Du nord au sud, le Front national marche sur les mairies

Le vice-président du FN, Louis Aliot, en tête au 1er tour à Perpignan
Le vice-président du FN, Louis Aliot, en tête au 1er tour à Perpignan

Par Marine Turchi
et Mathieu Magnaudeix

Sur fond de forte abstention, le Front national confirme sa progression des derniers scrutins. Il arrive en tête dans plusieurs villes, en particulier dans le sud-est où il balaie la droite. Il remporte dès le premier tour Hénin-Beaumont.

Dimanche 23 mars 2014, à l’occasion du premier tour des municipales, le Front national a confirmé sa progression régulière aux précédents scrutins et affiché des résultats historiques. Le parti lepéniste arrive en tête dans plusieurs villes, notamment dans le sud-est (Avignon, Fréjus, Tarascon, Beaucaire, Saint-Gilles), le sud (Perpignan, Béziers), mais aussi dans l’est, comme à Forbach ou Hayange. Son secrétaire général, Steeve Briois, conquiert Hénin-Beaumont, ville de 25 000 habitants du Pas-de-Calais où il est implanté depuis de longues années

En dehors de Marion Maréchal-Le Pen, candidate sur une liste battue dès le premier tour dans le Vaucluse, tous ses leaders réalisent de bons résultats. Dans de nombreuses villes du sud-est, la droite est balayée et le Front national y devient la première force politique. Marine Le Pen s’était fixé l’objectif de plus de 1000 conseillers municipaux frontistes et avait annoncé que « dix à quinze villes » étaient « potentiellement gagnables ». À 00 h 30, selon le ministère de l’intérieur, le parti avait déjà fait élire 456 conseillers municipaux.

Le FN devrait être présent dans plus d’une centaine de triangulaires, dépassant son précédent de 1995, où il s’était maintenu dans 119 villes de plus de 30 000 habitants au second tour. Il a présenté 595 listes, un chiffre record par rapport à 2001 (200), à 2008 (82) et 1995 (537). Lors des élections municipales de 1995, il avait gagné trois villes (Toulon, Orange, Marignane), dont une de plus de 100 000 habitants. Il avait conquis Vitrolles deux ans plus tard à l’occasion d’une partielle.

Sur les plateaux télé et radio, Marine Le Pen a annoncé, devant des leaders de l’UMP et du PS sonnés, « la fin de la bipolarisation de la vie politique » et s’est félicitée d’un « cru exceptionnel pour le FN ». « Le FN est une grande force nationale. Arriver en tête dans un si grand nombre de grandes villes est la preuve que le FN s’implante durablement », a déclaré la présidente du FN en estimant que les électeurs « ne répondront pas à la tentative (…) de leur faire peur ».

Son bras droit, Florian Philippot, vice-président du parti et lui-même candidat à Forbach (Moselle), a jugé, sur France 2, que le vote FN s’était « enraciné » et « professionnalisé ». « C’était tout l’enjeu du chantier qu’avait lancé Marine Le Pen quand elle était arrivée à la tête du Front national en 2011 et nous sommes en train d’y parvenir », a-t-il estimé. Interrogé sur le « front républicain » en train de se mettre en place dans certaines villes, il a dénoncé un « front des copains », « un front des sortants, de ceux qui s’accrochent à leur place ».

Interrogé sur iTélé, Steeve Briois s’est félicité d’avoir mis « un terme au règne socialiste » et aux « magouilles de l’ancien maire » à Hénin-Beaumont. « Nous allons faire revenir tous ces concitoyens qui ont été trahis, abandonnés, qui ne croyaient plus en la politique, dans le débat politique », a-t-il promis en commentant les résultats nationaux.

Nord

Présentée depuis plusieurs années comme le « laboratoire » du Front national, Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) a été conquise dès le premier tour par Steeve Briois, le secrétaire général du parti, qui totalise 50,26 %. Il devance le maire sortant Eugène Binaisse, soutenu par le PS, EELV et le PCF, qui obtient 32,04 % des voix, et l’ancien maire Gérard Dalongeville (9,77 %).

Briois, proche de Marine Le Pen et natif de l’ancienne citée minière du Pas-de-Calais, se présente depuis 1995 dans cette ville érigée en symbole de la progression frontiste en terres de gauche. Marine Le Pen s’y est elle-même parachutée en 2007 et y a été conseillère municipale jusqu’en 2011. À chaque élection, le parti lepéniste y a progressé : 29,3 % aux législatives de 2007, 28,53 % aux municipales de 2008, 48,2 % aux législatives de 2012, 35,48 % à la présidentielle.

