Vers un grand mouvement social en France?

Le 9 mars 2016: les manifestations des étudiant·e·s, souvent étudiant·e·s salariés; rejointes souvent par les travailleurs et chômeurs.
Le 9 mars 2016: les manifestations des étudiant·e·s, souvent étudiant·e·s salariés; rejointes souvent par les travailleurs et chômeurs.

Par Christian Mahieux

Le gouvernement français veut détruire le Code du travail [1]; les dispositions actuelles sont loin d’être parfaites, et nous en combattons quotidiennement certains effets. Mais le Code du travail est aussi le fruit d’un rapport de forces construit au fil des années et des luttes sociales, qui donne des droits et des garanties aux travailleurs et travailleuses ; des droits et des garanties qu’ils et elles n’auraient pas dans le cadre du rapport individuel, totalement inégalitaire, entre patron et salarié. C’est à cela que s’attaque le gouvernement français, satisfaisant de vieilles revendications patronales.

 

Avec ce projet de loi, le gouvernement satisfait de vieilles revendications des patrons. Pourtant:

  • En France, il y a près de 6 millions de chômeurs, chômeuses et très précaires.
  • En France, les actionnaires qui s’enrichissent par le travail des salariées ont empoché 47 milliards d’euros de dividendes, pour la seule année 2015.
  • Les capitalistes nous coûtent cher ! Et ils en veulent toujours plus.

Nous étions près d’un demi-million dans la rue, le 9 mars. Organisée en seulement quelques jours, la journée nationale de luttes du 9 mars a été un grand succès. Des manifestations ont eu lieu dans de très nombreuses villes en France : c’est la preuve que le refus de cette loi est ancré profondément dans la population. Nous étions un demi-million de manifestants et manifestantes: cela montre le grand ras-le-bol qui existe dans le pays.

Des manifestations, mais aussi des grèves! Le 9 mars, la grève a été très forte dans le secteur ferroviaire. Le 10, les retraité·e·s étaient dans la rue. Le 15 mars, les syndicats du secteur Santé/Social appellent à la grève. Plusieurs syndicats de la Fonction publique, préparent une grève, le 22 mars. Le 23, grève nationale à La Poste. Tous les jours, des grèves, des débrayages, des rassemblements, ont lieu dans de nombreuses entreprises et dans tous les secteurs professionnels. Les chômeurs et les chômeuses agissent aussi, pour défendre leurs droits, une nouvelle fois menacés. Le 24, jour de la présentation du projet en Conseil des ministres, des actions interprofessionnelles auront lieu.

Les jeunes sont très présent-es dans la lutte. Il y avait beaucoup de jeunes salarié-es dans les manifestations du 9 mars ; les Assemblées Générales rassemblent beaucoup de monde dans les universités et les lycées ; la grève a démarré dans plusieurs de ces établissements ; et de nombreuses organisations de jeunesse appellent à une journée nationale d’actions le 17 mars. Le syndicalisme doit être aux côtés de la jeunesse ! Par la grève, en participant aux manifestations, en mettant l’outil syndical au service des jeunes, le mouvement syndical soit soutenir l’appel du 17 mars.

Contre l’état d’urgence, résistance et offensive! Depuis le vote de «l’état d’urgence» par la quasi-totalité des parlementaires [2], le gouvernement a considérablement renforcé les mesures liberticides. Le patronat en profite pour accentuer la répression antisyndicale. Les tribunaux condamnent des salarié-es qui luttent pour leurs droits et contre les méfaits patronaux (licenciements, salaires non payés, sanctions, discriminations, etc.). Jeunes en formation, salarié-es en activité, au chômage ou en retraite, c’est le moment de mettre à bas ce régime d’exception!

Le projet de casse du Code du travail doit être abandonné! Il faut construire dès maintenant un mouvement de grève pour imposer l’abandon du projet de casse du Code du travail, pour une réduction massive du temps de travail afin de combattre le chômage, pour l’augmentation des salaires et pensions. D’ores et déjà, CGT, FO, Solidaires, FSU, CNT-SO, CNT, LAB, etc., appellent à une grève nationale interprofessionnelle le 31 mars.

