Grèce. Van Gogh Samaras et Picasso Venizelos

Antonis Samaras et Evangelos Venizelos
Antonis Samaras et Evangelos Venizelos

Par Kostas Vaxevanis

Voici un site auquel les lectrices et les lecteurs du site alencontre.org qui s’intéressent à la situation en Grèce devraient s’abonner: Okeanews. Nous publions ci-dessous un article, daté du 25 juin 2013, de Okeanews en espérant que cela encouragera les nombreux visiteurs de notre site à s’abonner et à soutenir ainsi Okeanews. Dans la mesure où cet article, comme indiqué, a été écrit avant le remaniement gouvernemental, voici quelques informations à ce sujet. Pour mémoire, lors des élections de juin 2012, le parti de la Nouvelle Démocratie (parti du premier ministre Antonis Samaras) avait réuni 29,66 % des votes et le PASOK, dirigé par Evangelos Venizelos, arrivait au troisième rang avec 12,28 % des suffrages. Actuellement, selon les divers sondages, la Nouvelle Démocratie oscille entre 22 et 24 %, en moyenne. Le PASOK obtient au maximum 7 % et souvent 4 % d’opinions à la question: Pour quel parti voteriez-vous aujourd’hui? Dans le nouveau gouvernement, le PASOK disposera de 11 ministres.Le total de ministres et secrétaires d’Etat s’élève à 42 (certains journaux indiquent le nombre de 41). Six d’entre eux sont des journalistes; 7 sont des fils ou filles de dirigeants des deux partis. Ils sont donc issus des familles Mitsotakis, Varvitsiotakis, Kefalogianni, Kapsis. La famille Kedikoglou a même droit à deux «élus»! Quelques membres sont des associés de Samaras depuis la chute du gouvernement Mitsotakis en 1993. Donc les deux clans familiaux ennemis sont «unis» pour leur survie sociale et politique dans ce «nouveau-vieux gouvernement». Le fils de Konstantinos Misotakis, Kyriakos, sera dès lors ministre de la Réforme de l’administration, avec l’objectif de licencier au moins 15’000 fonctionnaires jusqu’en fin 2014.

venizelos_samarasLa crainte d’élections et d’une défaite de Samaras avant les élections allemandes du 22 septembre 2013 et l’appui décidé de l’Union européenne sont parmi les facteurs principaux qui ont déterminé cette recomposition gouvernementale suite à la montée socio-politique qui a été révélée à l’occasion de la fermeture de l’ERT (la télévision publique). Quelque 65 % des personnes interrogées étaient opposées à la fermeture de l’ERT et du symbole que cette décision traduisait en termes d’autoritarisme de la part du gouvernement. En outre, à leur façon, les journalistes de l’ERT ont dû prendre parti, ce qui s’est vu dans les émissions mises en ligne, émissions où les mouvements sociaux divers purent prendre la parole pour la première fois. Et cela dans un contexte où tous les plans économiques de la Troïka et de leurs juniors partenaires grecs ont fait naufrage. La lumière au bout du tunnel s’est éteinte pour la très large majorité. La communication du gouvernement Samaras s’est obscurcie comme le petit écran officiel de l’ERT.

laurelHardyCe gouvernement est composé d’un recyclage de «personnalités» – dont certaines ont des enquêtes qui leur pendent au nez – qui feront, sans aucun doute, appel à une campagne en faveur de la stabilité du pays pour «aider la mise en place des réformes». Autrement dit: le «respect de la loi et de l’ordre» sera au poste de commandement.

Un problème: les membres de ce gouvernement sont les dernières étoiles, plus ou moins ternies, de la droite traditionnelle – bipartisane – de la Grèce. Une odeur de «après nous, le déluge» règne sur Athènes, avec les dangers qui en découlent si la gauche radicale – dans ses diverses composantes, en particulier la plate-forme de gauche de Syriza – ne peut bâtir une alternative politique crédible: socialement, politiquement et en termes économiques élémentaires. (Charles-André Udry)

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Selon la presse grecque, Samaras et Venizelos sont en train de poser les dernières touches sur le remaniement du gouvernement (ndlr Okeanews : article publié avant le remaniement ministériel). Un peu de lilas Adonis par ici, un peu de noir à la Voridis par-là, du vert camouflage à la Christofilopoulou, pour ne pas oublier le mauve du (politiquement) défunt Chrysochoïdis qui, bon élève ou mauvais élève, a tout intérêt à s’accrocher au PASOK s’il ne veut pas disparaître à jamais.

