Grèce. «Non à un président de centre droit ou de droite!»

Gianna Gaitana
Gianna Gaitani

Par Gianna Gaitani (notes A l’Encontre)

Les rumeurs selon lesquelles SYRIZA pourrait proposer pour la présidence de la République l’actuel commissaire européen Dimitris Avramopoulos [1] ou Kostas Karamanlis [2] ne devraient pas pouvoir continuer, sans réaction de la direction de Syriza. Elles renforcent les doutes créés au sein de la classe ouvrière et des forces populaires suite au choix d’un gouvernement de cohabitation avec les Grecs indépendants (ANEL et sa figure de proue Panos Kammenos) [3]. Elles sont un obstacle à ce que puisse s’approfondir affaiblissent la dynamique socio-politique issue de la victoire politico-électorale de Syriza.

Sur le fond, il n’y a aucune raison que ces candidatures soient évoquées. Même si la coalition avec Kammenos a été invoquée comme raison du «problème numérique» – 149 député·e·s, alors que 151 étaient nécessaires pour une majorité absolue parlementaire. Cela d’ailleurs à tort, parce qu’il y avait toujours la possibilité de demander le vote de «tolérance» devant le parlement sur la base de propositions concrètes. [4]

Pour l’élection du président ne se pose aucun problème «numérique» [5]. SYRIZA peut et doit choisir un président qui permettra de renforcer ses options politique congressuelles affirmées. Cela d’autant plus face à des choix très difficiles dans le futur.

Ce est aussi un argument erroné d’affirmer que l’élection d’un président de la République – tel que l’ex-vice-président de la Nouvelle Démocratie Dimitris Avramopoulos) peut renforce le «consensus» social en faveur de la politique de SYRIZA. Au même titre que la «cohabitation» ne peut que semer la confusion dans notre base sociale, tout en fournissant des armes politiques qui ne devraient pas être sous-estimées (par exemple droit au réexamen de projets de lois) pour les adversaires d’une politique qui, elle, devrait poursuivre avec constance le renversement de l’austérité.

SYRIZA doit choisir et soutenir comme candidat à la présidence de la République une personne qui va accroître la confiance des travailleurs et des forces populaires, la confiance dans l’engagement que nous allons assurer l’application de notre programme par tous les moyens nécessaires [6]. (Traduction d’Antonis Martalis. Texte publié sur le site de Red Network, le 2 février 2015)

Gianna Gaitani est députée de Thessalonique, membre de Syriza et de DEA (Gauche ouvrière internationaliste)

____

[1] Dimitris Avramapoulos est membre de la Nouvelle Démocratie. Il a été maire d’Athènes dès 1993 et réélu en 1998. En 2004, il est élu député de la ND et entre au gouvernement de Kostas Karamanlis comme ministre du Tourisme et de la Santé. Il occupera des postes ministériels sous le second gouvernement Karamanlis. Il a tenté de prendre la tête de la ND. Mais Antonis Samaras fut élu président et lui vice-président. Sous le gouvernement d’union nationale de Loukas Papadimos, il eut la responsabilité de la Défense nationale. Puis, il occupa le poste de ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement Samaras et retourne dès juin 2013 au Ministère de la défense. Il sera récompensé par une nomination comme commissaire européen en septembre 2014 responsable des Migrations, certainement sur la base de la politique migratoire semi-criminelle du gouvernement Samaras. A son avantage, il a reçu de très nombreuses décorations telles que la Grand-Croix de l’ordre du Mérite au Portugal et en Espagne, de l’ordre de la Couronne en Belgique, ainsi que l’ordre de Léopold II de Belgique, de l’ordre national du Mérite de Malte, et la Croix de l’ordre de l’Amitié du Kazakhstan. De quoi être crucifié comme président. (Réd. A l’Encontre)

