Grèce. «Tout reste à faire. C’est-à-dire résister et tenir»

Dimanche soir, devant le Parlement: le NON au plan de la «troïka»: 61,31%; le oui 38,69%; participation: 62,5%
Dimanche soir, devant le Parlement, le NON au plan de la «troïka»: 61,31%; le oui 38,69%; participation: 62,5%

Par Panagiotis Grigoriou

Sept jours qui ont ébranlé leur monde. La large victoire de notre NON, près de 60%, est déjà offerte aux autres peuples d’Europe et bien au-delà. A Athènes, les partis systémiques, forcement européistes, se cherchent et se perdent sur les plateaux de leurs télévisions… sauf qu’ils complotent comme ils le peuvent, avant comme après.

Pour nous par contre, une grande bataille est gagnée, et la guerre sera longue. «Les générations futures n’auront pas honte de nous», entend-on sur la radio SYRIZA. «Venceremos», chantait ce soir sur la radio 105.5 (SYRIZA) le vice-ministre de la défense Kóstas Isichos (SYRIZA), né à Buenos Aires. Au centre-ville d’Athènes, c’est déjà la fête populaire. Allégresse, dignité et fierté. «C’est à la fois une victoire populaire, sociale et nationale, celle de la dignité et de la justice, la Grèce ne sera pas leur colonie», a précisé Kóstas Isichos.

Pour Panagiótis Lafazánis, chef du Courant de gauche au sein de SYRIZA et ministre de la Restructuration de la production et de l’Énergie, «c’est un nouveau départ qui doit être initié, avec plus de radicalisation dans nos positions et dans notre action gouvernementale. Comme notre peuple le suggère, lequel devance même la Gauche, car il faut le dire, il faut redémarrer, même à partir de zéro. Et il faut aussi en finir avec l’écrasante et insultante place médiatique que s’offrent les partis de l’ancien système et surtout leurs médias. Il va valoir corriger cela et ainsi renforcer l’espace public démocratique. Notre peuple s’est exprimé et c’est comme un détonateur», radio 105.5, au soir du 5 juillet (cité de mémoire).

La marionnette Antonis Samaras vient de démissionner de son poste dimanche soir. Sa Nouvelle Démocratie… avariée, doit trouver rapidement un autre chef. C’est autant une bien cuisante défaite que subissent les médias mainstream, c’est-à-dire l’ensemble des télévisions et radios privées, échappant comme on sait à l’impôt, aux redevances et aux taxes… depuis toujours. Et cela, sous le règne incontestable du népotisme du vieux bipartisme grec, que l’européisme et les fonds structurels de l’UE ont d’ailleurs prioritairement sustenté. Ces médias, ce soir médusés, ont ainsi joué la carte de la propagande, du mensonge et de la terreur contre la population, contre toute déontologie et contre la démocratie en parfaite coordination avec les putschistes antidémocrates de Bruxelles, Martin Schulz (président du Parlement européen) en tête [1]. Leur dernière carte?

Samedi 4 juillet, j’avais remarqué une manifestation spontanée (non initiée par les partis), devant le siège de la chaîne de télévision MEGA, le temps de la tolérance… du mensonge aurait donc pris fin. Une partie déjà de la population n’entend plus se laisser faire. On sait qu’en Grèce, les journalistes… vedettes de la Troïka, ne sont plus très bien accueillis dans les lieux publics…

Dimanche 5 juillet, dans la journée, je n’ai pas beaucoup vu se manifester les partisans du «OUI», autour et devant les bureaux de vote, contrairement à ceux du «NON». Ce fut déjà un signe. En réalité, le vote silencieux et l’engagement si grave, mais pas forcement exprimé, étaient du côté du «Non» et de la dignité.

Plus de cent mille très jeunes primo-électeurs [qui ont eu 18 ans], illégalement privés de l’exercice de leur droit de vote en janvier 2015 par le gouvernement Samaras, ont alors voté pour la première fois ce dimanche. Ils ont massivement sanctionné les forces du mémorandum et du OUI.

Tout reste à faire pourtant. C’est-à-dire résister et tenir. Alexis Tsípras, a insisté ce soir sur la victoire de la démocratie contre la peur. «Le chantage, ne peut pas s’exercer sur la Démocratie», a-t-il rappelé. Les banques grecques fermées par Bruxelles et par Francfort, certains produits alimentaires manquent déjà des gondoles des enseignes, et voilà que tout cela n’a pas modifié la réponse des Grecs.

Pour Alexis Tsípras et pour SYRIZA (visible), c’est la fin de l’austérité et enfin, la possibilité de gouverner, suite à un futur accord «équitable et qui n’étranglera plus la société grecque, dans l’euro certes, mais sans faire de ce dernier, la prison des peuples» (déclarations de Yanis Varoufákis, le 5 juillet).

Personnellement, je ne crois pas que la camarilla européiste va réellement changer. L’euro est une arme de destruction massive, contre les peuples, contre les souverainetés et contre la démocratie. Les scenarii de ce juillet sont donc ouverts… aux hostilités!

En attendant, notre si beau monde d’en bas fête sa victoire pour ces sept jours, qui ont ébranlé l’autre monde. Europe de l’envers… et Europe de l’endroit. «Venceremos»! (article publié sur le site greek.crisis, le 5 juillet au soir)

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[1] Dans Libération daté du 6 juillet, Maria Malagardis rapporte: «Dans quel pays peut-on accepter sans broncher de voir Martin Schulz [le président du Parlement européen, ndlr] venir nous expliquer deux jours avant le vote que tout est plié, que le oui va gagner et que notre gouvernement va démissionner pour céder la place à des technocrates?» s’insurgeait samedi Panagiotis, un ancien cadre dans une entreprise pharmaceutique licencié et devenu malgré lui chauffeur de taxi. «L’Europe est ma maison, ce n’est pas pour autant que j’ai envie que n’importe qui s’arroge le droit de venir dans ma chambre à coucher», s’indignait-il. «Pourquoi sont-ils à ce point vent debout contre le non, tous ceux qui ont toujours dit oui aux créanciers?» s’agaçait de son côté Leonidas, quinquagénaire aux tempes grisonnantes en évoquant le ralliement au oui des conservateurs de Nouvelle Démocratie et des socialistes du Pasok, qui ont gouverné le pays depuis le début de la crise de la dette et jusqu’à la victoire de Syriza fin janvier.» […] «Les menaces et l’asphyxie de l’économie ont effrayé beaucoup de gens, explique Panagiotis, chauffeur malgré lui qui a également travaillé dans l’hôtellerie. Mais d’autres ont aussi en tête les réformes exigées par les créanciers. Supprimer l’allocation de solidarité aux retraités les plus pauvres? C’est les condamner à mort. Quant à demander une TVA de 23 % sur l’hôtellerie, c’est en réalité la rendre moins compétitive, face à celle de la Turquie, par exemple, où la TVA est à 8 % et où les grands complexes hôteliers sont détenus par les Allemands.»

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