«Pour le retrait de l’armée française du Mali et de l’Afrique»

2013-02-10T210703Z_2_APAE91916NI00_RTROPTP_2_OFRTP-MALI-20130210Texte de l’intervention faite au nom du MPS/BFS (Mouvement pour le socialisme / Bewegung für Sozialismus) lors de la manifestation, à Genève devant le consulat français le 28 février 2013, pour le retrait des troupes françaises du Mali

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Chers amis, chers et chères camarades,

Je vais dans cette brève intervention souligner quelques points qui nous semblent importants. Le Mouvement pour le socialisme va publier une brochure sur la crise multiface au Sahel, sa spécificité malienne et la politique des impérialismes, entre autres de l’impérialisme français, en Afrique de l’Ouest. J’espère que ce document pourra déboucher, d’une part, sur une discussion constructive et, d’autre part, sur la pérennité d’une solidarité internationaliste effective. J’éviterai ici le style déclamatoire pas très utile.

1.- L’intervention militaire française actuelle au Mali – avec ses alliés et les tensions entre puissances impérialistes – s’annonçait dès 2011. Le 30 novembre 2011, le conseiller Afrique de Sarkozy, André Parant, recevait Tiébilé Dramé, candidat potentiel à l’élection présidentielle au Mali – prévue pour avril 2012 – et opposant de nouvelle date au président Amadou Toumani Touré (ATT), pour débattre des mesures à prendre afin de contrôler la situation politique au Mali, que ce soit à Bamako ou dans le Nord.

Six jours avant, soit le 24 novembre 2011, l’ambassadeur français au Mali, Christian Rouyer, exprimait à Bamako la volonté de la FranceAfrique de reprendre la main au Mali. Il n’hésite pas à lier des liens parallèles avec le ministre des Affaires étrangères d’ATT, Soumeylou Boubèye Maïga.

La déliquescence de l’appareil d’Etat malien, la corruption généralisée, l’extinction des subventions de Kadhafi pour finir le mois, un Nord malien, délaissé, qui prenait une autonomie croissante avec la présence de forces djihadistes et d’ex-légionnaires touaregs qui avaient perdu leur emploi en Libye, tout cela va accentuer la mobilisation des services spéciaux français. Hollande, comme dans d’autres domaines, poursuit, avec cette intervention militaire, la politique de Sarkozy, celle d’une fraction du capital français en l’occurrence.

Dès le mois de juillet 2012, le pouvoir en France a promu une intervention militaire au nord du Mali, contre les groupes radicaux se revendiquant de l’islam radical et mettant en pratique la charia. Ce qui a pu, en janvier 2013, susciter le soulagement d’une partie des Maliens.
Toutefois les armes de désinformation massives aboutissent à ne pas effectuer une sorte de bilan comparé entre les exactions des groupes djihadistes du Nord et les exactions qui continuent, aujourd’hui même, en Côte d’Ivoire, où s’est imposé Alassane Ouattara, celui qui était aussi descendu avec des pick-up armés du Nord vers le Sud, avec l’aide des services spéciaux français et de l’armée de la dite République.

2.- Cette intervention militaire française – qui cherche des alliés plus actifs et une légitimation onusienne – ne peut être séparée de la politique que mène la France depuis 50 ans en Afrique, et particulièrement dans son pré carré. On compte 47 interventions militaires. L’ingérence diplomatique, politique, économique et financière est une autre facette de cette politique militaire, avec sa présence permanente. Or, l’essentiel des décisions et actions ne sont discutées – si l’on prend les critères même de la démocratie parlementaire bourgeoise – ni dans le parlement, ni parfois dans le gouvernement comme l’histoire nous l’apprend, ni parmi la population française et, évidemment, les peuples des divers pays africains. Parfois, la justification de cette diplomatie secrète et des plans militaires est faite au nom du pouvoir d’un dictateur dans un pays africain, parfois sous prétexte que pour mettre un autre dictateur le silence est d’or, d’autant plus quand ce dernier finance les partis politiques français.

3.- Le Mali a servi, depuis 1992, après la Conférence nationale souveraine qui a fait suite au renversement de Moussa Traoré en 1991, comme une vitrine de la démocratie en Afrique. Ainsi Alpha Oumar Konaré, de 1992-2002, a effectué des réformes institutionnelles valorisées par les médias occidentaux. ATT, de 2002 à 2012, était présenté comme ayant mis en place une politique dite consensuelle. Or, sur ce terrain même, les violations des droits de la personne humaine étaient passées sous silence.

Cette publicité démocratique permettait de camoufler la prévalence d’une pauvreté endémique, un terreau social d’une grande «fragilité» sur lequel se développaient aussi bien la corruption que les trafics en tout genre. Un contexte qui est aussi favorable à une activation d’organisations et de courants islamistes radicaux.

L’anthropologue Gilles Holder, chercheur au CNRS et au Centre d’Etudes africaines de l’EHESS, met le doigt sur cette question lorsqu’il écrit: «La démocratie c’est un grand mot qui masquait le libéralisme économique et l’affaiblissement de l’Etat. Sous prétexte de le désendetter on a déchargé l’Etat qui a dû alléger des politiques sociales. La santé, l’école, le développement ont été confiés à une société civile artificielle travaillant pour des ONG financées de l’extérieur. Ce fonctionnement a nourri une nouvelle bourgeoisie déconnectée de la réalité.» Holder continue ainsi une réflexion qui mérite l’attention quand on cherche à comprendre la situation au Mali et la politique impérialiste avec ses connivences avec des chefferies et autres clans: «N’oublions pas que 75% des Maliens sont analphabètes et que 92% ne maîtrisent pas le français. La démocratisation, en introduisant la compétition dans la sphère islamique, a entraîné le transfert de la chose politique vers le religieux. C’est là que l’on discute du statut de la femme, de l’excision, de la polygamie, de la peine de mort, du chômage, du manque de justice. Il n’y a pas d’autres lieux où le peuple peut débattre dans les langues nationales.»