Dans la commune voisine de Montigny-en-Gohelle, le FN arrive en tête avec 28,86 %, devant le maire socialiste sortant (26,86 %). Par ailleurs, le Front national se hisse au second tour à Lille (Nord), du jamais vu. Idem à Roubaix, ville socialiste où le Front national approche les 20 %, à 180 voix derrière le PS.

Comme lors des scrutins précédents, le FN réalise également de bons scores en Picardie. À Noyon, le parti d’extrême droite, représenté par son expert électoral Michel Guiniot, obtient 28,32 %. Mais le second tour devrait se jouer entre les deux frères Deguise (l’un socialiste, l’autre UMP). À Villers-Cotterêts, dans l’Aisne, Franck Briffaut, conseiller municipal depuis 1995, est à 32 %. C’est 200 voix de plus (sur 6 800 inscrits) par rapport aux législatives de 2012.

Nord-est

À Forbach, dans le bassin minier mosellan (22’000 habitants), le vice-président du Front national, Florian Philippot, réalise 35,8 % des voix et passe devant le maire socialiste Laurent Kalinowski. « J’appelle tous les Français à Forbach et ailleurs à maintenant se mobiliser massivement au second tour pour le changement sur nos listes, pour le vote utile capable de battre les sortants », a lancé Philippot sur BFM-TV. Il est bien parti pour gagner la ville, l’UMP ne comptant pas se retirer.

À Hayange (16’000 habitants), le frontiste Fabien Engelmann est en tête avec 30 % des voix. Le maire socialiste sortant est 10 points derrière. Le Front national réalise même 21 % à Metz, alors que certains élus locaux jugeaient un tel score irréaliste il y a quelques jours encore.

À L’Hôpital, la ville qui avait le plus voté pour Marine Le Pen en Lorraine à la présidentielle de 2012, le candidat frontiste recueille 24 %.

Sud-est

En région Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur), le Front national progresse dans plusieurs villes. Notamment dans le Vaucluse, où le FN a obtenu plusieurs députés et conseillers généraux ces dernières années, et où il vise aujourd’hui des intercommunalités.

À Avignon, (nord du Vaucluse), ville détenue par la droite depuis 1995, le FN réalise un score historique au premier tour et arrive en tête avec 29,8 %, suivi de près par la candidate socialiste (29,54 %). Le parti d’extrême droite n’avait recueilli que 9 % aux municipales de 2008 (alors que l’UMP obtenait 39,2 %) et 22,05 % aux législatives de 2012. Cette année, il a parachuté Philippe Lottiaux, ancien collaborateur de Patrick Balkany à Levallois, et récupéré des déçus de l’UMP, dont deux adjoints de la majorité UMP.

Ce résultat doit beaucoup à l’effondrement de l’UMP et son candidat Bernard Chaussegros, qui n’obtient que 20,91 %. Désigné en janvier par l’inamovible maire sortante, Marie-Josée Roig, Chaussegros a raté son parachutage depuis Paris et a fait face à une importante dissidence de son camp. Il a aussi pâti des emplois fictifs du fils de Roig : après ces révélations, la maire sortante a renoncé à être sa numéro deux.À Carpentras, où se présente le suppléant de Marion Maréchal-Le Pen et proche de Bompard, Hervé de Lépinau, la liste Rassemblement bleu marine est aussi devant la droite avec 22,53 % (contre 10,36 % pour le député UMP Julien Aubert), mais derrière le PS (24,47 %). Le FN réalise un score inférieur aux législatives de 2012 (35 %).

À Sorgues en revanche, c’est un échec pour la liste frontiste, menée par un ancien adjoint de la majorité UMP et où figure en dixième position la députée Marion Maréchal-Le Pen. Le candidat UMP est réélu dès le premier tour avec 51,4 %, contre 33,5 % pour le “Rassemblement bleu marine”. C’est moins qu’en 2012, où la nièce de Marine Le Pen avait recueilli 37,65 %.

À Orange, détenue par l’extrême droite, le député et maire sortant Jacques Bompard est réélu dès le premier tour. Son épouse, Marie-Claude Bompard, maire de Bollène, frôle la réélection dès le premier tour avec 49,35 % des voix.

