Grèce. A la rencontre des «nouveaux sans-abri»

Plus 25% de sans-abri, depuis 2011

Par Mark Lowen

Au cœur d’Athènes, à un jet de pierre des illustres sites antiques, on découvre une autre face de la Grèce d’aujourd’hui. Des centaines de personnes tournent lentement en faisant patiemment la queue dans la petite cour dénudée où est installée la cuisine pour la soupe populaire municipale. Le nombre d’usagers a augmenté d’un quart au cours de ces derniers mois, en même temps que le nombre de sans-abri atteint de nouveaux sommets. Dimitra Nousi, la directrice du centre, explique: «Ce centre a été fondé il y a quelques années pour répondre aux problèmes qui existent dans toute grande ville – les toxicomanes, les alcooliques et ainsi de suite. Mais, tout à coup, ce centre est devenu un lieu qui doit faire face à la pauvreté entraînée par la crise. Il s’agit d’un phénomène tout à fait différent, et nous sommes encore sous le choc

Une pauvreté différente

Les sans-abri ont augmenté d’environ 25% depuis 2009, en même temps que la Grèce sombre rapidement dans la pire crise économique de l’après-guerre. Le pays se trouve maintenant dans la cinquième année consécutive de récession. Le taux officiel de chômage tend à dépasser les 20%, exacerbé par les mesures d’austérité qui ont été imposées par les créanciers en échange d’un prêt supplémentaire pour l’échéance du 20 mars.

Chez les Grecs il est maintenant question d’un nouveau secteur de la société: les «nouveaux sans-abri».Toujours selon Madame Nousi: «Ils n’ont pas le “profil traditionnel” des sans-abri. Ils sont bien habillés et bien éduqués. Jusqu’à l’année passée, ils avaient un bon appartement ou une voiture – et maintenant ils n’ont plus rien. Il s’agit donc d’un autre type de misère, d’un autre type de pauvreté, mais elle est bien réelle.» Une des personnes qui le fréquente régulièrement depuis peu de temps est Vicky Kolozi. Autrefois journaliste animatrice de la chaîne d’Etat ERT, elle a perdu son emploi il y a une année. Maintenant elle ne gagne plus de quoi se nourrir elle et sa fille. «Il est dur de sentir que je dois dépendre de cela maintenant. J’avais des rêves, mais quand on vient ici les rêves se perdent. On doit accepter la réalité, et la réalité est très dure», dit-elle.

Pas d’endroit où se réfugier

Cette réalité est particulièrement rude en ce moment, alors que la Grèce frissonne, avec des températures glaciales. La neige a recouvert une grande partie du nord du pays, où au moins un sans-abri est décédé. Les autres personnes qui vivent dans les rues rencontrent de grandes difficultés pour subsister.

Spiros, âgé de 82 ans, est blotti sous ses couvertures près de la place Monastiraki au centre d’Athènes. «C’est un froid intense, hideux» dit-il en toussant convulsivement. «Mais où pourrai-je aller? Les abris sont pleins de toxicomanes et ma jambe me fait trop mal pour que je puisse me déplacer. En dormant ici j’ai l’impression que je suis déjà dans ma tombe.»

Comme les températures baissent en flèche, plusieurs associations humanitaires procèdent à des distributions nocturnes. Une de ces associations est la Croix-Rouge, qui  expédie à travers la capitale des équipes armées de couvertures et de réserves de nourriture.

En constatant que la crise humanitaire est en train de s’aggraver au fur et à mesure de l’approfondissement de la crise économique, les œuvres de bienfaisance sont en train de renforcer leurs opérations en Grèce. Une autre organisation, Médecins du Monde, a récemment rappelé ses délégués grecs, en poste ailleurs dans le monde, afin qu’ils apportent leur aide dans leur propre pays.

L’équipe de la Croix-Rouge travaille sans interruption jusqu’à l’aube, passant au peigne fin les rues de la ville pour trouver ceux qui dorment à l’extérieur. De nombreux sans-abri sont clairement visibles, appuyés contre les murs des banques ou d’autres symboles de richesse, mais d’autres se terrent dans les tunnels du métro ou dans les parcs.

A mesure que nous avançons le long d’une rue pavée piétonnière, les bénévoles sont arrêtés par un couple qui leur donne des vestes à titre de contribution. La solidarité entre les «gens ordinaires» est en effet un autre aspect de cette crise économique; on a l’impression d’un pays qui s’unit dans l’adversité – et où l’hospitalité grecque traditionnelle devient de plus en plus urgente.

Mais l’hiver avance, tout comme la crise économique grecque. Et ce mélange est toxique pour ceux qui le subissent. (Traduction A l’Encontre)

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Mark Lowen est journaliste auprès de la BBC

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