Grèce. A propos des élections parlementaires

Yannis Stournaras, le gouverneur de la Banque centrale de Grèce, après sa rencontre avec Kyriakos Mitsotakis, le vendredi 12 juillet, annonçait la libéralisation de tous les flux de capitaux.

Par Stavros Tombazos

• La Nouvelle Démocratie avec 39,85% de votes et 158 sièges (le premier parti profite d’un «bonus» de 50 sièges) a gagné les élections grecques. Les 158 sièges permettent à Kyriakos Mitsotakis de gouverner le pays basé sur son propre parti, puisque 151 sièges constituent la majorité absolue dans le parlement grec [voir l’article publié sur ce site le 11 juillet 2019 sur les résultats détaillés de la quasi-totalité des formations].

• SYRIZA s’est limité à 31,53% de vote et 86 sièges. Cependant, la surprise de l’élection par rapport aux élections européennes (et surtout par rapport aux sondages) est la légère diminution de l’écart entre la Nouvelle Démocratie est SYRIZA de 9,35 points à 8,32. Avec 31,53%, la perte électorale de SYRIZA par rapport aux élections parlementaires de 2015 est bien limitée malgré la capitulation de l’été 2015 face aux créanciers.

L’interprétation de ce succès relatif de SYRIZA est simple: les électeurs de la gauche votant massivement SYRIZA ont voulu éviter le pire. En fait, le programme économique de la Nouvelle Démocratie n’est pas véritablement différent de celui des trois mémorandums imposés par les créanciers. Il prévoit une diminution drastique de la fonction publique, un système de retraite (par capitalisation) privé, parallèle au système par répartition, des déréglementations supplémentaires du travail. La diminution de l’impôt promise ne peut se faire qu’au détriment des prestations sociales de l’Etat aux plus pauvres et aux victimes de la crise.

SYRIZA a dénoncé le thatchérisme de la Nouvelle Démocratie, et il a pu convaincre l’électeur de la gauche que l’austérité peut être encore pire. Les élections européennes ont d’ailleurs permis à ce dernier d’exprimer sa colère par rapport à la capitulation de 2015. L’électorat a eu l’occasion de punir SYRIZA dont le résultat électoral s’est limité à 23,76%. En outre, le fait que le thatchérisme économique du nouveau gouvernement est combiné avec un parfum de Pinochet au niveau de la politique sécuritaire a conduit aux urnes beaucoup d’électeurs de la gauche pour empêcher le triomphe annoncé de la droite. Les intentions du nouveau gouvernement par rapport à la politique sécuritaire apparaissent déjà dans le choix des ministres et la réorganisation des responsabilités ministérielles: l’immigration sera traitée plutôt comme une «invasion» qu’une question humanitaire, les forces de répression seront renforcées, l’asile des universités supprimé et les droits des prisonniers diminués. Le problème avec les désastres politiques et sociaux, c’est qu’il y a toujours des désastres encore pires.

• L’autre grande surprise de l’élection est que l’organisation néonazie, Aube Dorée, est restée hors du parlement, n’arrivant pas à franchir le seuil de 3%. Elle a recueilli 2,93% des suffrages. Le procès contre cette organisation, accusée d’être une organisation criminelle, a joué un rôle important dans la chute spectaculaire de son pourcentage électoral. Il a eu des répercussions graves sur son appareil, ses cadres tentant de minimiser leur culpabilité dans les activités criminelles en s’accusant les uns les autres. En même temps, l’action du mouvement antifasciste au niveau local, qui a pu «expulser» Aube Dorée de certains quartiers où elle était bien enracinée, constitue une autre cause importante de sa défaite électorale.

• Une nouvelle organisation de l’extrême droite, la Solution Grecque, est entrée au parlement avec 10 sièges (3,70%), mais cette organisation n’a ni les ressources, ni les cadres pour jouer un rôle significatif dans la vie politique grecque.

• Le Parti communiste (KKE) n’a pas pu profiter de la crise majeure de SYRIZA après la capitulation de juillet 2015. Dans chaque élection, son pourcentage électoral diminue légèrement. Cette fois, il a obtenu 5,3% contre 5,6% aux élections parlementaires précédentes. Avec une politique extrêmement sectaire, anti-européenne et sans aucun programme transitoire, ce parti continuera de s’affaiblir et de se marginaliser.

