Grèce: 26 septembre, quelle grève générale?

Par Rédaction A l’Encontre

Le mercredi 26 septembre sera un jour de grève générale en Grèce. Cet arrêt de travail de 24 heures a été appelé par les deux principaux syndicats: le GSEE, représentant les travailleurs du secteur privé, et ADEDY, organisant les salariés du secteur public. Ont déclaré leur participation à cette journée de grève des structures représentant les fonctionnaires du secteur public, les enseignants, les médecins et le personnel hospitalier, les travailleurs des banques, les personnels de nombreux hôtels qui soit n’ont pas été payés, soit sont en train de perdre leur fonds de pension, etc. Les contrôleurs aériens ont aussi annoncé un arrêt de travail, ainsi que les personnels des ferries. Ou encore les travailleurs de la ligne de métro reliant Athènes à l’aéroport international. La déclaration officielle d’ADEDY et du GSEE affirme: «Durant les deux années et demie passées, aussi bien les salaires, les retraites que les allocations sociales ont été frappées de manière répétée; or, la «monstrueuse dette» reste intacte et les appels à de nouveaux sacrifices ainsi que des mesures d’austérité continuent.» Une manifestation, à Athènes, est prévue à 11 heures.

Cette journée de grève s’inscrit dans le sillage de nombreuses journées de grève dans de multiples secteurs, entre autres dans la santé, l’éducation, les transports, par des travailleurs de la métallurgie et des employés de nombreuses municipalités. D’ailleurs, pour la première fois en Grèce, la municipalité d’Acharnon, dans la préfecture de l’Attique (à 10 km d’Athènes), a déclaré qu’elle mettait fin à son fonctionnement, car elle était incapable de payer ses employés et de couvrir ses frais fixes. La municipalité a indiqué qu’elle restait fermée «sans limite de temps jusqu’à ce que les problèmes économiques soient résolus». Ses dettes excèdent de 150% ses revenus. Seule la collecte des ordures pour les écoles et les jardins d’enfants sera assurée, ainsi qu’un minimum de police municipale. C’est une parmi de nombreuses municipalités qui, entre 2004 et 2009, ont opéré des emprunts, faits selon des modalités qu’elles ne maîtrisaient pas, auprès de banques étrangères. Une réalité qui n’est pas spécifiquement grecque mais se constate dans de nombreux pays européens.

Dans le secteur hospitalier, la dégradation est brutale. Les médecins ont badigeonné de sang «artificiel» la façade du plus grand hôpital public d’Athènes, Evangelismos. Leur mot d’ordre: «La santé saigne». Ils ont expliqué qu’ils ne pouvaient plus exercer leur profession médicale effectivement, étant donné les restrictions financières, et dès lors qu’ils ne pouvaient plus traiter leurs patients selon les exigences les plus élémentaires. Les retards dans les salaires dépassent souvent deux mois. Le manque de personnel et de matériel est criant. Dans un centre de soins pour dialyse, les soins ont dû être interrompus car l’électricité n’était plus assurée. Le président de l’association des médecins hospitaliers, Dimitris Varnavas, a rappelé que le gouvernement Papandréou, lors de la signature du premier mémorandum, avait affirmé que le secteur hospitalier échapperait aux mesures de réduction du personnel telles que le plan d’austérité le prévoyait: soit l’engagement d’une personne pour remplacer dix départs à la retraite. Dans les faits, le secteur hospitalier a été soumis à la cure suivante: l’engagement d’une personne à l’occasion du départ de cinq, puis d’une pour dix départs, puis aucun engagement à l’occasion de dix départs. En juillet 2012, 349 personnes quittaient le système hospitalier public et personne n’a été recruté.

Dans le secteur de l’enseignement primaire et secondaire, le manque d’enseignants est criant. Selon le syndicat des enseignants, il manque, pour la région du Grand Athènes, en ce début d’année scolaire, 5000 enseignants pour ce qui a trait aux crèches, l’école primaire et l’éducation spécialisée, et 3500 pour le secteur de l’école secondaire.

La multiplication des grèves débouche d’ailleurs sur la revendication par des secteurs de salariés d’initier une grève plus radicale de trois jours.

