le maintien de l’eau publique, le M5S se limite à récolter les votes de protestation; il n’est pas présent au sein des structures du mouvement ouvrier. Ce qui est différent de capter des votes ouvriers. (Réd. A l’Encontre)

[9] La Ligue du Nord est un parti nationaliste et xénophobe. Elle a été créée en 1989 suite à la fusion des deux mouvements – la Ligue lombarde et la Ligue vénitienne – par son leader historique Umberto Bossi. Au début de son histoire politique, l’enracinement social de ce parti est concentré au nord de l’Italie (surtout dans les régions de Lombardie et de Vénétie). Depuis quelques années, ce parti est présent dans toute l’Italie. Cela implique l’abandon de la ligne «régionaliste» et sécessionniste des origines pour adoper un projet national et nationaliste qui se bâtit aujourd’hui autour de l’anti-européisme (sortie de l’euro, contre les politiques migratoires de l’UE, etc.). Ce «changement» de cap a été favorisé suite à la démission d’Umberto Bossi du poste de secrétaire fédéral. Cette démission est parvenue suite au scandale des détournements des fonds électoraux dans lesquels sont impliqués des membres de la famille Bossi. La nomination comme secrétaire du parti de Roberto Maroni [1er juillet 2012-15 décembre 2013] et de Matteo Salvini, homme politique très médiatisé, a contribué à relancer le parti. La manifestation du 18 octobre 2014 contre les politiques migratoires de l’UE (Marenostrum) organisée par la Ligue du Nord et le mouvement fasciste Casa Pound a réuni plus de 40’000 personnes au centre de Milan en et par attestant l’essor de ce parti. Sur ce point, voir l’article publié sur ce site le 26 octobre 2014. (Réd. A l’Encontre)

[10]Dans la préparation de la récente loi de stabilité, il y a eu une discussion du gouvernement qui n’a retenu que très peu d’attention de la presse: elle portait sur l’étendue de la diminution des retraites. L’option choisie, du moins pour le moment, est celle de sursoir à cette décision, précisément en raison des implications sociales qu’elle aurait produites, mais aussi pour éviter une rébellion qui puisse converger avec les luttes en cours pour la défense des droits des travailleurs.

[11] Ce n’est pas un hasard si la suppression de cet article a toujours été le rêve des patrons. Lorsque le deuxième gouvernement de Berlusconi essaie de l’abroger, il doit reculer face à l’énorme mobilisation de 3 millions de personnes que la CGIL, conduite alors par Sergio Cofferati, mobilise à Rome en 2002. Cependant, le gouvernement Monti réussit avec succès, faute d’une mobilisation syndicale suffisamment forte, à réduire partiellement les contenus de cet article en 2011.

[12] La loi-décret (legge delega) est votée par le parlement qui définit les principes et les critères sur la base desquels le gouvernement est autorisé à légiférer sur une matière donnée. Sur la base de cette loi-décret, le gouvernement promulgue le décret où les normes législatives sur cette matière sont exposées dans le détail. Le décret nécessite encore une consultation du parlement, mais l’avis de ce dernier n’est pas contraignant. Cela veut dire que le parlement peut décider l’application de nouvelles normes législatives sans pour autant prendre en compte l’avis du parlement.

[13] L’activité d’assistance et de conseil de patronage est vouée à l’obtention de prestations de prévoyance, de santé et de caractère social, concernant l’assistance et la maternité, incluant celles en matière d’émigration et d’immigration.

[14] La minorité du PD, la soi-disant «gauche» qui formellement a appuyé la lutte des travailleurs et de la CGIL, aurait pu rejeter le Jobs Act car ces «frondeurs» du PD disposent de 30 élus au Sénat de la République. En revanche, ces 30 élus ont choisi l’option du «vote de confiance» au gouvernement Renzi [ils ont voté «oui» à une décret-loi forement voulu par le premier ministre] en participant pleinement à la destruction des droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses. Seulement deux députés ont voté contre et deux autres n’étaient pas dans la salle au moment du vote…

[15] À cette occasion, la plupart des syndicats de base, notamment l’USB, n’ont pas appelé à la grève unitaire en perpétuant leur attitude sectaire. Cela a contribué à une nouvelle division de la classe laborieuse.