[2] Konstantinos Karamanlis, dit Kostas, a été premier ministre du 10 mars 2014 au 6 octobre 2009. Le dirigeant du PASOK Giorgios Papandréou prit sa succession. Karamanlis est issu d’une grande famille politique et économique. En effet, son oncle, qui porte le même prénom (d’où Kostas pour le neveu), fut premier ministre à 4 reprises entre 1951 et 1981, un homme d’Etat bourgeois de relief dans l’histoire de la Grèce d’après la Seconde Guerre mondiale. Membre de la ND, il jouera aussi un rôle dans le Parti populaire européen. Une part de son prestige fut atteint par sa gestion plus que discutée lors des gigantesques incendies de l’été 2007 qui détruisirent une partie importante des forêts et des oliveraies. L’origine de ces incendies a toujours été l’objet de débats. Né en1956, donc relativement jeune, des interrogations planent sur l’acceptation de ce poste car cela impliquerait qu’il mette fin à sa carrière politique, à l’ombre d’une présidence. Toutefois, ce poste, dans le contexte d’un gouvernement de Syriza, serait le signe d’une assurance donnée aux classes dominantes grecques et internationales. (Réd. A l’Encontre)

[3] Panos Kammenos, après 2012, a mis l’accent sur la dimension politique anti-austérité, anti-mémorandums («prêts» de la troïka – BCE, UE, FMI – liés à des conditionnalités impliquant un programme brutral de contre-réformes dans tous les domaines et de privatisations) et anti-Union européenne. Son orientation hypernationaliste le pousse à déclarer par exemple que la mer Egée est un lac grec, ce qui relève presque d’un casus belli avec le gouvernement turc d’Erdogan. Il n’a pas manqué tout dernièrement de rappeler la prétention grecque les deux micro-îles d’Imia, dont «l’identité grecque», contre la Turquie, est revendiquée chaque année par Aube dorée. Ce fut encore le cas au début 2015. En outre, Kammenos maintient des liaisons affirmées avec l’appareil institutionnel économico-idéologico-politique qu’elle l’Eglise orthodoxe. (Réd. A l’Encontre)

[4] Il aurait été possible pour la direction de Syriza et le gouvernement de Tsipras de se présenter devant le parlement et de demander un vote de «tolérance» sur les points essentiels du programme de Thessalonique, ce qui aurait mis sous pression, peut-être, un ou deux députés du KKE (dont une fraction de la base était oscillante en fin de campagne) et quelques «indépendants». Cela d’autant plus dans la perspective d’un gouvernement de gauche centrant ses appuis vers des forces telles que celles du KKE et d’Antarsya. On ne peut que regretter que certaines composantes d’Antarsya n’aient pas mené une campagne pour l’élection de candidats de la gauche de Syriza lors de l’élection, entre autres dans la périphérie 1 et 2 d’Athènes. En Grèce existe le système des votes de préférence qui se concrétise par l’inscription d’une croix à côté des candidats que l’on veut avantager. (Réd. A l’Encontre)

[5] Pour la seconde édition de l’élection du président qui remplacera Karolos Papoulias, la majorité au 1er tour est de 180, puis de 151, puis majorité relative. (Réd. A l’Encontre)

[6] Diverses directions syndicales allemandes (IG Bau, IG Metall, Verdi, etc.) ont déclaré leur soutien à une politique anti-austérité de Syriza et s’opposent à la politique du gouvernement de coalition d’Angela Merkel pour ce qui est de son attitude face au gouvernement Tsipras. Cette déclaration a été signée par diverses personnalités allemandes et indique que la voie de l’austérité doit être modifiée. Certes, la crédibilité, en termes d’initiatives, d’une telle déclaration peut être interrogée. Néanmoins, il serait plus que nécessaire que les gauches syndicales de combat prennent une initiative européenne de soutien aux travailleurs grecs et aux sections de base d’ADEDY ou du GSEE, qui sont prêtes à engager une bataille, si nécessaire, pour faire appliquer, dans les plus brefs délais, le programme de Thessalonique de Syriza. (Réd. A l’Encontre)

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*