Le programme de privatisations a des vastes objectifs: collecter 19 milliards d’euros jusqu’en 2015 et 50 milliards au total à l’horizon 2020. Toutefois, le nouveau dirigeant du fonds spécialisé pour les privatisations, Takis Athanasopoulos, ne peut présenter qu’un bilan modeste. Depuis la création du fonds le 1er juillet 2011, le produit de «ces ventes» ne s’élève qu’à 1,6 milliard. Et en 2012, les 300 millions d’euros viendront essentiellement de la cession de 29% du capital de l’Etat dans les loteries nationales OPAP. Le transfert dans le fonds de privatisations de 17% du capital détenu par l’Etat dans la compagnie d’électricité cotée Public Power Corporation (PPC) – l’Etat en détient 51% du capital – ne peut pas se développer au rythme prévu car la résistance syndicale est forte et inclut des secteurs du PASOK et y compris de la Nouvelle Démocratie. D’ailleurs, le patron du fonds de privatisations était l’ancien directeur de PPC. La privatisation de l’Hellenic  Postbank a suscité l’occupation des locaux de cette entité bancaire qui est le symbole d’une banque d’épargne populaire. Dès lors, les privatisations se développent dans le secteur immobilier. Terrains de l’ancien aéroport d’Athènes, immeubles du centre audiovisuel construit lors des Jeux olympiques de 2004, grandes propriétés à perspectives touristiques dans les îles de Corfou et de Rhodes ou sur la péninsule Vouliagmeni proche d’Athènes. A cela s’ajoutent des bâtiments publics. Les projets de privatisations pour 2013 se concentrent sur les sociétés de distribution d’eau et de collecte de déchets de Salonique et d’Athènes. Ces sociétés possèdent aussi de vastes terrains. La privatisation de la poste donnera lieu, certainement, à un sérieux affrontement social. Pour l’année prochaine sont en vue les privatisations d’Hellenic Petroleum (ELPE), des gaziers DEPAet DEFSA et de ce qui reste du port du Pirée ainsi que de celui de Salonique. Les mobilisations contre les mesures d’austérité liées au paiement de la dette et contre les privatisations vont converger.

Nous avons déjà souligné la montée du chômage (voir sur ce site les données publiées en date du 9 septembre 2012). Une nouvelle enquête a été publiée par le fonds d’assurance IKA. Selon des inspecteurs du travail, de janvier à juillet 2012, à l’occasion d’inspections concernant le statut de 35’674 salariés, 12’629 d’entre eux travaillaient sans sécurité sociale, c’est-à-dire sans assurance maladie et sans cotisation pour la retraite. Autrement dit, 35,5% d’entre eux se trouvaient sans sécurité sociale. Pour la même période de janvier à juillet 2011, ce pourcentage se situait à hauteur de 29,11. Voilà un des traits de la précarisation systématique de ceux qui disposent d’un travail. La paupérisation est si brutale que le maire d’Athènes, Kaminis, a annoncé que les services d’urgence humanitaire nourrissaient quotidiennement plus de 8000 personnes. A cela il faut ajouter tous ceux et toutes celles qui survivent grâce à l’aide alimentaire d’ONG, d’associations et de l’Eglise orthodoxe. Des organisations de gauche sont de même actives dans la distribution de repas dans les quartiers; une solidarité compréhensible mais qui parfois aboutit à ne plus pointer les causes effectives de la situation.

Sur un tel humus de crise humanitaire – pour reprendre la formule du député de SYRIZA, Rena Dourou, qui avait été attaquée physiquement à la télévision par un représentant d’Aube dorée – l’organisation néonazie Aube dorée multiplie les initiatives publiques: attaques dans divers marchés de vendeurs étrangers, en brisant leurs stands de vente; contrôle, en costume nazi, en prenant l’aspect d’une force supplétive, des cartes d’identité et des licences pour tenir un stand; distribution de nourriture aux Grecs avec contrôle des cartes d’identité, etc. Parallèlement, Aube dorée commence à organiser un secteur de la jeunesse dans les salles de sport, des entraînements aux arts martiaux, etc.

Deux enquêtes d’opinion conduites les 18 et 19 septembre indiquent, pour l’une, que SYRIZA obtiendrait 20,8% des voix, Nouvelle Démocratie 19,6%, Aube dorée 8,8% et le Pasok 7,3%. Le KKE (PC) récolterait 3,9%. Pour l’autre: Nouvelle Démocratie 24,2, SYRIZA 23,1, Aube dorée 9,3, Pasok 8,2; et le KKE 4,6.

La journée de grève du 26 septembre va être un indicateur de la dynamique effective de la résistance sociale active au moment où 90% des Grecs considèrent les mesures d’austérité «injustes», mais où 66,7% pensent que la Grèce doit rester dans la zone euro, tout en modifiant les mesures prévues par les mémorandums et la Troïka.

Pour terminer, une note helvético-grecque: au parlement, des membres de SYRIZA ont indiqué que le gouvernement grec pouvait et devait disposer des noms de détenteurs grecs de comptes dans les banques suisses. Pour l’heure, le ministre des Finances ne manifeste pas une grande détermination pour obtenir ces informations. Une autre question devrait être posée. La Banque nationale suisse a-t-elle détenu des obligations de l’Etat grec depuis le début des années 2000? Quelle somme a-t-elle retirée des intérêts portés par ces obligations? Au même titre que la Banque centrale de France, ne devrait-elle pas rétrocéder ces intérêts à l’Etat grec?

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