Voilà une approche qui rompt avec les analyses eurocentristes qui ne tiennent pas compte de la colonisation, de la période dite post-coloniale, de la régression sociale, économique, politique imposée par des plans d’ajustement structurel, ainsi que des tensions régionales se superposant à une histoire longue dans cette région sahélienne.

Une illustration de la tutelle économique française: les dévaluations du franc CFA, imposées par la France au nom de la compétitivité à l’exportation, faisaient exploser les prix des biens à l’importation et rendaient impossible, par exemple, l’achat de médicaments pour la très large majorité de la population, au même moment où les dirigeants à la botte de la France spéculaient sur des dévaluations dont ils connaissaient les dates…

4.- Il est bien connu, comme le soulignait depuis des années Antoine Glaser, dans sa Lettre du continent, que des secteurs de l’armée malienne ne rechignaient pas à des collusions avec tous les trafics possibles, y compris dans la période récente avec l’AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) qui, en partie, est un prolongement du Groupe salafiste pour la prédication et le combat qui aurait été éradiqué par les militaires algériens.

Le coup d’Etat du 22 mars 2012 du colonel Amadou Sanogo, fomenté contre ATT, n’est au fond que l’expression d’une mutinerie de soldats qui n’étaient plus payés depuis des mois et des mois et assistaient au train de vie des dirigeants démocratiques qui vont se faire soigner en avion à Paris. La désagrégation de l’armée malienne, dont le coup d’Etat est une expression, sera transformée en un élément de justification d’une intervention militaire spéciale, couverte, dès 2011-2012, puis d’une intervention massive, à l’échelle de la France, dès le 11 janvier 2013.

La France et ses alliés ne vont pas hésiter à mettre en place le président de l’Adema, Alliance pour la démocratie, Dioncounda Traoré, pour organiser une célèbre transition… qui se terminera par des élections placées sur la tutelle française, pour l’essentiel. Elections qui auront lieu quand le contrôle de la situation sera jugé suffisant par l’Elysée. Et les formes de la présence française à nouveau définies. Pendant ce temps, les médias mettent en relief le rôle de l’armée tchadienne, en évitant de caractériser la nature dictatoriale du régime tchadien d’Idriss Déby, dont le fils est formellement à la tête de troupes censées être aptes à combattre dans des régions désertiques.

5.- Les intérêts économiques français constituent évidemment un élément significatif de cette intervention.

On peut nommer des groupes économiques qui ne sont pas souvent pris en compte. Ainsi la firme Thales (qui est présente dans l’électronique de défense, le militaire, etc.) et GDF-Suez se sont déjà rendus à Bamako. C’est ce que le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, nomme «la diplomatie économique».

La société de sécurité Erys, dirigée par Arnaud Dessenne et Pierre Montoro, installée au Mali avant la crise politico-militaire, espère bien capitaliser sur leur présence. La firme de sécurité EHC-LLC, dirigée par Jean-Pierre Pérez, général à la retraite, a déjà soumis ses offres à la présidence malienne! Le Business de l’Insécurité a de beaux jours devant lui!

Un secteur s’anime: l’extraction aurifère, qui ne souffre pas de la situation au nord du Mali. Mais il est stratégique. Les exportations de ce secteur représentent, en 2011, 70% des revenus d’exportations. Et, sous pression des tuteurs, le code minier datant de février 2012 va être modifié pour attirer de nouveaux investisseurs, selon la formule traditionnelle. Ce changement va avoir ses effets pour développer l’extraction de la bauxite (aluminium), du diamant et du fer.

Enfin, plus important, les mines d’uranium. On ne parle que de celles gérées par AREVA au Niger.
Le groupe canadien Cascade Resources prospecte ce métal stratégique dans la région entre Gao et Kidal. Le projet de Samit, dans le bassin de Tilemsi, serait similaire au bassin de Tim Mersoi, aux mains d’Areva au Niger.

Autrement dit, le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) est assis sur une mine d’uranium, ce qui n’est pas à négliger pour comprendre son alignement actuel sur l’armée française.

6.- Pour terminer, nous pensons qu’une certaine connaissance du Mali ne devrait pas stimuler des déclarations et affirmations qui mettent à charge des «forces progressistes» du Mali des tâches allant de la démocratie vers une transition socialiste.

Les références faites à l’Union nationale des travailleurs du Mali – qui est proche d’ATT – ou à la Coordination des organisations patriotiques du Mali (Copam), proche de Sanogo – passe comme chat sur braise sur la réalité sociale du Mali. Dans sa thèse 11 sur la Révolution permanente, texte datant du 30 novembre 1929, un certain Trostky écrivait et cela est souvent ignoré: «Un pays colonial ou semi-colonial arriéré dont le prolétariat n’est pas suffisamment préparé pour grouper autour de lui la paysannerie et pour conquérir le pouvoir est, de ce fait, même incapable de mener à bien la révolution démocratique.»

Il en découle que des tâches démocratiques de conquête de l’autodétermination, de respect de la sécurité des droits humains élémentaires, de projets fédératifs permettant à la fois la recomposition du pays, de ses institutions et le développement d’organisations aptes à représenter, sur la durée, la majorité de la population paupérisée sont certainement à l’ordre du jour. Comme l’indiquent des déclarations en provenance de femmes maliennes.

Le soutien, même modeste, à ce type d’initiatives doit compléter la campagne pour un retrait immédiat des troupes françaises du Mali et la fin du pillage des ressources de ce pays, donc pour la souveraineté des populations du Mali sur ces richesses.

Je vous remercie.

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