Maintenant que l’agenda politique a changé et est devenu un dilemme portant sur des noms, souvenons-nous comment on en est arrivé là. Un choix posé par le gouvernement concernant ERT a, d’abord, provoqué la huée de la société et, ensuite, la crise politique. Pour résoudre cette crise politique, on a mobilisé toutes les anciennes tactiques de parti : chantages, pression, promesses pour l’avenir. On se servit, bien entendu, également, du scénario de base de résolution des crises politiques selon lequel, quand une crise vous met en péril, vous lui attribuez les traits monstrueux d’un des résultats probables. En un mot comme en mille, on la remplit de faux dragons sur lesquels, par la suite, on remporte une victoire tonitruante en adoptant le rôle de saint Georges le Mouroutis [le responsable de la communication d’Antonis Samaras ; il est aussi membre de la dite «truth team» qaui a pour but de discréditer Syriza et toute opposition, dans la meilleure tradition des Blair et W. Bush].

Ainsi, en théorie, les Picasso du remaniement sont joyeux. Ils gouverneront jusqu’à octobre, avec un gouvernement constamment «taillé sur mesure», en espérant que, le moment venu, ils tireront le coup de feu qui mettra fin à cette amitié de loups. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, la joie de Samaras-Venizelos a disparu sous l’effet un article publié par Varoufakis et Galbraith dans le New York Times. Surtout sous le titre de l’article « Seulement Syriza peut sauver la Grèce. » Il s’agit d’un article très intéressant [1], mais ce qui le rend encore plus intéressant c’est qu’il est arrivé à ruiner les 24 heures médiatiques de miel des nouveaux mariés. Selon leur logique politique, pour que la Grèce soit gouvernée, elle a besoin des faveurs du «facteur étranger». Ainsi, il ne s’agit pas uniquement de tout livrer aux étrangers, mais aussi de se faire photographier avec Angela Merkel. Il faut qu’il y ait une photo où Venizelos touche au tailleur couleur vert-pomme de la chancelière. Il faut immortaliser l’instantané où Obama regarde Samaras dans le blanc des yeux. Cet héritage politique de la doctrine Purifoy hante les gouvernants en Grèce.

Ainsi, dans cette logique, si le New York Times affiche un titre aussi agressif, c’est une preuve de la faveur du «facteur étranger» envers SYRIZA. D’autant plus que, récemment, Obama refusa de recevoir Samaras qui finit par se faire photographier avec Aliev [Ilham Aliyev président de la République d’Azerbaïdjan depuis 2008; c’est le fils de Heydar Aliyev, ancien chef du KGB d’Azerbaïdjan «soviétique» et futur président ; il a transmis le pouvoir à son fils], dans le fin fond de l’Asie, histoire d’émousser le fiasco.

Samaras et Venizelos sont troublés dans leur première nuit de noces, la méfiance les envahit. Et, de toute évidence, il n’y a pas que leur amour du pouvoir mais aussi leur incapacité politique qui les rend incapables de considérer que le facteur étranger n’existe pas nécessairement, mais qu’il y a quelque chose qu’ils voient depuis longtemps à l’étranger. La domination monstrueuse de l’Allemagne sur le monde européen, l’imposition d’une dictature financière, c’est là un grave problème. C’est donc à juste titre qu’ils sont préoccupés tout en posant les dernières touches sur le gouvernement. Sauf que le résultat vert-gris n’est un camouflage qu’en temps de guerre. En politique, ce ton est visible de loin. Et on le voit jusqu’au New York Times. C’est aussi simple que ça. (Traduction: Christine Cooreman pour Okeanews)

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[1] Voici la référence de l’article «opinion» du New York Times écrit par James K. Galbraith et Yannis Varoufakis : «Only Syriza Can Save Greece», publié le 23 juin 2013: http://www.nytimes.com/2013/06/24/opinion/only-syriza-can-save-greece.html (A l’Encontre)

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