Dans le sud du département, à Cavaillon, le candidat frontiste Thibault de la Tocnay est deuxième, six points derrière le candidat UMP (35,57 contre 41,58 %). C’est une triangulaire qui aura lieu la semaine prochaine, avec la liste de gauche (17,56 %).

Dans le Gard, le parti d’extrême droite avec Gilbert Collard, qui avait décroché un siège de député en 2012, réunit 43,2 % des voix dimanche. Il est largement en tête. Ce dernier s’est félicité sur France 2 de « l’émergence dans le pays d’une volonté de transformation ». À Beaucaire, Julien Sanchez, l’un des responsables de la communication du FN, arrive premier (32,85 %), dix points devant le divers droite. C’est mieux qu’aux législatives de 2012, où il avait rassemblé un peu plus de 33 %. À Nîmes, le second tour opposera l’UMP, en tête (37,8 % provisoire), au Front national, en deuxième position (20,3 %).

À Fréjus, dans le Var, l’ancien coordinateur de la campagne web de Marine Le Pen, David Rachline, 26 ans, arrive en tête avec 40,3 % des voix, loin devant le candidat UMP-UDI (18,85 %). Aux législatives de 2012, ce conseiller régional et municipal n’avait rassemblé que 28,02 %. À Brignoles, où le FN avait remporté la cantonale partielle en 2013, son candidat Laurent Lopez arrive aussi premier, avec 36,46 %. Le Front national est aussi largement en tête à Cogolin, ville varoise de 10’000 habitants: le candidat FN y réunit 39% des voix, et près d’un quart des inscrits sur les listes électorales.

À Digne-les-Bains, dans les Alpes-de-Haute-Provence, la liste Rassemblement bleu marine arrive en tête avec 27,69 %, devant la candidate divers gauche (26,08 %). L’UMP est loin derrière, avec seulement 16,54 % des voix.

Dans les Bouches-du-Rhône, le FN est en tête à Tarascon (39,24 %), mais aussi dans le 7e secteur de Marseille (où le PS subit d’ailleurs une de ses plus grandes déculottées de la soirée).

Sud

C’est l’une des grosses progressions du FN : à Béziers, deuxième commune de l’Hérault, Robert Ménard, soutenu par le parti lepéniste, est en tête avec 44,88 % des voix. L’ancien président de Reporters sans frontières devance de près de 15 points le candidat de l’UMP, l’ancien député Élie Aboud. Ménard semble bien parti pour l’emporter au second tour. Dans les prochaines heures, Béziers va virer au casse-tête pour l’UMP et le PS, qui vont devoir arrêter une position. D’ores et déjà, Robert Ménard appelle les électeurs de gauche à le « rejoindre » au second tour.

À Perpignan, Louis Aliot, vice-président du Front national, atteint 34,2 % des voix, alors qu’il obtenait 32,7 % en 1995 et 24,4 % aux législatives de 2012. Le numéro deux du FN devance de près de 4 points le maire sortant UMP, et arrive largement devant le candidat divers gauche.

La progression du FN est aussi notable à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), ville de l’ancien ministre socialiste Jérôme Cahuzac : Étienne Bousquet-Cassagne, le jeune candidat Front nationa

Ouest

Le Front national parvient à être présent dans trois villes en Bretagne au second tour: à Fougères (16,94%), à Saint-Brieuc (11,29%) et à Lorient (14,78%). Dans cette dernière ville, où une quadrangulaire aura lieu dimanche, il opère une forte percée en recueillant 14,78% des voix, contre 10,35% aux législatives de 2012.

À Elbeuf (Seine-Maritime), terre normande socialiste, le candidat PS est élu dès le premier tour, mais le secrétaire général adjoint du FN, Nicolas Bay, est parvenu à rassembler 35,58 % des voix.

À Laval, le FN se qualifie pour le second tour (10,12%) et la droite se retrouve menacée.

À Limoges surtout, le parti lepéniste rassemble près de 17 % des voix, un record dans cette ville. Le maire sortant PS devra affronter un second tour pour la première fois depuis 1995, à l’issue du premier tour où il s’effondre à 30,11% des voix.

En revanche, à Paris, où le FN pensait avoir « une belle carte à jouer » grâce aux divisions de la droite, il est en dessous des estimations. Wallerand de Saint-Just ne recueille que 5,9 % des voix. (Article publié en date du 24 mars 2014  sur le site Mediapart)

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