France. Guéant, le charme discret des petites enveloppes

N. Sarkozy et C. Guéant
N. Sarkozy et C. Guéant

Par Hubert Huertas

A quoi reconnaît-on un politique qui a réussi? En lisant la presse de ce matin, 11 juin 2013, on trouve des éléments de réponse. Un élu dominant c’est un homme ou une femme qui échappe aux règles qu’il incarne, et qui s’imposent aux citoyens normaux. Prenez Claude Guéant [dès 2007, le préfet Guéant devient secrétaire général de la présidence de la République française, le jour de l’investiture de Nicolas Sarkozy; de février 2011 jusqu’en mai 2012, il est ministre de l’Intérieur de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration en février 2011]

Il a donc touché 10’000,00 euros par mois de primes en liquide, pendant deux ans, soit 240’000,00 euros au total, dans un pays dont le salaire médian est de 1500 euros fiscalisés. Il les a touchés en plus de revenus qui comprenaient son salaire, les primes officielles qui remplaçaient un ancien système de primes occultes en liquide supprimé par Lionel Jospin [Premier ministre de juin 1997 à mai 2002], et auquel s’ajoutait donc le maintien de l’ancien système officiellement aboli, mais qui perdurait quand même…

Rappelons que cet aimable cumul avait cours dans le ministère de l’Intérieur, donc dans le Ministère de l’Ordre, tenu de 2002 à 2004 par un futur Président de la République qui parla un peu plus tard de nettoyer les abus [et les banlieues] au Karcher.

Prenez Michel Charasse [«socialiste», sénateur du Puy-de-Dôme, ministre du Budget, puis exclu du PS en 2008, nommé au Conseil constitutionnel par Sarkozy]. Manuel Valls [actuel ministre de l’Intérieur] vient de le priver de ses gardes du corps, trois policiers et deux chauffeurs qui se relayaient devant son domicile, dans la petite commune auvergnate de Puy-Guillaume. Pourquoi ces gardes du corps? Parce que M. Charasse, aujourd’hui membre du Conseil Constitutionnel, c’est-à-dire du Conseil du Droit, a été ministre du budget de 1988 à 1992, et que, dit-il, «il ne s’est pas fait que des amis» pendant cette période.

Prenez Michèle Alliot-Marie, ancienne Ministre de l’Intérieur: six gardes du corps, soit 426’000 euros par an à charge de l’Etat, selon la Cour des comptes qui calcule à 71’000 euros le prix d’un seul agent.

Prenez les anciens Présidents de la République. Des bureaux de fonction de dix pièces, une dizaine de collaborateurs, dix gardes du corps, le salaire de 13’223 euros brut au Conseil Constitutionnel, les retraites, et même pour l’un d’entre eux, Jacques Chirac, l’aimable ami libanais [le fils, Saad, de son ami Rafiq Hariri] qui l’héberge comme un sans-logis, sur trois cent mètres carrés, en bord de Seine.

A eux trois les anciens Présidents [Giscard, Chirac, Sarkozy] coûtent plus de six millions d’Euros par an.

Ceux qui sont chargés de la terre ferme vivent ainsi en état d’apesanteur.

On entend déjà les objections à ce tableau particulier. Il nourrirait une critique irrationnelle et populiste de la classe politique.

C’est qu’en plus des avantages matériels, les politiques de tout en haut ont un autre avantage sur les français d’en bas. Une espèce de bouclier moral.

En effet, quand, par exemple des salarié·e·s protestent à l’idée de perdre des petits avantages acquis, sur les retraites, ou sur le prix de l’électricité quand ils travaillent à EDF [1], ils sont de mauvais citoyens, des profiteurs, les magazines sont pleins de leur dénonciation.

Mais quand vous évoquez, comme je le fais ce matin, les cumuls de leurs grands représentants, là vous êtes un poujadiste [2].

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[1] Selon, le rapport publié, ce 11 juin 2013, par le Médiateur de l’énergie, en Franc, 580’000 foyers ont vu en 2012 leur fourniture d’énergie totalement coupée, résiliée ou restreinte pour cause d’impayés. Ils étaient 500’000 un an plus tôt. (Réd. A l’Encontre)

[2] Qualificatif qui renvoie à Pierre Poujade. Dès 1953, ce dernier prend la tête d’un groupe de commerçants qui s’opposent au contrôle fiscal. Son mouvement e nommera Union de défense des commerçants et artisans (UDCA). Il va traduire une des expressions de l’opposition des «petits» face au «gros», et un dénonciation des «politiciens» de la IVe République. Il développe une xénophobie marquée et un antisémitisme pas trop voilé face à Mendès-France. Le Pen était dans les rangs de la force politique animée, peu de temps, par Poujade: l’Union et fraternité française (UFF). (Rédaction A l’Encontre)

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