• Le résultat électoral de Zoé Konstantinopolou, ex-présidente du parlement grec, s’est limité à 1,46%. La politique (qui se voulait ni de gauche ni de droite) sur la question de la Macédoine du Nord, une politique qui s’est alignée sur les critiques nationalistes de la droite de l’accord de Prespa, ne pouvait séduire les électeurs de la gauche et ne lui a pas apporté des électeurs de la droite.

• Le résultat électoral de l’Unité Populaire était encore pire: 0,28%. Cette organisation, qui a dans ses rangs trois ex-ministres du gouvernement de SYRIZA, n’a pas eu de positions claires sur l’accord de Prespa (sur la Macédoine) et n’a pas pu formuler un programme convaincant contre le mémorandum. Mettant l’accent plutôt sur la question de la monnaie (euro) que sur la nécessité de rupture avec l’austérité imposée par les créanciers, elle a adopté un langage qui se rapprochait à celui du Parti communiste. La politique «pro-russe» de son leader, Panagiotis Lafazanis (qui a démissionné juste après les élections européennes), sa tentative de collaboration avec des groupes politiques hétérogènes, son apparition dans un canal télévisé contrôlé par l’extrême droite ont également joué un rôle important dans ce désastre électoral.

• Parmi les formations politiques issues de SYRIZA après la capitulation de l’été 2015, seule DIEM25 de Yianis Varoufakis a pu entrer au parlement avec 9 sièges (3,44%). Sa politique a pu convaincre une partie d’électeurs de la gauche qu’il y a une réelle alternative à la politique d’austérité imposée par les créanciers. La dimension européenne de sa politique, son soutien à l’accord de Prespa, son ouverture au mouvement écologistes et, surtout, ses propositions concrètes pour faire face aux créanciers (qui n’exclut pas la possibilité de l’adoption de la monnaie nationale si nécessaire) lui ont permis l’entrée au parlement comme la seule force politique qui insiste encore sur la nécessité de rupture avec les créanciers.

• Le parti de SYRIZA de 2019 n’est plus le même que celui de 2015. Plus d’un tiers de ses nouveaux parlementaires sont des personnalités ou des anciens cadres de PASOK, qui, avec son nouveau nom, Mouvement pour le Changement, s’est limité à 8,10% de votes. SYRIZA continue toujours de se transformer d’un parti de la gauche radicale en un parti social-démocrate. En d’autres termes, dans une large partie, l’ancien PASOK, discrédité par sa politique en faveur des mémorandums, par des scandales économiques et de corruption, est en train de «déménager». Alexis Tsipras ne cache d’ailleurs pas son intention de devenir le nouveau leader du «centre-gauche».

Ce nouveau pari de SYRIZA n’est cependant pas gagné d’avance. Il implique la construction d’un nouveau dispositif de parti et une pénétration plus organique dans les syndicats et les municipalités. Le thatchérisme du nouveau gouvernement, dans le cadre d’un accord avec les créanciers qui n’est pas viable (3,5% d’excédent budgétaire primaire jusqu’à 2021 et 2,2% jusqu’à 2060), conduira tôt ou tard à une renaissance de résistances et du mouvement social. A ce niveau de luttes, SYRIZA n’est plus une force politique crédible.

• Varoufakis de son côté, dans le cas d’une renaissance du mouvement social, pourrait jouer un rôle politique plus important. Son parti n’a pour le moment ni l’appareil, ni les cadres expérimentés pour reproduire une relation entre parti et mouvement analogue à celle de SYRIZA et du mouvement social de la période 2010-2015. Son parti constitue cependant la seule force politique contre l’austérité.

• Les résultats électoraux de l’Unité Populaire (0,28%) et de l’extrême gauche (ANTARSYA: 0,44%) ne sont pas seulement de mauvais résultats électoraux. Ils expriment leur difficulté à adopter le langage et les politiques crédibles aux yeux des victimes de la crise. L’essor politique du Diem25 dépend donc de la renaissance du mouvement social d’une part et de sa capacité de créer les liens nécessaires avec ce mouvement de l’autre. Pour ce faire, il faut beaucoup plus qu’un «front de logique» contre l’austérité et pour la démocratisation de l’Union européenne avec de références idéologiques trop vagues. (Article envoyé par l’auteur le 12 juillet 2019)

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