France. Ford Blanquefort: entre doutes et détermination

Crédit photo: CGT Ford

Par Philippe Poutou

Pour le moral c’est comme pour tout le reste: il y a des hauts et des bas. En ce moment, on peut le dire, on galère pas mal pour mobiliser les collègues de Ford [Ford Blanquefort: début mars, Ford annonçait «ne voir aucune opportunité de production Ford en Gironde au-delà de 2019» sur son site de production de boîtes de vitesses]. Après plusieurs actions importantes, des grèves, des manifestations, des assemblées générales… voilà qu’au fil des semaines, ça devient plus dur.

Certes, ça ne produit pas beaucoup dans l’usine, même pas la moitié des objectifs. La direction, qui croit qu’un ouvrier déprime forcément quand il ne produit pas, voudrait nous remettre au travail (pour notre bien) en utilisant quelques chefs zélés qui mettent la pression. Mais elle n’y est pas encore arrivée. Cette première forme de résistance, complètement légitime, tient bon.

Colère et écœurement

Ceci dit, le climat dans l’usine évolue un peu et pas forcément dans le bon sens. L’intersyndicale s’est disloquée, tout le monde d’accord officiellement sur le fait que Ford doit rester pour préserver tous les emplois mais pas d’accord pour mener des actions. Il faudrait attendre sagement. Le syndicat des cadres appelle clairement à reprendre le travail, pour ne pas déplaire à Ford, à un éventuel repreneur ou pour aider le gouvernement dans ses négociations avec les dirigeants de la multinationale. C’est bien connu, ce sont les cadres qui savent ce qui est le mieux pour nous et, si ça capote, ce sera la faute aux salarié·e·s qui auront lutté. L’art de tout inverser et de faire retomber la responsabilité sur nous.

La plupart des collègues sont écœurés et en colère, ce qui n’empêche pas que pour la majorité la bataille est perdue d’avance: on ne pourra pas empêcher Ford de partir. C’est dans ce climat que l’équipe militante de la CGT, qu’un noyau de collègues déterminés essaient de maintenir la mobilisation à un niveau minimum. Par exemple, le mercredi 4 avril, nous avons organisé une opération «barricades» devant l’entrée des camions. Nous étions très peu, une cinquantaine de collègues, heureusement soutenus par des délégations de postiers et postières, d’étudiant·e·s, de routiers, de militant·e·s du collectif de lutte 33 [code postal de Bordeaux, Gironde: 33]. Au moins, la solidarité et la volonté de convergence fonctionnent.

Alors il y a de l’inquiétude et de l’incompréhension parmi la minorité qui agit. Mais pas de démoralisation. On se dit que ces actions même minoritaires peuvent aider à amorcer une véritable mobilisation. La première bataille, c’est donc de convaincre les collègues qu’il y a véritablement danger si nous laissons toute marge de manœuvre à Ford, que nous avons vraiment intérêt à relever la tête et à résister collectivement. Pour cela, au fil des semaines qui viennent, un des enjeux sera de constituer une équipe militante plus large qui fonctionne et qui s’appuie sur les collègues les plus motivés. (Publié sur le site du NPA le 5 avril 2018)

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