Dès maintenant, préparons le 31 et les suites! Le patronat veut nous imposer un recul social historique à travers la loi Travail du gouvernement. Nous pouvons empêcher cela, nous pouvons renverser la vapeur et imposer une profonde transformation sociale. C’est dans les entreprises et services que ça se joue ! Organisons une puissante journée de grève nationale interprofessionnelle le 31 mars, préparons les Assemblées Générales pour décider de la reconduction du mouvement ! La mobilisation virtuelle par Internet est une chose, le jeu politicien en vue des élections de 2017 en est une autre : mais c’est l’action directe des travailleurs et des travailleuses à travers le mouvement social qui se construit aujourd’hui qui sera déterminant pour l’avenir! Christian Mahieux, Union syndicale Solidaires

[1] Le Code du travail reprend la législation minimale applicable dans toutes les entreprises. Le projet des patrons et du gouvernement est, d’une part de revoir de nombreux points au détriment des salarié-es, d’autre part d’affaiblir le poids du Code du travail au profit des « négociations » entreprise par entreprise, là où les travailleurs et les travailleuses ont plus de difficultés à résister. C’est, malheureusement, ce que le patronat a déjà réussit à imposer dans bien des pays.

[2] Celles et ceux de Droite, du Parti Socialiste, du Parti Communiste Français, du Front de Gauche, d’Europe Ecologie – Les Verts, tous et toutes ont voté en novembre « l’état d’urgence » qui donne des pouvoirs exorbitants à la police, qui organise la répression à grande échelle ! Il n’y a eu que 6 parlementaires sur 558 pour voter Contre (3PS et 3 EELV)!

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Post-scriptum en date du 14 mars 2016: «De la riposte à l’offensive»

La manœuvre du gouvernement de ce lundi 14 mars consistant à faire croire qu’il présente un nouveau projet – alors que l’essentiel du précédent et sa logique sont toujours présents – est à juste titre dénoncée par la majorité des organisations syndicales et de jeunesse. C’est ce qui compte pour construire la lutte, pas le lâchage, sans surprise, de la CFDT ou de l’UNSA [1]! Certes, la plupart des confédérations syndicales refusent de parler de grève générale, de mouvement reconductible ou même de lutte prolongée. Mais sur le terrain, il se passe des choses : des intersyndicales locales n’ont pas ces réticences et un appel de syndicalistes CGT, Solidaires, FSU, CNT-SO, LAB, etc., est en cours de signature. Il est intitulé «de la riposte à l’offensive» et met en perspective le blocage de l’économie, la généralisation et la reconduction du mouvement à compter du 31 mars pour obtenir le retrait du projet de loi et ainsi pouvoir lancer «notre contre-offensive» (Christian Mahieux) [Nous y reviendrons].

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[1] «Je viens de confirmer au Premier ministre, au nom de FO, faute de suspension, la demande de retrait du projet de loi», a twitté son secrétaire général, Jean-Claude Mailly. «CFDT, CFTC et CGC considèrent que les annonces de Valls vont dans le bon sens», a déclaré par SMS le secrétaire général de l’UPA, Pierre Burban, à Reuters.

Le jugement du patronat est donné dans le quotidien économique Les Echos, en date du 15 mars 2016, à 7h du matin: «Il est encore trop tôt pour dire si l’exécutif [Hollande-Valls-Macron] a gagné son pari, mais d’ores et déjà, la CFDT, au centre du jeu, semble satisfaite de cette réécriture du projet de loi. «Un projet de loi déséquilibré devient potentiellement porteur de progrès pour les jeunes et les salariés», a affirmé Laurent Berger, son secrétaire général, se targuant d’avoir «fait avancer» ce texte. Les autres syndicats réformistes sont aussi sortis plutôt rassurés de Matignon. Même amendé, le projet de réforme est toujours aussi critiqué par la CGT et par FO, qui ont continué à réclamer son retrait. Mais le gouvernement échappera à une grande mobilisation unitaire le 31 mars.» (15 mars 2016). On verra le 31 mars, quand sonnera le tocsin et pas les espoirs patronaux sous la double forme de la propagande et de l’injonction. (Rédaction A l’Encontre)

La rencontre des «partenaires sociaux», avec les sourires sur commande de El Khomeri, Valls, Macron.
La rencontre des «partenaires sociaux», avec les sourires sur commande de El Khomri, Valls, Macron.

1 Commentaire

  1. Puisqu’il est question d’offensive, peut être serait-il nécessaire de s’entendre sur des objectifs. À cette fin, des extraits d’un tract :
    Après quarante ans de précarisation et de chômage de masse, le mythe du plein emploi, et sa version édulcorée « la création d’emploi », sont encore et toujours invoqués pour mettre en concurrence des pans de plus en plus larges de la population, au nom de la raison économique.

    C’est encore au nom de l’emploi – et par là même, implicitement, au nom du droit au travail – que le gouvernement entend renverser le droit du travail avec sa Loi travail. Une fois de plus, il faudrait accepter davantage de flexibilité et moins de droits. On cherche par tous les moyens à nous acculer à un chacun pour soi suicidaire.
    Retrait de la Loi travail !
    Pas de droit du travail sans droit au chômage !
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=8073

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