[16] La proposition du courant de l’opposition de gauche au sein de la CGIL («Le syndicat est autre chose») visant à construire une mobilisation d’en bas à travers des nouvelles assemblées locales en proposant une nouvelle journée de grève générale à même de paralyser le pays afin de défier et de chasser le gouvernement Renzi a été rejeté par la direction CGIL.

[17] Renzi a affirmé que «la CGIL doit capituler face à la réalité des faits». Cela se traduit par le fait que la classe ouvrière devrait se laisser faire en acceptant la domination patronale. Pour l’instant, les dispositions du Jobs Act entrées en vigueur concernent les salariés du secteur privé.

Camusso et Renzi
Camusso et Renzi

[18] Le coordinateur de l’opposition syndicale au sein de la CGIL, Sergio Bellavita, a synthétisé ainsi la relation de la secrétaire générale de la CGIL, Susanna Camusso: «Elle a [Camusso] affirmé que peu des cadres ont compris la nécessité d’élaborer la question de la rupture avec le PD. Elle a critiqué le dualisme qui existe au sein de l’organisation entre la rupture profonde des directions CGIL-PD et les bons rapports entretenu au niveau local. Le rapport entre politique et syndicat a été au centre de ses préoccupations, cela en raison des attentes que la CGIL a provoquées au sein d’une part de la classe laborieuse suite à la manifestation du 25 octobre 2014. La perspective d’une CGIL constituant une minorité au sein du PD ou celle de la construction d’un nouveau parti ont été exclues. La CGIL ne peut devenir un syndicat minoritaire, mais elle doit assumer le rôle de protagoniste face aux futurs défis. Il faut innover car on ne peut pas revenir en arrière. C’est ça la position défendue par Susanna Camusso. Enfin, elle n’a pas prôné des journées de grève dans un futur proche. La direction CGIL participera le 18 février à une rencontre intersyndicale avec la CISL et UIL afin d’en consolider les rapports. L’idée avancée est la suivante: le match ne doit pas se jouer dans la rue mais par le biais des négociations, dans la présence au sein des entreprises et dans une pratique d’unité syndicale. La question est donc de savoir quel type d’attitude assumer face à la perspective de négociation et des rapports intersyndicale tout en assumant l’importance du processus sociale en cours. Les négociations et la représentativité syndicale doivent clarifier les moyens pour que, selon Camusso, un renforcement du syndicat soit possible.»

[19] Maurizio Landini, secrétaire général de la FIOM depuis juin 2010, a copublié en 2011 un livre intitulé Changer l’entreprise pour changer le monde – la FIAT, le syndicat, la gauche absente. (Réd. A l’Encontre)

[20] Récemment, les salariés du groupe privé de télécommunications Telecom ont  rejeté par un referendum un accord syndical liberticide conclu dans un secteur d’activité de l’entreprise, alors que les salariés du secteur bancaire ont organisé une journée de grève nationale de la branche contre la décision de l’Association des banques italiennes (ASC) de rompre en septembre 2014 le contrat national de catégorie avant même sa date d’écheance. Ces exemples indiquent qu’il y a encore des potentialités de mobilisations inexprimées en dehors des structures syndicales traditionnelles.

[21] Un secteur visible de la dite gauche politique en Italie est regroupée autour de la liste «Tsipras». À notre avis, celui-ci n’est pas un outil sur lequel s’appuyer pour affronter ces contradictions de classe. En effet, les composantes de cette liste attendent que le «modèle grec» se traduise en Italie par une montée électorale. Elle est concentrée sur une vision institutionnaliste, y compris au niveau d’actions locales, et elle n’a aucune capacité d’action syndicale. Ces forces sont soit subordonnées à la ligne de Camusso, soit, dans les meilleurs de cas, à celle de Landini. À ce propos, il faut souligner le jeu vis-à-vis de la rupture de l’ancien secrétaire de la CGIL Cofferrati avec le PD. Si Cofferrati a eu le mérite d’organiser en 2002 une grande manifestation contre les attaques à l’article 18 du Code de travail, c’est aussi vrai qu’il a été le secrétaire de la concertation, de la subordination aux règles de l’Europe ainsi que des décisions politiques discutables à l’époque de son expérience comme maire de la ville de Bologne. Espérer que les courants de la gauche italienne dépendront d’un tel personnage politique, c’est ne pas comprendre l’ensemble du processus social à l’œuvre dans notre pays.

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